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Date : 20170519


Dossier : A-118-17

Référence : 2017 CAF 106

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE RENNIE

 

ENTRE :

L’HONORABLE FRANCIS J.C. NEWBOULD

demandeur

(appelant)

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

(intimé)

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 16 mai 2017.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 19 mai 2017.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE PELLETIER

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE RENNIE

 


Date : 20170519


Dossier : A-118-17

Référence : 2017 CAF 106

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE RENNIE

 

ENTRE :

L’HONORABLE FRANCIS J.C. NEWBOULD

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE PELLETIER

I.                    INTRODUCTION

[1]               La Cour est saisie d’un appel interjeté par l’honorable juge Francis Newbould (l’appelant) à la suite du rejet de sa requête en sursis d’exécution d’une décision du comité d’examen de la conduite judiciaire (le Comité d’examen) datée du 10 février 2017 en vue de constituer un comité d’enquête sur sa conduite. En réalité, l’appelant cherche à suspendre l’enquête du Conseil canadien de la magistrature (CCM) sur sa conduite jusqu’à ce que le contrôle judiciaire de la décision du comité d’examen soit terminé. Dans les motifs répertoriés sous la référence 2017 CF 326, la Cour fédérale a rejeté la requête de l’appelant au motif qu’elle était prématurée et, subsidiairement, qu’il n’avait pas satisfait au volet relatif au préjudice irréparable du critère à trois volets énoncé dans l’arrêt RJR -- Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311, 1994 CanLII 117 (CSC) à la page 334 [RJR–MacDonald].

[2]               Pour les motifs exposés ci-après, je rejetterais l’appel.

II.                 FAITS

[3]               Fin 2014, le CCM a reçu plusieurs plaintes relatives au rôle de l’appelant dans une controverse publique concernant une revendication autochtone visant des terres situées à proximité d’un chalet appartenant à la famille de l’appelant. Le président du comité d’examen de la conduite judiciaire du CCM, le juge en chef MacDonald, après avoir examiné ces plaintes et les observations de l’appelant, a clos les dossiers tout en communiquant ses réserves à l’appelant à propos de sa conduite. L’article 5.1 des Procédures relatives à l’examen des plaintes déposés au Conseil canadien de la magistrature au sujet de juges de nomination fédérale (les Procédures d’examen de 2014) permettait une telle issue.

[4]               Six mois plus tard, l’un des plaignants, l’Association du barreau autochtone, a demandé le réexamen de la décision de ne prendre aucune autre mesure relativement à sa plainte. Le juge en chef MacDonald a renvoyé la demande de réexamen au deuxième juge au sein du comité d’examen de la conduite judiciaire, à savoir le juge en chef associé Pidgeon. Dans une décision datée du 5 mai 2016, le juge en chef associé Pidgeon a décidé de renvoyer la question à un comité d’examen chargé de décider s’il y avait lieu de constituer un comité d’enquête.

[5]               À l’invitation du comité d’examen, l’appelant a fourni des observations, de même que sa juge en chef, la juge en chef Smith de la Cour supérieure de justice de l’Ontario. Dans sa lettre, la juge en chef Smith a soulevé la question de savoir si les Procédures d’examen de 2014 en vigueur à l’époque où les premières plaintes avaient été reçues, ou la révision ultérieure de ces procédures (les Procédures d’examen de 2015) prévoyaient même la possibilité d’un réexamen ou celle d’un réexamen par une personne autre que le décideur initial.

[6]               Avant que le comité d’examen ne l’avise de sa décision, l’appelant a présenté au ministre de la Justice sa démission, qui prendrait effet le 1er juin 2017.

[7]               Dans une décision datée du 10 février 2017, le comité d’examen a conclu que le CCM avait compétence pour rouvrir la plainte de l’Association du barreau autochtone. Il a ensuite constitué un comité d’enquête conformément au paragraphe 63(3) de la Loi sur les juges, L.R.C. (1985) ch. J-1 (la Loi) et au paragraphe 2(4) du Règlement administratif du Conseil canadien de la magistrature sur les enquêtes (2015), DORS/2015-203.

