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Date : 20170524


Dossier : A-289-16

Référence : 2017 CAF 110

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

LA JUGE GLEASON

 

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

WILLIAM PEPPARD

défendeur

Audience tenue à Fredericton (Nouveau-Brunswick), le 24 mai 2017.

Jugement rendu à l’audience à Fredericton (Nouveau-Brunswick), le 24 mai 2017.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE GLEASON

 


Date : 20170524


Dossier : A-289-16

Référence : 2017 CAF 110

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

LA JUGE GLEASON

 

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

WILLIAM PEPPARD

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Fredericton (Nouveau-Brunswick), le 24 mai 2017.)

LA JUGE GLEASON

[1]  Le procureur général demande l’annulation de la décision datée du 18 juillet 2016 (dossier no AD-14-281) par laquelle la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le TSS-DA) a confirmé la décision rendue le 2 juin 2014 par la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le TSS-DG). Dans cette décision, le TSS-DG avait conclu que le défendeur, William Peppard, avait droit à des prestations d’assurance-emploi après avoir démissionné de son poste de réserviste à temps plein des Forces canadiennes (dossier no GE-14-1038).

[2]  En 2010, M. Peppard a pris sa retraite du service actif des Forces après 20 ans de service et a, en vertu des articles 4 et 6 de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, L.R.C. (1985), ch. C-17 (la Loi), choisi de recevoir une annuité de retraite dès sa retraite. À sa retraite, M. Peppard avait le droit de toucher cette annuité et d’être employé comme réserviste à temps plein, compte tenu de la politique des Forces canadiennes qui permettait aux retraités réservistes à temps plein de prendre un congé sans solde de 35 jours pendant chaque année de service. Cette interruption de service visait à soustraire les personnes comme M. Peppard à l’application du paragraphe 41(3) de la Loi, qui exige que les employés à temps plein qui travaillent sans interruption pendant un an cotisent au régime de retraite applicable.

[3]  En 2012, les Forces canadiennes ont donné aux employés un préavis d’un an annonçant leur intention de modifier cette politique, étant donné que les besoins des Forces canadiennes en réservistes à temps plein avaient diminué. Les employés se trouvant dans la situation de M. Peppard ont dû faire un choix : ils pouvaient quitter leur poste et continuer à toucher leur pension (ou leur annuité) ou ils pouvaient conserver leur emploi et passer de prestataire d’un régime de pension à cotisant à un tel régime. En août 2013, M. Peppard a choisi de prendre sa retraite et a cherché à se recycler en massothérapeute. Si M. Peppard avait conservé son emploi, son revenu aurait diminué d’environ 28 000 $ par année parce qu’il aurait cessé de recevoir son annuité de retraite. Par ailleurs, il aurait été tenu de recommencer à verser des cotisations de retraite, d’environ 6 000 $ par année, sur son revenu d’emploi. Cela représentait en tout une réduction d’environ 45 pour cent du revenu net qu’il gagnait et touchait sous forme d’annuité.

[4]  La Commission de l’assurance-emploi a rejeté la demande de prestations d’assurance‑emploi de M. Peppard, en concluant qu’il avait quitté volontairement son emploi sans justification. Le TSS-DG a annulé cette décision et a conclu que la démission de M. Peppard n’était pas sans justification au sens du paragraphe 30(1) de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la Loi sur l’AE), du fait du sous-alinéa 29c)(vii), qui prévoit que le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi en cas de « modification importante de ses conditions de rémunération ». Selon le TSS-DG, devant la décision unilatérale des Forces de modifier en profondeur les conditions de son emploi, M. Peppard n’avait pas la capacité de négocier des conditions qui lui auraient assuré une situation d’emploi comparable et, par conséquent, le changement de politique de l’employeur constituait un motif valable pour lui de quitter son emploi (décision du TSS-DG, aux paragraphes 28 et 29).

[5]  Cette conclusion a été confirmée par le TSS-DA en raison de la retenue dont il est tenu de faire preuve envers le TSS-DG au titre du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, L.C. (2005), ch. 34. Le TSS-DA a conclu que la décision portait essentiellement sur les faits et que la conclusion du TSS-DG selon laquelle M. Peppard était fondé à quitter son emploi était raisonnable.

[6]  La seule question dont nous sommes saisis est celle de savoir si la décision du TSS-DA était raisonnable, étant donné qu’il est bien établi que la norme qui s’applique au contrôle des décisions du TSS-DA portant sur l’interprétation et l’application de l’alinéa 29c) et du paragraphe 30(1) de la Loi sur l’AE est celle de la décision raisonnable, laquelle commande une certaine retenue (Hurtubise c. Canada (Procureur général), 2016 CAF 147, au paragraphe 5 (consultable sur CanLII) [Hurtubise]; Canada (Procureur général) c. Hong, 2017 CAF 46, au paragraphe 4 (consultable sur CanLII) [Hong], et Thibodeau c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 167, aux paragraphes 40 et 41, 477 N.R. 104).

[7]  Nous concluons que la décision à l’étude est raisonnable. Même si nous souscrivons à l’observation du procureur général selon laquelle le sous-alinéa 29c)(vii) de la Loi sur l’AE ne s’applique pas puisqu’une annuité de retraite ne constitue pas une « rémunération », l’analyse ne s’arrête pas là, car la jurisprudence reconnaît que les situations énumérées à l’alinéa 29c) de la Loi sur l’AE ne constituent pas une liste exhaustive des circonstances dans lesquelles un employé peut être fondé à quitter son emploi et, par conséquent, dans lesquelles il a droit à des prestations d’assurance‑emploi. Un employé est fondé à quitter volontairement son emploi dès lors que son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas : Hong, au paragraphe 3; Hurtubise, au paragraphe 3; Canada (Procureur général) c. Paquet, 2013 CAF 48, au paragraphe 4, 450 N.R. 190; Canada (Procureur général) c. Marier, 2013 CAF 39, au paragraphe 20, 450 N.R. 122; Canada (Procureur général) c. Lessard, 2002 CAF 469, au paragraphe 10, 300 N.R. 354.

[8]  En l’espèce, nous ne pouvons affirmer que la conclusion selon laquelle le départ de M. Peppard constituait la seule solution raisonnable dans son cas était déraisonnable, compte tenu des répercussions que les modifications apportées à la politique des Forces canadiennes allaient avoir sur lui. La présente affaire ressemble à l’affaire récente Hong, dans laquelle la Cour a confirmé la conclusion selon laquelle l’employée était fondée à quitter son poste pour conserver les régimes d’assurance maladie et de soins dentaires auxquels avaient droit les retraités.

[9]  Nous rejetons par conséquent la présente demande de contrôle judiciaire. Nous n’adjugeons pas de dépens, étant donné que M. Peppard n’était pas représenté par un avocat et qu’il n’a pas déposé de mémoire.

« Mary J.L. Gleason »

j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-289-16

 

 

INTITULÉ :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. WILLIAM PEPPARD

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Fredericton (Nouveau-Brunswick)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 24 MAI 2017

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

LA JUGE GLEASON

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LA JUGE GLEASON

COMPARUTIONS :

Sandra L. Doucette

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William Peppard

 

POUR LE défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William Peppard

Hanwell (Nouveau-Brunswick)

 

POUR LE défendeur

 

 

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