Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20170508


Dossiers : A‑5‑16

A‑33‑16

Référence : 2017 CAF 96

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LA JUGE GLEASON

LA JUGE WOODS

 

 

ENTRE :

VENNGO INC.

appelante

et

CONCIERGE CONNECTION INC.
faisant affaire sous la dénomination sociale
PERKOPOLIS, MORGAN C. MARLOWE et RICHARD THOMAS JOYNT

intimés

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 9 janvier 2017.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 8 mai 2017.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GLEASON

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE STRATAS

LA JUGE WOODS

 


Date : 20170508


Dossiers : A‑5‑16

A‑33‑16

Référence : 2017 CAF 96

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LA JUGE GLEASON

LA JUGE WOODS

 

 

ENTRE :

VENNGO INC.

appelante

et

CONCIERGE CONNECTION INC.
faisant affaire sous la dénomination sociale
PERKOPOLIS, MORGAN C. MARLOWE et RICHARD THOMAS JOYNT

intimés

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE GLEASON

[1]  Venngo Inc. fait appel de la décision Venngo Inc. c. Concierge Connection Inc., faisant affaire sous la dénomination sociale Perkopolis, Morgan C. Marlowe et Richard Thomas Joynt, 2015 CF 1338 [Venngo], en date du 3 décembre 2015, dans laquelle la Cour fédérale (le juge Manson) a rejeté les recours de Venngo pour contrefaçon de ses marques de commerce ainsi que des recours connexes. Venngo fait aussi appel de l’ordonnance d’adjudication de dépens rendue le 7 janvier 2016 par la Cour fédérale, qui adjugeait les dépens  aux intimés pour la somme globale de 231 000 $ (Venngo Inc. c. Concierge Connection Inc., faisant affaire sous la dénomination sociale Perkopolis, Morgan C. Marlowe et Richard Thomas Joynt, ordonnance non publiée de la Cour fédérale, dossier T‑467‑11 [l’Ordonnance relative aux dépens]).

[2]  Pour les motifs qui suivent, je rejetterais l’appel formé contre le jugement rendu sur le fond, mais j’accueillerais l’appel relatif aux dépens, comme je l’expliquerai plus loin, et je renverrais la question des dépens au juge de première instance pour qu’il rende une nouvelle décision conformément aux présents motifs.

I.  Le contexte et les décisions de la Cour fédérale

[3]  Venngo et l’intimée, Concierge Connection Inc. (CCI), offrent des programmes de réductions, d’avantages et de primes d’incitation à des organisations canadiennes pour permettre à celles‑ci d’accorder des avantages à leurs propres employés ou membres. Les organisations signent des contrats avec Venngo ou avec CCI, qui, à leur tour, offrent des réductions sur divers produits et services, comme des billets de spectacles, des visites au spa, des séjours à l’hôtel, la location d’automobiles ou des abonnements à des clubs de mise en forme, aux membres ou employés des organisations participantes. Des représentants des ressources humaines des organisations clientes sont généralement les points de contact pour Venngo et CCI. À la date du procès, Venngo et CCI étaient les deux seuls fournisseurs du genre au Canada.

[4]  Venngo a été fondée en 2000 et, depuis 2007, la société offre l’accès à un large éventail d’avantages aux membres ou employés de ses clients, dans une diversité de secteurs, en utilisant plusieurs marques de commerce en liaison avec ses activités. Elle a déposé et enregistré les marques de commerce suivantes :

Marque de commerce

Date du dépôt

Déclaration d’emploi :

Date d’enregistrement

WORKPERKS

4 mai 2007

17 août 2009

15 sept. 2009

MEMBERPERKS

4 mai 2007

18 janvier 2011

28 févr. 2011

ADPERKS

4 mai 2007

9 avril 2009

30 avril 2009

PARTNERPERKS

7 mai 2008

13 août 2009

10 sept. 2009

CLIENTPERKS

29 mai 2009

7 mai 2010

8 juin 2010

CUSTOMERPERKS

29 mai 2009

7 mai 2010

9 juin 2010

[5]  Les marques de commerce de Venngo ont été enregistrées à l’égard d’une large catégorie de marchandises et de services. Ainsi, comme l’a indiqué la Cour fédérale, la description des marchandises et des services pour la marque WORKPERKS est la suivante :

MARCHANDISE/PRODUITS DÉRIVÉS :

Logiciels, plus précisément des logiciels Internet destinés à des applications de portail, à la mise en réseau, aux communications entre entreprises, aux communications de détail, au marketing et à la distribution de produits et services.

SERVICES :

Offrir un ensemble de programmes d’épargne et à valeur ajoutée pour les employés, en ligne et par l’intermédiaire de publications papier; fournir des dispositifs en ligne et des publications papier permettant aux sociétés d’annoncer et de commercialiser leurs produits et services; offrir des services de conception, de création, d’hébergement, de maintenance, d’exploitation, de gestion, de publicité et de marketing pour les programmes d’épargnes et de valeur ajoutée; fournir des interfaces logicielles accessibles par Internet donnant accès à de multiples utilisateurs à une vaste gamme de renseignements

[6]  CCI a été constituée en société en 2001. Elle a d’abord exercé ses activités à Toronto et offrait un programme de billets et de divertissements à prix réduit pour les employés. En 2011, elle avait élargi son offre à 16 catégories, permettant l’accès à un large éventail de réductions qui ne visaient pas uniquement des spectacles et des activités de divertissement.

[7]  Le 28 novembre 2008, CCI a déposé une demande d’enregistrement de la marque de commerce PERKOPOLIS, pour l’employer en liaison avec la « vente de billets dans le domaine du divertissement et [des] services de réservation d’hôtel ». La société a commencé à utiliser la marque PERKOPOLIS en 2009, et celle‑ci a été enregistrée le 1er mars 2011. À cette date, CCI utilisait la marque PERKOPOLIS pour divers biens et services qui allaient au‑delà des réservations hôtelières et des ventes de billets de spectacles. Quand CCI a déposé sa demande d’enregistrement de la marque PERKOPOLIS, les demandes de Venngo pour l’enregistrement des marques WORKPERKS, MEMBERPERKS, ADPERKS et PARTNERPERKS avaient déjà été déposées. Le Bureau des marques de commerce du Canada n’a cité aucune des marques de commerce de Venngo en opposition à la demande de CCI pour l’enregistrement de la marque PERKOPOLIS, ni la marque PERKOPOLIS de CCI en opposition à l’une des demandes d’enregistrement des marques de commerce de Venngo.

[8]  Venngo affirme que l’emploi par CCI de la marque de commerce PERKOPOLIS est une atteinte aux droits de propriété intellectuelle de Venngo dans sa propre série de marques de commerce liées à des avantages (« perks » en anglais). Dans son action, elle a fait valoir plusieurs prétentions à l’encontre de CCI et des personnes physiques intimées, mais s’est désistée de certaines d’entre elles avant le procès ou en cours de procès. Au procès, Venngo a invoqué les alinéas 7a) et 7b), l’article 19, l’alinéa 20(1)a) et l’article 22 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi sur les marques de commerce), à l’appui de ses prétentions à l’encontre de CCI et de l’intimée Morgan C. Marlowe, après s’être désistée de toutes ses autres prétentions énoncées dans la déclaration, notamment celles formulées contre l’autre personne physique intimée, Richard Thomas Joynt.

[9]  L’alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce prévoit ce qui suit :

7. Nul ne peut :

7. No person shall

a) faire une déclaration fausse ou trompeuse tendant à discréditer l’entreprise, les produits ou les services d’un concurrent.

(a) make a false or misleading statement tending to discredit the business, goods or services of a competitor.

Cette disposition a pour effet de codifier le délit de dénigrement de la common law, dont doit répondre quiconque cause un préjudice à des concurrents par des déclarations fausses ou trompeuses qui portent atteinte à la réputation, aux marchandises ou aux services des concurrents.

[10]  L’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce est rédigé comme suit :

7. Nul ne peut :

7. No person shall

[…]

[…]

b) appeler l’attention du public sur ses produits, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’il a commencé à y appeler ainsi l’attention, entre ses produits, ses services ou son entreprise et ceux d’un autre.

(b) direct public attention to his goods, services or business in such a way as to cause or be likely to cause confusion in Canada, at the time he commenced so to direct attention to them, between his goods, services or business and the goods, services or business of another.

Le délit de commercialisation trompeuse de la common law est essentiellement codifié à l’alinéa 7b). Ce délit protège une partie contre le préjudice qu’elle subit quand une autre partie tente de faire passer ses propres produits ou services pour ceux de la première partie, en utilisant une marque créant de la confusion, laquelle marque peut ou non être enregistrée.

[11]  L’article 19 de la Loi sur les marques de commerce est ainsi formulé :

19. Sous réserve des articles 21, 32 et 67, l’enregistrement d’une marque de commerce à l’égard de produits ou services, sauf si son invalidité est démontrée, donne au propriétaire le droit exclusif à l’emploi de celle‑ci, dans tout le Canada, en ce qui concerne ces produits ou services.