[8]               L’appelant a demandé le contrôle judiciaire de cette décision pour obtenir un jugement déclaratoire selon lequel le CCM n’avait pas compétence pour réexaminer la décision rendue par le juge en chef MacDonald et une ordonnance interdisant au CCM de prendre toute autre mesure concernant les plaintes réglées par le juge en chef MacDonald. Dans son avis de demande, l’appelant affirme que le juge en chef associé Pidgeon n’a pas compétence pour réexaminer la décision du juge en chef MacDonald sur le même sujet et que, par conséquent, le juge en chef associé Pidgeon n’a pas compétence pour renvoyer l’affaire à un comité d’examen. Ainsi, le comité d’examen n’avait pas lui-même compétence pour constituer un comité d’enquête.

[9]               Entre-temps, l’appelant a sollicité une ordonnance pour qu’il soit sursis à l’exécution de la décision du comité d’examen en attendant l’issue du contrôle judiciaire. Le juge Boswell de la Cour fédérale a entendu cette requête.

III.               LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[10]           Après avoir exposé les faits et les observations des parties, la Cour fédérale a énoncé les questions en litige qu’elle était appelée à trancher :

1.      La demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par le comité d’examen était-elle prématurée?

2.      Faut-il surseoir à l’exécution de la décision du comité d’examen ayant constitué le comité d’enquête en attendant l’issue du contrôle judiciaire?

[11]           La Cour fédérale commence son analyse sur la prématurité en renvoyant à une décision que j’ai rendue comme juge des requêtes de la Cour d’appel, à savoir la décision Groupe Archambault inc. c. CMRRA/SODRAC inc., 2005 CAF 330 [Groupe Archambault], dans laquelle j’indique au paragraphe 7 : « [a]vant d’aborder les conditions pour l’émission d’un sursis interlocutoire, la Cour doit se satisfaire que les circonstances justifient son intervention. » Ayant pris connaissance des circonstances, je rejette la requête en sursis avant d’appliquer le critère consacré par la jurisprudence RJR—McDonald dans le cas d’une requête en injonction ou en sursis des procédures.

[12]           Compte tenu de cette jurisprudence, la Cour fédérale examine les règles régissant la prématurité et les autres recours, citant de nombreux passages de la décision de notre Cour dans l’arrêt Canada (Agence des services frontaliers) c. C.B. Powell Limited, 2010 CAF 61, [2011] 2 R.C.F. 332. De l’avis de la Cour fédérale, il n’y a pas de circonstance exceptionnelle justifiant son intervention dans l’instance administrative en cours avant son issue ou l’épuisement de tous les recours.

[13]           La Cour fédérale renvoie à la décision Girouard c. Comité d’examen constitué en vertu des procédures relatives à l’examen des plaintes déposées au conseil canadien de la magistrature au sujet de juges de nomination fédérale, 2014 CF 1175, [2014] A.C.F. no 1360 (QL) [Girouard]. Dans cette affaire, la Cour fédérale radie un avis de demande présenté par un juge de nomination fédérale sollicitant le contrôle judiciaire de la décision d’un comité d’examen de constituer un comité d’enquête. La Cour fédérale radie l’avis au motif que la demande de contrôle judiciaire est prématurée (voir Girouard, par. 17). Dans son analyse de la décision Girouard, la Cour fédérale mentionne que le procureur général n’a pas présenté de requête en radiation de la demande de contrôle judiciaire. En conséquence, la Cour fédérale rejette la requête en sursis au motif qu’elle est prématurée. Comme elle n’a pas été saisie d’une requête en radiation de la demande de contrôle judiciaire, elle n’ordonne pas la radiation de la demande.

[14]           Dans l’éventualité où notre Cour ne partagerait pas son avis concernant la prématurité, la Cour fédérale aborde le bien-fondé de la requête en sursis. Les éléments du célèbre critère à trois volets de l’arrêt RJR—MacDonald sont les suivants :

1.                   Une question sérieuse à juger

2.                   Un préjudice irréparable en cas de rejet de la demande

3.                   La prépondérance des inconvénients

RJR – MacDonald, à la page 334.

[15]           En l’espèce, la Cour fédérale juge que la demande de contrôle judiciaire soulève une question sérieuse qui n’était ni futile ni vexatoire.

