Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20170614


Dossier : A-422-15

Référence : 2017 CAF 126

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

 

ENTRE :

HEATHER RUTH MCDOWELL

appelante

et

AUTOMATIC PRINCESS HOLDINGS, LLC

intimée

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 13 septembre 2016.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 14 juin 2017.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE PELLETIER

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

 


Date : 20170614


Dossier : A-422-15

Référence : 2017 CAF 126

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

 

ENTRE :

HEATHER RUTH MCDOWELL

appelante

et

AUTOMATIC PRINCESS HOLDINGS, LLC

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE PELLETIER

I.  INTRODUCTION

[1]  Il s'agit d'un appel d'une décision de la Cour fédérale (2015 CF 980) rejetant une demande de contrôle judiciaire d'une décision interlocutoire d'un membre de la Commission des oppositions des marques de commerce (la Commission) sous l'autorité déléguée du registraire des marques de commerce. La Commission a rejeté la demande de l'appelante, Heather Ruth McDowell (Mme McDowell), visant à modifier sa déclaration d'opposition à l'endroit de la demande d'enregistrement de marque de commerce de l'intimée, Automatic Princess Holdings, LLC (Automatic Princess). La Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire au motif qu'il n'y avait pas de circonstances spéciales l'autorisant à entreprendre le contrôle judiciaire d'une décision interlocutoire. Plus précisément, la Cour a conclu que Mme McDowell possédait d'autres voies de recours adéquates prévues par la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T‑13 (la Loi).

[2]  Les décisions de la Cour fédérale établissant la nature des autres voies de recours adéquates dans le cas de décisions interlocutoires survenant lors d'une opposition à l'enregistrement d'une marque de commerce sont contradictoires. Le présent appel constitue une occasion de résoudre ces contradictions. Pour les motifs exposés ci-après, j'accueillerais l'appel.

II.  LES FAITS

[3]  En 2002, Mme McDowell a déposé une demande pour enregistrer la marque de commerce HONEY et en 2003, elle a déposé une demande pour enregistrer la marque de commerce HONEY.

[4]  En 2003, Automatic Princess a déposé une demande d'enregistrement de la marque de commerce HONEY B. FLY. En 2009, la marque de commerce a été approuvée et publiée dans le Journal des marques de commerce.

[5]  Le 3 mai 2010, Mme McDowell a déposé une déclaration d'opposition visant la demande d'Automatic Princess. Cette déclaration d'opposition était fondée sur l'absence de droit à l'enregistrement et sur le fait que la marque de commerce n'était pas distinctive. Cette déclaration n'invoquait pas l'alinéa 12(1)d) de la Loi et ne faisait pas non plus référence à cet alinéa, qui dispose qu'une marque de commerce n'est pas enregistrable si elle crée de la confusion avec une marque de commerce déposée.

[6]  Le 18 mai 2010, les marques HONEY et HONEY & DESIGN ont été enregistrés comme marques de commerce.

[7]  En juillet 2010, Automatic Princess a déposé une contre‑déclaration. En novembre 2010, Mme McDowell a déposé l'affidavit d'Elenita Anastacio, qui comprenait les enregistrements des marques de commerce HONEY et HONEY & DESIGN. Comme en témoigne la chronologie qui précède, les marques ont été enregistrées après le dépôt de la déclaration d'opposition de Mme McDowell. Mme Anastacio a été contre‑interrogée sur son affidavit, mais aucune question n'a été posée à l'égard des enregistrements de marques de commerce qui étaient joints à son affidavit.

[8]  Automatic Princess a déposé son affidavit en 2013. En mars 2014, Mme McDowell a indiqué qu'elle ne déposerait pas d'observations écrites et a demandé la tenue d'une audience. Automatic Princess a déposé ses observations écrites en juillet 2014 et a également demandé la tenue d'une audience.

[9]  La procédure d'opposition en était à cette étape lorsque Mme McDowell s'est rendu compte qu'elle n'avait pas invoqué l'enregistrement de ses marques de commerce ni l'alinéa 12(1)d) de la Loi. Le 14 août 2014, son avocat a écrit en son nom à la Commission pour demander l'autorisation de déposer une déclaration d'opposition modifiée. Cette lettre soulignait les éléments suivants :

[TRADUCTION]

La déclaration d'opposition initiale comprenait des copies des demandes de marques de commerce en attente de Mme McDowell et indiquait que les deux demandes avaient été autorisées et que l'enregistrement était donc imminent.

Des copies des enregistrements des marques de commerce de Mme McDowell étaient jointes en tant que pièces à l'affidavit de Mme Anastacio.

