Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20170907


Dossier : A‑428‑16

Référence : 2017 CAF 181

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE WOODS

 

 

ENTRE :

CARGURUS, INC.

appelante

et

TRADER CORPORATION

intimée

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 14 juin 2017.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 7 septembre 2017.

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

LE JUGE DE MONTIGNY

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE WOODS

 


Date : 20170907


Dossier : A‑428‑16

Référence : 2017 CAF 181

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE WOODS

 

 

ENTRE :

CARGURUS, INC.

appelante

et

TRADER CORPORATION

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DE MONTIGNY

[1]  CarGurus, Inc. (CarGurus) interjette appel de la décision du Tribunal de la concurrence (le Tribunal) datée du 14 octobre 2016 (CarGurus, Inc. c. Trader Corporation, 2016 DTCC 15) (Motifs), qui a refusé d’accorder à CarGurus, au titre de l’article 103.1 de la Loi sur la concurrence, L.R.C. 1985, ch. C‑34 (la Loi), la permission de présenter une demande en application des articles 75, 76 et 77 de la Loi. Ces articles portent, respectivement, sur les pratiques commerciales restrictives du refus de vendre, du maintien des prix et de l’exclusivité des ventes. Aux termes de l’article 13 de la Loi sur le Tribunal de la concurrence, L.R.C. 1985 (2e suppl.), ch. 19, les décisions du Tribunal sont susceptibles d’appel devant la Cour d’appel fédérale tout comme s’il s’agissait de jugements de la Cour fédérale.

[2]  Devant notre Cour, CarGurus a renoncé à sa demande de maintien des prix présentée en application de l’article 76 et interjette appel de la décision du Tribunal uniquement en ce qui concerne les articles 75 et 77. Après avoir attentivement examiné les arguments présentés par les parties, de vive voix et par écrit, je suis d’avis que le présent appel devrait être rejeté.

I.  Les faits

[3]  L’avènement de la commercialisation numérique a transformé la façon dont les consommateurs achètent des voitures. Même si les opérations entre les acheteurs et les vendeurs sont toujours menées en personne, une part importante de la recherche est effectuée en ligne avant la vente réelle par l’intermédiaire de sites Web de recherche appelés marchés numériques. Les renseignements accessibles dans ces marchés numériques comprennent habituellement, pour chaque véhicule, la marque, le modèle, l’année, le numéro d’identification du véhicule, le kilométrage et le prix, ainsi que des photographies (ces éléments étant désignés comme annonces de véhicules). Les marchés numériques regroupent les annonces de véhicules à partir d’un certain nombre de sources, y compris les fabricants de véhicules, les concessionnaires automobiles, les vendeurs privés et les marchés eux‑mêmes. Certaines autres entreprises, appelées « fournisseurs de flux » reçoivent également des annonces de véhicules en provenance de concessionnaires et les fournissent aux marchés numériques.

[4]  D’après la preuve dont notre Cour est saisie, environ 10 entreprises au Canada offre les marchés numériques pour le secteur automobile, y compris les parties au présent appel. L’appelante est une société privée enregistrée sous le régime des lois du Massachusetts. Son site Web est actif aux États‑Unis depuis 2007 et est entré sur le marché canadien en mai 2015 en tant que « http://ca.cargurus.com ». En ce qui concerne l’intimée, elle détient et exploite un marché numérique en français et en anglais (« http://www.autohebdo.net » et « http://www.autotrader.ca »). Trader Corporation (Trader) offre également des « services de saisie » par lesquels leurs employés créent effectivement des annonces de véhicules pour les concessionnaires. Un employé ou un sous‑traitant de Trader rend visite au concessionnaire pour recueillir des renseignements et prendre des photos du véhicule. Ces annonces peuvent ensuite être affichées sur les sites Web de Trader, ainsi que sur le site Web du concessionnaire. Ces annonces peuvent également être rendues accessibles dans d’autres marchés numériques au moyen d’un processus d’octroi de licences (appelé une convention de syndication).

[5]  La question en litige dans la demande de permission était l’accès à la fourniture des annonces de véhicules de Trader. Trader soutient qu’elle est titulaire du droit d’auteur des photographies incluses dans les annonces qu’elle crée. En juin 2015, Trader a apparemment reçu des plaintes en provenance de certains concessionnaires selon lesquelles leurs véhicules étaient affichés en vente sur le site Web de CarGurus sans leur autorisation. En juin 2015, Trader a envoyé à CarGurus une lettre dans laquelle elle lui reprochait de [traduction] « moissonner » ou [traduction] d’« indexer » son site Web. Il s’agit d’une technique par laquelle un logiciel est utilisé pour chercher une source de données en ligne pour cerner les données d’intérêt puis les extraire de cette source. Trader a envoyé par la suite un projet de convention de syndication à CarGurus pour l’utilisation de ses annonces. CarGurus a rejeté la convention proposée et n’a jamais entrepris de négociations avec Trader, en soutenant que les modalités de la convention l’empêcheraient de concurrencer efficacement Trader dans le marché canadien.