19. Subject to sections 21, 32 and 67, the registration of a trade-mark in respect of any goods or services, unless shown to be invalid, gives to the owner of the trade-mark the exclusive right to the use throughout Canada of the trade-mark in respect of those goods or services.

L’article 19 consacre le droit du propriétaire d’une marque de commerce enregistrée à l’emploi exclusif de sa marque enregistrée et a pour effet d’empêcher toute autre partie de s’approprier cette marque.

[12]  L’alinéa 20(1)a) de la Loi sur les marques de commerce prévoit ce qui suit :

20. (1) Le droit du propriétaire d’une marque de commerce déposée à l’emploi exclusif de cette dernière est réputé être violé par une personne qui est non admise à l’employer selon la présente loi et qui :

20. (1) The right of the owner of a registered trade-mark to its exclusive use is deemed to be infringed by any person who is not entitled to its use under this Act and who

a) soit vend, distribue ou annonce des produits ou services en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion.

(a) sells, distributes or advertises any goods or services in association with a confusing trade-mark or trade-name.

Distinct de l’article 19, l’alinéa 20(1)a) fait état d’une atteinte par laquelle une partie non autorisée emploie une marque de commerce qui crée de la confusion avec la marque de commerce déposée du demandeur (sans que les deux marques soient nécessairement identiques).

[13]  Enfin, l’article 22 de la Loi sur les marques de commerce prévoit notamment ce qui suit :

22. (1) Nul ne peut employer une marque de commerce déposée par une autre personne d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à cette marque de commerce.

22. (1) No person shall use a trade-mark registered by another person in a manner that is likely to have the effect of depreciating the value of the goodwill attaching thereto.

D’une manière générale, l’article 22 empêche que la valeur de l’achalandage attaché à la marque de commerce d’une partie soit diminuée par l’emploi que fait une autre partie de ladite marque de commerce, ou par l’emploi qu’elle fait d’un nom qui ressemble à cette marque au point d’être confondu avec elle.

[14]  Dans sa décision, la Cour fédérale a rejeté les prétentions formulées contre CCI et Mme Marlowe sur le fondement des dispositions susmentionnées de la Loi sur les marques de commerce. S’agissant de Mme Marlowe, elle a jugé que rien ne prouvait qu’elle avait agi hors du cadre de ses fonctions ordinaires en tant que dirigeante et administratrice de CCI, et elle a donc conclu qu’il n’y avait aucune raison de la déclarer personnellement responsable des activités de CCI. Venngo ne conteste pas cette conclusion dans le présent appel. Elle ne conteste pas non plus la décision de la Cour fédérale de rejeter ses prétentions contre CCI fondées sur l’alinéa 7a) et l’article 19 de la Loi sur les marques de commerce.

[15]  Venngo conteste toutefois le rejet par la Cour fédérale de ses prétentions contre CCI fondées sur les alinéas 7b) et 20(1)a) et l’article 22 de la Loi sur les marques de commerce. Il est donc nécessaire d’examiner plus en détail la manière dont la Cour fédérale a analysé ces questions.

A.  L’analyse par la Cour fédérale de la prétention de Venngo fondée sur l’article 22 de la Loi sur les marques de commerce

[16]  La Cour fédérale a commencé son examen de la prétention de Venngo fondée sur l’article 22 (dépréciation de l’achalandage) en exposant les conditions d’une cause d’action recevable aux termes de cet article, citant à cet égard l’arrêt de principe Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, [2006] 1 R.C.S. 824 [Veuve Clicquot]. Au paragraphe 46 de cet arrêt, la Cour suprême a énuméré les quatre éléments suivants requis pour qu’une cause d’action soit accueillie en vertu de l’article 22 : premièrement, la marque de commerce déposée par le demandeur a été employée par le défendeur en liaison avec des produits ou services – peu importe que ces produits ou services entrent en concurrence avec ceux du demandeur; deuxièmement, la marque de commerce déposée du demandeur est suffisamment connue pour que l’achalandage qui y est attaché soit appréciable, mais il n’est pas nécessaire que la marque soit célèbre; troisièmement, la marque du demandeur a été employée par le défendeur d’une manière susceptible d’avoir une incidence sur cet achalandage; enfin, les actes du défendeur sont susceptibles d’entraîner une diminution de la valeur de l’achalandage.

[17]  Après avoir exposé ces quatre éléments, la Cour fédérale a relevé que l’« emploi » aux termes de l’article 22 de la Loi sur les marques de commerce « exige l’emploi [par un défendeur] d’une marque de commerce de la demanderesse, telle qu’elle a été enregistrée » (Venngo, par. 86). Elle a fait observer que le seul exemple possible d’un tel emploi allégué par Venngo était l’utilisation par CCI des mots « MEMBER PERKS INCLUDE » sur ses sites Web. La Cour fédérale a conclu que l’emploi de ces mots « ne correspond pas à l’emploi de la marque comme marque de commerce pour distinguer les marchandises et les services de CCI de ceux d’autres propriétaires et ne peut pas constituer un fondement de demande valide en vertu de l’article 22 » (Venngo, par. 86). La Cour fédérale a par conséquent rejeté la prétention fondée sur l’article 22.

B.  L’analyse par la Cour fédérale de la prétention de Venngo fondée sur l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce

[18]  S’agissant de la prétention de Venngo fondée sur l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce (commercialisation trompeuse), la Cour fédérale a écrit que, selon deux arrêts de la Cour suprême du Canada, Ciba‑Geigy Canada Ltd. c. Apotex Inc., [1992] 3 R.C.S. 120, à la page 132 [Ciba‑Geigy] et Kirkbi AG c. Ritvik Holdings Inc., 2005 CSC 65, au paragraphe 66, [2005] 3 R.C.S. 302, une prétention fondée sur le délit de commercialisation trompeuse doit comporter trois éléments : l’existence d’un achalandage; la tromperie du public en raison d’une fausse déclaration; enfin, l’existence d’un préjudice réel ou potentiel pour le demandeur. La Cour fédérale a jugé que Venngo avait établi qu’elle possédait l’achalandage requis à l’égard de ses marques de commerce pour fonder une allégation de commercialisation trompeuse, mais qu’elle n’avait pas établi les deux autres éléments requis. Plus précisément, la Cour fédérale a jugé que Venngo n’avait pas prouvé qu’elle avait subi un préjudice découlant de l’emploi par CCI de la marque de commerce PERKOPOLIS. Elle a aussi jugé qu’il n’y avait aucune probabilité de tromperie causée par des fausses déclarations, pour les mêmes raisons qu’elle a conclu par la suite qu’il n’y avait aucune probabilité de confusion entre les marques de commerce de Venngo et celle de CCI. Elle a donc rejeté le recours en commercialisation trompeuse fondé sur l’alinéa 7b).

C.  L’analyse par la Cour fédérale de la prétention de Venngo fondée sur l’alinéa 20(1)a) de la Loi sur les marques de commerce

[19]  Pour étudier la prétention de Venngo fondée sur l’alinéa 20(1)a) de la Loi sur les marques de commerce, la Cour fédérale s’est demandé s’il existait une probabilité de confusion entre la marque PERKOPOLIS et l’une quelconque des marques de Venngo. Elle a relevé que l’article 6 de la Loi sur les marques de commerce, lu conjointement avec l’article 2, expose le cadre d’évaluation de la confusion et énonce, au paragraphe 6(5), les facteurs à prendre en compte à cette fin. Le paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce prévoit ce qui suit :

6. (5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

6. (5) In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

(a) the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

(b) the length of time the trade-marks or trade-names have been in use;

c) le genre de produits, services ou entreprises;

(c) the nature of the goods, services or business;

d) la nature du commerce;

(d) the nature of the trade; and

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

(e) the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.

[20]  Après s’être référée abondamment à trois arrêts de la Cour suprême du Canada, Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., 2006 CSC 22, [2006] 1 R.C.S. 772 [Mattel], Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc., 2011 CSC 27, [2011] 2 R.C.S. 387 [Masterpiece], et Veuve Clicquot, la Cour fédérale a exposé comme suit sa compréhension du droit applicable (Venngo, par. 105) :

En prenant en considération la synthèse de ces trois décisions de la Cour suprême et les facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi, la Cour doit décider :

i. en ce qui concerne la première impression, si le public pertinent, c’est‑à‑dire principalement les décideurs en matière de ressources humaines des clients des parties, mais aussi les utilisateurs finaux des services offerts par les parties, confondraient ou seraient susceptibles de confondre la source des services de PERKOPOLIS (CCI) avec celle de la source des services de WORKPERKS, d’ADPERKS, de CUSTOMERPERKS ou de MEMBERPERKS (Venngo);

ii. dans la détermination de la probabilité d’une confusion, la Cour examinera en premier lieu le degré de ressemblance entre les marques dans la présentation ou le son, ou dans les idées suggérées – le facteur de l’alinéa 6(5)e) est le plus susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion (Masterpiece, précité, au paragraphe 49);

iii. Les autres facteurs de l’article 6 et des circonstances de l’espèce, dont la preuve d’une confusion réelle, devront également être pris en considération.

