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Date : 20170711


Dossier : A-249-16

Référence : 2017 CAF 151

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE NADON

LA JUGE DAWSON

LA JUGE GAUTHIER

 

 

ENTRE :

CLUB INTRAWEST

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 15 mai 2017.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 11 juillet 2017.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE DAWSON

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NADON

LA JUGE GAUTHIER

 


Date : 20170711


Dossier : A-249-16

Référence : 2017 CAF 151

CORAM :

LE JUGE NADON

LA JUGE DAWSON

LA JUGE GAUTHIER

 

 

ENTRE :

CLUB INTRAWEST

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE DAWSON

[1]  Le paragraphe 165(1) de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E-15 (la Loi), prévoit l’application de la taxe sur les produits et services à la fourniture de biens ou de services taxables « effectuée au Canada ». Le paragraphe 142(1) répute certains biens ou services fournis au Canada, et le paragraphe 142(2) répute certains biens et services fournis à l’étranger. Ces dispositions sont appelées règles du lieu de fourniture.

[2]  L’appelante, Club Intrawest, [traduction] « a été créée afin de faciliter l’administration et l’exploitation de logements de villégiature en lien avec un régime de propriété de logements de vacances (le programme Intrawest) » (exposé conjoint partiel modifié des faits et des questions (exposé conjoint), paragraphe 4). Le programme Intrawest est vendu au Canada et aux États-Unis. Les résidences de vacances sont réparties sur pas moins de neuf centres de villégiature situés au Canada, aux États-Unis et au Mexique.

[3]  La cotisation de l’appelante a été établie en application de la Loi à l’égard des frais annuels de villégiature que les membres du programme Intrawest doivent payer à l’appelante pour les périodes de déclaration se terminant le 31 octobre relativement aux années d’imposition 2002 à 2007. L’appelante s’est opposée à cette cotisation et a porté l’affaire en appel à la Cour canadienne de l’impôt. Elle affirme que les frais de villégiature constituent un remboursement des dépenses qu’elle a engagées à titre de mandataire des membres du programme Intrawest. Il s’ensuit, selon l’appelante, que la TPS n’est pas exigible sur les frais de villégiature. Subsidiairement, l’appelante fait valoir l’argument suivant : si la TPS s’applique aux frais de villégiature, comme les résidences de vacances que le programme Intrawest gère et exploite sont situées au pays et à l’étranger, la TPS devrait s’appliquer selon le modèle proposé par l’appelante et non celui imposé par le ministre du Revenu national qui a servi à établir la cotisation. Je reviens plus loin sur les autres méthodes proposées par les parties.

[4]  La Cour de l’impôt a rejeté l’argument de l’appelante selon lequel les frais de villégiature représentaient des dépenses engagées par elle à titre de mandataire des membres du programme Intrawest. La Cour a alors appliqué les règles du lieu de fourniture et a conclu que la fourniture dans son ensemble avait été effectuée au Canada (2016 CCI 149). C’est sur ce jugement de la Cour de l’impôt que porte le présent appel.

I.  Les questions en litige

[5]  Le présent appel soulève les deux questions suivantes :

  1. La Cour de l’impôt a-t-elle commis une erreur en ne jugeant pas que les frais de villégiature versés à l’appelante par les membres du programme Intrawest constituaient un remboursement des frais engagés par l’appelante à titre de mandataire?

  2. La Cour de l’impôt a-t-elle commis une erreur dans son interprétation et son application des règles du lieu de fourniture?

[6]  Avant d’aborder ces questions, il est utile de les mettre en contexte à la lumière des faits pour ensuite examiner les conclusions pertinentes de la Cour de l’impôt.

II.  Les faits

[7]  Les faits sont exposés en détail dans les motifs étoffés de la Cour de l’impôt. Les faits suivants suffisent à mettre en contexte les questions soulevées en appel.

[8]  Le programme Intrawest est un programme d’utilisation à temps partiel de logements dans des centres de villégiature situés au Canada, aux États-Unis et au Mexique. Les membres du programme Intrawest achètent des points qu’ils utilisent pour louer une résidence de vacances à laquelle une certaine valeur en points est attribuée. Ces résidences ont été construites ou achetées par un promoteur canadien et un promoteur américain. Les promoteurs les ont cédées à perpétuité à l’appelante en échange du nombre de points de villégiature nécessaire pour obtenir le droit d’occuper et d’utiliser les résidences de vacances pour un an. Le titre de propriété de ces résidences a été cédé à une société de fiducie agissant à titre de fiduciaire pour l’appelante.

[9]  Dans le cadre de ce régime, le promoteur et l’acheteur du droit d’utilisation à temps partiel d’une résidence de vacances concluent une convention d’adhésion et d’achat dans le cadre de laquelle le promoteur vend à l’acheteur des points de villégiature acquis de l’appelante; l’acheteur utilise ensuite ces points pour réserver une résidence de vacances pendant la même période de l’année, chaque année. Selon la Cour de l’impôt, les points de villégiature correspondent légalement au droit d’occupation de résidences de vacances. D’un point de vue pratique, les points de villégiature représentent les parts proportionnelles des détenteurs de points dans les résidences de vacances à temps partiel. La convention d’adhésion et d’achat stipule aussi que l’acheteur devient membre de l’appelante et, par extension, du programme Intrawest.

[10]  Les membres de l’appelante sont les acheteurs de points de villégiature canadiens et américains et les promoteurs canadiens et américains. Les membres doivent payer une cotisation annuelle à l’appelante à titre de [traduction] « coûts d’adhésion ».

[11]  Ces [traduction] « frais d’adhésion » comprennent, selon la définition, tous les coûts engagés par l’appelante pour les membres et au nom de ces derniers, précisés dans la déclaration générale que le promoteur canadien et l’appelante ont signée. L’article 10.3 de la déclaration générale indique que les coûts d’adhésion [traduction] « doivent inclure, mais sans s’y limiter, ce qui suit : »

a)  l’entretien, la réparation, la modification, la nouvelle décoration ou le remplacement d’un logement de villégiature;

b)  l’entretien, la réparation, la modification, la nouvelle décoration ou le remplacement et la location de l’équipement;

c)  l’assurance;

d)  un apport en capital aux fins des réserves;

e)  des services domestiques, notamment un service de nettoyage et d’entretien ménager dont la fréquence doit être déterminée de temps à autre par le conseil, fournis aux membres ou en leur nom;

f)  une cotisation perçue à l’endroit des logements de villégiature par un projet ou une association pour un projet;

g)  tous les autres coûts engagés par le Club en rapport avec l’entretien, la réparation, le remplacement, la rénovation, la nouvelle décoration, l’amélioration, l’exploitation et l’administration des logements de villégiature, ou en rapport avec l’exploitation ou l’administration du Club, qui sont directement attribuables à l’engagement d’un ou de plusieurs logements de villégiature, conformément aux dispositions [de la déclaration générale].

[12]  Pour établir les frais annuels de villégiature, l’appelante divise les coûts d’adhésion prévus pour une année donnée par le nombre total de points de villégiature émis afin d’établir le taux par point pour une année civile. Les frais annuels de villégiature que le membre doit verser à l’appelante à l’égard d’une année civile sont le produit du taux par point établi pour cette année civile multiplié par le nombre de points de villégiature détenus par ce membre.

[13]  L’appelante n’a pas perçu la TPS sur les frais annuels de villégiature facturés aux membres du programme Intrawest.

III.  La décision de la Cour de l’impôt

[14]  La Cour de l’impôt examine trois questions, dont deux sont pertinentes dans le présent appel. La première consiste à savoir si l’appelante a « acquis de nombreux produits et services en qualité de mandataire » des membres du programme Intrawest. La seconde demande si la fourniture de services taxables a été effectuée au Canada.

[15]  En ce qui concerne la question du mandat, la Cour de l’impôt remarque, au début de son analyse, que le mandataire qui se procure un bien ou un service auprès d’un fournisseur tiers pour le compte d’un mandant ne fournit pas un bien ou un service au mandant. Le mandataire intervient plutôt comme relais dans la fourniture (motifs, paragraphe 71), ce qui veut dire que le mandant acquiert le bien ou le service en question et que le remboursement versé par le mandant au mandataire constitue le paiement du mandant au fournisseur pour la fourniture en question.