[6]  En décembre 2015, Trader a entrepris une procédure en matière de droit d’auteur dans laquelle elle demandait des déclarations selon lesquelles CarGurus avait contrevenu au droit d’auteur de Trader relativement à au moins 150 000 photographies ajoutées à un site Web administré par Trader aux termes de ses services de saisie. Cette procédure était pendante lorsque le Tribunal a entendu la demande, mais la Cour supérieure de justice de l’Ontario a depuis rendu un jugement en faveur de Trader, en avril 2017 (Trader c. CarGurus, 2017 ONSC 1841).

[7]  En raison de l’ouverture des procédures en matière de droit d’auteur, CarGurus a supprimé plus d’un million de photographies qu’elle avait obtenues en indexant les sites Web de concessionnaires. L’absence d’un accès à l’inventaire de Trader, et la diminution du nombre de pages consultées et des revenus publicitaires qui en ont découlé constituaient le fondement de la demande de permission présentée par CarGurus au Tribunal. CarGurus a soutenu que Trader s’est livrée à un comportement anticoncurrentiel, notamment en refusant d’accorder à CarGurus une licence portant sur les annonces de véhicules de Trader, conformément aux conditions de commerce normales, en enjoignant les tiers à ne pas faire affaire avec CarGurus et en revendiquant à tort un droit d’auteur.

II.  La décision contestée

[8]  La partie VIII de la Loi établit les affaires que le Tribunal peut examiner, y compris les pratiques commerciales restrictives que le Tribunal peut examiner à la demande du commissaire de la concurrence ou d’une autre personne qui en a reçu l’autorisation. Selon l’article 75, le Tribunal a compétence pour examiner une situation où une personne n’est pas en mesure d’obtenir les fournitures adéquates d’un produit aux conditions de commerce normales. S’il est satisfait au critère énoncé dans cet article, le Tribunal peut ordonner qu’un ou plusieurs fournisseurs de ce produit acceptent la personne comme client. Selon l’article 76, le Tribunal peut examiner les situations de maintien des prix et peut rendre des ordonnances qui interdisent ce comportement. Selon l’article 77, le Tribunal peut examiner les pratiques d’exclusivité, de ventes liées et de limitation du marché. S’il conclut que ces activités se déroulent au sens de cette disposition, le Tribunal peut rendre des ordonnances interdisant ces pratiques.

[9]  Après avoir résumé les faits, les arguments des parties et les dispositions législatives pertinentes, le Tribunal a précisé qu’avant d’accorder l’autorisation, il doit rendre une décision en deux volets. D’abord, il doit déterminer si la demande est appuyée par suffisamment de preuves crédibles pour donner lieu à une croyance légitime que l’auteur de la demande est directement (aux fins des demandes présentées en application de l’article 76 de la Loi) ou directement et sensiblement (aux fins des demandes présentées en application des articles 75 et 77 de la Loi) gêné dans son entreprise en raison de la pratique alléguée (voir respectivement les paragraphes 103.1(7.1) et 103.1(7) de la Loi). Ensuite, il doit conclure que la pratique alléguée pourrait être assujettie à une ordonnance délivrée en vertu de l’article duquel relève la pratique commerciale restrictive.

[10]  CarGurus avait soutenu que le retrait des photographies de Trader et son incapacité à afficher les annonces de véhicules de Trader avaient entraîné une baisse du trafic et avaient généré moins de pistes vers les concessionnaires, ce qui avait eu une incidence sur la réalisation de ses revenus. Plus particulièrement, CarGurus avait soutenu devant le Tribunal que : 1) le nombre de pistes multiples susceptibles d’être générées par CarGurus pour les concessionnaires avait diminué de façon importante; 2) CarGurus a perdu 60 % des pistes pour les concessionnaires dont les annonces de véhicules sont liées à Trader; 3) CarGurus a perdu environ 25 % de son volume général de pistes; 4) le taux de conversion de CarGurus (c’est‑à‑dire le pourcentage de visiteurs sur le site Web de CarGurus qui ont communiqué avec au moins un concessionnaire à propos d’une voiture en vente) a diminué de 16 %; et 5) le nombre détaillé de pages vues de CarGurus a chuté de 31 %, ce qui a entraîné une chute correspondante de 31 % des revenus publicitaires.

