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Date : 20170510


Dossier : A‑246‑16

Référence : 2017 CAF 100

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE SCOTT

LA JUGE GLEASON

 

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

L’ASSOCIATION DES PILOTES FÉDÉRAUX DU CANADA

défenderesse

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 10 mai 2017.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 10 mai 2017.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE GLEASON

 


Date : 20170510


Dossier : A‑246‑16

Référence : 2017 CAF 100

CORAM :

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE SCOTT

LA JUGE GLEASON

 

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

L’ASSOCIATION DES PILOTES FÉDÉRAUX DU CANADA

défenderesse

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(prononcés à l’audience à Ottawa (Ontario), le 10 mai 2017).

LA JUGE GLEASON

[1]  Le demandeur cherche à faire annuler la sentence arbitrale rendue le 2 juin 2016 par la Commission des relations de travail et de l’emploi dans la fonction publique (la CRTEFP ou la Commission) dans l’affaire Association des pilotes fédéraux du Canada c. Conseil du Trésor, 2016 CRTEFP 46. Dans cette décision, la Commission a fait droit au grief par lequel le syndicat défendeur contestait la rémunération versée par l’employeur à ses préposés au suivi des vols pour le travail prévu à l’horaire effectué après les heures de travail et les fins de semaine.

[2]  Le travail des préposés au suivi des vols consiste à vérifier la progression des vols des aéronefs des Services des opérations de vol de Transports Canada qui sont hors de portée des systèmes de radar et de radio communication terrestres lorsqu’ils survolent l’océan Atlantique Nord. Les préposés au suivi des vols se voient confier ce travail et doivent notamment surveiller toutes les 30 minutes l’arrivée d’un courriel généré par ordinateur qui présente un état de la situation du vol établi d’après les données des communications par satellite et par GPS recueillies par les systèmes se trouvant à bord de l’aéronef. Les préposés au suivi des vols peuvent effectuer cette tâche à partir de leur téléphone intelligent. Ils doivent également se rendre disponibles pour recevoir des communications d’urgence des aéronefs et pour assurer le suivi nécessaire en cas de problème.

[3]  L’employeur versait une indemnisation pour disponibilité aux préposés au suivi des vols pour chaque quart de travail où ils étaient assignés à cette fin (rémunération équivalente à une heure au taux horaire régulier pour chaque tranche de 8 heures consécutives où ils étaient en affectation), ainsi qu’une rémunération au tarif des heures supplémentaires pour le temps consacré à recevoir et à examiner les courriels et, le cas échéant, à prendre des appels et à faire un suivi lorsqu’ils travaillaient plus d’une demi-heure.

[4]  Dans sa décision, la Commission a estimé que ce calcul n’était pas admissible et a conclu que les préposés au suivi des vols avaient droit à la rémunération des heures supplémentaires aux tarifs prévus par la convention collective applicable pour toute la durée de leur affectation, y compris les périodes pendant lesquelles ils n’exécutaient pas activement leurs fonctions. La Commission a expliqué que, lorsque l’horaire de travail est connu à l’avance et que les préposés en question sont tenus de travailler toutes les 30 minutes au cours de leur affectation, l’employé ne peut être considéré comme étant en disponibilité, mais bien en train d’effectuer des heures supplémentaires, étant donné que l’obligation de travailler est connue à l’avance et que le travail est exécuté.

[5]  La Commission a également jugé que le montant de la rémunération des heures supplémentaires était régi par l’article 19.03 de la convention collective applicable, qui stipule notamment que « tous les calculs des heures supplémentaires sont fondés sur chaque demi-heure (1/2) complète de travail ». La Commission a expliqué que cette disposition signifiait que les employés avaient droit à la rémunération des heures supplémentaires pour toute la durée de leur affectation, étant donné qu’ils travaillaient toutes les 30 minutes et qu’ils effectuaient donc au moins plusieurs minutes de travail toutes les demi-heures, de sorte que leur temps de travail devait être arrondi en demi-heures aux termes de l’article en question.

