Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20170712


Dossier : A-391-16

Référence : 2017 CAF 152

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE WEBB

LE JUGE RENNIE

 

ENTRE :

 

 

JARRETT FAIRHURST

 

 

demandeur

 

 

et

 

 

UNIFOR, SECTION LOCALE 114

 

 

et CASCADE AEROSPACE LTD

 

 

défendeurs

 

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 23 juin 2017.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 12 juillet 2017.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE RENNIE

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE WEBB

 


Date : 20170712


Dossier : A-391-16

Référence : 2017 CAF 152

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE WEBB

LE JUGE RENNIE

 

ENTRE :

 

 

JARRETT FAIRHURST

 

 

demandeur

 

 

et

 

 

UNIFOR, SECTION LOCALE 114

 

 

et CASCADE AEROSPACE LTD

 

 

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE RENNIE

[1]  Le demandeur sollicite, par voie de contrôle judiciaire, l’annulation de la décision rendue par le Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) le 12 avril 2016 (2016 CCRI DL 3600) (la décision initiale). Le Conseil a rejeté la plainte déposée par le demandeur contre le syndicat qui le représentait, le défendeur Unifor, section locale 114 (Unifor), au motif que la plainte n’avait pas été transmise au Conseil dans le délai de 90 jours prévu au paragraphe 97(2) du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L-2 (le Code). Pour les motifs suivants, je rejetterais la présente demande.

[2]   Le 8 janvier 2015, Cascade Aerospace Ltd. a mis fin à l’emploi du demandeur. Unifor a déposé un grief à cet égard, sans succès. Le 7 avril 2015, Unifor a informé le demandeur qu’il n’irait pas en arbitrage et qu’il lui communiquerait par lettre les motifs de sa décision. Le demandeur a alors déposé un grief pour contester cette décision, suivant la procédure de règlement des griefs d’Unifor.

[3]  Le 12 novembre 2015, le demandeur a déposé une plainte auprès du Conseil. Il y soutenait essentiellement qu’Unifor avait manqué à l’obligation de juste représentation que lui impose l’article 37 du Code.

[4]  Le Conseil a rejeté la plainte, statuant, conformément à sa jurisprudence, que le retard découlant d’une procédure d’appel interne au syndicat ne peut servir de fondement à la prorogation du délai de 90 jours prévu pour le dépôt d’une plainte. Le Conseil a reconnu que l’alinéa 16m.1) du Code lui confère le pouvoir discrétionnaire de proroger ce délai, mais a conclu que rien dans le dossier ne justifiait l’exercice de ce pouvoir.

[5]  Par la suite, le demandeur a prié le Conseil de réexaminer sa décision de rejeter la plainte déposée en application de l’article 37 du fait de l’expiration du délai de 90 jours. Dans sa décision relative à la demande de réexamen (décision sur le réexamen), le Conseil a souligné que le demandeur avait fait valoir [traduction] « que le réexamen est justifié, car le Conseil n’a pas respecté un principe de justice naturelle, qu’il a outrepassé sa compétence en rendant sa décision et que cette décision constitue une erreur de droit et n’est pas conforme aux politiques du Conseil en matière d’interprétation du Code ».

[6]  Le 17 janvier 2017, le Conseil a rendu sa décision relative à la demande de réexamen (2017 CCRI DL 3756). Il a d’abord examiné la demande de prorogation du délai de présentation de la demande de réexamen, qui était expiré également. Le Conseil a choisi d’exercer le pouvoir discrétionnaire que lui confère l’alinéa 16m.1) du Code en vue de proroger le délai de présentation de la demande de réexamen. Unifor ne s’est pas opposé à cette demande de prorogation.

[7]  Le Conseil a ensuite abordé la question de savoir si le demandeur avait démontré l’existence de motifs justifiant le réexamen de la décision initiale, suivant les facteurs énoncés dans Buckmire c. Section locale 938 de la Fraternité internationale des Teamsters, 2013 CCRI 700. Au nombre de ces facteurs figurent la présentation de nouveaux faits qui n’auraient pu, même avec diligence raisonnable, être présentés au moment de la décision initiale et qui auraient pu entraîner une décision différente, la modification de l’état du droit ou le manquement par le Conseil à l’équité procédurale.