[11]  Dans ses motifs, le Tribunal a tenu pour acquis que CarGurus, en tant que concurrente de Trader, a été directement gênée par ses pratiques. Donc, pour l’application des articles 75 et 77, l’analyse du Tribunal s’est axée sur la nature sensible de l’incidence de Trader sur l’entreprise de CarGurus. Le Tribunal a tranché en disant que la preuve de CarGurus ne comportait pas suffisamment de détails et qu’elle manquait de crédibilité. Plus particulièrement, le Tribunal a relevé les cinq principaux problèmes suivants dans la preuve de CarGurus :

  1. Le Tribunal est arrivé à la conclusion qu’il n’y avait [traduction« aucune preuve fiable quant à la proportion de l’inventaire total des annonces de véhicules de CarGurus qui est représentée par les annonces de véhicules de Trader qui ont été supprimées du site Web de CarGurus et que Trader refuse prétendument de fournir ». Sur ce point, le Tribunal a particulièrement mis en doute le chiffre de la part de marché de 42,5 % avancé par CarGurus et auquel elle est parvenue en l’apparence sans tenir compte de la concurrence de Kijiji (motifs, par. 72 à 78);

  2. Le Tribunal est également arrivé à la conclusion que la preuve de CarGurus ne montrait pas qu’il y avait eu une baisse réelle des revenus actuels ou prévus. La démonstration par CarGurus qu’elle avait subi un préjudice sensible reposait entièrement sur la différence entre ses revenus réels et ses revenus prévus. Le Tribunal a critiqué le fait que la preuve d’une diminution des revenus était fondée exclusivement sur des estimations. En outre, le Tribunal a conclu que le fondement sur lequel CarGurus s’est appuyée pour en arriver à ses prévisions des ventes devait lui être présenté pour le convaincre que les preuves étaient crédibles et suffisantes (motifs, par. 79 à 87);

  3. Selon les allégations de CarGurus, l’effet est sensible; toutefois, ses prévisions font état de revenus à la hausse jusqu’à la fin de décembre 2017. Le Tribunal a conclu que cela faisait en sorte qu’il lui était difficile de voir une incidence sensible quelconque sur l’entreprise de CarGurus (motifs, par. 88 à 92);

  4. Les revenus réels publiés par CarGurus depuis son entrée dans le marché numérique au Canada montrent une augmentation des revenus publicitaires plutôt qu’un effet préjudiciable causé par Trader, ce qui laisse entendre que CarGurus a accès à d’autres sources de fourniture d’inventaires (motifs, par. 93 à 99);

  5. L’écart entre les revenus réels de CarGurus et ses prévisions initiales sont du même ordre, avant et après que Trader a prétendument refusé de fournir ses annonces de véhicules. De l’avis du Tribunal, cela indiquait que les diminutions étaient imputables à des prévisions inexactes plutôt qu’au comportement de Trader (motifs, par. 100 et 101).

[12]  Compte tenu des faiblesses dans la preuve de CarGurus, le Tribunal a conclu qu’il ne pouvait pas raisonnablement croire que CarGurus pourrait être directement et sensiblement gênée dans son entreprise par le comportement de Trader. Par conséquent, CarGurus n’a pas satisfait à la première exigence du critère d’octroi de la demande de permission énoncé au paragraphe 103.1(7) de la Loi.

[13]  En ce qui concerne la demande présentée en vertu de l’article 76, le Tribunal s’est penché immédiatement sur la deuxième partie du critère de la demande de permission, puisque CarGurus avait seulement à montrer que son entreprise était directement gênée par le présumé comportement susceptible d’examen de Trader. Le Tribunal a conclu qu’il n’avait pas été satisfait à au moins trois des éléments requis énoncés dans cette disposition. Par conséquent, le Tribunal a décidé que, si cette demande était entendue sur le fonds, il ne serait pas possible de délivrer une ordonnance au titre de cet article. Comme on l’a déjà mentionné, cette conclusion n’est pas contestée en appel.

III.  Les questions en litige

[14]  Le présent appel soulève trois questions :

  1. Le Tribunal a‑t‑il mal interprété la preuve relative à la part de marché de Trader?

  2. Le Tribunal a‑t‑il mal appliqué le critère relatif à la demande de permission à l’égard des prévisions de préjudice de CarGurus, exigeant de CarGurus qu’elle satisfasse à une norme de preuve plus élevée?

