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Date : 20170829


Dossier : A-178-15

Référence : 2017 CAF 172

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE WOODS

 

ENTRE :

 

 

SEAH STEEL CORPORATION

 

 

demanderesse

 

 

et

 

 

EVRAZ INC. NA CANADA, ALGOMA TUBES INC., PRUDENTIAL STEEL ULC, WELDED TUBE OF CANADA CORPORATION, ENERGEX TUBE et le PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

intimés

MOTIFS PUBLICS DU JUGEMENT

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 24 janvier 2017.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 29 août 2017.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE WEBB

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE WOODS


Date : 20170829


Dossier : A-178-15

Référence : 2017 CAF 172

CORAM :

LE JUGE WEBB

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE WOODS

 

ENTRE :

 

 

SEAH STEEL CORPORATION

 

 

demanderesse

 

 

et

 

 

EVRAZ INC. NA CANADA, ALGOMA TUBES INC., PRUDENTIAL STEEL ULC, WELDED TUBE OF CANADA CORPORATION, ENERGEX TUBE et le PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

intimés

 

MOTIFS PUBLICS DU JUGEMENT

LE JUGE WEBB

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire en vertu de l’alinéa 96.1(1)a) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, L.R.C. 1985, c. S‑15 (LMSI), présentée par SeAH Steel Corporation (SeAH) en ce qui concerne les décisions définitives de dumping et de subventionnement à l’égard de certaines fournitures tubulaires pour puits de pétrole (FTPP) du Taipei chinois, de la République de l’Inde, de la République d’Indonésie, de la République des Philippines, de la République de Corée, du Royaume de Thaïlande, de la République de Turquie, de l’Ukraine et de la République socialiste du Vietnam, datées du 3 mars 2015 (numéro de cas AD/1404 et numéro de dossier 4214‑43) (la décision définitive).

[2]  Le président (président) de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a rendu une décision provisoire de dumping le 3 décembre 2014. Ce faisant, il a utilisé une certaine somme à titre de bénéfices réalisés par SeAH, un exportateur de la République de Corée, pour calculer la valeur normale pour SeAH. Lorsqu’il a rendu la décision définitive, le président a utilisé une somme plus élevée pour les bénéfices de SeAH pour calculer la valeur normale. Ce changement est le fondement de la présente demande de contrôle judiciaire.

[3]  Par une ordonnance datée du 13 avril 2016, la présente demande a été regroupée avec la demande de contrôle judiciaire de Prudential Steel ULC et d’Algoma Tubes Inc. en ce qui concerne la décision définitive (A‑186‑15, 2017 CAF 173). Même si ces demandes ont été regroupées, des motifs distincts seront rendus pour chacune des demandes puisque les arguments et les parties sont différents, SeAH étant la demanderesse en l’espèce et un des intimés dans l’autre demande.

I.  Historique

[4]  Les marchandises importées au Canada sont « sous-évaluées » (aux termes de la définition prévue au paragraphe 2(1) de la LMSI) lorsque la valeur normale des marchandises est supérieure à leur prix à l’exportation. Selon la définition prévue au paragraphe 2(1) de la LMSI, la marge de dumping correspond à la différence entre ces deux valeurs. La valeur normale est établie conformément aux dispositions des articles 15 à 23.1 et 30 de la LMSI et le prix à l’exportation est établi conformément aux dispositions des articles 24 à 28 et 30 de la LMSI. Si la valeur normale et le prix à l’exportation ne peuvent  être établis conformément à ces dispositions, ils sont établis selon les modalités que fixe le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (article 29 de la LMSI).

[5]  Une enquête concernant le dumping possible de marchandises est ouverte en vertu du paragraphe 31(1) de la LMSI par le président, de sa propre initiative ou à la suite d’une plainte qui répond aux exigences prévues au paragraphe 31(2) de la LMSI. En générale, l’enquête de dumping comporte deux étapes – une décision provisoire et une décision définitive – et deux composantes pour chaque décision. Le président est chargé des décisions provisoire et définitive de la marge de dumping et des marchandises auxquelles celles-ci s’appliquent (articles 38 et 41 de la LMSI) et le Tribunal canadien du commerce extérieur est chargé de rendre des décisions provisoire et définitive afin de savoir si le dumping a causé un dommage ou menace de causer un dommage et de rendre l’ordonnance ou la décision conformément aux articles 37.1, 42 et 43 de la LMSI.