[16]           Quant au préjudice irréparable, la Cour fédérale conclut que toute atteinte à la réputation de l’appelant a déjà été infligée par la couverture médiatique de sa participation à la controverse publique liée à la revendication territoriale autochtone. La Cour fédérale juge qu’il n’est pas possible de démontrer l’atteinte irréparable à la réputation au moyen de prétentions dénuées de fondement; selon elle, une atteinte irréparable à la réputation ne peut être établie que par des éléments de preuve clairs et convaincants. La Cour fédérale conclut à l’absence de preuve démontrant que le préjudice subi par l’appelant serait irréparable.

[17]           Le critère à trois volets est conjonctif : la Cour fédérale met donc fin à l’examen sans tenir compte de la prépondérance des inconvénients, la requête en sursis ayant échoué au volet du préjudice irréparable.

IV.              QUESTIONS EN LITIGE

[18]           Les questions examinées par la Cour fédérale sont les mêmes que dans le présent appel. La thèse selon laquelle il faut se prononcer sur la prématurité avant d’appliquer le critère à trois volets est contestée par l’appelant, tout comme la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle aucune atteinte irréparable à la réputation n’a été démontrée en l’espèce.

V.                 NORME DE CONTRÔLE

[19]           La Cour est saisie de l’appel d’une décision discrétionnaire d’un juge de la Cour fédérale. Comme l’a conclu une formation de cinq membres de notre Cour dans l’arrêt Corporation de soins de la santé Hospira c. Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215, au paragraphe 79, [2017] 1 R.C.F. 331, la norme de contrôle est celle qui s’applique en appel et a été énoncée dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235 : la norme de la décision correcte pour les questions de droit, et celle de l’erreur manifeste et dominante pour les questions de fait ainsi que pour les questions mixtes de fait et de droit, sauf dans les cas où il est possible d’isoler une question de droit.

VI.              PRÉMATURITÉ

[20]           Dans l’arrêt RJR – MacDonald, aux pages 337 et 338, la Cour suprême analyse les caractéristiques de la « question sérieuse à juger ». Selon la Cour, ce volet de l’analyse ne comporte aucune exigence particulière; le critère n’est pas élevé. Le juge saisi de la requête en injonction (ou en sursis) doit faire un examen préliminaire du fond de l’affaire. Si le juge conclut que les questions soulevées ne sont pas futiles ou vexatoires, il est satisfait au critère, et ce même si le juge est d’avis que le demandeur sera probablement débouté sur le fond. La Cour suprême conclut cette portion de son analyse en mentionnant qu’« [i]l n’est en général ni nécessaire ni souhaitable de faire un examen prolongé du fond de l’affaire » (RJR – MacDonald, p. 338).

[21]           Comparons cet arrêt à la décision Groupe Archambault, qui présente cette observation au paragraphe 7 : « [a]vant d’aborder les conditions pour l’émission d’un sursis interlocutoire, la Cour doit se satisfaire que les circonstances justifient son intervention ». Par conséquent, le juge des requêtes a rejeté la requête en sursis avant même d’aborder les critères établis dans l’arrêt RJR – MacDonald. Même si l’issue de l’affaire Groupe Archambault est justifiée au vu des faits qu’elle présentait — le contrôle judiciaire d’une décision concernant la communication de documents dans le cours d’un interrogatoire préalable était dans ce cas voué à l’échec — son raisonnement n’est pas conforme à l’arrêt RJR – MacDonald.

[22]           En procédant à une analyse au fond de la demande au principal avant d’aborder le critère à trois volets applicable en matière de sursis ou d’injonction, on anticipe sur le volet de la question sérieuse, tel que la Cour suprême l’a conçu. On force ainsi le demandeur — tenu au critère peu élevé d’établir l’existence d’une question sérieuse au premier des trois volets — à satisfaire au critère plus strict de prouver l’existence de circonstances exceptionnelles pour que sa demande en sursis soit entendue. La prématurité et les circonstances exceptionnelles ressortissent au domaine du contrôle judiciaire, et non aux règles régissant l’injonction. En exigeant que l’on détermine que la demande n’est pas prématurée avant d’appliquer le critère à trois volets, on confond les règles régissant deux voies de droit distinctes sans offrir d’autre justification qu’une répétition des raisons qui sous-tendent la doctrine de la prématurité.