[6]  Selon le demandeur, la décision de la Commission devrait être annulée pour l’un ou l’autre des motifs suivants, voire les deux motifs : en premier lieu, la Commission l’a privé du droit que lui assure l’équité procédurale en donnant à l’article 19.03 de la convention collective une interprétation que l’employeur n’avait pas envisagée et qui n’avait pas été abordée à l’audience et, en second lieu, l’interprétation que la Commission a donnée à l’article 19.03 est déraisonnable.

[7]  À notre avis, ni l’un ni l’autre de ces arguments n’est fondé.

[8]  En ce qui concerne l’argument relatif à l’équité procédurale, comme les parties ne se sont pas entendues pour que la Commission scinde l’audience et se prononce d’abord sur le fond puis sur la réparation, la question de la réparation était en jeu et il incombait donc aux parties de formuler toutes leurs observations à ce sujet. Ce n’est pas parce que l’employeur n’a pas envisagé la possibilité que la réparation choisie soit une possibilité ou que la réparation en question n’ait pas été demandée par le syndicat que la Commission était tenue de sonder les parties afin de recueillir leur avis sur la réparation avant de rendre sa décision. La présente situation est différente de celle dont il était question dans l’affaire Arsenault c. Canada (Procureur général), 2016 CAF 179, sur laquelle s’appuie le demandeur, étant donné que, dans cette dernière, contrairement à la présente, la Commission n’a pas retenu l’interprétation sur laquelle les parties s’étaient entendues. En l’espèce, faute d’entente entre les parties sur la réparation, il était loisible à la Commission d’élaborer une réparation sans la soumettre d’abord à l’approbation des parties.

[9]  Quant au bien-fondé de l’interprétation de la Commission, il est incontestable que les décisions comme celle-ci, qui nécessitent l’interprétation d’une convention collective, commandent un degré élevé de déférence, étant donné que l’interprétation de la convention collective se situe au cœur même du mandat et de la compétence spécialisée de la Commission (Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, Section locale 30 c. Pâtes et Papiers Irving Ltée, 2013 CSC 34, par. 3 et 7, [2013] 2 R.C.S. 458; Delios c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 117, par. 19 à 21).

[10]  Malgré l’habile plaidoyer de l’avocat du demandeur, nous ne voyons rien de déraisonnable dans la décision rendue par la Commission en l’espèce. Il était raisonnable de sa part de conclure que les employés ne sont pas simplement en disponibilité lorsqu’il est certain qu’ils doivent travailler. Le montant de l’indemnité des heures supplémentaires accordée n’est pas non plus déraisonnable, compte tenu des exigences de l’article 19.03 de la convention collective, d’autant plus que les préposés au suivi des vols doivent demeurer alertes durant toute la durée de leur affectation pour s’acquitter des tâches qui leur sont confiées. En résumé, il était loisible à la Commission, compte tenu des circonstances uniques de la présente affaire, de conclure que l’article 19.03 exigeait d’arrondir les heures travaillées.

[11]  Contrairement à ce que prétend le demandeur, nous ne décelons dans la décision rendue en l’espèce par la Commission rien qui exigerait que cette décision soit appliquée à des situations autres qu’à la situation unique des préposés au suivi des vols dont il était question dans l’affaire dont la Commission était saisie.

[12]  Nous rejetons donc la présente demande avec dépens, lesquels sont fixés au montant global de 2 500 $.

« Mary J.L. Gleason »

j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A‑246‑16

 

 

INTITULÉ :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. L’ASSOCIATION DES PILOTES FÉDÉRAUX DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 10 MAI 2017

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE SCOTT

LA JUGE GLEASON

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LA JUGE GLEASON

COMPARUTIONS :

Pierre-Marc Champagne

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Jennifer M. Duff

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Shields Hunt Duff

Avocats

Ottawa (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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