[21]  La Cour fédérale a aussi fait observer que la probabilité de confusion doit être considérée selon le point de vue du « consommateur occasionnel plutôt pressé » décrit dans l’arrêt Mattel, au paragraphe 56.

[22]  Après avoir exposé le cadre juridique susdit, la Cour fédérale a procédé à l’analyse des marques en question, en considérant le degré de ressemblance entre PERKOPOLIS et chacune des marques de Venngo au regard de l’alinéa 6(5)e) de la Loi sur les marques de commerce. Elle a jugé que la seule similitude entre les marques de Venngo et la maque PERKOPOLIS était l’emploi du mot anglais « perk ». Comme le mot « perk » est un terme générique pour les types de services en cause en l’espèce, elle a conclu que ce mot ne suffisait pas à fonder une ressemblance entre les marques des parties. Elle a aussi indiqué que l’emploi par Venngo du mot « perk » est associé, dans ses marques, au public visé par l’offre de Venngo, alors que PERKOPOLIS est une vague référence qui suggère l’idée de « perks », mais sans rattacher les « perks » en question à des publics particuliers. La Cour fédérale a donc conclu qu’« on remarque immédiatement […] qu’il y a peu de ressemblance dans la présentation ou le son [… ou] dans l’idée suggérée par les marques » (Venngo, par. 110).

[23]  La Cour fédérale a fait observer que cette conclusion semblait confirmée par les déclarations de certains des propres témoins de Venngo, par un examen du registre des marques de commerce révélant l’emploi courant du mot anglais « perk » en liaison avec des programmes d’avantages, et par les définitions données par le dictionnaire aux mots anglais « perk » et « perquisite ». Selon la Cour fédérale, ce facteur militait en faveur de CCI.

[24]  S’agissant du caractère distinctif inhérent et du caractère distinctif acquis, la Cour fédérale est arrivée à une conclusion similaire. Faisant observer que les marques de Venngo sont « [a]u mieux […] fortement suggestives, voire descriptives » parce qu’elles renvoient simplement à des avantages – « perks » – (c’est‑à‑dire les produits et services offerts) et des publics visés par ces avantages, elle a jugé que les marques de Venngo ne présentaient pas d’éléments exceptionnels ou uniques propres à les rendre distincts (Venngo, par. 117). Elle a aussi conclu que l’emploi par Venngo du terme générique anglais « perk », dans son propre matériel publicitaire et sur son site Web, avait pour effet d’éroder le possible caractère distinctif de ses marques. La Cour fédérale a donc conclu que chacune des marques de commerce de Venngo a « un caractère distinctif faible et n’a droit qu’à une protection limitée » (Venngo, par. 119). Selon elle, ce facteur militait lui aussi en faveur de CCI.

[25]  Quant à la période pendant laquelle les marques concernées avaient été en usage visée à l’alinéa 6(5)b), la Cour fédérale a conclu que ce facteur militait en faveur de Venngo parce que l’emploi de certaines de ces marques avait précédé l’emploi de PERKOPOLIS par CCI.

[26]  Conformément à l’alinéa 6(5)c), la Cour fédérale a aussi pris en compte le genre de produits, services ou entreprises en cause. Faisant observer que les services et entreprises de Venngo et de CCI se recoupent largement, elle a conclu que ce facteur militait également en faveur de Venngo.

[27]  La Cour fédérale a ensuite examiné les autres circonstances pertinentes. Elle a commencé par faire observer que l’enregistrement par CCI de sa marque PERKOPOLIS avait eu lieu sans que le Bureau des marques de commerce du Canada ne cite en opposition les marques de commerce déposées de Venngo ni d’autres marques comportant le mot anglais « perk », et elle a ajouté que, pareillement, les marques de Venngo avaient été enregistrées sans que la marque PERKOPOLIS ne soit citée en opposition par le Bureau des marques de commerce. La Cour fédérale a jugé que ce facteur militait en faveur de CCI.

[28]  Sous la rubrique des autres circonstances pertinentes, la Cour fédérale a aussi examiné les preuves et arguments de Venngo concernant la confusion réelle. Venngo a produit la preuve d’une confusion réelle, présentée par trois représentants de la clientèle (Sharon Mitchell, Elizabeth Kieffer et Kevin Hayashi), d’un employé (Bradley Moyer) et d’un représentant d’un programme similaire d’avantages destiné aux préposés à la vente (Douglas Garcia). La Cour fédérale a rejeté le témoignage de M. Moyer, estimant qu’il s’agissait d’une preuve par ouï‑dire qui n’était pas digne de foi et pas nécessaire. Elle a conclu que les autres témoignages n’étaient pas suffisamment convaincants pour l’emporter sur les autres facteurs et sur l’ensemble des circonstances pertinentes. Elle a aussi relevé que le président de Venngo avait admis en contre-interrogatoire que la nature du commerce est telle que la clientèle type est constituée de professionnels en ressources humaines chevronnés qui, en pratique, choisissent un programme uniquement après avoir mené des recherches, réduisant de ce fait la probabilité d’une confusion réelle.

[29]  Se fondant sur l’arrêt Masterpiece, la Cour fédérale a fait observer que l’analyse relative à la confusion est un exercice d’appréciation qui incombe au juge de première instance. Après avoir apprécié l’ensemble des facteurs pertinents en même temps que les circonstances, elle est parvenue à la conclusion suivante, au paragraphe 129 :

Bien qu’il y ait des éléments de preuve limités de confusion, ces éléments étaient insuffisants pour […] convaincre [la Cour] qu’un consommateur ordinaire pressé confondrait les marques de Venngo et de CCI, mise à part simplement en raison du fait que les parties évoluent sur un marché de créneaux ou relativement fermé et ont choisi d’intégrer un terme générique à leurs marques évoquant fortement leurs services, qui n’ont droit qu’à une protection limitée.

Compte tenu de cette conclusion, il n’y avait pas lieu de conclure à la violation d’un droit au titre de l’alinéa 20(1)a) de la Loi sur les marques de commerce.

D.  L’Ordonnance relative aux dépens

[30]  Dans son Ordonnance relative aux dépens, la Cour fédérale a accordé à CCI les dépens, comprenant tous les honoraires, débours et taxes, pour la somme globale de 231 000 $, à la lumière de son dispositif sur le fond de l’action et des observations des parties. Pour arriver à sa décision sur les dépens, la Cour fédérale a jugé raisonnables les sommes versées à l’avocat précédent de CCI et les honoraires payés à son avocat actuel, exposés par CCI dans l’affidavit d’un avocat, jugé que la preuve documentaire ne suffisait pas à appuyer tous les débours réclamés par CCI, noté l’effet du rejet par Venngo d’une offre de règlement aux termes de l’alinéa 420(2)b) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles) et souligné que Venngo avait intégré et maintenu dans l’action de multiples prétentions infondées. De manière générale, la Cour fédérale a conclu qu’une somme globale dépassant les dépens normaux qui seraient habituellement taxés en vertu de l’article 400 des Règles était justifiée, étant donné que Venngo et CCI sont toutes deux des entités commerciales averties, et compte tenu des facteurs énumérés plus haut. Elle a opté pour une somme globale qui représente environ la moitié des honoraires et débours totaux engagés par CCI dans sa défense.

II.  Les arguments de Venngo en appel

[31]  Pour ce qui concerne maintenant les arguments invoqués en appel, Venngo fait d’abord valoir que la Cour fédérale a erré en concluant à l’absence de confusion, et donc à l’absence de violation d’un droit aux termes de l’alinéa 20(1)a) ainsi qu’à l’absence de commercialisation trompeuse au titre de l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce. Venngo relève cinq erreurs dans l’analyse de la Cour fédérale relative à la confusion et soutient que, n’eût été ces erreurs, l’exercice d’appréciation entrepris en vertu du paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce aurait conduit la Cour fédérale à conclure à l’existence de confusion ou, subsidiairement, justifierait à tout le moins un réexamen.

[32]  S’agissant des erreurs alléguées dans l’analyse relative à la confusion, Venngo conteste d’abord la manière dont la Cour fédérale a évalué le degré de ressemblance entre les marques de commerce de Venngo et la marque de commerce de CCI. Selon Venngo, la Cour fédérale a erré en concluant que la marque PERKOPOLIS et les marques de Venngo ne suggèrent pas la même idée dans l’esprit des consommateurs. Venngo soutient que PERKOPOLIS suggère au contraire un programme-cadre qui pourrait englober les programmes de Venngo. Venngo dit aussi que la Cour fédérale n’a pas accordé suffisamment de poids au terme constitutif anglais « perk » quand elle a évalué le degré de ressemblance entre les marques concernées.