Bien que les enregistrements aient été déposés en preuve, aucune question n'a été posée à cet égard lors du contre‑interrogatoire de Mme Anastacio sur son affidavit.

Dans les circonstances, il faut présumer que l'avocat d'Automatic Princess avait connaissance de l'existence des enregistrements et a choisi de ne pas contre‑interroger Mme Anastacio à ce sujet.

Par conséquent, Automatic Princess ne subirait aucun préjudice si la modification était autorisée. Malgré tout, Mme McDowell était prête à consentir à des mesures raisonnables pour permettre à Automatic Princess de modifier ses observations afin qu'elles reflètent l'existence des enregistrements et qu'elle puisse répondre à l'argument fondé sur l'alinéa 12(1)d) de la Loi.

[10]  La Commission a rejeté la demande d'autorisation présentée par Mme McDowell en vue de modifier sa déclaration d'opposition. La Commission a noté que cette demande avait été formulée à une étape très avancée des procédures, probablement après la lecture des observations écrites d'Automatic Princess. Elle a également souligné l'absence d'explications autres que l'inadvertance justifiant le défaut d'invoquer l'existence des enregistrements. De plus, la modification était assez importante puisqu'elle ajoutait un motif d'opposition qui n'obligeait pas Mme McDowell à prouver l'utilisation de ses marques de commerce.

[11]  La Commission était d'avis qu'Automatic Princess serait lésée par la modification puisqu'elle permettrait à Mme McDowell de scinder la présentation de son opposition, ce qui n'est pas dans l'intérêt de la justice. Pour ces raisons, et en tenant compte des critères établis à la partie VII de l'Énoncé de pratique concernant la procédure d'opposition en matière de marque de commerce (qui est le guide de procédure de la Commission), la Commission a rejeté la demande de modification de la déclaration d'opposition. Les critères énumérés à la partie VII sont ceux auxquels la Commission a fait référence dans sa décision.

[12]  Une demande afin que la Commission revoie sa décision a également été rejetée.

III.  LA DÉCISION DE LA COUR FÉDÉRALE

[13]  Après avoir établi les faits, la Cour fédérale a abordé la question préliminaire de savoir si elle devait entendre la demande de contrôle judiciaire d'une décision interlocutoire. Citant les décisions de notre Cour dans les arrêts Szczecka c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1993] A.C.F. no 934 (QL) (C.A.F.) (Szczecka), et C.B. Powell Limited c. Canada (Agence des services frontaliers), 2010 CAF 61, [2011] 2 R.C.F. 332 (C.B. Powell), la Cour fédérale a affirmé qu'en l'absence de circonstances spéciales, une cour de révision ne devrait pas entendre les demandes de contrôle judiciaire de décisions interlocutoires. Une circonstance spéciale parmi d'autres est l'absence d'autres voies de recours adéquates. Cela a donc amené la Cour à examiner la jurisprudence contradictoire de la Cour fédérale. Alors que les jugements de la Cour fédérale sont cohérents pour ce qui est de la présence nécessaire de circonstances spéciales, ils divergent quant à l'existence d'autres voies de recours adéquates dans les cas du refus d'autoriser la modification d'une déclaration d'opposition.

[14]  Dans la décision Parmalat Canada Inc. c. Sysco Corp., 2008 CF 1104, [2009] 1 R.C.F. F‑16 (Parmalat), la Cour fédérale a noté, en se fondant sur la décision McDonald's Corp. c. Coffee Hut Stores Ltd., [1994] A.C.F. no 638 (QL) (C.F. 1re inst.) (McDonald's), que le rejet d'une demande de modification d'une déclaration d'opposition n'ouvre pas droit à appel. Par conséquent, il n'existe pas de recours pour une partie lésée lors d'une procédure administrative devant la Commission ou après sa conclusion. La Cour a considéré qu'il s'agissait d'une circonstance spéciale justifiant le contrôle judiciaire d'une décision interlocutoire rejetant une demande de modification d'une déclaration d'opposition.

[15]  J'ajouterais qu'il me semble qu'on puisse douter de la décision McDonald's. Toutefois, puisqu'elle n'a pas été contestée, la question de son exactitude sera tranchée lorsqu'elle sera soulevée.

[16]  Dans sa décision, la Cour fédérale a fait observer que dans Dairy Processors Association of Canada c. Producteurs laitiers du Canada, 2014 CF 1054 (Dairy Processors), la Cour avait conclu que l'existence de recours autres que ceux prévus par les procédures administratives devant le registraire ne constituait pas une autre voie de recours adéquate conformément aux décisions Szczecka et C.B. Powell, puisque ces procédures avaient lieu en dehors du cadre de la procédure initiale.