[6]  La marge de dumping aux fins des décisions provisoire et définitive de dumping relatives à des marchandises d’un pays donné (article 30.1 de la LMSI) est la moyenne pondérée des marges établies pour chacun des exportateurs conformément aux dispositions de l’article 30.2 de la LMSI. S’il est impossible d’établir la marge de dumping relative à toutes les marchandises en cause, la marge peut être établie en fonction d’un échantillonnage, conformément à l’article 30.3 de la LMSI.

[7]  La LMSI prévoit des délais rigoureux dans le cadre desquels les valeurs doivent être établies par le président. Selon le paragraphe 38(1) de la LMSI, le président doit rendre une décision provisoire de dumping pendant la période de 30 jours qui commence après 60 jours suivant l’ouverture de l’enquête prévue à l’article 31 de la LMSI (par conséquent, dans les 90 jours suivant l’ouverture de l’enquête, sauf s’il proroge le délai de 45 jours, conformément au paragraphe 39(1) de la LMSI pour les raisons indiquées dans ce paragraphe). Dans les 90 jours suivant la décision provisoire de dumping rendue aux termes du paragraphe 38(1) de la LMSI, le président doit rendre la décision définitive de dumping en vertu de l’article 41 de la LMSI. Puisque le président doit respecter des délais rigoureux, il doit lui être accordé un pouvoir discrétionnaire considérable afin de décider la meilleure façon d’obtenir les renseignements nécessaires dans ces délais relativement courts.

[8]  La valeur normale des marchandises doit être établie selon le prix de marchandises similaires qui sont vendues à des personnes et dans les circonstances énoncées à l’article 15 de la LMSI. S’il n’y a pas suffisamment de ventes admissibles de marchandises similaires, on établit la valeur normale, sous réserve de l’article 20 de la LMSI, en utilisant le prix de vente des marchandises similaires dans d’autres pays ou en utilisant la somme du coût de production et en ajoutant un montant raisonnable pour les frais, notamment les frais administratifs et les frais de vente, et un montant raisonnable pour les bénéfices (article 19 de la LMSI).

[9]  En l’espèce, tel que cela est indiqué ci‑dessus, le président a calculé la valeur normale pour SeAH en vertu de l’alinéa 19b) de la LMSI en ajoutant au coût de production de SeAH certaines sommes, y compris un montant raisonnable au titre des bénéfices. Le montant des bénéfices utilisé aux fins de la décision définitive de dumping était supérieur à celui utilisé pour rendre la décision provisoire de dumping.

[10]  La seule question en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire porte sur le montant des bénéfices de SeAH dans la décision définitive. Le litige résulte du fait que le président a décidé qu’une valeur plus élevée devrait être utilisée pour les bénéfices de certaines fournitures tubulaires pour puits de pétrole (FTPP) ayant des « raccords de qualité supérieure ou exclusifs ». Ces raccords désignent « le filetage et le manchonnage de qualité supérieure des tuyaux » (paragraphe 37 des motifs).

II.  Questions en litige

[11]  Voici les questions en litige :

  • a) Le président a‑t‑il manqué à l’obligation d’équité procédurale?

  • b) SeAH s’est‑elle acquittée du fardeau d’établir que la décision définitive devrait être annulée?

III.  Norme de contrôle

[12]  La norme de contrôle applicable aux questions d’équité procédurale est celle de la décision correcte et la norme de contrôle applicable à la décision définitive du président est celle de la décision raisonnable (Uniboard Surfaces Inc. c. Kronotex Fussboden GmbH et Co. KG, et al., 2006 CAF 398, aux paragraphes 6, 58 à 60, 359 N.R. 84).

IV.  Analyse

[13]  SeAH a déposé un affidavit souscrit par Véronique Leroux auquel étaient jointes diverses pièces. SeAH a soutenu qu’elle présentait cet affidavit et les pièces pour étayer son argument relatif à l’équité procédurale. La partie de l’affidavit et des pièces auxquelles s’oppose la procureure générale sont les parties qui portent sur la nouvelle enquête qui a été menée par le président après la décision définitive. La seule question soulevée par la procureure générale était celle liée à l’admissibilité des références à la nouvelle enquête et à l’admissibilité des documents connexes.