[33]  Deuxièmement, Venngo affirme que la Cour fédérale a commis une erreur de droit en n’examinant pas le caractère distinctif acquis au titre de l’alinéa 6(5)a) de la Loi sur les marques de commerce. Elle renvoie à plusieurs précédents – un arrêt de la Chambre des lords, Reddaway c. Banham, [1896] A.C. 199, 13 R.P.C. 218, un arrêt de la Cour suprême du Canada, Pepsi‑Cola Company of Canada, Ltd c. The Coca‑Cola Company of Canada, Ltd., [1940] R.C.S. 17 (consultable dans CanLII), enfin un arrêt de la Cour d’appel fédérale, Miss Universe, Inc. c. Bohna, [1995] 1 R.C.F. 614 (C.A.F.) – qui, selon elle, permettent d’affirmer que des marques de commerce descriptives peuvent au fil du temps acquérir un caractère distinctif, principalement par l’effet d’une notoriété publique. Selon Venngo, la Cour fédérale a commis une erreur de droit en ne se cherchant pas à savoir si, de cette manière, les marques de Venngo étaient devenues distinctes. Venngo ajoute que les conclusions de la Cour fédérale selon lesquelles un achalandage est attaché aux marques de commerce de Venngo, mais que les marques de commerce ne sont pas distinctes, sont incompatibles, essentiellement parce que la même preuve sous-tend les deux examens.

[34]  Troisièmement, Venngo soutient que la Cour fédérale a erré dans son analyse de la nature du commerce au titre de l’alinéa 6(5)d) de la Loi sur les marques de commerce. Elle affirme que la Cour fédérale a commis une erreur de droit en mettant indûment l’accent sur la diligence raisonnable des professionnels chevronnés des ressources humaines qui choisissent parmi les programmes d’avantages, plutôt que sur les premières impressions d’un consommateur occasionnel plutôt pressé, comme l’enseignait l’arrêt Mattel. Après l’instruction de l’appel, Venngo a renvoyé la Cour à un arrêt récent de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, Vancouver Community College c. Vancouver Career College (Burnaby) Inc., 2017 BCCA 41 (consultable dans CanLII) [VCC], pour soutenir que l’analyse relative à la confusion dépend des impressions que laisse la découverte d’une marque. Venngo soutient aussi, invoquant l’arrêt Ciba‑Geigy de la Cour suprême du Canada, que la Cour fédérale devait tenir compte des expériences des utilisateurs finaux (par exemple, les employés qui bénéficient des avantages) et qu’en ne l’ayant pas fait, elle a commis une erreur de droit.

[35]  Quatrièmement, Venngo soutient qu’il n’était pas loisible à la Cour fédérale d’examiner, dans son analyse relative à la confusion, la procédure d’enregistrement d’une marque de commerce.

[36]  Enfin, Venngo affirme que la Cour fédérale a accordé trop peu de poids à la preuve produite par Venngo concernant la confusion réelle et qu’elle a considéré à tort le témoignage de M. Moyer comme une preuve par ouï‑dire, donc une preuve irrecevable.

[37]  Venngo affirme aussi que la Cour fédérale a commis une erreur dans son évaluation du préjudice au titre de l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce parce qu’elle n’a pas pris en compte la preuve de Venngo concernant le détournement de ses ventes et le ternissement de ses marques de commerce. Encore une fois, après l’instruction de son appel, Venngo a renvoyé la Cour à l’arrêt VCC pour démontrer que la preuve d’une incidence sur l’achalandage suffit à prouver le préjudice.

[38]  S’agissant de la dépréciation de l’achalandage au titre de l’article 22 de la Loi sur les marques de commerce, Venngo affirme que la Cour fédérale a commis une erreur de droit selon le premier volet du critère énoncé dans l’arrêt Veuve Clicquot, en réduisant la nécessité de l’ « emploi » aux seuls emplois de la marque de commerce d’un demandeur telle que cette marque est enregistrée. À cet égard, Venngo affirme que, selon l’arrêt Veuve Clicquot, il n’est pas nécessaire qu’un défendeur emploie une marque identique à celle du demandeur pour que sa responsabilité soit engagée en vertu de l’article 22. Venngo dit plutôt que, selon l’arrêt Veuve Clicquot, l’article 22 pourrait être enfreint lorsque les marques sont similaires au point que « le simple observateur pou[rrait] reconnaître la marque employée par les intimées comme celle de l’appelante (comme ce serait le cas si Kleenex était orthographié Klenex) » (Veuve Clicquot, par. 48). Puisque la Cour fédérale a appliqué le mauvais critère au regard de l’application de l’article 22 de la Loi sur les marques de commerce, Venngo affirme que sa décision au titre de cet article doit être infirmée.

[39]  S’agissant de l’Ordonnance relative aux dépens, bien que Venngo ait soulevé des points additionnels dans son mémoire des faits et du droit, elle a limité ses observations orales à deux arguments. Premièrement, elle soutient que la Cour fédérale s’est erronément fondée sur une preuve par ouï‑dire non vérifiée pour établir les sommes que CCI auraient payées à son avocat antérieur. Plus précisément, Venngo dit que la seule preuve concernant les honoraires, débours et taxes payés aux anciens avocats de CCI était une déclaration relatée figurant dans l’affidavit que l’un de ses avocats actuels avait déposé au soutien des sommes en question. Comme cette déclaration était une déclaration relatée, Venngo dit que la Cour fédérale n’aurait pas dû en tenir compte. Deuxièmement, Venngo soutient que la Cour fédérale a traité l’offre de règlement de CCI comme une offre effective au titre de l’article 420 des Règles, alors que cette offre ne répondait pas aux conditions énoncées dans cette disposition. Pour ces deux raisons, Venngo voudrait que, même si elle n’obtient pas gain de cause dans son appel sur le fond, l’Ordonnance relative aux dépens soit infirmée.

III.  Analyse

A.  La Cour fédérale a‑t‑elle erré dans son évaluation de la probabilité de confusion entre la marque PERKOPOLIS et les marques de Venngo?

[40]  Comme les prétentions de Venngo dépendent largement de la question de savoir si la marque PERKOPOLIS de CCI est susceptible de créer de la confusion avec les propres marques de Venngo – et, en effet, la majeure partie des arguments de Venngo en appel vise l’analyse de la Cour fédérale relative à la confusion –, il est utile de commencer par cette question.

[41]  Pour que la Cour puisse modifier la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle il n’y a pas de probabilité de confusion entre les marques de Venngo et la marque de CCI, Venngo doit démontrer que la Cour fédérale s’est fondée sur un principe juridique erroné ou a commis une erreur manifeste et dominante dans l’examen de questions de fait ou de questions mixtes de fait et de droit ne comportant pas de questions de droit isolables : Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235 [Housen].

[42]  Avant de passer en revue les cinq erreurs que, selon Venngo, la Cour fédérale aurait commises dans son analyse relative à la confusion, il convient de rappeler que nous devrions nous garder d’être exagérément intrusifs et de vouloir isoler des questions de droit lorsque la question déterminante est en réalité tributaire des faits, parce que, ce faisant, nous porterions atteinte à la retenue judiciaire à laquelle a droit le juge des faits (Housen, par. 36; Sattva Capital Corp. c. Creston Moly Corp., 2014 CSC 53, par. 54, [2014] 2 R.C.S. 633; Teva Canada Limited c. Leo Pharma Inc., 2017 CAF 50, par. 17 (consultable dans CanLII)). Il convient aussi de rappeler que la norme de contrôle appliquée en appel aux questions de fait et aux questions mixtes de droit et de fait dont on ne peut isoler une question de droit est une norme déférente. Comme l’écrivait la Cour dans l’arrêt Canada c. South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165, au paragraphe 46 :

[…] Par erreur « manifeste », on entend une erreur évidente, et par erreur « dominante », une erreur qui touche directement à l’issue de l’affaire. Lorsque l’on invoque une erreur manifeste et dominante, on ne peut se contenter de tirer sur les feuilles et les branches et laisser l’arbre debout. On doit faire tomber l’arbre tout entier.

[43]  À maints égards, comme cela ressort des propos qui suivent, Venngo voudrait que la Cour intervienne et effectue une nouvelle analyse relative à la confusion, pour ensuite substituer sa manière d’apprécier la preuve à celle de la Cour fédérale. Cependant, c’est là quelque chose que nous ne pouvons pas faire en appel. Nous ne pouvons intervenir dans les questions de fait ou dans les questions mixtes de droit et de fait dont on ne peut isoler une question de droit que si la Cour fédérale a commis une erreur manifeste et dominante, et nous ne pouvons intervenir dans les questions de droit que si la Cour fédérale a appliqué un principe juridique incorrect.

(1)  Ressemblance

[44]  S’agissant de la première erreur que la Cour fédérale aurait commise selon Venngo, cette dernière nous exhorte à conclure que la Cour fédérale a commis une erreur en jugeant que le terme anglais « perk » crée peu de similitudes entre les marques concernées et, dans le même ordre d’idées, que la Cour fédérale a commis une erreur dans sa manière d’exposer les idées suggérées par la marque PERKOPOLIS et les marques de commerce de Venngo. Dans les deux cas, Venngo demande à la Cour de modifier les conclusions tirées par la Cour fédérale à partir de la preuve. Venngo doit donc établir l’existence d’une erreur manifeste et dominante avant que nous puissions intervenir. Il m’est impossible de dire que la Cour fédérale a commis une telle erreur dans sa manière de considérer l’une ou l’autre de ces questions.