  3. Le Tribunal a‑t‑il mal appliqué le critère du « facteur déterminant » pour évaluer la question du préjudice sensible?

IV.  Discussion

A.  Le Tribunal a‑t‑il mal interprété la preuve relative à la part de marché de Trader?

[15]  CarGurus a tenté de qualifier son premier moyen d’appel de question mixte de fait et de droit. Cependant, la Cour a mis en garde contre le réexamen des conclusions factuelles tirées par le Tribunal sous le couvert d’une contestation d’une question mixte de fait et de droit : Nadeau Ferme Avicole Limitée c. Groupe Westco Inc., 2011 CAF 188, par. 47 (Nadeau CAF). À mon avis, c’est précisément ce que l’appelante tente de faire ici.

[16]  CarGurus fait essentiellement valoir que le Tribunal a commis une erreur en concluant qu’il n’y avait aucune preuve fiable quant à la proportion de l’inventaire total de ses annonces de véhicules qui était représentée par les annonces de véhicules de Trader. Selon l’avocat, les estimations de CarGurus selon lesquelles Trader contrôle 42,5 % du marché en amont sont fondées sur l’analyse interne des annonces de véhicule qu’elle ne peut obtenir auprès de sources autres que Trader ou sans son consentement. Au lieu de cela, le Tribunal a compris, à tort, que CarGurus utilisait ses estimations en aval à titre d’indicateur pour le marché en amont. Puisque les estimations de la part du marché en aval semblaient suspectes en raison du fait que CarGurus avait exclu Kijiji.ca de ses estimations de la part de marché, le Tribunal a été inévitablement induit à croire que les estimations de la part du marché en amont doivent être tout aussi fautives.

[17]  Peu importe le bien‑fondé de cet argument, il ne fait aucun doute dans mon esprit que la question de savoir si Trader contrôle 42,5 % du marché en amont est exclusivement une question de fait. Il n’y a aucun élément juridique dans la présumée erreur commise par le Tribunal. Pour cette raison, nous ne sommes pas dûment saisis de cette question, car le paragraphe 13(2) de la Loi sur le Tribunal de la concurrence exige la permission de la Cour pour examiner des questions de fait. Même si la première question peut être qualifiée d’une manière quelconque de question mixte de fait et de droit, celle‑ci ne serait pas utile à l’appelante, car la Cour est liée par les conclusions de fait du Tribunal.

B.  Le Tribunal a‑t‑il mal appliqué le critère relatif à la demande de permission à l’égard des prévisions de préjudice de CarGurus en exigeant de CarGurus qu’elle satisfasse à une norme de preuve plus élevée?

[18]  CarGurus prétend que le Tribunal applique à la permission un seuil plus élevé que celui qui aurait par ailleurs été requis et cela est confirmé par la façon dont il est parvenu à sa conclusion concernant la deuxième question (c’est‑à‑dire l’absence de fondement pour les prévisions) et la cinquième question (c’est‑à‑dire la différence entre les revenus réels et prévus non imputable à Trader) concernant les faiblesses perçues dans les prévisions financières de CarGurus.

[19]  CarGurus soutient que le fardeau de la preuve dont il faut s’acquitter pour obtenir la permission prévue à l’article 103.1 est faible. L’étape de la permission est un processus d’examen sommaire dans le cadre duquel la preuve n’est examinée et où la norme de preuve applicable est moins rigoureuse que la prépondérance des probabilités. Elle fait valoir que la démonstration de la probabilité d’un préjudice important est nécessairement fondée sur des prévisions, car une telle démonstration est un processus prospectif. En s’appuyant sur une décision antérieure du Tribunal (The Used, Car Dealers Association of Ontario c. Bureau d’assurance du Canada, 2011 CACT 10 (Used, Car)), CarGurus fait valoir que les renseignements présentés peuvent être incomplets et qu’il n’est pas raisonnable de conclure qu’il faut présenter des preuves concluantes sur chaque point en litige. En conséquence, le Tribunal a élevé de manière inacceptable les exigences du seuil applicable à l’égard des permissions en déclarant que les prévisions ne permettent pas de constituer des preuves crédibles et convaincantes de l’effet important sur l’entreprise de CarGurus et en exigeant que le fondement de ses prévisions soit démontré. Cela est particulièrement vrai compte tenu du fait que CarGurus était un nouveau participant au marché, ce qui aurait dû inciter le Tribunal à alléger les exigences en matière de preuve qui sont applicables lorsque le plaignant est un acteur établi.