[23]           Je ne peux que conclure que la décision Groupe Archambault est erronée et qu’elle ne devrait pas être suivie. Comme elle émane d’un juge seul, Groupe Archambault n’est pas contraignante pour la Cour et il n’est pas nécessaire d’entreprendre l’analyse énoncée dans l’arrêt Miller c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 370, aux paragraphes 8 à 10.

[24]           En résumé, la prématurité et les circonstances exceptionnelles (deux aspects de la même convention de retenue judiciaire) ne sont pas des questions indépendantes qui doivent être traitées avant le critère à trois volets. Elles devraient être abordées sous le volet relatif à la question sérieuse où, suivant l’arrêt RJR – MacDonald, il faut décider si leur importance est telle que la demande au principal peut être jugée futile ou vexatoire. Si ce n’est pas le cas, la Cour passe à l’étape suivante de l’analyse.

[25]           En l’espèce, la conclusion de la Cour fédérale, selon laquelle elle pouvait rejeter la requête en sursis de l’appelant au motif qu’elle était prématurée, était fondée sur une erreur de droit, mais dont la responsabilité ne lui revient pas. Cette erreur justifierait notre intervention, si ce n’est que j’estime, à la lumière du critère à trois volets, que l’appel doit être rejeté.

VII.            LE CRITÈRE À TROIS VOLETS

[26]           La Cour fédérale a conclu que la compétence du CCM pour réexaminer une plainte qu’il avait déjà rejetée constituait une question sérieuse. La conclusion de la Cour fédérale sur ce point n’a pas été contestée devant nous. Par conséquent, je pars du principe que cet aspect du critère à trois volets a été respecté.

[27]           Deux questions ont été soulevées à l’égard du préjudice irréparable, i) la Cour fédérale a-t-elle choisi la bonne norme à appliquer en matière de preuve? et ii) la Cour fédérale a-t-elle commis une erreur manifeste et dominante en concluant que l’appelant ne subirait pas de préjudice irréparable si le sursis n’était pas accordé?

[28]           En ce qui concerne la première question, la Cour fédérale a appliqué la norme de la preuve claire et concrète énoncée dans des arrêts comme Choson Kallah Fund of Toronto c. Canada (Revenu national), 2008 CAF 311, aux paragraphes 5 à 11, et Gateway City Church c. Canada (Revenu national), 2013 CAF 126, au paragraphe 14, [Gateway City Church] et la jurisprudence qui y est citée. L’appelant affirme, en alléguant notamment les affaires Adriaanse c. Malmo-Levine, 1998 CanLII 8809 (F.C.), aux paragraphes 20 à 22, [Malmo-Levine], Douglas c. Canada (Procureur général), 2014 CF 1115, au paragraphe 43 [Douglas], et Bennett v. British Columbia (Superintendent of Brokers), 77 B.C.L.R. (2d) 145, 1993 CanLII 2057 (B.C.C.A.), aux paragraphes 17 à 18 [Bennett], que dans les cas d’atteinte à la réputation ou à d’autres attributs sociaux comme la crédibilité, le préjudice irréparable peut être inféré.

[29]           À mon avis, la présence de ces deux courants jurisprudentiels démontre que la qualité de la preuve — « claire et convaincante » ou un autre critère — est fonction de la nature du préjudice irréparable invoqué. Lorsque le préjudice redouté est financier, une preuve claire et convaincante est nécessaire puisque ce type de préjudice peut être établi par une preuve concrète, comme celle dont il est question au paragraphe 17 de la décision Gateway City Church. En cas d’atteinte à des intérêts sociaux comme la réputation ou la dignité, dont il est question dans l’affaire Douglas, le préjudice irréparable peut être inféré de l’ensemble des circonstances de l’espèce.

[30]           À mon avis, la Cour fédérale a commis une erreur de droit en excluant la possibilité que l’atteinte à la réputation soit prouvée par inférence.