[14]  À la suite de la décision définitive de dumping, le président a ouvert une nouvelle enquête sur les valeurs normales et les prix à l’exportation pour au moins certaines des marchandises en litige. À l’issue de la nouvelle enquête, le montant utilisé pour les bénéfices de SeAH se rapprochait davantage au montant utilisé dans la décision provisoire de dumping (même s’il était encore un peu plus élevé). Dans son mémoire des faits et du droit, SeAH indique qu’[traduction] « il n’y avait aucun litige à la suite de la clôture de la nouvelle enquête de l’ASFC ».

[15]  Je suis d’accord avec la procureure générale pour dire que la partie de l’affidavit et les pièces en litige ne sont pas pertinentes en ce qui concerne la question de savoir s’il y a eu un manquement à l’équité procédurale. Les conclusions tirées par le président à la suite de toute nouvelle enquête subséquente n’aident pas à décider si le président a manqué à l’équité procédurale en ce qui concerne la décision définitive. En conséquence, ces documents ne sont pas admissibles dans la présente demande de contrôle judiciaire en ce qui concerne la question liée à l’équité procédurale.

[16]  En ce qui concerne la question de l’équité procédurale, Evraz Inc. NA Canada a présenté au président, avant que la décision définitive soit rendue, des arguments selon lesquels les tubes de canalisation ne sont pas tous identiques et selon lesquels le raccord FTPP de qualité supérieure ne devrait pas nécessairement correspondre au même montant des bénéfices que ceux des FTPP de moindre qualité. SeAH a eu l’occasion de répondre à cet argument et, par conséquent, il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale. Le fait d’être simplement en mesure d’établir, à une date ultérieure, à l’aide d’arguments plus détaillés, qu’il n’y a aucun différentiel de bénéfices ne signifie pas que SeAH a été privée de son droit à l’équité procédurale. Rien n’indique que SeAH ne pouvait pas présenter des arguments plus détaillés en réponse aux arguments d’Evraz Inc. NA Canada.

[17]  L’argument de SeAH selon lequel la valeur normale établie à nouveau pour SeAH par le président n’était pas en une question litige en ce qui la concerne soulève la question de savoir quel redressement SeAH demande dans la présente demande de contrôle judiciaire puisqu’il n’y avait aucune indication que la rectification de la valeur normale pour SeAH dans le cadre de la nouvelle enquête aurait ou pourrait avoir une incidence sur la décision définitive selon laquelle les marchandises en cause de la République de la Corée étaient sous‑évaluées.

[18]  Les redressements que la Cour peut accorder sont limités par les dispositions de la LMSI. Plus particulièrement, l’alinéa 96.1(1)a) et le paragraphe 96.1(6) de la LMSI disposent :

96.1 (1) Sous réserve des articles 77.012 et 77.12, une demande de révision et d’annulation peut être présentée à la Cour d’appel fédérale relativement aux décisions, ordonnances ou conclusions suivantes:

96.1 (1) Subject to section 77.012 or 77.12, an application may be made to the Federal Court of Appeal to review and set aside

a) la décision définitive rendue par le président au titre de l’alinéa 41(1)a);

(a) a final determination of the President under paragraph 41(1)(a);

[…]

[…]

96.1(6) La cour peut soit rejeter la demande, soit annuler la décision, l’ordonnance ou les conclusions avec ou sans renvoi de l’affaire au président ou au Tribunal, selon le cas, pour qu’il y donne suite selon les instructions qu’elle juge indiquées.

96.1(6) On an application under this section, the Federal Court of Appeal may dismiss the application, set aside the final determination, decision, order or finding, or set aside the final determination, decision, order or finding and refer the matter back to the President or the Tribunal, as the case may be, for determination in accordance with such directions as it considers appropriate.

[19]  En conséquence, la Cour ne peut que rejeter la demande ou annuler la décision définitive rendue par le président. Si la décision définitive est annulée, la Cour pourrait renvoyer la question au président aux fins de nouvelle décision conformément aux directives jugées indiquées, mais la question ne peut être renvoyée que si la décision définitive est annulée.