[16]  À propos de la relation mandant-mandataire de manière générale, la Cour de l’impôt, invoquant les décisions Royal Securities Corporation Ltd. v. Montréal Trust Co. et al., [1967] 1 O.R. 137, à la page 155, [1996] O.J. no 1078, au paragraphe 55, conf. par [1967] 2 O.R. 200, [1967] O.J. no 997 (C.A. Ont.), remarque à bon droit que les trois éléments habituellement reconnus d’une relation mandant-mandataire sont les suivants :

  1. Le mandant et le mandataire consentent tous les deux à la relation.

  2. Le mandant confère au mandataire le pouvoir d’influer sur la réalité juridique du mandant.

  3. Le mandant contrôle les actions du mandataire (motifs, paragraphe 78).

[17]  La Cour de l’impôt examine par la suite chaque élément de ce critère, à commencer par le pouvoir de l’appelante d’influer sur la réalité juridique des membres du programme Intrawest.

[18]  Dans l’avis d’appel, l’appelante fait valoir qu’elle détient en fiducie les résidences de vacances pour les membres du programme Intrawest. Devant la Cour de l’impôt, l’avocat de l’appelante a affirmé qu’il fallait, pour définir les frais de villégiature, régler la question de la propriété des résidences de vacances. L’appelante affirme qu’elle en détient les droits bénéficiaires en fiducie au bénéfice des membres du programme Intrawest.

[19]  La Cour de l’impôt remarque à ce sujet que, si les membres du programme Intrawest n’assument pas les dépenses nécessaires pour l’entretien, la réparation, la rénovation ou l’exploitation des résidences de vacances ni les autres frais liés à ces dernières, il n’existe aucun droit juridique sur lequel l’appelante peut exercer une influence au nom de ses membres à l’égard de ce type de dépenses. Il s’ensuivrait alors que la relation mandant-mandataire ne peut exister, « et c’est une question de fait » (motifs, paragraphe 80).

[20]  Ayant pris connaissance de la preuve et appliqué le critère servant à déterminer la propriété bénéficiaire des résidences de vacances, la Cour de l’impôt conclut que l’appelante elle-même détient l’intérêt bénéficiaire dans les résidences de vacances, sous réserve des droits d’occupation détenus par les promoteurs canadiens et américains. De plus, les intérêts bénéficiaires détenus par l’appelante incluent le risque de dommages aux résidences de vacances et l’obligation d’engager les coûts d’exploitation (motifs, paragraphe 140). Les membres du programme Intrawest ont tout simplement acquis le droit contractuel d’occuper les résidences de vacances en application des règles énoncées dans les documents constitutifs (motifs, paragraphe 115).

[21]  Il s’ensuit que les membres ne sont pas responsables de l’exploitation, des réparations et de l’entretien des résidences de vacances ni d’engager aucune dépense à l’égard de ces résidences de vacances (motifs, paragraphe 141). Il s’ensuit également qu’il n’existe pas de relation mandant-mandataire entre l’appelante et les membres du programme Intrawest étant donné qu’il n’existe pas de droits juridiques sur lesquels l’appelante pouvait influer pour le compte de ses membres relativement aux frais d’exploitation (motifs, paragraphe 142).

[22]  Même si cette conclusion est déterminante pour l’argument de l’appelante sur le mandat, la Cour de l’impôt examine néanmoins les deux autres composantes de cette relation.

[23]  À l’égard du consentement, la Cour de l’impôt tire une conclusion défavorable du fait que l’appelante n’a pas produit d’entente écrite par laquelle les membres du programme Intrawest en feraient leur mandataire pour la question des frais d’exploitation des résidences de vacances. Elle dit avoir beaucoup de mal à croire que les membres ont fait de l’appelante leur mandataire sans avoir auparavant conclu une entente qui préciserait les dépenses que l’appelante peut engager en tant que mandataire, le degré de diligence exigé d’elle et les conditions s’appliquant aux indemnisations (motifs, paragraphes 148 et 149). La Cour de l’impôt conclut ensuite que la seule preuve directe dont elle dispose concernant la conduite des membres appuie l’hypothèse du ministre voulant que les membres du programme Intrawest n’aient pas consenti à ce que l’appelante soit leur mandataire (motifs, paragraphe 172). La Cour examine ensuite les autres éléments de preuve étayant la conclusion que la conduite des parties ne révèle pas l’existence d’un mandat.

[24]  Quant à la question du contrôle, si la Cour de l’impôt reconnaît que les membres du programme Intrawest exercent un contrôle sur l’appelante par leur capacité à élire le conseil d’administration, elle estime que ce fait ne signifie pas que l’appelante agit à titre de mandataire des membres. La Cour de l’impôt conclut en fin de compte que la preuve ne démontre pas que les membres exercent un contrôle sur l’appelante en vertu d’une entente mandant-mandataire (motifs, paragraphes 190 et 191).

[25]  Ayant conclu que les frais de villégiature ne représentent pas le remboursement par les membres des frais engagés par l’appelante à titre de mandataire, la Cour de l’impôt juge qu’ils sont versés en contrepartie d’une fourniture. Elle se demande ensuite si la fourniture est taxable et, plus précisément, si la fourniture a été effectuée au Canada (motifs, paragraphe 194).

[26]  La Cour de l’impôt fait remarquer que les parties acceptent que, si l’appelante a bel et bien effectué une fourniture, celle-ci est taxable. Cependant, les parties ne s’entendent pas sur l’application des règles du lieu de fourniture prévues dans la Loi (motifs, paragraphe 196).

[27]  Au moment d’établir la cotisation de l’appelante, le ministre a supposé que les membres du programme Intrawest avaient payé les frais de villégiature en contrepartie de la fourniture d’un bien meuble incorporel qui se rapporte à un immeuble situé au Canada ou à l’étranger. Selon le ministre, la Cour de l’impôt devait répartir les frais annuels de villégiature sur le fondement de la fourniture taxable effectuée au Canada et de celle effectuée à l’étranger en calculant le rapport entre les points de villégiature émis à l’égard d’immeubles situés au Canada et l’ensemble des points de villégiature émis à l’égard de tous les immeubles de vacances (motifs, paragraphe 197).

[28]  L’appelante s’y oppose en faisant valoir que toute fourniture effectuée par elle est une fourniture de service ayant trait à un immeuble et que les frais de villégiature constituent la contrepartie de cette fourniture. En outre, l’appelante soutient avoir effectué des fournitures distinctes de services uniques à l’égard de chaque résidence de vacances. L’appelante affirme que la Cour devait donc répartir les frais de villégiature selon la proportion des frais d’adhésion liés à l’exploitation des résidences de vacances situées au Canada par rapport au coût total d’exploitation de toutes les résidences de vacances (motifs, paragraphes 199 et 200).

[29]  La Cour de l’impôt traite par la suite l’incohérence qu’elle perçoit dans les règles du lieu de fourniture prévues par la Loi; comme je l’explique en détail ci-après, aux termes des paragraphes 142(1) et (2) sont réputés se produire deux faits qui s’excluent mutuellement (motifs, paragraphes 201 à 212). Cependant, avant d’aborder l’incohérence dans la Loi, la Cour de l’impôt cherche à décider si les membres ont payé les frais de villégiature à l’appelante en contrepartie de la fourniture d’un service ou en contrepartie de la fourniture d’un bien meuble incorporel (motifs, paragraphe 224).

[30]  La Cour de l’impôt rejette l’argument du ministre voulant que les frais de villégiature aient été payés en contrepartie de la fourniture de l’adhésion au programme Intrawest, un bien meuble incorporel. Elle conclut que l’appelante n’a pas fourni de droits en contrepartie des frais de villégiature et, par conséquent, qu’elle n’a pas fourni de bien. Elle a plutôt fourni une convention par laquelle elle s’engage à utiliser les frais de villégiature pour financer ses activités. Plus précisément, l’appelante a accepté de payer, à même ces fonds, les coûts d’exploitation de ces résidences de vacances et du programme Intrawest ainsi que ses propres dépenses administratives et de réserver une partie de ces fonds en prévision de dépenses imprévues (motifs, paragraphes 226 à 238).