[20]  D’entrée de jeu, je souligne que, même si, en l’espèce, il s’agit d’un appel prévu par la loi, ce sont les principes en matière de contrôle judiciaire qui s’appliquent plutôt que la norme de contrôle en matière d’appel (Mouvement laïque québécois c. Saguenay (Ville), 2015 CSC 16, [2015] 2 R.C.S. 3, par. 29 et 43, et Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339). CarGurus qualifie cette erreur d’erreur de droit qui doit être examinée en fonction de la norme de la décision correcte, sans fournir d’autres explications pour ce point de vue. Je ne souscris pas à cette qualification. Ce que CarGurus conteste n’est pas tant le critère juridique en soi, mais son application aux faits de l’espèce. En effet, CarGurus reconnaît au paragraphe 45 de son mémoire que le Tribunal a correctement décrit la tâche d’examen sommaire dont il entend s’acquitter à l’étape de la permission; ce qu’elle conteste, c’est l’étendue de la preuve à fournir à cette étape et, plus particulièrement, l’exigence selon laquelle il doit y avoir un certain fondement en ce qui concerne les prévisions financières. En d’autres termes, la vraie contestation de CarGurus ne porte pas sur le critère appliqué, mais sur la conclusion selon laquelle sa preuve ne permettait pas d’établir l’existence d’une possibilité raisonnable que son entreprise puisse être gênée sensiblement par les pratiques de Trader. Comme la Cour l’a déclaré aux paragraphes 35 et 45 de Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, les questions consistant à déterminer si les faits satisfont à un critère juridique sont réputées être des questions mixtes de fait et de droit. De telles questions sont examinées selon la norme de la décision raisonnable.

[21]  CarGurus semble estimer que ses prévisions de revenus auraient dû être acceptées simplement parce qu’elles étaient annexées à un affidavit établi sous serment; tous les problèmes éventuels liés à ces prévisions auraient dû être traités à l’étape du bien‑fondé (mémoire des faits et du droit de l’appelante, par. 48 et 49). Même si nous acceptons, comme le Tribunal dans ses motifs, le fait que le seuil est peu élevé et qu’il y aura inévitablement des renseignements incomplets à l’étape de l’examen, il doit y avoir une preuve suffisante, non spéculative et convaincante pour donner au Tribunal des motifs de bonne foi de croire que l’incidence de la conduite de Trader sur l’entreprise de CarGurus pourrait raisonnablement être qualifiée d’effet important.

[22]  En l’espèce, CarGurus a présenté au Tribunal un ensemble de [traduction] « prévisions initiales » et un ensemble de [traduction« prévisions révisées » censées montrer les répercussions du présumé comportement de Trader. Cependant, comme l’a souligné le Tribunal, l’affidavit auquel étaient annexées ces prévisions (faisant partie d’une pièce) n’expliquait pas comment et par qui ces calculs avaient été faits. En l’absence d’un contexte quelconque pour ces prévisions, le Tribunal avait le droit de conclure que la preuve n’était ni suffisante ni convaincante, et que les prévisions utilisées par CarGurus étaient conjecturales et n’équivalaient qu’à une simple possibilité d’effet important. Le Tribunal a été catégorique au paragraphe 83 de ses motifs :

[traduction] 

Je suis d’accord avec CarGurus pour dire qu’elle n’est tenue que de fournir des « preuves crédibles suffisantes » pour convaincre le Tribunal qu’il existe une possibilité raisonnable que l’entreprise puisse être directement et sensiblement gênée par un refus de vendre. Je suis également conscient du fait que CarGurus n’a pas à attendre que le préjudice se produise réellement avant de présenter une demande au titre de l’article 103.1 de la Loi […]. Cependant, une preuve suffisante et convaincante est requise, même pour un préjudice anticipé. Pour se fonder sur des prévisions pour établir une incidence sensible sur une entreprise au sens du paragraphe 103.1(7), il faut tout de même s’appuyer sur une preuve claire et convaincante, ce que CarGurus n’a pas fait. Il incombe à une partie qui s’appuie sur des prévisions de présenter à tout le moins le fondement de ces prévisions.

[23]  Loin d’imposer un fardeau supplémentaire à CarGurus, le Tribunal a simplement tranché en disant que la preuve de CarGurus ne suffisait pas pour satisfaire au critère juridique établi. Manifestement, ce qui constitue une preuve suffisante variera d’une affaire à l’autre, selon le contexte. Cela étant dit, il doit tout de même exister des preuves crédibles et objectives appuyant la prétention de CarGurus selon lesquelles elle a été sensiblement gênée dans son entreprise par les pratiques de Trader.