[8]  Le Conseil a décidé que le demandeur n’avait mis en évidence aucun de ces facteurs. Plus précisément, le comité de réexamen du Conseil a rejeté l’argument du demandeur selon lequel le rejet de sa plainte pour cause de retard constituait une violation de la justice naturelle. Le Conseil a souligné que [traduction] « le respect des délais est indissociable de l’autorité du Conseil lorsqu’il est question d’une plainte déposée en vertu de l’article 37 », que le demandeur avait été informé des délais et qu’il lui a été donné l’occasion de régler la question déterminante, à savoir à quel moment il a pris connaissance de la décision d’Unifor de ne pas soutenir le grief qu’il a déposé contre Cascade. Le Conseil a rejeté la demande de réexamen, estimant que la plainte avait été rejetée à bon droit, celle‑ci n’ayant pas été déposée dans les délais [traduction] « conformément à la pratique bien établie relativement aux délais, énoncée au paragraphe 97(2) du Code ».

[9]  Le 7 octobre 2016, le demandeur a sollicité le contrôle judiciaire de la décision initiale auprès de notre Cour, mais n’a présenté aucune demande concernant la décision sur le réexamen.

[10]  Le 5 juin 2017, deux semaines avant l’audition prévue de la présente demande, notre Cour a donné aux parties la directive d’être prêtes à présenter des observations à l’audience sur l’applicabilité de Vidéotron Télécom Ltée c. Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, 2005 CAF 90 [Vidéotron]. Dans Vidéotron, notre Cour a consacré le principe général voulant que la Cour ne doive effectuer le contrôle judiciaire d’une décision qui a été rendue par un tribunal administratif et réexaminée au fond par une autre formation de ce tribunal que si elle est également saisie de la décision sur le réexamen.

[11]  Par la suite, le demandeur a présenté une requête pour obtenir la prorogation du délai prévu pour le dépôt d’une demande de contrôle judiciaire de la décision sur le réexamen. La Cour a été saisie de cette requête au début de l’audition de la demande de contrôle judiciaire et l’a rejetée pour les motifs qui sont exposés dans la décision rendue par la Cour à l’égard de la demande de contrôle judiciaire. Voici donc ces motifs.

[12]  Dans son examen de la requête, notre Cour a tenu compte des critères régissant la prorogation de délai qui ont été énoncés dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204, 433 N.R. 184 [Larkman] : explication raisonnable justifiant le retard, manifestation de l’intention constante de poursuivre la demande, fondement de la demande et préjudice éventuel causé à une partie du fait du retard.

[13]  Selon la Cour, l’explication justifiant le retard, c’est-à-dire que l’avocat n’était pas au courant de l’arrêt Vidéotron, ne convainc pas. Les avocats sont censés connaître le droit, et rien dans les circonstances de l’espèce ne permet à la Cour de s’écarter de ce principe. De plus, il n’y a jamais eu d’intention, et encore moins d’intention constante, de demander le contrôle judiciaire de la décision sur le réexamen. De l’avis de la Cour, la demande de contrôle judiciaire proposée est dénuée de fondement, ou presque.

[14]  Puisqu’il y a eu rejet de la demande d’autorisation de proroger le délai prévu pour la contestation de la décision sur le réexamen, les principes énoncés dans Vidéotron s’appliquent.

[15]  Ce jugement confirme le pouvoir discrétionnaire dont dispose la Cour pour connaître d’une demande de contrôle judiciaire, même en l’absence d’une demande de contrôle judiciaire de la décision ultérieure sur le réexamen. La partie demanderesse nous exhorte d’exercer ce pouvoir discrétionnaire et invoque à l’appui trois arrêts dans lesquelles notre Cour a effectivement exercé son pouvoir de connaître de la demande de contrôle judiciaire de la décision initiale en l’absence d’une demande de contrôle judiciaire de la décision sur le réexamen : Veillette c. Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale, 2011 CAF 32, Syndicat des services du grain (SIDM-Canada) c. Freisen, 2010 CAF 339, et McAuley c. Chalk River Technicians and Technologists Union, 2011 CAF 156. Dans chacun de ces jugements, cependant, tous les avocats avaient convenu de procéder ainsi, et la Cour était convaincue de la légitimité de cette démarche. Or il n’en est rien en l’espèce.

[16]  Les facteurs qui sous-tendent le principe énoncé dans Vidéotron s’appliquent aux circonstances de l’espèce. Si la présente demande de contrôle judiciaire aboutissait, la décision sur le réexamen qui confirmait la décision initiale serait maintenue.