[31]  Ayant qualifié les frais de villégiature de contrepartie de la fourniture d’un service, la Cour doit se demander si l’appelante a effectué une fourniture unique ou des fournitures multiples en contrepartie des frais de villégiature. Par l’application du critère énoncé dans la décision O.A. Brown Ltd. c. Canada, [1995] A.C.I. no 678, aux paragraphes 21 à 23, la Cour de l’impôt conclut que l’appelante a effectué une fourniture unique en acceptant d’utiliser les frais de villégiature pour financer ses activités. Selon la Cour, la déclaration générale traite « la fourniture en tant que fourniture unique, la contrepartie étant fondée sur les coûts estimatifs totaux » de l’appelante. D’ailleurs, l’appelante « pourrait continuer d’exploiter le programme Intrawest uniquement s[i elle] a engagé tous les coûts » (motifs, paragraphe 259).

[32]  Par conséquent, la Cour de l’impôt rejette la notion que les frais de villégiature constituent quatre groupes de fourniture, bien qu’elles servent à financer quatre activités distinctes (l’entretien, l’exploitation et l’amélioration des résidences de vacances; l’exploitation du programme Intrawest; les activités de l’appelante; la création d’un fonds de réserve). Elle rejette également la thèse selon laquelle l’appelante aurait effectué des fournitures distinctes à l’égard des résidences canadiennes, d’une part, et des résidences américaines et mexicaines, d’autre part (motifs, paragraphe 258).

[33]  Ayant conclu que l’appelante a effectué la fourniture unique d’un service, la Cour s’attache à savoir si la fourniture est réputée fournie au Canada, aux termes de l’article 142 de la Loi. Elle commence par rappeler les passages pertinents, reproduits ci-après, des règles du lieu de fourniture prévues à cette disposition :

142 (1) Pour l’application de la présente partie et sous réserve des articles 143, 144 et 179, un bien ou un service est réputé fourni au Canada si :

142 (1) For the purposes of this Part, subject to sections 143, 144 and 179, a supply shall be deemed to be made in Canada if

[. . .]

d) s’agissant d’un immeuble ou d’un service y afférent, l’immeuble est situé au Canada;

(d) in the case of a supply of real property or of a service in relation to real property, the real property is situated in Canada;

[. . .]

f) il s’agit d’un service visé par règlement;

(f) the supply is a supply of a prescribed service; or

g) s’agissant de tout autre service, il est, ou sera, rendu en tout ou en partie au Canada.

(g) in the case of a supply of any other service, the service is, or is to be, performed in whole or in part in Canada.

142 (2) Pour l’application de la présente partie, un bien ou un service est réputé fourni à l’étranger si :

142 (2) For the purposes of this Part, a supply shall be deemed to be made outside Canada if

d) s’agissant d’un immeuble ou d’un service y afférent, l’immeuble est situé à l’étranger;

(d) in the case of a supply of real property or a service in relation to real property, the real property is situated outside Canada;

[. . .]

[…]

f) il s’agit d’un service visé par règlement;

(f) the supply is a supply of a prescribed service; or

g) s’agissant de tout autre service, il est, ou sera, rendu entièrement à l’étranger.

(g) in the case of a supply of any other service, the service is, or is to be, performed wholly outside Canada.

(soulignement ajouté)

(emphasis added)

[34]  Ayant remarqué qu’il n’existe actuellement aucun service visé par règlement, la Cour de l’impôt fait remarquer que l’incompatibilité qu’elle a constatée découle du libellé des alinéas 142(1)d) et 142(2)d) de la Loi, qui s’appliquent à une fourniture de service « afférent » à un immeuble. Lorsqu’une fourniture unique de service afférent à des immeubles situés au Canada et à l’étranger est effectuée, ce service est réputé fourni à la fois au Canada et à l’étranger, selon la partie de l’article 142 qui est appliquée (motifs, paragraphe 263).

[35]  Pour résoudre l’incompatibilité, la Cour de l’impôt constate que, même si les mots « y afférent » doivent être interprétés largement, « au regard du contexte de l’article 142, ces mots exigent une relation directe entre le service et l’immeuble. Le service doit être exécuté directement sur l’immeuble ou se rapporter directement à l’immeuble » (motifs, paragraphe 265).

[36]  La Cour de l’impôt conclut que cette interprétation est « conforme au contexte immédiat dans lequel se trouvent les mots pertinents dans l’article 142 ». Plus particulièrement, au paragraphe 320, elle raisonne ainsi :

Tant l’alinéa 142(1)d) que l’alinéa 142(2)d) portent d’abord sur la fourniture d’un immeuble, et ensuite sur la fourniture d’un service qui se rapporte à un immeuble. De fait, les alinéas 142(1)d) et 142(2)d) comportent la seule référence dans les règles relatives au lieu de fourniture à la fourniture d’un immeuble. Cela va dans le sens d’une interprétation selon laquelle le législateur voulait que les alinéas 142(1)d) et 142(2)d) visent les fournitures qui se rapportent exclusivement à un immeuble, y compris les services qui se rapportent seulement à un tel immeuble.

[37]  Par conséquent, bien que la Cour ait conclu que tous les services fournis par l’appelante « se rapportent directement ou indirectement à l’immeuble », les alinéas 142(1)d) et 142(2)d) de la Loi sont inapplicables, car ils ne s’appliquent qu’aux services effectués par l’appelante qui se rapportent directement et uniquement à des immeubles (motifs, paragraphes 266 et 318). Même si certains services fournis par l’appelante se rapportent directement à des résidences de vacances, ce n’est pas le cas de tous les services. Par exemple, la fourniture de services généraux et d’administration au bureau de Vancouver de l’appelante ne se rapporte pas directement aux résidences de vacances. Au contraire, ces services se rapportent à l’exploitation de l’appelante en tant que personne morale (motifs, paragraphe 268).

[38]  En raison de cette analyse et du fait que la fourniture unique se rapporte, du moins en partie, à des choses autres qu’un immeuble, le lieu de fourniture du service doit être déterminé conformément aux alinéas 142(1)g) et 142(2)g). Suivant l’alinéa 142(1)g), le service est réputé fourni au Canada étant donné que l’appelante a effectué le service en partie au Canada. Il s’ensuit également que la TPS s’applique sur l’ensemble des frais de villégiature payés par les membres du programme Intrawest (motifs, paragraphes 321 et 322).

[39]  La Cour de l’impôt termine son analyse en faisant remarquer que le montant de TPS exigible est plus élevé à la suite de son analyse que par l’application de la politique administrative de l’Agence du Revenu Canada. Elle conclut cependant que la politique administrative n’est pas conforme aux dispositions pertinentes de la Loi. Pour terminer, le ministre ne pouvant appeler de la cotisation qu’il avait lui-même établie, le jugement n’en a pas fait augmenter le montant, et ce même si la Cour de l’impôt conclut que la TPS s’appliquait sur l’ensemble des frais de villégiature (motifs, paragraphe 323).

IV.  Analyse

1.  La question du mandat

[40]  L’appelante admet que la Cour de l’impôt a correctement énoncé les composantes de la relation mandant-mandataire. Elle affirme, cependant, que la Cour de l’impôt a commis une erreur de droit dans l’application du critère en matière de mandat, car elle n’a pas appliqué les dispositions de la déclaration générale ou de la convention d’adhésion et d’achat ni les notes afférentes aux états financiers de l’appelante.

[41]  J’aborde la question du mandat en commençant par rejeter l’affirmation selon laquelle les erreurs soulevées constituent des erreurs de droit. L’appelante attaque la conclusion de la Cour de l’impôt selon laquelle elle n’a pas perçu les frais de villégiature à titre de mandataire et l’importance que la Cour a accordée à la preuve dont elle disposait. En l’absence d’une erreur de droit qu’il est possible d’isoler, l’appelante doit démontrer l’existence d’une erreur manifeste et dominante sur une question de fait ou une question mixte de fait et de droit (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, paragraphes 36 et 46).

[42]  Examinons au fond les erreurs soulevées.