[20]  La décision définitive en litige est celle rendue par le président en vertu de l’alinéa 41(1)a) de la LMSI. Cet alinéa dispose :

41(1) Dans les quatre-vingt-dix jours suivant sa décision rendue en vertu du paragraphe 38(1) au sujet de marchandises d’un ou de plusieurs pays, le président, selon le cas :

41(1) Within ninety days after making a preliminary determination under subsection 38(1) in respect of goods of a country or countries, the President shall

a) si, au vu des éléments de preuve disponibles, il est convaincu, au sujet des marchandises visées par l’enquête, des faits suivants :

(a) if, on the available evidence, the President is satisfied, in relation to the goods of that country or countries in respect of which the investigation is made, that

(i) les marchandises ont été sous-évaluées ou subventionnées,

(i) the goods have been dumped or subsidized, and

(ii) la marge de dumping ou le montant de subvention octroyé, relativement aux marchandises d’un ou de plusieurs de ces pays, n’est pas minimal,

(ii) the margin of dumping of, or the amount of subsidy on, the goods of that country or of any of those countries is not insignificant,

rend une décision définitive de dumping ou de subventionnement après avoir précisé, pour chacun des exportateurs — visés par l’enquête — des marchandises d’un ou de plusieurs de ces pays :

make a final determination of dumping or subsidizing with respect to the goods after specifying, in relation to each exporter of goods of that country or countries in respect of which the investigation is made as follows:

(iii) dans le cas de marchandises sous-évaluées, les marchandises objet de la décision et leur marge de dumping,

(iii) in the case of dumped goods, specifying the goods to which the determination applies and the margin of dumping of the goods, and

(iv) dans le cas de marchandises subventionnées :

(iv) in the case of subsidized goods,

(A) les marchandises objet de la décision,

(A) specifying the goods to which the determination applies,

(B) le montant de subvention octroyée pour elles,

(B) specifying the amount of subsidy on the goods, and

(C) sous réserve du paragraphe (2), le montant, s’il y a lieu, de la subvention prohibée octroyée pour elles; […]

(C) subject to subsection (2), where the whole or any part of the subsidy on the goods is a prohibited subsidy, specifying the amount of the prohibited subsidy on the goods; […]

(non souligné dans l’original)

(emphasis added)

[21]  La décision définitive rendue au titre de cet alinéa vise les marchandises d’un pays donné, et non les marchandises d’une société donnée. La décision définitive n'établissait pas que SeAH faisait preuve de sous‑évaluation, mais plutôt que les marchandises de pays donnés (la République de Corée et huit autres pays) étaient sous-évaluées et que la marge de dumping n’était pas minimale. Même si la marge de dumping calculée pour chacune des sociétés a été utilisée pour décider si la marge de dumping pour chacun des pays n’était pas minimale, la décision définitive n’est rendue qu’à l’égard du pays donné. Ce fait ressort clairement de l’article 41 de la LMSI et du texte de la décision définitive qui mentionne uniquement les pays. Dans la décision définitive, après avoir décrit les marchandises en cause (y compris les pays donnés d’origine ou d’exportation), le vice‑président de la Direction générale des programmes a déclaré ce qui suit :

[traduction]

Conformément à l’alinéa 41(1)a) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, et autorisé par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada, je rends par les présentes une décision définitive de dumping concernant certaines fournitures tubulaires pour puits de pétrole originaires ou exportées du Taipei chinois, de la République de l’Inde, de la République d’Indonésie, de la République des Philippines, de la République de Corée, du Royaume de la Thaïlande, de la République de Turquie, de l’Ukraine et de la République socialiste du Vietnam.

[…]

Je décide par les présentes que les marchandises susmentionnées ont fait l’objet d’un dumping et que la marge de dumping des marchandises n’est pas minimale.

[22]  La décision définitive porte sur les deux points mentionnés à l’article 41 de la LMSI – si certaines marchandises d’un pays donné ont été sous‑évaluées et si la marge de dumping n’était pas minimale. La décision définitive a été rendue après que la marge de dumping a été précisée pour chacun des exportateurs. Ces marges de dumping pour les divers exportateurs constituent le fondement de la décision définitive, mais celle‑ci vise les pays et non les exportateurs individuels. SeAH n’était pas le seul exportateur coréen des marchandises en cause.

