Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20170614


Dossier : A-406-16

Référence : 2017 CAF 125

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE WOODS

 

 

ENTRE :

TIME DEVELOPMENT GROUP INC. & TIME DEVELOPMENT INC.

appelantes

et

TIMES GROUP CORPORATION & TIMES DEVELOPMENTS INC.

intimées

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 31 mai 2017.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 14 juin 2017.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE WOODS

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE DE MONTIGNY

 


Date : 20170614


Dossier : A-406-16

Référence : 2017 CAF 125

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE WOODS

 

 

ENTRE :

TIME DEVELOPMENT GROUP INC. ET TIME DEVELOPMENT INC.

appelantes

et

TIMES GROUP CORPORATION ET TIMES DEVELOPMENTS INC.

intimées

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE WOODS

[1]               La Cour est saisie de l’appel d’un jugement de la Cour fédérale (rendu par le juge O’Reilly) qui a conclu à la violation de la marque de commerce déposée, TIMES GROUP CORPORATION, par un nom commercial créant de la confusion, TIME DEVELOPMENT GROUP.

[2]               La disposition applicable est l’alinéa 20(1)a) de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13, qui est ainsi rédigé :

20 (1) Le droit du propriétaire d’une marque de commerce déposée à l’emploi exclusif de cette dernière est réputé être violé par une personne qui est non admise à l’employer selon la présente loi et qui :

20 (1) The right of the owner of a registered trade-mark to its exclusive use is deemed to be infringed by any person who is not entitled to its use under this Act and who

a) soit vend, distribue ou annonce des produits ou services en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion;

(a) sells, distributes or advertises any goods or services in association with a confusing trade-mark or trade-name;

[...]

[3]               Les appelantes, Time Development Group Inc. et Time Development Inc., utilisent le nom commercial TIME DEVELOPMENT GROUP. Les intimées, Times Group Corporation (propriétaire de la marque de commerce déposée) et Times Developments Inc., ont présenté une demande à la Cour fédérale visant à obtenir une injonction à l’encontre des appelantes pour violation de leur droit exclusif et une réparation semblable en vertu des dispositions de la Loi relatives au passing off.

[4]               Chacune des quatre parties prend part, d’une façon ou d’une autre, à des activités de promotion et de gestion immobilières, et leurs entreprises se concentrent sur la communauté sino-canadienne dans la région du grand Toronto. Toutefois, le dossier donne peu de détails quant à la nature exacte des activités commerciales exercées par chacune d’elle.

[5]               Pour les motifs qu’elle énonce dans sa décision 2016 CF 1075, la Cour fédérale a déclaré qu’il y avait eu violation de la marque de commerce déposée et a ordonné que les appelantes s’abstiennent d’utiliser [traduction] « ses noms commerciaux et toute autre variante similaire portant à confusion ».

[6]               Les appelantes ont interjeté appel de cette décision devant la Cour.

Décision de la Cour fédérale

[7]               Selon la Cour fédérale, la principale question en litige concernait la confusion : la confusion était-elle probable entre la marque de commerce déposée TIMES GROUP CORPORATION et le nom commercial TIME DEVELOPMENT GROUP? Une question connexe était celle de savoir si la marque de commerce déposée était invalide au motif qu’elle n’était pas distinctive et associée à une seule source.

[8]               La Cour fédérale a conclu en faveur des intimées à l’égard des deux questions. Selon le juge, la marque de commerce déposée était distinctive et par conséquent valide, et le nom commercial des appelantes créait probablement de la confusion. Il a par conséquent enjoint aux appelantes de ne pas utiliser ce nom commercial portant à confusion et des noms semblables.

[9]               Le juge a également conclu qu’il n’était pas nécessaire de traiter la question du passing off étant donné sa conclusion sur la violation.

Analyse

[10]           Les appelantes affirment que la Cour fédérale a commis une erreur :

a)         en concluant que la marque de commerce déposée, TIMES GROUP CORPORATION, était distinctive et associée à une seule source;

b)         en concluant que les intimées, demanderesses dans l’instance devant la Cour fédérale, avaient établi une probabilité de confusion;

c)         en appliquant l’analyse relative à la confusion pertinente.