[17]  D'autre part, dans la décision Indigo Books & Music Inc. c. C. & J. Clark International Limited, 2010 CF 859 (Indigo), la Cour fédérale a conclu qu'il existait une autre voie de recours adéquate puisque la partie lésée pouvait entreprendre un nouveau recours, en dehors du cadre du recours en opposition, pour obtenir une réparation telle qu'une radiation. Par conséquent, il n'existait aucune circonstance spéciale justifiant l'intervention de la Cour fédérale.

[18]  Citant C.B. Powell, la Cour fédérale a souligné que sa réticence à intervenir dans une procédure interlocutoire visait à éviter de scinder le processus administratif et à éliminer les frais et retards associés au contrôle judiciaire d'une mesure interlocutoire, particulièrement lorsque la partie demandant le contrôle judiciaire pouvait obtenir gain de cause dans la procédure principale.

[19]  La Cour fédérale a établi une distinction avec les décisions Parmalat et Dairy Processors au motif que les modifications que l'on cherchait à apporter dans ces affaires soulevaient des questions qui n'étaient pas directement visées par les recours en opposition. La Cour fédérale a également fait valoir ses préoccupations quant au fait que les parties scinderaient la présentation de leur cause. La Cour fédérale était d’avis que le raisonnement dans la décision Indigo est plus convaincant que celui dans les décisions Parmalat et Dairy Processors.

[20]  La Cour fédérale a finalement conclu qu'il n'existait pas d'éléments spéciaux justifiant l'intervention de la Cour relativement à la décision interlocutoire de la Commission et a rejeté la demande de contrôle judiciaire.

IV.  LES QUESTIONS EN LITIGE

[21]  Je formulerais ainsi les questions en litige dans le présent appel :

A.  Mme McDowell possède‑t‑elle une autre voie de recours adéquate, de sorte que sa demande de contrôle judiciaire doit être rejetée?

B.  Dans la négative, la décision de la Commission est-elle raisonnable?

V.  ANALYSE

A.  Mme McDowell possède‑t‑elle une autre voie de recours adéquate, de sorte que sa demande de contrôle judiciaire doit être rejetée?

[22]   Le débat sur lequel porte la jurisprudence de la Cour fédérale vise la question de savoir ce qui constitue une autre voie de recours adéquate. Dans les décisions Dairy Processors et Parmalat, la Cour fédérale a conclu que l'autre voie de recours adéquate doit faire partie du processus administratif même, alors qu'elle a conclu dans la décision Indigo qu'une autre instance pouvant permettre d'obtenir le même résultat constituait une autre voie de recours adéquate.

[23]  Notre Cour s'est penchée sur la question des autres voies de recours adéquates dans l'arrêt C.B. Powell. Elle a commencé son analyse de cette question de la façon suivante :

Le législateur fédéral a établi dans la Loi un processus administratif qui consiste en une série de décisions et d'appels. Ce processus administratif consiste en premier lieu en décisions ou déterminations réputées prévues à l'article 58, puis en révisions effectuées par un agent de l'ASFC en vertu de l'article 59, en réexamens auxquels le président de l'ACFS procède en vertu de l'article 60 et en appels interjetés au T.C.C.E. en vertu du paragraphe 67(1). Les tribunaux judiciaires n'interviennent nulle part dans ce processus. Si on laissait les tribunaux judiciaires s'immiscer dans ce processus administratif avant qu'il n'ait été mené à terme, on introduirait un élément étranger dans le mécanisme conçu par le législateur.

C.B. Powell, au paragraphe 28.

[24]  La Cour a ensuite expliqué succinctement le fondement juridique de son point de vue selon lequel les « tribunaux judiciaires n'interviennent nulle part dans ce processus » :

En principe, une personne ne peut s'adresser aux tribunaux qu'après avoir épuisé toutes les voies de recours utiles qui lui sont ouvertes en vertu du processus administratif. L'importance de ce principe en droit administratif canadien est bien illustrée par le grand nombre d'arrêts rendus par la Cour suprême du Canada sur ce point [renvois omis].

C.B. Powell, au paragraphe 30 (non souligné dans l'original).

[25]  Il ressort clairement de ces passages que le recours aux tribunaux avant l'épuisement de tous les recours prévus en vertu du processus administratif n'est pas justifié. Il n'y a aucune ambiguïté à cet égard. Le fait qu'un recours différent prévu par une disposition légale distincte puisse donner le même résultat ne fait pas intervenir la règle des autres voies de recours adéquates. L'objectif est d'éviter de fragmenter les processus administratifs qui offrent déjà une forme de contrôle, et non de forcer les parties à entreprendre une nouvelle instance pour obtenir réparation. Par conséquent, je suis d'avis que la décision Indigo est erronée et ne doit pas être suivie.