[45]  Une lecture même superficielle de la décision de la Cour fédérale révèle que le terme anglais « perk » a été un aspect essentiel dans l’analyse de la Cour relative à la confusion et dans son évaluation du degré de ressemblance entre les marques des parties. Contrairement à ce qui, selon Venngo, doit être la conséquence du caractère dominant du mot « perk », la Cour fédérale a explicitement indiqué que (Venngo, par. 108) :

[…] la Cour peut et devrait tenir compte des composantes dominantes d’une marque si celles‑ci sont particulièrement frappantes et affectent l’impression générale du consommateur moyen. Bien que Venngo soutienne que les termes anglais « PERK » ou « PERKS » sont la composante dominante des marques en cause, même si on peut soutenir que les termes anglais « perk » ou « perks » ont un effet sur l’impression générale du consommateur moyen, aux fins des motifs ci‑dessous, je conclus que les termes anglais « perk » ou « perks » tels qu’utilisés par les marques de commerce de Venngo sont fortement suggestifs et guère distinctifs.

[46]  La Cour fédérale a donc estimé que le caractère dominant du mot anglais « perk » est sans réelle conséquence parce que le mot est descriptif. À mon avis, il était loisible à la Cour fédérale de tirer cette conclusion, au vu du dossier, et aussi sur le plan de l’interprétation, puisque les marques de commerce qui sont simplement descriptives sont présumées faibles et ne se voient donc généralement accorder qu’une protection restreinte (Molson Cos. c. John Labatt Ltd., [1994] A.C.F. no 1792 (C.A.F.) [Molson]). Il était donc loisible à la Cour fédérale de pointer la nature descriptive du mot anglais « perk » et de tirer les conséquences de ce caractère descriptif dans son appréciation de la ressemblance entre les marques de commerce des parties.

[47]  Venngo n’a pas non plus démontré l’existence d’une erreur manifeste et dominante dans la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle il y a peu de ressemblance entre les marques de commerce en cause, compte tenu des idées qu’elles suggèrent. L’essentiel de l’argument de Venngo est que l’emploi du mot anglais « perk » dans PERKOPOLIS et dans les marques de commerce de Venngo suggère nécessairement le même genre d’idée dans l’esprit des consommateurs. Cette affirmation se fonde, encore une fois, sur le fait que le mot anglais « perk » est un facteur commun dominant. Toutefois, la Cour fédérale a considéré à juste titre les marques de commerce telles qu’elles apparaissent, sans s’arrêter à leurs parties constitutives, conformément au droit applicable (Masterpiece, par. 83; Molson, par. 4).

[48]  Puisque chacune des marques de Venngo décrit tout simplement l’offre de Venngo et le public qu’elle vise, alors que PERKOPOLIS est un terme suggestif inventé, la Cour fédérale n’a pas commis d’erreur manifeste et dominante en concluant que les marques suggèrent des idées différentes et donc présentent peu de ressemblance au‑delà de l’emploi du terme descriptif « perk ». Il y a une différence entre les idées que suggèrent les marques des parties. Venngo n’a donc pas démontré l’existence d’une erreur manifeste et dominante dans l’appréciation, par la Cour fédérale, du « degré de ressemblance » entre les marques de commerce en cause, selon l’alinéa 6(5)e) de la Loi sur les marques de commerce.

[49]  Dans l’arrêt Masterpiece, la Cour suprême du Canada a confirmé que le degré de ressemblance est le facteur le plus pertinent dans l’analyse relative à la confusion. S’il n’y a pas de ressemblance, les autres facteurs du paragraphe 6(5) deviennent moins pertinents. Au paragraphe 49 de cet arrêt,  la Cour suprême a déclaré :

[...] il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion, et ce même s’il est mentionné en dernier lieu au par. 6(5) [...]. Comme le souligne le professeur Vaver, si les marques ou les noms ne se ressemblent pas, il est peu probable que l’analyse amène à conclure à la probabilité de confusion même si les autres facteurs tendent fortement à indiquer le contraire. En effet, ces autres facteurs ne deviennent importants que si les marques sont jugées identiques ou très similaires […].

[50]  Il était donc loisible à la Cour fédérale d’accorder un poids important à sa conclusion selon laquelle il y avait peu de ressemblance entre les marques de commerce des parties et de considérer ce facteur comme fondement principal sous-tendant sa conclusion que la marque de CCI n’était pas susceptible de créer de la confusion avec les marques de commerce de Venngo.

(2)  Caractère distinctif acquis

[51]  Pour ce qui concerne la question du caractère distinctif acquis, Venngo a raison de noter que, selon la jurisprudence, même les marques de commerce présentant un faible caractère distinctif inhérent peuvent néanmoins acquérir un caractère distinctif. Je ne crois pas que la Cour fédérale, malgré ses motifs peu détaillés sur ce point, ait erré en concluant que Venngo n’avait pas établi l’existence d’un caractère distinctif acquis à l’égard de ses marques.

[52]  D’entrée de jeu, Venngo formule sa contestation sur ce point comme une erreur de droit en faisant valoir que la Cour fédérale a omis d’examiner un facteur essentiel selon le critère législatif applicable. Je rejette cette prétention. Il aurait sans doute été préférable que la Cour fédérale eût été plus explicite sur la question du caractère distinctif acquis, mais je crois que son raisonnement sur ce point est discernable dans sa décision (Canada c. Première Nation de Long Plain, 2015 CAF 177, par. 143). Plus précisément, la Cour fédérale a été attentive à la question du caractère distinctif des marques de Venngo telles qu’elles existent et sont exploitées au sein du marché. Elle a fait remarquer que Venngo avait continué d’employer le mot anglais « perk » d’une manière générique dans son propre matériel publicitaire et sur son site Web, et qu’elle avait donc érodé le possible caractère distinctif que ses marques auraient pu posséder.

[53]  À mon avis, une lecture attentive des motifs de la Cour fédérale révèle sa conclusion selon laquelle il n’avait pas été démontré que l’absence de caractère distinctif inhérent dans les marques de Venngo avait cédé le pas à un caractère distinctif acquis. En d’autres termes, la Cour fédérale, après examen de cette question, a conclu que les marques de commerce de Venngo demeurent indistinctes. Par conséquent, pour qu’une intervention de notre Cour soit justifiée, Venngo doit démontrer que la Cour fédérale a commis une erreur manifeste et dominante en accordant à ce facteur peu de poids, voire aucun. Je ne crois pas que Venngo ait démontré une telle erreur, particulièrement en raison de l’absence d’une preuve établissant un quelconque degré de caractère distinctif acquis dans les marques de Venngo.

[54]  En l’absence d’une telle preuve, Venngo affirme plutôt qu’il était contradictoire de la part de la Cour fédérale, dans son analyse relative à la commercialisation trompeuse, de conclure à l’existence d’un achalandage attaché aux marques de Venngo, tout en affirmant que les marques n’étaient pas distinctes. Cet argument est erroné. Achalandage n’est pas synonyme de caractère distinctif. Comme l’a confirmé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Veuve Clicquot, au paragraphe 54, le caractère distinctif acquis n’est que l’un de nombreux indicateurs possibles de l’existence d’un achalandage. Cependant, les deux ne sont pas nécessairement équivalents et il était donc loisible à la Cour fédérale de conclure comme elle l’a fait.

[55]  Je ne vois donc aucune erreur susceptible de révision dans la manière dont la Cour fédérale a traité les questions du caractère distinctif inhérent et du caractère distinctif acquis.

(3)  Nature du commerce

[56]  Dans ses arguments portant sur l’évaluation de la nature du commerce faite par la Cour fédérale. Venngo s’attarde sur le passage suivant du jugement de la Cour (Venngo, par. 128) :

[…] M. Stucke a reconnu dans son témoignage que la nature du commerce est telle que la plupart des clients sont des professionnels en ressources humaines expérimentés et relativement avertis, prenant beaucoup de temps et faisant preuve de diligence raisonnable avant de choisir un fournisseur de services comme Venngo ou CCI. Cela réduit d’autant plus toute probabilité de confusion.

[57]  Venngo fait observer à juste titre que ce passage constitue la seule fois où la Cour fédérale a explicitement employé l’expression « nature du commerce » dans son analyse relative à la confusion. Les observations contestées de la Cour font partie de son analyse relative aux « autres circonstances de l’espèce ».