[24]  CarGurus fait valoir que la conclusion du Tribunal va à l’encontre de certaines décisions antérieures qu’il a rendues; cependant, une lecture attentive de ces décisions montre que la preuve soumise dans ces affaires était manifestement plus fiable que celle en l’espèce. Dans la décision Used Car, par exemple, le Tribunal a conclu que le critère de l’effet important avait été satisfait, car la partie touchée de l’entreprise de l’appelante représentait plus de 50 % de son revenu net. Même si le Tribunal acceptait le fait qu’un demandeur n’a aucune obligation de fournir des données sur les revenus qui ont été générés au fil du temps, il y avait à tout le moins des preuves crédibles et fiables d’un préjudice important causé par le refus de l’intimée de fournir les renseignements au cours de l’année où il a été mis fin à l’entente entre les deux parties. Qui plus est, il convient de souligner que les passages sur lesquels s’est appuyée CarGurus dans son mémoire, à savoir que des preuves concluantes ne sont pas requises pour chaque point en litige, figurent dans la partie des motifs du Tribunal portant sur la deuxième partie du critère relatif à la permission (à savoir si une ordonnance pouvait être rendue).

[25]  Dans la décision Nadeau Ferme Avicole Limitée c. Groupe Westco Inc. et al., 2008 CACT 7, la demanderesse avait présenté des chiffres montrant que l’approvisionnement exact détenu par les défenderesses représentait 48 % de son entreprise de transformation du poulet, réduisant ainsi ses activités à environ 40 % de sa capacité. Une fois encore, le Tribunal était convaincu pour ce motif qu’il avait raison de croire que la demanderesse était directement et sensiblement gênée dans son entreprise par le refus des défenderesses de lui vendre des poulets vivants. Cette conclusion n’a pas été contestée en appel (Nadeau CAF).

[26]  En l’espèce, le Tribunal a accepté qu’un nouveau venu sur le marché puisse devoir s’appuyer sur un préjudice anticipé et des prévisions pour établir qu’il y a eu une incidence sensible sur son entreprise; mais il incombe à la partie qui s’appuie sur de telles prévisions de mentionner à tout le moins sur quoi elles reposent (motifs, par. 83). Cela est conforme à une autre décision du Tribunal, portant également sur une demande formulée par une plaignante selon laquelle Trader et d’autres défenderesses ont refusé de fournir des annonces de véhicules aux conditions de commerce habituelles : Audatex Canada, ULC c. CarProof Corporation, 2015 CACT 28. Dans cette affaire, le Tribunal a conclu que la preuve d’un préjudice anticipé peut parfois suffire, mais qu’il doit tout de même exister des [traduction« preuves suffisantes et convaincantes » du préjudice anticipé. Puisque la demanderesse n’a pas été en mesure de démontrer une perte de ventes ou de revenus, malgré qu’elle avait déjà perdu son approvisionnement en données sur les annonces de véhicules, le Tribunal a conclu que les preuves d’effet important n’étaient ni suffisantes ni convaincantes.

[27]  Une fois encore, le problème de la preuve de CarGurus quant au préjudice important n’est pas tant le fait qu’elle s’appuie exclusivement sur des prévisions, mais qu’il n’y a ni contexte ni explication de la façon dont ces prévisions ont été établies. Dans ces circonstances, le Tribunal pourrait raisonnablement arriver à la conclusion que la preuve fondée sur des prévisions n’équivaut à rien de plus qu’une simple possibilité d’effet important et qu’elle est hypothétique. Le Tribunal a tiré une conclusion similaire dans Mrs. O’s Pharmacy c. Pfizer Canada Inc., 2004 CACT24, affaire dans laquelle la demanderesse avait déposé une plainte selon laquelle sa viabilité financière était menacée par la décision de la défenderesse de ne pas fournir un certain nombre de produits clés, car elle ne respectait pas ses conditions de commerce. La demanderesse avait fondé ses pertes entièrement sur des prévisions et la non‑atteinte des objectifs inscrits dans son plan d’entreprise. Le Tribunal a conclu qu’une telle preuve était insuffisante et que le lien de causalité était hypothétique, car de nombreux facteurs peuvent intervenir dans la croissance ou la stagnation d’une nouvelle entreprise. Voir également, dans le même ordre d’idée : Stargrove Entertainment Inc. c. Universal Music Publishing Group Canada, 2015 CACT 26, par. 29.

[28]  Pour résumer, le seuil applicable à l’obtention de la permission selon le paragraphe 103.1(7) est peut‑être peu élevé, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y en a aucun. Comme la Cour l’a déclaré au paragraphe 23 de Symbol Technologies Canada ULC c. Barcode Systems Inc., 2004 CAF 339, [2005] 2 R.C.F. 254, « [l]a charge à ce stade est légère, mais l’auteur de la demande doit fournir certains éléments de preuve concernant l’effet du refus de vendre sur la concurrence dans un marché, et le Tribunal doit prendre ces éléments en considération ». Le législateur avait manifestement l’intention de limiter les demandes privées aux personnes qui sont directement et sensiblement gênées dans leurs entreprises par les pratiques alléguées. Si le Tribunal doit exercer sa fonction d’examen, il ne peut être tenu d’accepter les affirmations non fondées dans un affidavit. Une telle approche irait à l’encontre de l’intention du législateur et dépouillerait le Tribunal de tout rôle significatif dans l’examen des demandes de permission.