[43]  L’appelante s’appuie sur la quatorzième déclaration générale, modifiée et mise à jour, signée par le promoteur canadien et l’appelante et entrée en vigueur le 27 octobre 2006. L’appelante invoque les articles 9.1 et 9.3 et la définition des [traduction« frais d’adhésion » et des « frais de villégiature ».

[44]  L’article 9.1, sous la rubrique [traduction] « Gestion, entretien et réparations », attribue à l’appelante la charge des réparations, des remplacements, des rénovations, des améliorations, de l’exploitation et de l’administration des résidences de vacances. Il prévoit également que l’appelante « intervient en qualité de mandataire de tous les membres en percevant les cotisations et en payant les taxes, les coûts des services publics et autres coûts liés à l’adhésion » (non souligné dans l’original).

[45]  Aux termes de l’article 9.3, sous réserve de certaines exceptions limitées, [traduction] « la maîtrise exclusive et la responsabilité à l’égard de l’entretien et des modifications de tous les logements de villégiature et de tout l’équipement qui s’y trouve incombent à [l’appelante], en qualité de mandataire des membres » (non souligné dans l’original).

[46]  La définition des termes se trouve à l’article 1. Selon la définition énoncée à l’article 1.37, les frais d’adhésion comprennent [traduction] « tous les coûts engagés par [l’appelante] pour les membres et au nom de ces derniers ». L’article 1.50 définit ainsi les « frais de villégiature » : « la cotisation annuelle prélevée par le conseil auprès de tous les membres pour leur part proportionnelle des coûts d’adhésion annuels ».

[47]  Par la suite, l’appelante cite les articles 5 et 7 de la convention d’adhésion et d’achat. Il s’agit de l’unique convention d’adhésion et d’achat présentée en preuve. Elle lie le promoteur canadien et les acheteurs canadiens de points de villégiature.

[48]  À l’article 5, l’acheteur atteste avoir reçu copie de la convention et d’autres documents précisés. L’acheteur affirme avoir eu l’occasion de lire les documents et avoir compris les dispositions de ceux-ci. De plus, l’acheteur [traduction] « consent à se conformer aux dispositions de tous les instruments du Club et de leurs modifications successives, à être lié par elles et à les respecter ».

[49]  À l’article 7, l’acheteur indique qu’il comprend et accepte que l’appelante engage des dépenses relatives à l’adhésion [traduction] « en tant que mandataire de tous les membres, conformément à leur part proportionnelle des points de villégiature » (non souligné dans l’original). L’acheteur consent à rembourser à l’appelante « la part des dépenses relatives à l’adhésion qui incombe à l’acheteur, déterminée annuellement selon le principe du partage des coûts par [l’appelante] et appelé frais de villégiature ».

[50]  Pour terminer, dans les notes afférentes aux états financiers de l’appelante en date du 31 décembre 2003, il est indiqué que l’appelante engage des dépenses et recouvre ces coûts à titre de [traduction] « mandataire des membres ». Il y est décrit que les biens des membres comprennent des immeubles et de l’équipement aux centres de villégiature.

[51]  En plus de faire valoir que la Cour de l’impôt n’a pas ajouté foi à cet élément de preuve, l’appelante affirme que cette dernière a commis une erreur en exigeant une convention écrite de mandataire qui soit explicite et autonome.

[52]  Cette erreur découlerait de la façon sommaire dont la Cour de l’impôt a fait fi de la mention importante, à l’article 7 de la convention d’achat et d’adhésion, à propos de la relation mandant-mandataire. Au paragraphe 156 de ses motifs, la Cour de l’impôt écrit qu’elle ne voit pas de quelle façon cette clause peut constituer une entente de mandat entre les acheteurs de points de villégiature et l’appelante parce que l’appelante n’est pas partie à cette entente. L’appelante fait valoir que cette conclusion ne tient pas compte du fait que, dans la déclaration générale, l’appelante accepte explicitement son rôle de mandataire des membres, ni du fait que les membres consentent dans la convention d’adhésion et d’achat à être liés par les instruments du Club, dont la déclaration générale.

[53]  Je commence par rejeter l’argument selon lequel la Cour de l’impôt aurait commis une erreur en exigeant une convention écrite de mandataire qui soit explicite et autonome.

[54]  Certes, la Cour de l’impôt a tiré une conclusion défavorable du fait que l’appelante n’avait pas produit d’entente écrite dans laquelle les promoteurs canadiens et américains et les acheteurs de points de villégiature canadiens et américains désignaient l’appelante comme leur mandataire pour la question des coûts d’exploitation des résidences de vacances (motifs, paragraphe 148). Il est improbable aux yeux de la Cour de l’impôt que les acheteurs de points de villégiature fassent de l’appelante leur mandataire sans avoir d’abord signé une entente qui préciserait, entre autres choses, les dépenses que l’appelante pourrait réellement engager à titre de mandataire (motifs, paragraphe 149). C’est d’autant plus improbable vu les modalités de l’entente de gestion conclue entre l’appelante et le promoteur canadien, dans laquelle l’appelante fait du promoteur canadien son mandataire pour des fonctions précises. Cette entente contient bon nombre de « clauses classiques dans les conventions de mandat », comme une clause d’indemnisation et une clause relative à la norme de diligence (motifs, paragraphes 146 et 147). L’appelante n’a pas démontré que la conclusion défavorable tirée par la Cour de l’impôt constituait une erreur manifeste et dominante.

[55]  Cela dit, je ne suis pas convaincue que la conclusion négative tirée du défaut par l’appelante de produire une convention de mandat écrite a joué dans la conclusion quant à l’absence d’une relation mandant-mandataire.

[56]  Cette conclusion défavorable n’était pas déterminante parce que la Cour de l’impôt a reconnu, en citant Canadian Agency Law, 2e éd. (Markham [Ontario], LexisNexis, 2012) de G.H.L. Fridman, aux paragraphes 3 à 7, que, lorsqu’il n’existe aucune convention de mandat écrite et explicite, il devient nécessaire de [traduction] « se pencher sur la conduite des parties pour déterminer si une relation mandant-mandataire existe » (motifs, paragraphe 166). En citant ce passage et en examinant par la suite la conduite des parties, la Cour de l’impôt démontre qu’elle n’estimait pas que l’appelante devait produire une convention de mandat écrite, explicite et autonome.

[57]  La Cour de l’impôt a également examiné en détail l’argument de l’appelante, repris devant notre Cour, selon lequel la convention d’adhésion et d’achat et la déclaration générale constituaient des conventions de mandat (motifs, paragraphe 152). La Cour a rejeté cet argument pour les motifs suivants :

  1. La partie de l’article 7 de la convention d’adhésion et d’achat qui prévoit que l’appelante engage des frais d’adhésion [traduction] « à titre de mandataire des membres » n’existe pas dans la première version de la convention, car elle a été ajoutée trois ans après la création du programme Intrawest. Il a été avancé, pour toute explication, que cet ajout relatif au mandat avait été fait sur l’avis d’un comptable. Étant donné que le promoteur canadien a ajouté ces mots trois ans après la création du programme, certains acheteurs canadiens de points de villégiature ont acquis les points et leur adhésion aux termes d’une convention qui ne précisait pas que l’appelante agissait à titre de mandataire pour leur compte (motifs, paragraphes 153 à 155).

  2. Les parties des articles 9.1 et 9.3 de la déclaration générale qui mentionnent le mandat ne font pas partie de la déclaration générale d’origine. Ces mots ont été ajoutés trois ans après la signature de la première version de la déclaration générale, également sur l’avis d’un comptable (motifs, paragraphe 161).

  3. L’ajout ultérieur d’une mention du mandat dans ces conventions peut expliquer les incohérences que renferme l’article 9 de la déclaration générale. Par exemple, l’article 9.1 précise à la première phrase que la responsabilité relative à l’entretien, aux réparations, au remplacement, à la restauration, à l’amélioration, à l’exploitation et à l’administration des logements de villégiature est dévolue à l’appelante. De plus, la première phrase du deuxième paragraphe de l’article 9.3 interdit aux membres d’effectuer des réparations, des modifications, ou des opérations semblables. Ces deux clauses indiquent que c’est l’appelante, et non les membres, qui est chargée de l’exploitation et de l’entretien des résidences de vacances (motifs, paragraphe 162).