[26]  La Cour fédérale semble avoir confondu la règle des autres voies de recours adéquates et la règle du caractère prématuré. Bien que la règle des autres voies de recours adéquates fasse partie de la règle plus large du caractère prématuré, celles‑ci ne sont pas identiques. Toutes deux touchent la question du fractionnement des procédures administratives par un recours inopportun aux cours, mais elles visent cependant des questions légèrement différentes. La règle des autres voies de recours adéquates porte sur le respect du cadre administratif créé par le législateur, comme dans l'arrêt C.B. Powell. La règle du caractère prématuré, pour sa part, vise à éviter que les parties retardent les procédures en se présentant devant la Cour pour obtenir une réparation qui serait théorique ou sans pertinence au moment où le tribunal rend sa décision définitive. Le caractère prématuré porte davantage sur les décisions interlocutoires.

[27]  En l'espèce toutefois, ni la règle des autres voies de recours adéquates ni celle du caractère prématuré n'est applicable. Il ne s'agit pas d'une affaire où la loi prévoit un processus d'examen administratif de la décision de la Commission. Pour cette raison, la règle des autres voies de recours adéquates ne constitue pas un motif de refus d'intervenir. Pour ce qui est du caractère prématuré, le rejet de la demande de modifier la déclaration d'opposition signifie que la Commission ne se penchera pas sur la question de l'alinéa 12(1)d) dans sa décision finale. Par conséquent, il est impossible pour Mme McDowell d'obtenir la réparation souhaitée de la Commission. Ainsi, la demande de contrôle judiciaire n'est pas prématurée.

[28]  Je suis donc d'avis que la Cour fédérale a commis une erreur de droit en rejetant la demande de contrôle judiciaire au motif que Mme McDowell possédait une autre voie de recours adéquate.

B.  Dans la négative, la décision de la Commission est-elle raisonnable?

[29]  La première étape d'un examen en appel consiste à établir la norme de contrôle applicable. Lorsque notre Cour entend un appel d'une décision de la Cour fédérale siégeant comme cour de révision, elle doit déterminer si la Cour fédérale a choisi la norme de contrôle appropriée et si elle l'a appliquée correctement (Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, 2003 CSC 19, [2003] 1 R.C.S. 226, au paragraphe 43). De façon concrète, cela signifie que notre Cour doit se mettre à la place de la Cour fédérale et se concentrer sur la décision administrative qui fait l'objet du contrôle (Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559, au paragraphe 46).

[30]  La norme de contrôle des tribunaux administratifs spécialisés est réputée être la norme de la décision raisonnable, sous réserve de quelques exceptions qui ne sont pas pertinentes en l'espèce (McLean c. ColombieBritannique (Securities Commission), 2013 CSC 67, [2013] 3 R.C.S. 895, aux paragraphes 21 et 22). La présomption voulant que la norme soit celle de la décision raisonnable n'a pas été réfutée en l'espèce et ne pouvait pas l'être.

[31]  Les motifs donnés par la Commission quant à son refus de permettre à Mme McDowell de modifier sa déclaration d'opposition ne résistent pas, à mon sens, à un examen rigoureux. La Commission a noté que la demande de modification avait été formulée tardivement, probablement après la lecture des observations écrites d'Automatic Princess. La Commission craignait également que le fait d'autoriser les modifications permette à Mme McDowell de scinder la présentation de sa cause, au détriment d'Automatic Princess.

[32]  Il est vrai que les modifications ont été demandées tardivement et, plus précisément, qu'elles ont été demandées après qu'Automatic Princess eut déposé ses observations écrites. Il s'agit d'un élément à prendre en considération, mais lorsqu'un préjudice causé par un retard peut être corrigé en accordant un délai supplémentaire à l'autre partie, il ne doit pas être considéré comme un facteur déterminant.

[33]  Il est difficile de comprendre comment l'autorisation de modifier la déclaration pourrait permettre à Mme McDowell de scinder sa cause. L'objectif de la modification était de permettre à la Commission d'examiner toutes les questions en litige. Mme McDowell ne tentait pas d'obtenir un avantage en forçant Automatic Princess à adopter une thèse sans connaître tous les faits pertinents. Les enregistrements faisaient partie des pièces de l'affidavit de Mme Anastacio. Automatic Princess avait reçu un avis au sujet des enregistrements et avait probablement remarqué l'omission de Mme McDowell avant qu'elle‑même le fasse. Tout préjudice subi par Automatic Princess peut être corrigé en lui donnant le temps d'entreprendre les étapes jugées nécessaires par la Commission pour atteindre l'équité.

