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Date : 20170529


Dossier : A-252-16

Référence : 2017 CAF 115

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Présent : LE JUGE STRATAS

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

LARRY PETER KLIPPENSTEIN

défendeur

Audience tenue à Winnipeg (Manitoba), le 23 mai 2017.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 29 mai 2017.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE STRATAS

 


Date : 20170529


Dossier : A-252-16

Référence : 2017 CAF 115

Présent : LE JUGE STRATAS

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

LARRY PETER KLIPPENSTEIN

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE STRATAS

[1]               Le procureur général demande que le défendeur soit déclaré plaideur vexatoire en vertu de l’article 40 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7.

[2]               Les principes régissant la présente requête sont énoncés dans l’arrêt Canada c. Olumide, 2017 CAF 42. Les présents motifs, qui s’appuient sur les directives données dans l’arrêt Olumide, aux paragraphes  39 et 40, sont brefs.

[3]               Le défendeur a intenté des dizaines d’instances auprès de divers tribunaux, notamment trente en Cour du banc de la Reine du Manitoba et en Cour d’appel du Manitoba et dix demandes d’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada. Dans le cadre de ces demandes, le défendeur remet souvent en cause des questions qui ont déjà été tranchées, et omet régulièrement de payer les dépens auxquels il est condamné. Le défendeur a également intenté plus de soixante-quinze poursuites de droit privé, qui ont toutes été rejetées ou suspendues. Elles présentent plusieurs des caractéristiques d’un comportement vexatoire dont il est question au paragraphe 34 de l’arrêt Olumide.

[4]               Le comportement d’un plaideur dans une seule instance engagée devant notre Cour peut emporter le recours prévu à l’article 40 (Olumide, par. 25). Néanmoins, dans les multiples appels, requêtes et autres demandes introduites devant notre Cour, le défendeur a présenté les caractéristiques ou signes d’un comportement vexatoire. Notre Cour est convaincue que, à moins qu’elle n’accorde la mesure prévue à l’article 40 en l’espèce, le comportement du défendeur risque de se manifester de nouveau dans plusieurs instances engagées devant notre Cour (Olumide, par. 24).

[5]               Le premier appel qu’il a interjeté devant notre Cour visait la décision de la Cour fédérale de radier une instance intentée par lui. En Cour fédérale, il a sollicité une ordonnance pour outrage contre le greffe auquel il reprochait de l’avoir privé d’un moyen de faire une déclaration sous serment qui ne choque pas sa conscience. Le défendeur avait refusé de faire une affirmation solennelle plutôt que de prêter serment. La Cour fédérale a radié l’instance, et notre Cour a débouté le défendeur de son appel (dossier A-135-14), dans l’arrêt 2014 CAF 216. Notre Cour a rejeté les affirmations du défendeur concernant le serment.

[6]               Le défendeur a voulu rouvrir la question du serment en Cour fédérale en tentant de convertir une directive en la matière en une ordonnance. Il a également engagé une nouvelle instance à cet égard. La Cour fédérale a rejeté ces tentatives de remise en cause d’une question déjà tranchée. Après trois requêtes sans fondement, notre Cour a rejeté l’appel (A-503-14), qui constituait à son avis un appel vexatoire et un gaspillage de ressources judiciaires (ordonnance du 27 février 2015). Le défendeur a demandé l’autorisation d’interjeter appel à la Cour suprême. Après que la Cour suprême a rejeté sa demande, le défendeur a présenté deux requêtes devant notre Cour dans le dossier, clos depuis longtemps.

[7]               Dans le cadre de l’un de ses appels, le défendeur a sollicité une ordonnance de notre Cour pour qu’elle nomme un tuteur à l’instance. Cette demande a été rejetée (voir la directive du 14 avril 2014 dans le dossier A-135-14). Il a alors présenté cinq requêtes distinctes, toutes dénuées de fondement, dans ce dossier. Notre Cour a rejeté entre autres son argument sur la nécessité de nommer un tuteur à l’instance. Deux autres requêtes ont suivi, qui ont été rejetées. Il a remis de nouveau cette question en litige dans un autre appel sans présenter de nouveaux faits.

[8]               Le défendeur continue à débattre des questions du serment et de la nécessité d’un tuteur à l’instance même s’il a été débouté de ses demandes. Dans l’instruction de la présente requête fondée sur l’article 40, plutôt que d’opposer une défense au fond, le défendeur soulève de nouveau ces points. À l’audience tenue à l’égard de la requête, en réponse aux questions de la Cour, le défendeur a confirmé que la thèse qu’il souhaite faire valoir concerne uniquement le serment et le tuteur à l’instance. Ces questions ont déjà été tranchées. Il n’a aucun autre argument.

[9]               Vu le dossier factuel qui lui a été présenté, la Cour est convaincue que le défendeur, à moins qu’elle ne fasse droit à la présente requête, continuera de remettre en cause ces questions qui ont déjà été tranchées. Afin d’éviter le genre de conséquences néfastes examinées dans l’arrêt Olumide et pour respecter l’objet de l’article 40, comme il est décrit dans cet arrêt, il convient d’empêcher le défendeur de continuer ou d’engager des instances devant notre Cour sans autorisation.

[10]           Une telle ordonnance d’interdiction ne prive pas le défendeur du droit de présenter une demande ou d’interjeter appel à notre Cour pour faire valoir un point, si le besoin se présente. Il s’agit plutôt d’assurer une certaine modération dans l’exercice de ce droit. À la lumière des objets de l’article 40 qui ont été examinés dans l’arrêt Olumide, il faut conclure que la mesure est justifiée en l’espèce.

[11]           Par conséquent, la Cour est d’avis d’accueillir la requête présentée en vertu de l’article 40.

[12]           Si une question exige que le défendeur interjette appel ou présente une demande à notre Cour, il doit obtenir l’autorisation de notre Cour. Elle lui sera accordée si la question soulevée est une véritable question qui n’est pas vouée à l’échec, auquel cas la Cour peut imposer des modalités prévoyant la gestion ou la surveillance par la Cour afin d’assurer la bonne marche de l’instance.

[13]           Par conséquent, notre Cour rendra une ordonnance déclarant que le défendeur est un plaideur vexatoire et l’empêchant d’intenter une nouvelle instance devant notre Cour sans l’autorisation de cette dernière. Le greffe refusera tout acte introductif d’instance qui ne sera pas accompagné de la requête écrite visée à l’article 369 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, sollicitant l’autorisation. Comme le demandeur ne les a pas demandés, je ne rends aucune ordonnance quant aux dépens.

« David Stratas »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Marie-Luc Simoneau, jurilinguiste

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-252-16

DEMANDE PRÉSENTÉE EN VERTU DE L’ARTICLE 40 DE LA LOI SUR LES COURS FÉDÉRALES, L.R.C. 1985, ch. F-7.

INTITULÉ :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. LARRY PETER KLIPPENSTEIN

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 23 mai 2017

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE STRATAS

 

DATE DES MOTIFS :

Le 29 mai 2017

 

COMPARUTIONS :

Me Susan Eros

 

Pour le demandeur

 

Larry Peter Klippenstein

 

POUR SON PROPRE COMPTE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

Pour le demandeur

 

 

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