  4. Cette conclusion est conforme à la conclusion de fait tirée par la Cour selon laquelle les intérêts bénéficiaires que l’appelante détient dans les résidences de vacances englobent le risque d’endommagement des résidences ou de perte, dont l’obligation de payer les dépenses engagées pour l’exploitation, les réparations et l’entretien des résidences (motifs, paragraphe 163).

  5. La conclusion selon laquelle c’est l’appelante qui est chargée de l’exploitation et de l’entretien des résidences de vacances va à l’encontre des articles 9.1 et 9.3 selon lesquels l’appelante engage des frais d’exploitation à titre de mandataire des membres. Même si quelques mots relatifs au mandat ont été ajoutés, la Cour de l’impôt n’est pas d’avis que l’ajout correspond à la relation réelle entre l’appelante et ses membres (motifs, paragraphe 164).

  6. En outre, ces ententes ne peuvent pas constituer une convention de mandat entre les acheteurs de points de villégiature américains et l’appelante ni entre le promoteur américain et l’appelante parce qu’ils n’y sont pas parties. Aucune entente écrite ni aucun témoignage de vive voix n’a été produit qui révèlerait une convention qui lierait les acheteurs de points de villégiature américains ou le promoteur américain au programme Intrawest (motifs, paragraphe 165).

La Cour a remarqué que l’appelante n’avait appelé aucun acheteur de points de villégiature ni aucun dirigeant, administrateur ou employé de l’appelante à témoigner à propos de la relation mandant-mandataire et en a tiré une conclusion défavorable (motifs, paragraphe 167).

[58]  La Cour de l’impôt s’est ensuite penchée sur les autres éléments de preuve qui, à son avis, nient l’existence d’une relation mandant-mandataire (motifs, paragraphe 173) :

  1. La première question examinée concerne le calcul des frais annuels de villégiature, qui comprennent des dépenses autres que les frais d’exploitation des résidences de vacances. L’appelante intègre dans ces frais annuels ses propres coûts administratifs, entre autres le coût de son assemblée générale annuelle, le coût de la vérification, ses obligations fiscales et ses frais juridiques. La Cour a jugé que ces coûts étaient ceux de l’appelante et non ceux des membres. Ces coûts n’ont pas été engagés par l’appelante en qualité de mandataire de ses membres. De même, une portion des frais annuels de villégiature est versée dans un fonds de réserve que l’appelante gère comme un fonds de prévoyance. Il s’agit là encore d’une dépense qui n’a pas été engagée par l’appelante à titre de mandataire de ses membres (motifs, paragraphes 174 et 175).

  2. La Cour se penche ensuite sur la teneur des règlements administratifs de l’appelante et de la déclaration générale. L’article 7.2 des règlements prévoit que les membres de l’appelante doivent payer les frais annuels de villégiature à l’appelante, conformément à la déclaration générale. Les règlements n’obligent pas les membres à supporter personnellement les coûts d’exploitation des résidences de vacances ni d’autres dépenses pour celles-ci. L’article 10.1 de la déclaration générale oblige le membre à payer les frais annuels de villégiature, ce qui diffère de la responsabilité personnelle à l’égard des coûts d’exploitation d’une résidence de vacances. En outre, selon l’article 10.4 de la déclaration générale, si le montant des frais annuels de villégiature est fondé sur des estimations de coûts, le montant réel des frais, lui, est établi par le conseil d’administration de l’appelante, à sa discrétion entière, et peut être rajusté, un tel rajustement étant [traduction] « fondé sur les dépenses supplémentaires engagées par [l’appelante] ». La Cour conclut que ces clauses reposent sur l’hypothèse que les coûts engagés par l’appelante l’ont été pour son propre compte et non pas à titre de mandataire des membres (motifs, paragraphes 176-181).

  3. Pour terminer, la Cour examine les éléments de preuve qui montrent que le promoteur canadien a l’option de ne pas payer les frais annuels de villégiature s’il choisit de financer les activités financières de l’appelante. Il s’agit des articles 10.7 et 1.8 de la déclaration générale, qui autorisent le promoteur canadien à financer les opérations financières de l’appelante dans le cas où les cotisations, y compris les frais annuels de villégiature, et [traduction] « tous les autres revenus obtenus par » l’appelante ne s’élèvent pas au moins au montant des dépenses de l’exercice financier en cours. Par conséquent, l’article 10.7 ne prévoit pas le cas où l’appelante engage des coûts en tant que mandataire du promoteur canadien. Il se fonde plutôt sur l’hypothèse voulant que l’appelante engage des coûts pour son propre compte. Le promoteur canadien convient de fournir une aide financière si ces coûts dépassent les revenus annuels de l’appelante (motifs, paragraphes 182 et 183).

[59]  Une interprétation raisonnable montre bien que la Cour de l’impôt n’exigeait pas la preuve d’une convention de mandat écrite, explicite et autonome. La Cour de l’impôt a plutôt examiné les ententes pertinentes et conclu que celles-ci ne traduisaient pas une relation mandant-mandataire. Elle s’est ensuite attachée à décider si la conduite des parties révélait une relation mandant-mandataire, et a conclu que ce n’était pas le cas. Je ne puis détecter d’erreur manifeste et dominante de fait ou mixte de fait et de droit dans le raisonnement de la Cour de l’impôt. Il m’est également impossible d’y voir une erreur de droit qu’il est possible d’isoler. Il s’ensuit que l’appelante n’a pas démontré que la Cour de l’impôt avait commis une erreur en concluant que les frais de villégiature que les membres lui avaient versés ne représentaient pas le remboursement des dépenses engagées par elle en qualité de mandataire des membres.

[60]  Avant de clore le sujet, je dois soulever deux derniers points.

[61]  Premièrement, la liste au paragraphe 57 des présents motifs regroupe les constatations de la Cour de l’impôt qui l’ont mené à conclure que la convention canadienne d’adhésion et d’achat et la déclaration générale ne démontraient pas l’existence d’une relation mandant-mandataire. Cette liste ne mentionne pas les passages des motifs de la Cour de l’impôt qui concernent le témoignage de M. Abraham, un acheteur de points de villégiature. M. Abraham dit qu’il ne savait pas que l’appelante se présentait comme son mandataire (motifs, paragraphe 171). L’appelante affirme qu’un tel témoignage est inadmissible et contraire à la règle d’exclusion de la preuve extrinsèque. Je reconnais que la règle d’exclusion de la preuve extrinsèque interdit, entre autres, les éléments de preuve concernant les intentions subjectives des parties à un contrat (Eli Lilly & Co. c. Novopharm Ltd., [1998] 2 R.C.S. 129, paragraphes 54 à 59; Sattva Capital Corp. c. Creston Moly Corp., 2014 CSC 53, [2014] 2 R.C.S. 633, paragraphe 59). Néanmoins, vu les motifs étoffés étayant la conclusion de la Cour de l’impôt sur la question du mandat, je conclus que la brève mention du témoignage de M. Abraham n’a pas joué dans l’analyse ayant mené à cette conclusion.

[62]  Deuxièmement, même si la Cour de l’impôt ne traite pas explicitement des notes afférentes aux états financiers de l’appelante, je ne suis pas convaincue, en raison des motifs étoffés dont la Cour de l’impôt étaye sa conclusion quant au mandat, que la caractérisation par un vérificateur de la relation de l’appelante avec ses membres importe assez pour qu’il faille la commenter.

2.  La question de la propriété bénéficiaire, qui découle de celle du mandat

[63]  Devant la Cour de l’impôt, l’appelante a affirmé que l’intérêt bénéficiaire dans les résidences de vacances était détenu par les membres de l’appelante, soit les membres du programme Intrawest. Comme je l’explique aux paragraphes 19 et 20, la Cour de l’impôt a rejeté cette thèse. La Cour de l’impôt a plutôt conclu que l’appelante détenait un intérêt bénéficiaire dans les résidences de vacances, sous réserve des droits d’occupation détenus par les promoteurs canadien et américain.

[64]  Dans son argumentation écrite, l’appelante juge que l’analyse de la Cour de l’impôt était malavisée; elle affirme que la Cour a conclu à tort qu’il incombait à l’appelante de prouver que ses membres détenaient l’intérêt bénéficiaire dans les résidences de vacances.