[17]  Qui plus est, rien ne motive la Cour à exercer son pouvoir discrétionnaire en l’espèce. J’en arrive à cette décision principalement parce que je ne suis pas convaincu du bien-fondé éventuel de la demande sous-jacente. Cela étant, il n’est pas utile pour la Cour d’exercer son pouvoir discrétionnaire. Des précisions suivent.

[18]  Selon le paragraphe 97(2) du Code, toute plainte déposée en application de l’article 37 doit être présentée dans les quatre-vingt-dix jours « qui suivent la date à laquelle le plaignant a eu — ou, selon le Conseil, aurait dû avoir — connaissance des mesures ou des circonstances ayant donné lieu à la plainte ». Le Conseil a tranché cette question dans sa décision initiale, après avoir entendu les plaidoiries.

[19]  Dans la lettre du 19 novembre 2015 qu’il a adressée à l’avocat du demandeur, le Conseil a attiré son attention sur le formulaire de plainte ainsi que sur les alinéas 40(1)e) et 40(1)i) du Règlement de 2012 sur le Conseil canadien des relations industrielles, DORS/2001-520 (le Règlement), lesquels disposent que la plainte doit être accompagnée de documents à l’appui et préciser « la date à laquelle le plaignant a eu connaissance des mesures ou des circonstances ayant donné lieu à la plainte ».

[20]  Le Conseil a donné à l’avocat du demandeur la possibilité de présenter des observations sur la question de savoir à quel moment le demandeur a eu connaissance de la décision d’Unifor de ne pas appuyer son grief. Il a examiné ces observations et en a conclu, avec grande certitude, que le demandeur a pris connaissance de la décision du syndicat de ne pas le représenter à une date précise, mais n’a déposé sa plainte que bien après l’expiration du délai de 90 jours.

[21]  J’estime que la cause sous-jacente n’est guère fondée. À cet égard, je souligne que les décisions discrétionnaires du Conseil doivent être examinées selon la norme de la décision raisonnable, comme notre Cour l’a fait remarquer à maintes reprises (voir, par exemple, la décision FedEx Freight Canada, Corp. c. Section locale 31 de la Fraternité internationale des Teamsters, 2017 CAF 78, par. 23).

[22]  Par conséquent, vu les circonstances de l’espèce, je ne suis pas convaincu de la nécessité pour la Cour d’exercer son pouvoir discrétionnaire et ainsi de s’écarter des principes énoncés dans l’arrêt Vidéotron. Par conséquent, je rejetterais la demande avec dépens.

[23]  Cela dit, puisque la Cour a soulevé la question de l’applicabilité de Vidéotron, il s’ensuit, vu mon évaluation du fondement de la demande sous-jacente, que si la décision sur le réexamen avait été contestée comme elle aurait dû l’être, je n’aurais pas été persuadé de procéder au contrôle judiciaire. Étant donné la retenue dont il convient de faire preuve à l’égard des décisions du Conseil, j’estime que ni l’une ni l’autre des décisions n’était déraisonnable ou inéquitable.

« Donald J. Rennie »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Eleanor R. Dawson, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Wyman W. Webb, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Andrée Morin, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE D’UNE DÉCISION DU CONSEIL CANADIEN DES RELATIONS INDUSTRIELLES DATÉE DU 12 AVRIL 2016, NO DE DOSSIER 31372-C ([2016] CCRI DL 3600)

DOSSIER :

A-391-16

 

INTITULÉ :

JARRETT FAIRHURST c. UNIFOR, SECTION LOCALE 144 et CASCADE AEROSPACE LTD

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 23 juin 2017

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE RENNIE

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE WEBB

DATE DES MOTIFS :

Le 12 juillet 2017

COMPARUTIONS :

Me Todd Brayer

Pour le demandeur

Me Piper B. Henderson

Pour le DÉFENDEUR

UNIFOR, SECTION LOCALE 114

Me Geoffrey J. Litherland

Ilan B. Burkes

Pour lA DÉFENDERESSE

CASCADE AEROSPACE LTD


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lundrie & Company

Burnaby (Colombie-Britannique)

Pour le demandeur

Unifor

Toronto (Ontario)

Pour le DÉFENDEUR

UNIFOR, SECTION LOCALE 114

Harris & Company LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour lA DÉFENDERESSE

CASCADE AEROSPACE LTD

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.