[11]           Pour les motifs qui suivent, je conclus que la Cour fédérale n’a pas commis d’erreur susceptible de révision en décidant que la marque de commerce déposée était distinctive, et que le nom commercial TIME DEVELOPMENT GROUP créait de la confusion. La norme de contrôle applicable est celle de l’erreur manifeste et dominante en ce qui a trait aux questions de fait et aux questions mixtes de fait et de droit, et celle de la décision correcte pour les questions de droit qu’il est possible d’isoler (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235).

Association à une seule source

[12]           Les appelantes affirment que le juge a commis une erreur en concluant que la marque déposée était distinctive et associée à une seule source. L’absence de caractère distinctif peut être opposée en défense à une action pour violation de la marque de commerce au titre de l’alinéa 18(1)b) de la Loi. Le terme « distinctive » est ainsi défini à l’article 2 de la Loi :

distinctive Relativement à une marque de commerce, celle qui distingue véritablement les produits ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire, des produits ou services d’autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi. (distinctive)

distinctive, in relation to a trade-mark, means a trade-mark that actually distinguishes the goods or services in association with which it is used by its owner from the goods or services of others or is adapted so to distinguish them; (distinctive)

[13]           Selon les appelantes, il n’a pas été satisfait au critère du caractère distinctif puisque la marque de commerce déposée a été utilisée par les deux intimées et que seule l’une d’elles, Times Group Corporation, en est la propriétaire. En d’autres termes, la marque de commerce déposée ne distingue pas les produits ou services de sa propriétaire de ceux de Times Developments Inc.

[14]           Les appelantes reconnaissent que cette difficulté n’existerait pas si une entente était intervenue entre la propriétaire de la marque déposée et l’autre intimée prévoyant une licence pour la seconde et le contrôle du caractère et de la qualité des biens et services utilisés en lien avec la marque de commerce pour la première. Or, les appelantes soutiennent que la preuve n’a pas établi l’existence d’une telle licence.

[15]           À mon avis, l’argument du caractère distinctif doit être rejeté à la lumière de la conclusion de fait de la Cour fédérale selon laquelle rien ne prouve que la marque de commerce déposée a été utilisée par les deux intimées (motifs, par. 12). Je ne suis pas convaincue que la Cour fédérale a commis une erreur manifeste et dominante en concluant ainsi. L’argument des appelantes tombe si la marque de commerce n’a pas été utilisée par l’intimée Times Developments Inc.

[16]           D’après les appelantes, le juge reconnaît dans ses motifs que les deux intimées utilisaient la marque déposée. Elles font référence aux passages où le juge semble conclure que les deux intimées forment un tout et exploitent une seule entreprise, notamment en utilisant le nom « Times » pour renvoyer collectivement, et non individuellement, aux intimées et parfois en employant le pronom « elle » pour parler de leurs entreprises respectives.

[17]           Je ne souscris pas à cette thèse. À mon avis, dans les motifs, les mentions de « Times » renvoient à « au moins une des intimées ». La preuve dont disposait la Cour fédérale faisait souvent référence aux appelantes et aux intimées collectivement. Il est regrettable que les termes n’aient pas été plus précis. Néanmoins, il ressort clairement des motifs de la Cour fédérale, interprétés dans leur ensemble, que les deux intimées sont des entités distinctes et que la preuve n’a pas établi que la marque de commerce déposée avait été utilisé par les deux.

[18]           Les appelantes affirment également que la Cour fédérale a commis une erreur dans son analyse du caractère distinctif en faisant fi de la coexistence des deux intimées sur le marché et de l’utilisation de noms commerciaux et de marques de commerce semblables par Times Developments Inc. (mémoire, par. 61, 63 et 71). Les appelantes fondent leur argument sur les éléments de preuve par affidavit présentés par les intimées selon lesquels ces dernières sont bien connues sous le nom « Times Developments » (cahier d’appel, onglet 5, p. 41).

[19]           Je ne souscris pas non plus à cet argument. D’abord, il n’a pas été expressément formulé dans les observations écrites des appelantes à la Cour fédérale, et il ne me semble pas du tout évident que la Cour en était saisie. Toutefois, même si l’argument lui avait été présenté, l’omission par le juge d’en traiter expressément ne constituait pas une erreur susceptible de révision.