[65]  Au cours des plaidoiries, l’avocat de l’appelante s’est quelque peu rétracté. Il a affirmé qu’il n’était plus certain que l’ensemble de droits que les membres avaient acquis en achetant leur intérêt dans les résidences de vacances constituait une propriété bénéficiaire. L’avocat n’a cependant pas retiré son argument.

[66]  Je vais donc traiter de cette question brièvement.

[67]  Pour commencer, je rejette la thèse selon laquelle l’analyse de la Cour de l’impôt était malavisée et qu’elle imposait à l’appelante l’obligation de prouver que ses membres étaient les propriétaires bénéficiaires des résidences de vacances. En fait, c’est plutôt l’appelante qui a affirmé dans son avis d’appel que ce type de propriété était un des faits substantiels sur lesquels elle s’appuyait. Devant la Cour de l’impôt, l’appelante a affirmé que la propriété bénéficiaire faisait partie des [traduction] « questions clés » (motifs, paragraphe 79). La Cour de l’impôt ne s’est donc pas livrée à un détour juridique, comme le prétend l’appelante à présent. La Cour a traité la question dont l’appelante l’a saisie. Ce que l’appelante prétendait, c’est que, si les membres étaient propriétaires bénéficiaires des résidences de vacances, il s’ensuivait que l’appelante, lorsqu’elle acquérait des biens et des services aux fins de l’entretien des résidences, était la mandataire des propriétaires bénéficiaires.

[68]  Je rejette également l’argument de l’appelante selon lequel la Cour de l’impôt a commis une erreur en ne tenant pas compte de certains documents importants, dont l’acte de fiducie et la déclaration générale.

[69]  En effet, la Cour de l’impôt a commencé son analyse en examinant l’exposé conjoint et l’acte de fiducie et a conclu que les intérêts juridiques et bénéficiaires à l’égard des résidences de vacances canadiennes étaient détenus initialement par le promoteur canadien, qui a par la suite cédé à l’appelante la propriété juridique et bénéficiaire des résidences de vacances canadiennes. En même temps qu’il acquérait les résidences de vacances canadiennes, l’appelante cédait les titres de propriété des résidences au nu-fiduciaire canadien, titres détenus pour l’appelante et au nom de cette dernière (article 2.1 de l’acte de fiducie). Pour terminer, en contrepartie des résidences de vacances canadiennes, l’appelante a cédé les droits d’occupation des résidences à perpétuité au promoteur canadien (motifs, paragraphes 86 à 89).

[70]  La Cour de l’impôt a par la suite appliqué les critères juridiques de la possession, de l’usage, du risque et du contrôle pour déterminer à chaque étape la propriété bénéficiaire des résidences de vacances. La Cour de l’impôt a établi ce qui suit :

  1. Le promoteur canadien détenait le droit d’utiliser les résidences de vacances canadiennes (motifs, paragraphe 92).

  2. L’absence d’éléments de preuve ne permet pas de tirer une conclusion définitive sur la possession; le promoteur canadien détenait probablement les droits de possession des résidences de vacances canadiennes, sous réserve des intérêts résiduels que l’appelante pourrait détenir (motifs, paragraphe 95).

  3. Le risque s’entend du risque de dommages au bien. Aucun élément de preuve ne montre que l’appelante a cédé les risques associés aux résidences de vacances canadiennes au promoteur canadien. La Cour de l’impôt a tiré une conclusion défavorable du fait que l’appelante n’a pas présenté de convention de cession des résidences de vacances canadiennes et n’a appelé personne à témoigner sur la question de la cession (motifs, paragraphes 98, 99 et 102).

  4. La conclusion selon laquelle l’appelante assumait les risques est conforme au témoignage selon lequel l’appelante ‑ et non le promoteur – assume les frais de réparations, d’entretien et d’exploitation des résidences de vacances canadiennes (motifs, paragraphe 101).

  5. En l’absence d’une convention de cession ou d’un témoignage oral à cet égard, l’élément de preuve le plus solide porte que l’appelante et le promoteur canadien se partageaient le contrôle des résidences de vacances canadiennes (motifs, paragraphe 105).

  6. L’appelante et le promoteur canadien détenaient tous les deux des intérêts bénéficiaires dans les résidences de vacances canadiennes. Le risque de dommages au bien était assumé par l’appelante (motifs, paragraphe 108).

  7. Pour les mêmes raisons, la Cour a conclu que l’appelante et le promoteur américain détenaient des intérêts bénéficiaires dans les résidences de vacances américaines et mexicaines. L’appelante assume ici aussi le risque de dommages à ces biens (motifs, paragraphe 110).

  8. En vendant des points de villégiature et des droits d’adhésion au programme de l’appelante, le promoteur canadien accorde le droit d’occuper une résidence de vacances conformément aux règles établies par la déclaration générale et les lignes directrices sur l’adhésion. Il s’agit d’un droit contractuel. L’acheteur canadien de points de villégiature n’a pas reçu l’intérêt bénéficiaire à l’égard d’une résidence de vacances en particulier (motifs, paragraphes 115 à 116).

  9. En outre, étant donné que le promoteur canadien n’assumait aucun risque à l’égard des résidences de vacances canadiennes, il ne pouvait pas céder l’obligation de réparer et d’entretenir les résidences de vacances canadiennes aux acheteurs de points de villégiature canadiens (motifs, paragraphe 118).

  10. Aucun élément de preuve ne démontre que l’appelante ou le promoteur américain aurait cédé les intérêts bénéficiaires dans les résidences de vacances américaines et mexicaines au promoteur canadien. Le promoteur canadien ne pouvait donc pas céder l’intérêt bénéficiaire à l’égard des résidences de vacances américaines et mexicaines aux acheteurs de points de villégiature canadiens (motifs, paragraphe 119).

  11. Aucun élément ne prouve l’existence de transactions entre le promoteur américain et les acheteurs de points de villégiature canadiens. Il s’ensuit donc qu’aucun élément de preuve ne montre que le promoteur canadien ou le promoteur américain a cédé la propriété bénéficiaire des résidences de vacances aux acheteurs de points de villégiature canadiens (motifs, paragraphes 120 et 121).

  12. Aucun élément de preuve ne montre que l’acheteur de points de villégiature américain a acquis un intérêt bénéficiaire dans une quelconque résidence de vacances (motifs, paragraphe 124).

  13. Aucun élément de preuve ne montre la cession directe des intérêts bénéficiaires dans les résidences de vacances aux acheteurs de points de villégiature (motifs, paragraphe 128).

  14. De même, aucun élément de preuve ne montre que l’appelante a cédé des intérêts bénéficiaires dans les résidences de vacances à une fiducie au bénéfice des membres. Même si un témoin appelé par l’appelante a confirmé l’existence d’une fiducie, il n’a pas présenté de convention de fiducie à la Cour et n’a pas fourni d’éléments de preuve de vive voix quant aux modalités d’une telle fiducie. Bien que l’article 4.4 de la déclaration générale mentionne une fiducie établie à l’intention des membres, l’article lui-même ne crée pas de fiducie. Il atteste tout simplement que les promoteurs américain et canadien ont convenu que l’appelante créerait une fiducie. Aucun élément n’établit la création d’une telle fiducie (motifs, paragraphes 129 à 135).

  15. De plus, l’article 4.4 de la déclaration générale est ambigu puisqu’il indique que [traduction] « la valeur du droit bénéficiaire de chaque membre sur le logement de villégiature doit être payée et répartie entre chaque membre du Club conformément à l’article X des règlements administratifs du Club ». Cependant, l’article 10.2 de ces règlements dispose que les actifs, y compris les résidences de vacances, sont les actifs de l’appelante et sont donc uniquement répartis à ses membres advenant une liquidation et une dissolution de l’appelante. Les règlements administratifs de l’appelante ne mentionnent nulle part que l’appelante détient un seul de ses actifs en fiducie pour ses membres. Au contraire, l’article X prévoit la situation dans laquelle l’appelante détient ses actifs pour son propre compte et non en fiducie pour ses membres (motifs, paragraphe 136).