[29]  En l’espèce, CarGurus n’a non seulement pas été en mesure de présenter le contexte dans lequel les prévisions ont été établies, mais elle a omis d’expliquer la différence entre ses prévisions initiales et ses revenus réels. Comme l’a souligné le Tribunal, les revenus réels de CarGurus étaient constamment inférieurs à ses prévisions initiales, même avant que CarGurus prétende que le comportement de Trader avait eu une incidence sur son entreprise. Pour reprendre les propos du Tribunal, [traduction] « l’écart entre les revenus réels de CarGurus et ses prévisions initiales est du même ordre, avant et après le comportement de Trader » (motifs, par. 100). Cette différence constituait manifestement un motif supplémentaire de remettre en doute l’exactitude des prévisions et le Tribunal avait certainement le droit de conclure, pour ce motif, que la présumée baisse des revenus pourrait tout aussi facilement être le résultat de prévisions inexactes que le résultat du comportement de Trader.

[30]  CarGurus n’a pas contesté cet aspect de la conclusion du Tribunal, qui mine également la fiabilité et la crédibilité de sa preuve d’effet important. À la lumière de toutes les conclusions tirées par le Tribunal à propos de la preuve de CarGurus sur la baisse des revenus ainsi que du degré élevé de déférence auquel le Tribunal a droit en ce qui a trait aux questions de fait, je conclus sans hésitation qu’il était raisonnable pour le Tribunal de conclure que la preuve présentée par CarGurus n’était pas suffisamment crédible pour permettre de croire de bonne foi que CarGurus pourrait avoir été sensiblement gênée. Par conséquent, je rejetterais ce moyen d’appel.

C.  Le Tribunal a‑t‑il mal appliqué le critère du « facteur déterminant » pour examiner la question du préjudice important?

[31]  Le dernier moyen d’appel de CarGurus est que le Tribunal a mal appliqué le critère du « facteur déterminant » en s’adonnant à un examen absolu plutôt qu’à un examen relatif de l’incidence du présumé comportement de Trader sur l’entreprise de CarGurus. Ce critère a été énoncé pour la première fois par notre Cour dans Canada (Commissaire de la concurrence) c. Tuyauteries Canada Ltée, 2006 CAF 233, [2007] 2 R.C.F. 3, au paragraphe 37 (Tuyauteries Canada), dans le contexte d’une autre pratique commerciale restrictive (abus de position dominante), dans les termes suivants :

Le critère dont l’alinéa 79(1)c) prescrit l’application ne consiste pas à se demander si les marchés pertinents atteindraient ou ont atteint un niveau déterminé de concurrence en l’absence de la pratique attaquée, ou si le niveau de concurrence observé sur le marché tel qu’il est déterminé par la présence de cette pratique est « suffisamment élevé » ou acceptable pour d’autres raisons. Ce sont là des évaluations dans l’absolu, alors que le libellé de la Loi (« pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement ») commande à l’évidence une évaluation relative et comparative. Pour mener à bien l’examen que dicte le libellé de l’alinéa 79(1)c), le Tribunal doit comparer le niveau de concurrence sur le marché caractérisé par la présence de la pratique attaquée au niveau qui existerait en l’absence de cette pratique, pour ensuite établir si la concurrence est empêchée ou diminuée « sensiblement », en supposant qu’elle le soit tant soit peu. […]

[32]  CarGurus reconnaît que le Tribunal a correctement énoncé le critère, mais fait valoir qu’il a commis une erreur dans son application en mettant l’accent sur la croissance dans les prévisions et sur les revenus réels plutôt que de s’adonner à l’exercice comparatif qu’exige le critère du « facteur déterminant ». Il s’agit manifestement d’une question mixte de fait et de droit de laquelle aucune question de droit ne peut être dégagée, comme en ont convenu les deux parties. Cette question doit être examinée en fonction de la norme déférente de la décision raisonnable. Comme la Cour l’a déclaré au paragraphe 61 de Tervita Corporation c. Commissaire de la concurrence, 2013 CAF 28, [2014] 2 R.C.F. 352, une cour d’appel risque d’avoir du mal à bien comprendre les aspects économiques et commerciaux de la décision du Tribunal, elle doit faire preuve de déférence quant aux conclusions de fait et aux conclusions mixtes de fait et de droit tirées par celui‑ci sur ces questions, y compris les inférences qu’il tire de la preuve.