[58]  Si le passage en question formait l’intégralité de l’évaluation de ce facteur par la Cour fédérale, je pourrais admettre qu’elle a commis une erreur de droit en tirant une conclusion sur la nature du commerce et l’absence de probabilité de confusion à partir des décisions d’achat réfléchies de consommateurs (plutôt qu’à partir de leurs premières impressions), contrairement aux enseignements de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Masterpiece, aux paragraphes 67 à 74 et dans l’arrêt Mattel, au paragraphe 56. Cependant, je crois que la manière dont Venngo interprète les motifs de la Cour fédérale sur ce point est fautive pour deux raisons.

[59]  Premièrement, le passage contesté a été rédigé dans le contexte de l’appréciation, par la Cour fédérale, de la preuve produite par Venngo de l’existence d’une confusion réelle. Après lecture en toute impartialité du paragraphe 128 des motifs de la Cour fédérale, ce paragraphe me semble reproduire le témoignage du président de Venngo pour mettre en contexte la preuve de Venngo au sujet de l’existence d’une confusion réelle, et non porter sur l’opinion de la Cour fédérale sur la probabilité d’une confusion. La Cour fédérale traite de cette dernière question ailleurs dans ses motifs, et elle applique le bon critère – celui du consommateur ordinaire plutôt pressé (Venngo, par. 129).

[60]  Deuxièmement, je crois qu’une lecture impartiale des motifs de la Cour fédérale montre qu’elle s’est penchée sur le facteur de la « nature du commerce », qu’elle en a tenu compte dans son analyse de la probabilité de confusion et qu’elle n’a donc pas commis d’erreur de droit. Ce facteur concerne les voies de commercialisation, ou les marchés de consommateurs pertinents, qui sont exploités par les parties (Mattel, par. 86). Un arrêt de notre Cour, Pink Panther Beauty Corp. c. United Artists Corp., [1998] 3 R.C.F. 534 [Pink Panther], donne une description détaillée des éléments qui peuvent sous-tendre ce facteur. Notre Cour a jugé que ce facteur s’intéresse à ce qui est vendu, comment et où c’est vendu, à qui c’est vendu, et à la nature de l’environnement commercial en général (Pink Panther, par. 30 à 33).

[61]  Il est manifeste que la Cour fédérale a tenu compte des indices pertinents dans ses motifs. Par exemple, elle a identifié les consommateurs et utilisateurs finaux des parties, exposé les diverses interactions commerciales entre les parties – notamment le fait que CCI a réussi à drainer une partie des clients de Venngo –, décrit les activités de recrutement et de publicité des parties et noté la différence entre les activités commerciales de ces parties et celles des organisations qui distribuent des avantages directement aux membres (Venngo, par. 2, 30, 32, 36, 38, 56, 58, 59, 66, 120). Élément crucial, la Cour fédérale est arrivée à la conclusion suivante dans son analyse relative à la confusion (Venngo, par. 120) :

Il est clair que les services et activités de CCI et de Venngo ainsi que leurs clients et consommateurs se chevauchent substantiellement. Tant Venngo que la société défenderesse sont engagées dans des activités semblables dans la même zone géographique.

[62]  Dans l’analyse relative à la confusion, la Cour fédérale a jugé que le chevauchement des activités commerciales des parties, ce qui comprend un chevauchement de leurs clientèles et donc de leurs voies de commercialisation, militait en faveur de Venngo.

[63]  Les motifs de la Cour fédérale auraient été plus clairs si elle avait expressément considéré la nature du commerce comme un facteur autonome, mais ses références répétées à des indices pertinents confirment qu’elle a été attentive à la question et qu’elle n’a donc commis aucune erreur d’omission. Je ne vois donc aucune erreur susceptible de révision dans la manière dont la Cour fédérale a considéré ce facteur.

(4)  Historique de la procédure

[64]  Le quatrième argument de Venngo, selon lequel la Cour fédérale a commis une erreur de droit en considérant l’historique de la procédure afférente à la marque PERKOPOLIS, est dénué de fondement. La Cour suprême du Canada, au paragraphe 112 de l’arrêt Masterpiece, et la Cour d’appel fédérale, aux paragraphes 39 et 40 de l’arrêt Reynolds Presto Products Inc. c. P.R.S. Mediterranean Ltd., 2013 CAF 119, ont, du moins implicitement, confirmé qu’il n’est pas fautif de la part de la Cour de considérer l’historique de la procédure dans son analyse relative à la confusion. L’arrêt de notre Cour cité par Venngo au soutien de sa position – Alticor Inc. c. Nutravite Pharmaceuticals Inc., 2005 CAF 269 – confirme simplement, aux paragraphes 15 et 16, que, pour qu’une injonction soit accordée, la confusion doit être établie à la date de l’audience ou à une autre date pertinente, et que la confusion à la date de l’enregistrement n’est pas nécessairement pertinente. Rien dans la décision de la Cour fédérale ne donne à penser qu’elle a confondu une absence de confusion à la date d’enregistrement de la marque PERKOPOLIS par CCI avec une absence de confusion aux dates des contrefaçons alléguées par Venngo. Je relève aussi que les historiques de la procédure afférente aux marques ont joué un rôle relativement mineur dans l’analyse de la Cour fédérale relative à la confusion. Je ne crois donc pas que la Cour fédérale ait erré en citant l’historique de la procédure parmi les autres circonstances dont elle a tenu compte.

(5)  Confusion réelle

[65]  J’examinerai finalement les préoccupations de Venngo quant à la manière dont la Cour fédérale a traité sa preuve concernant l’existence d’une confusion réelle, point qui a occupé une bonne partie des plaidoiries des parties et fait intervenir deux questions distinctes. Premièrement, la Cour fédérale a‑t‑elle commis une erreur en jugeant irrecevable le témoignage de M. Moyer sur les déclarations faites par des participants lors de salons professionnels au motif qu’il s’agissait d’une preuve par ouï‑dire qui n’était pas digne de foi et pas nécessaire? Deuxièmement, la Cour fédérale a‑t‑elle commis une erreur en accordant peu de poids aux autres éléments de preuve présentés par Venngo au sujet de l’existence d’une confusion réelle?

[66]  S’agissant de la preuve par ouï‑dire, la Cour fédérale a déclaré irrecevables, quant à la véracité de leur contenu, divers extraits du témoignage de M. Moyer, un représentant de Venngo qui dirigeait les kiosques de Venngo dans les salons professionnels. Ces déclarations, si elles avaient été admises pour la véracité de leur contenu, auraient peut-être pu donner à penser qu’il existait un certain degré de confusion réelle entre la marque PERKOPOLIS et la marque WORKPERKS de Venngo dans l’esprit de participants aux expositions ou de membres de leurs organisations. M. Moyer a témoigné que des participants étaient venus vers lui, au kiosque du programme WORKPERKS, pour lui dire qu’ils utilisaient WORKPERKS, et pour lui demander ensuite [traduction« alors, vous êtes PERKOPOLIS, non? » À mesure qu’avançaient ses échanges avec les participants, a témoigné M. Moyer, il finissait par se rendre compte (dossier d’appel, vol. 9, p. 2793) :

[traduction]

 […] qu’en réalité, les participants n’avaient pas le programme WORKPERKS, mais plutôt le programme PERKOPOLIS.

Il m’est donc apparu évident que ces personnes confondaient le programme WORKPERKS avec le programme PERKOPOLIS. Elles pensaient qu’il s’agissait de la même entreprise.

[67]  S’exprimant sur ses échanges, lors d’un salon professionnel, avec une participante dont l’entreprise était passée de WORKPERKS à PERKOPOLIS, M. Moyer a indiqué qu’elle [traduction] « a dit que les employés désignent encore, à l’intérieur de l’entreprise, le programme sous le nom WORKPERKS » (dossier d’appel, vol. 9, p. 2794). Au procès, l’avocat de Venngo a reconnu que ces déclarations constituaient une preuve par ouï‑dire si elles étaient produites pour la véracité de leur contenu et, par suite des objections et de l’intervention de la Cour, il n’a pas présenté d’arguments montrant que le témoignage était digne de foi ou nécessaire.

[68]  Cependant, en appel, Venngo a fait valoir que la Cour fédérale n’aurait pas dû rejeter ces déclarations puisqu’elles sont recevables, à des fins autres que le ouï‑dire, comme preuve des interactions de M. Moyer avec des clients potentiels, affirmant que les déclarations reflétaient les états d’esprit de leurs auteurs. Je ne suis pas de cet avis. Les déclarations contestées constituent une preuve par ouï‑dire et elles ont été à bon droit exclues.

[69]  C’est l’objet pour lequel est faite une déclaration extrajudiciaire qui détermine s’il s’agit ou non d’une preuve par ouï‑dire. Une telle déclaration est une preuve par ouï‑dire si elle a pour objet d’établir la véracité de son contenu. Autrement dit, une preuve par ouï‑dire est une déclaration orale ou écrite faite par une personne autre que le témoin, et que le témoin rapporte dans le dessein d’établir que ce qui a été dit est vrai (R. c. Starr, 2000 CSC 40, par. 162, [2000] 2 R.C.S. 144; Pfizer Canada Inc. c. Teva Canada Limited, 2016 CAF 161, par. 89).