[34]  Il est également difficile de comprendre la déclaration de la Commission selon laquelle aucune autre explication que l'inadvertance n'a été donnée pour justifier le défaut d'invoquer les enregistrements et l'application de l'alinéa 12(1)d) de la Loi, ce qui laisse entendre que l'inadvertance ne peut constituer une explication en soi. Je ne vois pas pourquoi la Commission serait de cet avis. L'inadvertance fait partie des aléas de la vie et, bien que nous souhaitions tous éviter les faux pas découlant de l'inadvertance, nous ne réussissons pas toujours. L'avocat de Mme McDowell a expliqué les circonstances qui ont mené à la demande. Il n'y a aucun motif de ne pas retenir son explication.

[35]  Un autre élément à examiner lors de l'évaluation du caractère raisonnable de la décision de la Commission est le fait qu'elle n'a pas tenu compte d'un facteur important qui aurait dû la mener à accueillir la modification, soit le long délai qui a été nécessaire pour traiter la demande d'enregistrement d'Automatic Princess.

[36]  L'intimée a déposé sa demande d'enregistrement de marque de commerce en 2003. Pour des raisons qui ne sont pas claires, cette demande n'a été approuvée et publiée qu'en 2009. Mme McDowell a déposé sa déclaration d'opposition en 2010 et l'affidavit à l'appui de son opposition plus tard au cours de la même année. Automatic Princess a déposé son affidavit en 2013. L'omission par inadvertance d'invoquer l'enregistrement des marques de commerce de Mme McDowell a été découverte en 2014. À la vue du dossier dont nous sommes saisis, il semble que l'affaire n'ait pas avancé depuis.

[37]  Nous sommes maintenant en 2017 et, de ce que je vois du dossier, la demande d'enregistrement d'Automatic Princess est toujours en attente. Un retard de 14 ans nécessite des mesures extraordinaires. Il est possible que Mme McDowell obtienne gain de cause lors de son opposition sans avoir à faire valoir ses enregistrements et l'alinéa 12(1)d), mais il est également possible qu'elle n'obtienne pas gain de cause. Cela encouragerait Mme McDowell à maintenir son opposition à l'utilisation de la marque d'Automatic Princess, peut‑être en intentant un recours en radiation. Cette situation aurait uniquement pour effet de prolonger l'incertitude à l'égard des marques d'Automatic Princess et de leur caractère enregistrable. Cela n'est pas dans l'intérêt de la justice.

[38]  Vu les retards extraordinaires en l'espèce, il incombait à la Commission d'aider les parties à faire avancer cette affaire. À mon avis, le défaut de la Commission de le faire constitue un autre facteur rendant sa décision déraisonnable.

[39]  Pour ces motifs, je suis d'avis que les raisons données par la Commission pour justifier le rejet de la demande de modification de Mme McDowell ne satisfont pas aux critères de la transparence et de l'intelligibilité prévus par l'arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, aux paragraphes 47 et 48.

VI.  CONCLUSION

[40]  Je suis par conséquent d'avis d'annuler la décision de la Cour fédérale avec dépens à notre Cour et à la Cour fédérale. Je renverrais l'affaire à la Commission des oppositions des marques de commerce en indiquant que la demande de modification de la déclaration d'opposition de Mme McDowell doit être accueillie selon les modalités nécessaires pour faire preuve d'équité entre les parties.

« J.D. Denis Pelletier »

j.c.a.

« Je souscris aux présents motifs.

Wyman W. Webb, j.c.a. »

« Je souscris aux présents motifs.

D.G. Near, j.c.a. »


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-422-15

APPEL D'UNE ORDONNANCE DE LA JUGE MCVEIGH DU 18 AOÛT 2015, DOSSIER NO T-2094-14

 

INTITULÉ :

HEATHER RUTH MCDOWELL c. AUTOMATIC PRINCESS HOLDINGS, LLC

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 13 septembre 2016

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE PELLETIER

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE WEBB

LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :

Le 14 juin 2017

COMPARUTIONS :

Kenneth D. McKay

 

Pour l'appelante

HEATHER RUTH MCDOWELL

 

Adam Bobker

Noelle Engel-Hardy

 

Pour l'intimée

AUTOMATIC PRINCESS HOLDINGS, LLC

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sim Lowman Ashton & McKay LLP

Toronto (Ontario)

 

Pour l'appelante

HEATHER RUTH MCDOWELL

 

Bereskin & Parr S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Toronto (Ontario)

 

Pour l'intimée

AUTOMATIC PRINCESS HOLDINGS, LLC

 

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