[20]           Répétons-le, la preuve présentée à la Cour fédérale n’abordait pas de manière détaillée les activités commerciales exercées par chacune des intimées. Par conséquent, on en sait peu sur la façon dont Times Developments Inc. et Times Group Corporation traitaient l’une avec l’autre et exploitaient leurs entreprises respectives. Pour que leur défense dans l’action pour violation de la marque de commerce soit retenue, les appelantes auraient dû présenter une preuve plus importante sur l’utilisation par Times Developments Inc. des noms commerciaux et des marques de commerce. À défaut de tels éléments de preuve, il est impossible de conclure que la marque de commerce déposée dont Times Group Corporation est propriétaire n’était pas distinctive et associée à une seule source en raison de l’utilisation de noms commerciaux semblables par Times Developments Inc.

[21]           Pour les motifs qui précèdent, je suis d’avis que la conclusion de la Cour fédérale, selon laquelle la marque de commerce déposée était distinctive et par conséquent valide, n’est entachée d’aucune erreur manifeste et dominante.

Probabilité de confusion

[22]           La Cour fédérale a conclu à une probabilité raisonnable de confusion entre la marque TIMES GROUP CORPORATION et le nom TIME DEVELOPMENT GROUP. Les appelantes affirment que cette conclusion est viciée puisque l’analyse ne tenait pas compte de l’utilisation d’autres marques de commerce et noms commerciaux « Times » par les deux intimées et par des tiers.

[23]           Cette question est susceptible de révision selon la norme de l’erreur manifeste et dominante.

[24]           En l’espèce, il importe, non pas de disséquer l’analyse du juge relative à la confusion, mais de l’envisager comme un tout. À mon avis, le juge n’a pas fait fi de cette preuve.

[25]           La conclusion de la Cour fédérale sur la confusion est fondée sur le fait qu’il existe une forte ressemblance entre la marque de commerce déposée TIMES GROUP CORPORATION et le nom commercial TIME DEVELOPMENT GROUP et sur le fait que la marque et le nom renvoient à des entreprises semblables exploitées dans le même secteur. Le juge a également précisé que la ressemblance est particulièrement frappante lorsque les noms sont écrits en langue chinoise, puisque le caractère représentant le mot « TIME » est identique, que ce dernier soit au singulier et au pluriel. Il ressort implicitement des motifs que ces facteurs l’emportent sur l’argument relatif au manque de caractère distinctif.

[26]           Les appelantes affirment également que la Cour fédérale n’a pas bien défini l’analyse relative à la confusion aux paragraphes 35 et 36 des motifs.

[27]           Cette question est susceptible de révision selon la norme de la décision correcte.

[28]           La Cour fédérale n’a commis aucune erreur de la sorte, à mon avis. Les paragraphes 35 et 36 des motifs expliquent qu’une personne s’apprêtant à acquérir un bien aussi coûteux qu’une maison ne fonderait généralement pas cette décision sur sa première impression. Le juge a appliqué les bons principes juridiques dans l’analyse. Au paragraphe 36 des motifs, le juge mentionne à juste titre que la confusion est évaluée selon la première impression du consommateur ordinaire quelque peu pressé. La Cour fédérale n’a pas mal compris l’analyse relative à la confusion.

Conclusion

[29]           Par conséquent, je rejetterais l’appel, et ce avec dépens.

« Judith M. Woods »

j.c.a

« Je suis d’accord.

Eleanor R. Dawson, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Yves de Montigny, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Marie-Luc Simoneau, jurilinguiste

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-406-16

APPEL D’UN JUGEMENT PRONONCÉ PAR L’HONORABLE JUGE O’REILLY LE 22 SEPTEMBRE 2016, DOSSIER NO T-866-15 

INTITULÉ :

TIME DEVELOPMENT GROUP INC. ET TIME DEVELOPMENT INC. c. TIMES GROUP CORPORATION ET TIMES DEVELOPMENTS INC.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 31 mai 2017

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE WOODS

 

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE DE MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS :

Le 14 juin 2017

 

COMPARUTIONS :

Mark K. Evans

Jennifer P. Ponton

 

Pour les appelantes

 

John Kingman Phillips

Pour les intimées

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Smart & Biggar

Toronto (Ontario)

Pour les appelantes

 

Phillips Gill LLP

Toronto (Ontario)

Pour les intimées

 

 

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