[70]  Ici, M. Moyer a présenté comme véridique le fait que les sociétés des déclarants non témoins utilisaient soit WORKPERKS, soit PERKOPOLIS, et le fait que les employés de ces sociétés s’étaient mépris sur la société qui fournissait les services. Ces déclarations ne concernent pas l’état d’esprit des déclarants non témoins; elles ont plutôt été faites pour montrer à quel fournisseur de services s’adressaient leurs organisations et pour montrer que d’autres personnes au sein de l’organisation disaient, ou faisaient savoir d’une autre manière, qu’ils ne savaient pas trop quel fournisseur de services avait été engagé. On n’a pas établi ni prétendu que cette preuve était digne de foi ou nécessaire. La Cour fédérale n’a donc pas commis d’erreur en l’excluant. Quoi qu’il en soit, même si cette preuve avait été jugée recevable, elle est totalement assimilable  aux autres preuves dont disposait la Cour fédérale sur la confusion réelle, et que la Cour n’a pas jugées assez convaincantes pour l’autoriser à conclure en faveur de Venngo. L’exclusion du témoignage de M. Moyer n’a donc eu aucune incidence sur le résultat obtenu.

[71]  S’agissant de la manière dont la Cour fédérale a traité la preuve ne contenant aucun ouï‑dire de Venngo produite par les autres témoins concernant l’existence d’une confusion réelle, Venngo soutient que la Cour fédérale lui a accordé trop peu de poids. Or, l’appréciation de la preuve est du ressort du juge de première instance. Notre Cour ne peut intervenir que si Venngo démontre une erreur manifeste et dominante dans la manière dont la Cour fédérale a apprécié la preuve. Venngo fait valoir deux possibles erreurs de cette nature, toutes deux dénuées de fondement.

[72]  La première erreur alléguée par Venngo – la manière dont la Cour fédérale a interprété la preuve relative à la confusion réelle a été dénaturée par les conclusions fautives de cette même cour sur la ressemblance et le caractère distinctif – n’est pas fondée vu ma conclusion selon laquelle l’évaluation de ces facteurs par la Cour fédérale n’était pas erronée.

[73]  Venngo affirme ensuite que l’exercice d’appréciation fait par la Cour fédérale aurait dû être calibré pour favoriser Venngo, vu l’existence d’une preuve de confusion réelle, et Venngo cite un arrêt de notre Cour, Asbjorn Horgard A/S c. Gibbs/Nortac Industries Ltd. [1987] 3 R.C.F. 544 (C.A.F.) [Asbjorn], pour soutenir que la preuve d’une confusion réelle constitue en quelque sorte un atout. Toutefois, je ne crois pas que l’arrêt Asbjorn aide Venngo, et ce, pour deux raisons. Premièrement, l’affirmation de Venngo est trop catégorique. Selon la jurisprudence, bien que la preuve d’une confusion réelle puisse être un facteur important dans l’analyse, elle n’est pas déterminante (Mattel, par. 55, 89; Marlboro Canada Limited c. Philip Morris Products S.A., 2012 CAF 201, par. 59). Deuxièmement, dans l’arrêt Asbjorn, la Cour s’était fondée sur la preuve d’une confusion réelle uniquement pour renforcer sa conclusion sur la probabilité d’une confusion fondée sur les autres facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce (Asbjorn, p. 560, 564). Par conséquent, la preuve d’une confusion réelle n’a pas été utilisée par la Cour comme un atout.

[74]  En l’espèce, la Cour fédérale a conclu que toute inférence de probabilité de confusion résultait presque entièrement de l’emploi par les parties du terme générique anglais « perk », terme qui, selon elle, ne faisait pas naître une probabilité de confusion. Puisque cette conclusion est exempte d’erreur pour les motifs déjà exposés, je crois que Venngo n’a pas établi l’existence d’une erreur manifeste et dominante dans la manière dont la Cour fédérale a évalué et apprécié la preuve d’une confusion réelle.

[75]  La Cour n’a donc aucune raison de modifier l’analyse de la Cour fédérale relative à la confusion.

B.  La Cour fédérale a‑t‑elle erré en rejetant la prétention de Venngo quant à la violation de son droit aux termes de l’alinéa 20(1)a) de la Loi sur les marques de commerce?

[76]  Puisque je suis arrivé à la conclusion que l’analyse de la Cour fédérale relative à la confusion devrait être confirmée, il s’ensuit nécessairement que la Cour fédérale n’a pas commis d’erreur en rejetant la prétention de Venngo quant à la violation de son droit aux termes de l’alinéa 20(1)a), puisque la probabilité de confusion était le fondement de la prétention au titre de l’alinéa 20(1)a).

C.  La Cour fédérale a‑t‑elle erré en rejetant la prétention de Venngo concernant l’existence d’une commercialisation trompeuse au titre de l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce?

[77]  Pour la même raison, je crois que la Cour fédérale n’a pas commis d’erreur en rejetant la prétention de Venngo quant à l’existence d’une commercialisation trompeuse au titre de l’alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce.

[78]  Le second volet du critère de la commercialisation trompeuse vise les fausses déclarations entraînant tromperie ou confusion. Dans les cas ne comportant pas de tromperie intentionnelle, cet élément est établi lorsque le demandeur peut démontrer une probabilité de confusion entre les marques en question sur le fondement du paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce (Ciba Geigy, p. 136, 137 et 140; Sadhu Singh Hamdard Trust c. Navsun Holdings Ltd., 2016 CAF 69, par. 21). Comme Venngo n’a pas démontré une erreur dans l’analyse de la Cour fédérale relative à la confusion justifiant l’intervention de notre Cour, sa contestation de l’analyse par la Cour fédérale de la prétention relative à la commercialisation trompeuse doit elle aussi être rejetée, et il est inutile d’examiner les autres arguments avancés par Venngo concernant la conclusion de la Cour fédérale aux termes de l’alinéa 7b).

D.  La Cour fédérale a‑t‑elle erré en rejetant la prétention de Venngo concernant la dépréciation de l’achalandage visée à l’article 22 de la Loi sur les marques de commerce?

[79]  S’agissant de l’argument de Venngo à propos de la manière dont la Cour fédérale a traité sa prétention fondée sur l’article 22 de la Loi sur les marques de commerce, je suis d’accord avec Venngo pour dire qu’il n’est pas nécessaire qu’un défendeur emploie une marque complètement identique à la marque de commerce du demandeur pour que sa responsabilité soit engagée aux termes de l’article 22. La Cour suprême du Canada croit plutôt que cet article concerne les cas où « le simple observateur pou[rrait] reconnaître la marque employée par les intimées comme celle de l’appelante (comme ce serait le cas si Kleenex était orthographié Klenex) », ou, autrement dit, lorsqu’un défendeur a employé une marque « dont la ressemblance […] suffit pour établir, dans l’esprit des consommateurs de la population de référence, un lien entre les deux marques qui est susceptible de déprécier l’achalandage attaché à sa marque » (Veuve Clicquot, par. 38, 48).

[80]  Il est donc bien possible que la Cour fédérale ait décrit trop étroitement la notion d’emploi d’une marque de commerce au sens de l’article 22 de la Loi sur les marques de commerce, quand elle a écrit que « l’“emploi” aux termes de l’article 22 exige l’emploi d’une marque de commerce de la demanderesse, telle qu’elle a été enregistrée » (Venngo, par. 86). L’article 22 vise aussi l’emploi d’une marque qui, bien que non identique à la marque déposée du demandeur, s’apparente à ce point à la marque déposée que la population pertinente de consommateurs la considérerait comme la marque déposée.

[81]  Toutefois, toute erreur commise par la Cour fédérale en énonçant trop étroitement le critère prévu par l’article 22 de la Loi sur les marques de commerce, cette erreur est non pertinente au regard du présent appel puisque la décision de la Cour fédérale est sans rapport avec cette question. D’après ma lecture des motifs de la Cour fédérale, la Cour fédérale n’a pas rejeté la prétention de Venngo fondée sur l’article 22 parce que l’emploi contesté des mots anglais « MEMBER PERKS » par CCI n’était pas totalement identique à la marque de commerce MEMBERPERKS déposée de Venngo, mais parce que l’emploi par CCI, sur deux sites Web, des mots anglais « MEMBER PERKS INCLUDE » (mots suivis de liens vers des exemples des types d’avantages offerts aux membres PERKOPOLIS) ne constitue pas un « emploi » au sens de l’article 22 de la Loi sur les marques de commerce. Ce faisant, la Cour fédérale n’a pas commis d’erreur.