[71]  Pour trancher cette question, la Cour de l’impôt a bel et bien tenu compte de ces documents importants. Elle a examiné attentivement les documents pertinents et a conclu que ceux-ci n’étayaient pas l’affirmation selon laquelle les membres de l’appelante détenaient des intérêts bénéficiaires dans les résidences de vacances. Je ne puis détecter d’erreur manifeste et dominante de fait ou mixte de fait et de droit dans le raisonnement de la Cour de l’impôt. Il m’est également impossible d’y voir une erreur de droit qu’il est possible d’isoler. Il s’ensuit que l’appelante n’a pas démontré que la Cour de l’impôt a conclu à tort que c’est l’appelante (et non ses membres) qui détenait un intérêt bénéficiaire dans les résidences de vacances.

3.  La question de la TPS

[72]  Comme je le mentionne au début des présents motifs, le paragraphe 165(1) de la Loi impose la perception de la TPS sur les fournitures taxables effectuées au Canada. Pour déterminer si la TPS est exigible, il est nécessaire de caractériser correctement la fourniture et de déterminer correctement si elle est « effectuée au Canada ».

[73]  À propos de la caractérisation de la fourniture, l’appelante affirme que la Cour de l’impôt a conclu à juste titre que, si l’appelante n’a pas engagé de coûts d’exploitation des résidences de vacances à titre de mandataire, elle a fourni un service aux membres du programme Intrawest. L’appelante fait valoir, cependant, que la Cour de l’impôt a commis une erreur en omettant de caractériser l’élément prédominant du service. L’appelante prétend que, si elle l’avait fait, la Cour de l’impôt aurait conclu à l’existence d’une fourniture unique, soit l’exploitation de chaque propriété de villégiature.

[74]  Cette conclusion découlerait de la décision rendue par la Cour de l’impôt dans O.A. Brown (mentionnée plus haut au paragraphe 31) et de la décision de notre Cour dans Global Cash Access (Canada) Inc. c. Canada, 2013 CAF 269. L’appelante effectue une fourniture unique puisqu’aucune composante de la fourniture ne possède une efficacité commerciale en soi. Bien que les services fournis à l’égard de chaque propriété de villégiature soient interdépendants et inextricablement liés, il n’en va pas de même du fonctionnement global de l’ensemble des propriétés de villégiature. L’exploitation et les frais engagés à l’égard d’un bien sont indépendants de ceux concernant les autres biens. Par conséquent, des biens ont été ajoutés au programme Intrawest – ou retirés ‑ au fil du temps.

[75]  Je commence par examiner les motifs de la Cour de l’impôt qui abordent les arguments de l’appelante sur ce point. Au paragraphe 257 des motifs, la Cour remarque que les membres de l’appelante paient des frais annuels de villégiature pour financer les coûts d’adhésion, définis à l’article 1.37 de la déclaration générale. Ces coûts englobent notamment les éléments énumérés au paragraphe 11 des présents motifs.

[76]  Le service que l’appelante fournit, c’est de convenir d’utiliser les frais annuels de villégiature afin de financer ses activités. Plus précisément, l’appelante consent à utiliser ces fonds pour payer les coûts d’exploitation de ces résidences de vacances et du programme Intrawest, pour payer ses propres dépenses administratives et pour constituer une réserve en prévision de dépenses imprévues (motifs, paragraphe 237).

[77]  La Cour de l’impôt a constaté que l’appelante effectuait une fourniture unique en acceptant d’utiliser les frais annuels de villégiature pour financer ses activités. Pour parvenir à cette conclusion, la Cour de l’impôt s’est appuyée sur la déclaration générale qui traite la fourniture comme une fourniture unique, « la contrepartie étant fondée sur les coûts estimatifs totaux de l’appelante », et sur le fait que l’appelante pouvait continuer à exploiter le programme Intrawest si elle engageait l’ensemble des coûts d’adhésion (motifs, paragraphe 259).

[78]  La prochaine question à trancher consiste à savoir si la Cour de l’impôt a commis une erreur en établissant le lieu de la fourniture. Plus particulièrement, s’agissait-il « d’un immeuble ou d’un service y afférent » ou d’un service visé par la règle générale du lieu de fourniture?

[79]  Comme je l’explique aux paragraphes 37 et 38, la Cour de l’impôt a considéré l’utilisation des frais annuels de villégiature comme étant une fourniture unique servant à financer les activités de l’appelante, mais elle a conclu que certains des services inhérents ne se rapportaient pas à un immeuble de façon directe et exclusive. C’est pourquoi la Cour de l’impôt a déterminé le lieu de fourniture en application des alinéas 142(1)g) et 142(2)g) de la Loi.

[80]  Pour déterminer si une fourniture dans son ensemble comprend plus d’une fourniture, autrement dit si la fourniture en question comprend une fourniture mixte ou une fourniture multiple, il est nécessaire de déterminer si « la présumée fourniture séparée fait partie intégrante ou est un élément constitutif de la fourniture globale. [...] Un facteur à prendre en considération est de savoir si, de façon réaliste, la présumée fourniture séparée peut être omise de la fourniture globale » (O.A. Brown, paragraphes 22 et 23).

[81]  Plus récemment, dans la décision Global Cash Access, notre Cour se penche sur l’efficacité commerciale d’une entente afin d’établir l’élément prédominant d’une fourniture unique. Étant donné que cet élément prédominant est visé par la définition de « service financier » au paragraphe 123(1) de la Loi et n’est visé par aucune exception, la contrepartie reçue par le contribuable en échange de la fourniture n’est pas assujettie à la TPS.

[82]  Ce que je tire de la décision Global Cash Access, c’est l’attention qu’il faut porter à l’élément prédominant d’une fourniture unique en vue d’appliquer la Loi. C’est une erreur de droit que d’appliquer la Loi en portant attention aux services qui ne font pas partie de l’élément prédominant de la fourniture unique (voir également la décision Great-West, Compagnie d’assurance-vie c. Canada, 2016 CAF 316, [2016] A.C.F. no 1408, au paragraphe 43).

[83]  À mon humble avis, il s’ensuit que la Cour de l’impôt a commis une erreur lors de l’application des paragraphes 142(1) et 142(2) de la Loi lorsqu’elle a scindé la fourniture unique en ses éléments constitutifs dans le but de déterminer si chacun de ces éléments se rapportait de façon directe et unique à un immeuble (motifs, paragraphes 264 à 271 et 318).

[84]  Bien que permettant d’éviter quelque peu le conflit que la Cour de l’impôt avait relevé entre les alinéas 142(1)d) et 142(2)d) de la Loi, cette démarche va à l’encontre à la fois de la décision O.A. Brown et de la jurisprudence de notre Cour. Les services administratifs que la Cour de l’impôt a soulevés pour lui permettre d’appliquer la règle générale du lieu de fourniture font partie intégrante des activités du programme Intrawest; il n’est donc pas réaliste de les omettre de la fourniture. Qui plus est, ces services ne forment pas l’élément prédominant de la fourniture.

[85]  Cette conclusion fait intervenir le conflit entre les alinéas 142(1)d) et 142(2)d). En l’espèce, l’élément prédominant de la fourniture est l’affectation des frais annuels de villégiature au financement des activités du programme Intrawest. Étant donné que le programme Intrawest exploite des résidences de vacances au Canada, aux États-Unis et au Mexique, l’élément prédominant de la fourniture concerne les immeubles situés au Canada et à l’étranger.

[86]  Le conflit intervient parce que le législateur, en établissant les règles du lieu de fourniture, ne semble pas avoir envisagé qu’une fourniture unique puisse être effectuée à l’égard d’immeubles dont certains sont au Canada et d’autres, à l’étranger.

[87]  Devant la Cour de l’impôt, les parties proposent une solution pratique, soit interpréter le paragraphe 165(1) de sorte qu’une partie seulement de la contrepartie de la fourniture unique taxable soit assujettie à la taxe.

[88]  À mon avis, la Cour de l’impôt a rejeté à juste titre dans sa décision cette interprétation pour les raisons énoncées aux paragraphes 275 à 288 de ses motifs. Je reconnais que la Loi prévoit qu’une fourniture unique doit être assujettie à la taxe sur la totalité de la contrepartie versée pour la fourniture ou ne pas l’être du tout.