[33]  Il est possible que certains paragraphes des motifs du Tribunal, lus de manière isolée, donnent l’impression que le Tribunal s’est livré à l’espèce d’examen absolu à l’égard duquel la Cour a recommandé de la prudence dans l’arrêt Tuyauteries Canada. Cependant, lorsque les motifs du Tribunal sont lus intégralement, on constate que cette allégation n’a aucun fondement. D’abord, le Tribunal était manifestement réceptif et attentif à l’analyse du « facteur déterminant ». Ensuite, même au moment de se pencher sur les prévisions de CarGurus, le Tribunal, pour conclure que la preuve de CarGurus ne permettait pas de croire de façon raisonnable qu’elle avait été sensiblement gênée dans son entreprise ne s’est pas appuyé exclusivement sur l’augmentation prévue des revenus, il s’est également appuyé sur l’incertitude relative aux prévisions et sur leur absence de fondement (motifs, par. 92).

[34]  Ce n’est que lorsqu’il a traité du quatrième problème lié à la preuve de CarGurus (les revenus réels de celle‑ci depuis son entrée sur le marché canadien par rapport à ses prévisions) que le Tribunal a semblé se concentrer davantage sur un examen absolu du type rejeté par Tuyauteries Canada. Au paragraphe 99 de ses motifs, le Tribunal déclare :

[Traduction]

Étant donné que la preuve financière présentée par CarGurus montre une croissance des revenus réels mois après mois depuis le début de son entreprise, et qu’ils ont continué de croître depuis que le présumé refus de vendre et les pratiques commerciales exclusives sont censés avoir gêné son entreprise, je ne suis pas en mesure de conclure que l’exigence selon laquelle elle doit avoir été « sensiblement gênée » a été satisfaite.

[35]  S’il s’agissait du seul motif pour lequel le Tribunal avait conclu que la preuve ne permettait pas de croire de bonne foi que les pratiques de Trader pourraient sensiblement gêner l’entreprise de CarGurus, l’appel devrait très bien devoir être accueilli. Cependant, ce n’est que l’un des cinq problèmes qu’a éprouvés le Tribunal à l’égard de la preuve soumise par CarGurus. Les quatre autres lacunes relevées par le Tribunal suffiraient pour conclure que CarGurus n’a pas réussi à démontrer un effet sensible sur son entreprise. Comme je l’ai déjà mentionné, le Tribunal a également conclu que les résultats obtenus par CarGurus étaient inférieurs à ses prévisions initiales avant même le début de tout comportement anticoncurrentiel. Cette lacune, lorsqu’elle est combinée à l’absence de toute explication quant à la façon dont les prévisions de CarGurus ont été établies, pouvait sans doute permettre au Tribunal de conclure que la preuve présentée par CarGurus ne permettait pas de croire de façon raisonnable qu’elle avait été sensiblement gênée par le comportement de Trader. Cette conclusion pouvait manifestement être tirée par le Tribunal et faisait partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, par. 47). À ce titre, elle ne devrait pas être modifiée.

V.  Conclusion

[36]  Pour tous les motifs qui précèdent, je suis donc d’avis que CarGurus n’a soulevé aucune question qui justifierait que la Cour intervienne dans la décision du Tribunal. Compte tenu de cette conclusion, il n’est pas nécessaire d’examiner la question de la réparation.

[37]  Par conséquent, je suis d’avis de rejeter l’appel. À la conclusion de l’audience, les avocats ont été invités à présenter des arguments sur la question des dépens à payer à la partie qui obtient gain de cause. En raison de l’accord conclu entre les parties, des dépens de 15 000 $ (incluant les frais, les honoraires, les débours et les taxes) sont accordés à l’intimée en ce qui a trait aux audiences devant le Tribunal de la concurrence et devant notre Cour.

« Yves de Montigny »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Johanne Gauthier j.c.a. »

« Je suis d’accord.

J. Woods j.c.a »

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A‑428‑16

 

 

INTITULÉ :

CARGURUS, INC. c. TRADER CORPORATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 14 juin 2017

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

LE JUGE DE MONTIGNY

 

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

LA JUGE WOODS

 

DATE DES MOTIFS :

Le 7 septembre 2017

 

COMPARUTIONS :

Nikiforos Iatrou

Bronwyn Roe

Kayla Theeuwen

 

Pour l’appelante

 

Michael Koch

Hannah Arthurs

Jesse Ross Cohen

 

Pour l’intimée

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

WeirFoulds LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour l’appelante

 

Goodmans LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour l’intimée

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.