[31]           Cela dit, la question à trancher est de savoir si l’appelant est en mesure de démontrer une telle atteinte à sa réputation. L’appelant affirme que les travaux du comité d’enquête entacheront irrémédiablement la réputation qu’il a acquise au fil des ans au sein de la magistrature. Je suis sensible à cet argument, mais le préjudice dont se plaint l’appelant est inhérent au processus dans lequel il est engagé, et c’est là où le bât blesse. S’il est probable que l’appelant subisse un préjudice irréparable du seul fait que ses agissements seront examinés par un comité d’enquête, alors tous les juges se trouvant dans la même situation en subiront également un préjudice irréparable. Je ne suis pas disposé à tirer pareille conclusion.

[32]           Qui plus est, en l’occurrence, l’appelant a déjà été exposé à une certaine publicité en raison de la couverture médiatique sur sa participation aux faits ayant mené à la présente instance et de la couverture médiatique de l’instance à ce jour.

[33]           Je ne veux pas dire par là que la tenue d’une enquête sur la conduite d’un juge ne peut jamais causer d’atteinte irréparable à la réputation d’un juge. Par contre, à mon avis, pour démontrer ce genre d’atteinte, il faut qu’un facteur ou un élément dans les circonstances qui entourent l’affaire distingue celle-ci de la normale. Il incomberait au juge de démontrer l’existence d’un tel facteur, après quoi la question à trancher serait celle de savoir si le décideur peut en inférer qu’un préjudice irréparable est probable.

[34]           Les affaires que l’appelant invoque pour illustrer des occurrences de sursis pour préjudice irréparable présentaient de tels facteurs. La décision Douglas faisait intervenir le droit à la vie privée à l’égard de photos, alors que les affaires Bennett et Malmo-Levine concernaient le risque d’une issue défavorable décidée par un tribunal qu’on disait partial. Ces facteurs intéressent certes l’atteinte à la réputation, mais, à mon avis, l’existence d’un autre élément a permis l’inférence d’un préjudice irréparable.

[35]           Une inférence de préjudice irréparable est-elle possible dans le cadre d’une affaire où la compétence est contestée? Si, mais pas dans tous les cas selon moi. Le risque d’atteinte à la réputation inhérente aux travaux du comité d’enquête découle non pas de la compétence intrinsèque du comité, mais de la preuve qui lui est soumise. Dans la mesure où il est possible que l’intéressé soit disculpé à la fin de l’instance, tout préjudice subi en cours d’enquête pourrait être réparé totalement ou en partie.

[36]           Il est nul doute enrageant d’être nommé dans une instance que l’on juge non fondée en droit, mais il n’en découle pas une atteinte irréparable à la réputation. Cette situation pourrait, dans certains cas, causer une autre sorte de préjudice irréparable, mais il n’y a aucune raison de croire que c’est le cas en l’espèce.

[37]           Dans les circonstances, je ne suis pas convaincu que la Cour fédérale a commis une erreur manifeste et dominante en concluant que l’appelant n’avait pas prouvé qu’il allait subir un préjudice irréparable si sa requête en sursis n’était pas accueillie.

VIII.         CONCLUSION

[38]           À la lumière de ce qui précède, je rejetterais l’appel. Comme aucuns dépens n’ont été demandés, il n’y a aucune ordonnance quant aux dépens.

« J.D. Denis Pelletier »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

          Johanne Trudel »

« Je suis d’accord.

          Donald J. Rennie »

Traduction certifiée conforme

Marie-Luc Simoneau, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

A-118-17

 

INTITULÉ :

L’HONORABLE FRANCIS J.C. NEWBOULD c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 16 mai 2017

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE PELLETIER

 

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE TRUDEL

LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS :

Le 19 mai 2017

 

COMPARUTIONS :

Me Andrea Gonsalves

Me Pam Hrick

 

Pour le demandeur

L’HONORABLE FRANCIS J.C. NEWBOULD

 

Me Falguni Debnath

Me Andrea Bourke

 

Pour le défendeur

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

STOCKWOODS LLP

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

L’HONORABLE FRANCIS J.C. NEWBOULD

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

Pour le défendeur

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

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