[89]  Pour résoudre cette incompatibilité du texte législatif, la Cour de l’impôt offre le raisonnement suivant aux paragraphes 310 et 316 :

À mon avis, l’article 142 doit être interprété de manière conforme à l’intention du législateur d’imposer la taxe, au taux applicable, à l’égard de la totalité de la contrepartie d’une fourniture taxable unique qui est réputée effectuée au Canada, son intention générale d’assimiler, aux termes de l’article 142, les fournitures de services qui sont effectuées au Canada et à l’étranger à des fournitures effectuées au Canada, et son intention d’imposer la taxe à l’égard des fournitures de services aux résidents du Canada lorsque les services sont consommés au moins en partie au Canada.

[…]

Les alinéas 142(1)g) et 142(2)g) visent la fourniture de tous les services qui ne se rapportent pas à un immeuble. Il n’y a nulle incohérence dans l’application de ces alinéas et ils portent sur tous les cas qui peuvent se produire : à savoir, un service rendu en totalité au Canada, un service rendu en totalité à l’étranger et un service rendu tant au Canada qu’à l’étranger. À mon avis, ces alinéas traduisent l’intention du législateur quant à l’application des règles déterminatives aux fournitures de services. Si le service est rendu en totalité ou en partie au Canada, la fourniture est réputée effectuée au Canada; ce n’est que lorsque le service est rendu en totalité à l’étranger que la fourniture est réputée effectuée à l’étranger.

[90]  Ce sont, à mon avis, les deux principaux problèmes soulevés par la résolution du conflit du texte législatif par la Cour de l’impôt.

[91]  Premièrement, les alinéas 142(1)d) et 142(2)d) s’appliquent tous les deux à la fourniture d’un immeuble et à la fourniture d’un service « y afférent ». Même si la Cour de l’impôt, renvoyant à l’arrêt Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29, est d’avis qu’il faut donner à ce genre de locution, qui figure dans les deux dispositions, « une interprétation large » (motifs, paragraphe 265), son interprétation des dispositions y incorpore des mots qui n’y sont pas et qui l’amènent à conclure que :

  1. les paragraphes pertinents « ne visent que les services exécutés par l’appelante qui se rapportent directement à l’immeuble » [Non en gras dans l’original.] (motifs, paragraphe 266);

  2. les paragraphes pertinents ne s’appliquent que si la fourniture unique d’un service se rapporte exclusivement à un bien immobilier [En gras dans l’original.] (motifs, paragraphe 318).

[92]  Deuxièmement, l’interprétation de la Cour rend superflu l’alinéa 142(1)d). La fourniture d’un service afférent à un immeuble situé au Canada est prévue par la règle générale du lieu de fourniture à moins que la fourniture ne se rapporte à des immeubles qui sont tous situés à l’étranger. Autrement dit, l’interprétation proposée par la Cour de l’impôt élève de l’alinéa 142(1)g) au rang de disposition par défaut qui s’applique à tous les services effectués au Canada ou à l’étranger. Si c’était là l’intention du législateur, il eût été facile de légiférer en ce sens et de prévoir expressément les exceptions à cette disposition par défaut.

[93]  La résolution que je propose repose sur la jurisprudence invoquée par la Cour de l’impôt au paragraphe 256 de ses motifs : la question de savoir si deux éléments forment une fourniture unique ou deux ou de multiples fournitures est une question de fait qui doit être tranchée à l’aide d’une généreuse dose de bon sens. Elle reconnaît également que le principe de la fourniture unique est une approche de common law que la Cour de l’impôt a adoptée en se fondant sur la jurisprudence du Royaume-Uni sur des textes législatifs régissant la taxe sur la valeur ajoutée (Great Canadian Trophy Hunts Inc. c. La Reine, 2005 CCI 612, paragraphe 39).

[94]  De manière générale, comme je l’explique plus haut, une fourniture unique de services est une fourniture de services qui sont inextricablement liés. Lorsque ces services sont partiellement consommés au Canada, ils sont réputés fournis entièrement au Canada selon la règle générale du lieu de fourniture.

[95]  Dans le cas présent, je ne vois aucune raison de principe qui empêche de scinder la fourniture afin de reconnaître que les services sont en fin de compte distincts dans un aspect important : les services concernant l’exploitation des résidences de vacances situées au Canada sont des services se rapportant à des immeubles situés au Canada et, de ce fait, sont une fourniture taxable, alors que les services concernant l’exploitation des résidences de vacances d’Intrawest situées à l’étranger sont des services se rapportant à des immeubles situés à l’étranger et, de ce fait, sont une fourniture non taxable.

[96]  La Cour de l’impôt a rejeté ce raisonnement parce que l’accepter l’aurait obligée à « retenir l’idée que l’appelant[e] a effectué des fournitures distinctes relativement aux trois autres groupes d’activités » (motifs, paragraphe 258).

[97]  Je ne suis pas d’accord. Ce raisonnement reconnaît simplement la distinction entre le lot de services étroitement liés correspondant au programme Intrawest et la réalité voulant que ces services soient fournis de manière ponctuelle à chaque propriété. Par conséquent, comme l’affirme l’appelante, l’ajout ou le retrait d’un immeuble au programme Intrawest n’a pas d’incidence sur la nature du programme.

[98]  En conséquence, il sera nécessaire de quantifier la contrepartie de la fourniture taxable, c’est-à-dire la contrepartie versée pour les services fournis afférents aux immeubles situés au Canada. Le reste de la contrepartie versée à l’appelante par le truchement des frais annuels de villégiature est considérée comme une fourniture non taxable. La méthode de calcul doit être juste et raisonnable.

[99]  Les cotisations dont il est fait appel sont fondées sur la conclusion du ministre voulant qu’une partie des frais de villégiature soit payée pour la fourniture d’un bien meuble incorporel se rapportant à un immeuble situé au Canada. Pour attribuer une partie des frais de villégiature à la fourniture d’un bien meuble incorporel se rapportant à un immeuble situé au Canada, le ministre a calculé les points de villégiature émis par l’appelante à l’égard des résidences dans des centres de villégiature au Canada par rapport à l’ensemble des points de villégiature émis à l’égard de toutes les résidences de vacances détenues par l’appelante.

[100]  L’appelante propose une méthode différente, fondée sur la proportion des coûts d’adhésion associés au fonctionnement des résidences de vacances dans les centres de villégiature situés au Canada par rapport au total des coûts d’adhésion pour l’ensemble des centres de villégiature.

[101]  À mon avis, la formule proposée par l’appelante – qui repose sur les frais de villégiature qui servent à l’exploitation des résidences de vacances dans les centres situés au Canada ‑ est plus juste et raisonnable et est conforme à la nature de la fourniture taxable. La contrepartie de la fourniture taxable doit être calculée sur ce fondement.


V.  Conclusion

[102]  La Cour canadienne de l’impôt a rejeté les appels interjetés par l’appelante à l’égard des cotisations pour les périodes de déclaration se terminant le 31 octobre pour chaque année d’imposition de 2002 à 2007 et a accordé les dépens à l’intimée.

[103]  Pour les motifs énoncés plus haut, j’accueillerais l’appel du jugement de la Cour de l’impôt, annulerais le jugement de cette dernière et adjugerais les dépens, tant devant notre Cour que devant la Cour de l’impôt. En prononçant le jugement qui aurait dû être prononcé par la Cour de l’impôt, je renverrais les cotisations de TPS au ministre pour réexamen et réévaluation, en lui rappelant que la TPS n’est exigible que sur la portion des frais de villégiature payés à l’appelante pour les services fournis à l’égard des résidences de vacances situées au Canada.

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

M. Nadon, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Johanne Gauthier, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Marie-Luc Simoneau, jurilinguiste

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-249-16

 

 

INTITULÉ :

CLUB INTRAWEST c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 15 mai 2017

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE DAWSON

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE NADON

LA JUGE GAUTHIER

 

DATE DES MOTIFS :

Le 11 juillet 2017

 

COMPARUTIONS :

Chia-yi Chua

Wendy A. Brousseau

 

Pour l’appelante

 

Lynn M. Burch

Shannon Currie

 

Pour l’intimée

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Toronto (Ontario)

 

Pour l’appelante

 

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Pour l’intimée

 

 

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