[82]  Comme l’écrivait la Cour suprême au paragraphe 47 de l’arrêt Veuve Clicquot et la Cour de l’Échiquier dans l’arrêt Clairol International Corp. c. Thomas Supply and Equipment Co., [1968] 2 C. de l’É. 552, par. 37 et 38, 55 C.P.R. 176 (C.A.F.), c’est l’article 4 de la Loi sur les marques de commerce qui définit ce que signifie ce qu’il faut entendre par « emploi » au sens de l’article 22 de la Loi. L’article 4 précise que ce qui doit être employé par le défendeur est une marque de commerce. Cet article est ainsi rédigé :

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

4. (1) A trade-mark is deemed to be used in association with goods if, at the time of the transfer of the property in or possession of the goods, in the normal course of trade, it is marked on the goods themselves or on the packages in which they are distributed or it is in any other manner so associated with the goods that notice of the association is then given to the person to whom the property or possession is transferred.

4(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

[Non souligné dans l’original.]

4(2) A trade-mark is deemed to be used in association with services if it is used or displayed in the performance or advertising of those services.

[83]  À cet égard, la Cour fédérale n’a pas commis d’erreur en jugeant que l’emploi par CCI des mots anglais « MEMBER PERKS INCLUDE » n’était pas un emploi de la marque de commerce de Venngo, ni d’une appellation étroitement apparentée à cette marque, car il est manifeste que CCI n’employait pas les mots en question comme marque de commerce. Au lieu de cela, sur les pages Web contestées, CCI écrivait simplement une phrase introductive, employant des mots anglais courants, pour décrire ce qu’elle offrait à ses propres membres, en faisant observer que ses avantages comprenaient les articles qui figuraient dans les liens Web. Ce faisant, CCI ne contrevenait pas à l’article 22 de la Loi sur les marques de commerce parce que les mots anglais « MEMBER PERKS » n’étaient pas employés comme marque de commerce et ne pouvaient donc relever de l’article 22. La Cour fédérale n’a donc pas commis d’erreur dans son analyse de l’article 22.

E.  La Cour fédérale a‑t‑elle erré dans sa manière d’établir la somme globale accordée à titre de dépens contre Venngo?

[84]  Enfin, s’agissant de l’Ordonnance relative aux dépens, Venngo soutient que la somme globale adjugée contre elle par la Cour fédérale à titre de dépens était erronée, car elle était fondée sur une preuve par ouï‑dire et sur l’application de la règle du doublement des dépens (article 420 des Règles), alors que l’offre en question ne remplissait pas les conditions d’application de cette règle.

[85]  La Cour a jugé que les décisions relatives aux dépens relèvent tout à fait du pouvoir discrétionnaire du juge de première instance en vertu de l’article 400 des Règles et qu’il peut être indiqué de la part du juge, dans les litiges en matière de propriété intellectuelle, d’accorder, à titre de dépens, des sommes globales importantes dépassant largement le Tarif, et cela pour diverses raisons. Il y a, par exemple, la nécessité de régler l’écart entre ce qui est couvert par les tarifs implicites et la complexité de la procédure, ainsi que la nécessité de simplifier les litiges afin d’éviter que l’étape finale ne se transforme en un coûteux exercice comptable (Nova Chemicals Corporation c. Dow Chemical Company, 2017 CAF 25, par. 10 à 13 (consultable dans CanLII) [Nova Chemicals]; Philip Morris Products S.A. c. Marlboro Canada Limited, 2015 CAF 9, par. 3 et 4; Canada (Procureur général) c. Chrétien, 2011 CAF 53, par. 3; Consorzio del Prosciutto di Parma c. Maple Leaf Meats Inc., 2002 CAF 417, par. 12). Ainsi, ni la taxation des dépens selon une somme globale ni le quantum des dépens accordés ne suffiraient à justifier une modification de l’Ordonnance relative aux dépens.

[86]  S’agissant du droit applicable aux deux moyens invoqués plus particulièrement par Venngo durant l’audience, notre Cour a écrit dans l’arrêt Nova Chemicals que « [c]onformément aux règles de bonnes pratiques, les demandes d’adjudication de sommes globales devraient généralement être accompagnées d’un mémoire de frais et d’un affidavit concernant les débours dont l’avocat de la partie en cause n’a pas connaissance » (Nova Chemicals, par. 14). Toutefois, notre Cour a ensuite ajouté dans cet arrêt qu’il n’est pas nécessaire que la preuve présentée au juge de première instance pour justifier l’adjudication d’une somme globale à titre de dépens contienne le niveau de détail qui serait sans doute requis si les dépens étaient taxés puisque cela irait largement à l’encontre des buts recherchés par l’adjudication d’une somme globale (Nova Chemicals, par. 15).

[87]  Selon la jurisprudence relative aux types d’offres qui relèvent de l’article 420 des Règles, pour que cette disposition s’applique et qu’on puisse présumer que le défendeur a droit au doublement des dépens à compter de la date de signification de l’offre, l’offre en question doit être claire et non équivoque, comporter un élément de compromis, respecter les délais fixés dans les Règles et mettre fin au litige entre les parties (H‑D U.S.A., LLC c. Berrada, 2015 CF 189, par. 32; Syntex Pharmaceuticals International Ltd. c. Apotex Inc., 2001 CAF 137, par. 10). En ce qui concerne la présentation en temps utile, le paragraphe 420(3) des Règles dispose que les conséquences du rejet d’une offre sur les dépens ne s’appliquent qu’à l’offre qui est faite au moins 14 jours avant le début de l’instruction et qui tient jusqu’au début de l’instruction.

[88]  Comme Venngo, je suis d’avis que la Cour fédérale a commis une erreur de droit dans son analyse de l’offre écrite de règlement faite par CCI le 23 octobre 2015. La Cour fédérale a eu raison de noter qu’une offre qui répond aux conditions de l’article 420 des Règles donne en principe au défendeur qui obtient gain de cause le droit au doublement des dépens à compter de la date de son offre, lorsque cette offre est refusée par le demandeur et que celui‑ci obtient un jugement moins avantageux que les conditions de l’offre, mais la Cour fédérale n’a pas eu raison de conclure que la règle s’appliquait eu égard aux circonstances de l’affaire, étant donné que l’offre de CCI ne répondait pas aux critères énoncés dans la jurisprudence et dans les Règles.

[89]  Le dispositif de l’offre de CCI prévoyait le rejet de l’action de Venngo, le rejet de la demande reconventionnelle d’ordre défensif de CCI (sur laquelle la Cour fédérale a jugé inutile de statuer) et le paiement de seulement 75 p. 100 des dépens de l’intimée conformément à la colonne III du tarif B si l’offre était acceptée au plus tard le 30 octobre 2015, c’est‑à‑dire plus d’une semaine avant le début de l’instruction. Par la suite, les règles normales concernant les dépens seraient en principe devenues applicables.

[90]  Même s’il est possible d’admettre ce dernier point, l’offre de CCI ne remplit malgré tout pas les exigences du paragraphe 420(3) des Règles. Puisque sa demande reconventionnelle était d’ordre purement défensif, le seul élément de compromis contenu dans l’offre concernait l’adjudication des dépens. Toutefois, l’offre de compromis quant aux dépens ne tenait pas jusqu’au début de l’instruction. L’offre n’était donc pas conforme au paragraphe 420(3), et le juge de première instance a commis une erreur en statuant autrement.

[91]  Il est impossible, au vu de l’Ordonnance relative aux dépens, de voir quel rôle l’offre a joué dans la somme globale accordée par le juge de première instance. J’infirmerais donc sa décision quant à l’adjudication des dépens et je lui renverrais la question des dépens pour qu’il rende une nouvelle décision qui cadre avec les présents motifs. Pour arriver à sa nouvelle décision, le juge de première instance devrait aussi se demander si les sommes payées à l’avocat antérieur de CCI sont pertinentes quant à la somme à accorder et, dans l’affirmative, si elles ont été adéquatement établies conformément aux principes de l’arrêt Nova Chemicals, dont j’ai traité plus haut, étant donné que cet arrêt a été rendu après le prononcé de l’Ordonnance relative aux dépens.

IV.  Dispositif proposé

[92]  À la lumière de ce qui précède, je rejetterais avec dépens l’appel formé par Venngo contre le jugement sur le fond rendu à l’égard de son action en contrefaçon de marque de commerce, mais j’accueillerais également avec dépens son appel à l’encontre de l’Ordonnance relative aux dépens, et je renverrais la question des dépens au juge de première instance pour qu’il rende une nouvelle décision qui cadre avec les présents motifs.

« Mary J.L. Gleason »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

David Stratas, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Woods, j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIERS :

A‑5‑16, A‑33‑16

 

 

INTITULÉ :

VENNGO INC. c. CONCIERGE CONNECTION INC. faisant affaire sous la dénomination sociale PERKOPOLIS, MORGAN C. MARLOWE et RICHARD THOMAS JOYNT

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 JANVIER 2017

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GLEASON

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE STRATAS

LA JUGE WOODS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 8 MAI 2017

 

COMPARUTIONS :

Andrew Skodyn

James S.S. Holtom

 

POUR L’appelante

 

David M. Reive

Manav Singhla

 

POUR LES intimés

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lenczner Slaght Royce Smith Griffin LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR L’appelante

 

Miller Thomson LLP

Toronto (Ontario)

POUR LES intimés

 

 

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