[23]  La décision définitive ne porte pas non plus sur les droits qui seraient imposés si les marchandises de ce pays étaient importées au Canada. Le droit antidumping imposé en vertu de l’article 3 ou de l’article 5 de la LMSI constitue la marge de dumping réelle des marchandises importées. Cette marge de dumping est établie par la personne indiquée à l’article 55 ou 56 de la LMSI et comporte le droit de demander un réexamen en vertu des articles 56 à 59 de la LMSI et un autre droit d’appel devant le Tribunal canadien du commerce extérieur, conformément à l’article 61 de la LMSI. Il existe également un droit d’appel devant la Cour, concernant une question de droit, d’une ordonnance rendue par le Tribunal canadien du commerce extérieur.

[24]  La lettre à l’intention de SeAH en date du 3 mars 2015 visant à l’informer de la décision définitive comprenait l’annexe 1 qui précise les diverses marges de dumping établies pour chacune des sociétés. La note à cette annexe indiquait ce qui suit :

[traduction]

REMARQUE : Les marges de dumping indiquées dans le tableau ci‑dessus ont été établies par l’ASFC aux fins de la décision définitive de dumping. Ces marges ne tiennent pas compte du montant des droits antidumping qui seront perçus sur les importations futures de marchandises sous‑évaluées. Au cas où le Tribunal conclurait à l’existence d’un dommage, des valeurs normales et des montants de subvention ont été fournis aux exportateurs ayant fourni suffisamment de renseignements pour les expéditions futures vers le Canada, et ces valeurs normales et ces montants de subvention s’appliqueraient le jour suivant une conclusion de dommage.. Des renseignements concernant les valeurs normales des marchandises en cause et les montants de subvention doivent être obtenus de l’exportateur.

[…]

[25]  Les marges de dumping, telles qu’elles ont été établies aux fins de la décision définitive, n’ont qu’un rôle limité selon la LMSI – décider si la marge de dumping des marchandises d’un pays donné n’est pas minimale. Le terme « minimal » est défini à l’article 2 de la LMSI et il s’entend d’une « marge inférieure à deux pour cent du prix à l’exportation des marchandises ». Par conséquent, afin d’obtenir gain de cause en l’espèce, SeAH doit établir que non seulement la décision du président selon laquelle un montant différent devrait être utilisé pour les bénéfices de la vente des différentes FTPP était déraisonnable, mais aussi qu’en omettant d’utiliser le montant inférieur proposé par SeAH pour les bénéfices, la décision du président selon laquelle la marge de dumping des marchandises exportées de la République de la Corée n’était pas minimale serait déraisonnable. Autrement, il n’y aurait aucun fondement pour annuler la décision définitive.

[26]  Dans son mémoire des faits et du droit, SeAH a soutenu ce qui suit :

[traduction]

8.  L’utilisation de cette méthode exacte aurait donné lieu à une marge de dumping considérablement moins élevée applicable aux exportations de SeAH par rapport à celle calculée par le président dans la décision définitive.

[27]  Cet énoncé indique que, même avec le montant des bénéfices révisé, il existerait quand même une marge de dumping pour SeAH. S’il existe quand même une marge de dumping pour SeAH, la façon dont ce changement du montant des bénéfices pourrait rendre déraisonnable la décision définitive selon laquelle les marchandises en cause de la République de la Corée étaient sous‑évaluées et que la marge de dumping n’était pas minimale est loin d’être claire.

[28]  La procureure générale, dans son mémoire des faits et du droit, a fait valoir que, même si la marge de dumping pour SeAH était égale à zéro, la marge de dumping des marchandises de la République de la Corée ne serait quand même pas minimale. La procureure générale a indiqué que les calculs détaillés de l’ASFC ayant trait à l’établissement des marges de dumping ne faisaient pas partie du dossier dont la Cour est saisie.

[29]  Le montant à utiliser pour la marge de dumping aux fins de la décision définitive à l’égard d’un pays donné est établi à l’article 30.1 de la LMSI qui dispose en partie :

30.1 Pour l’application […] du sous-alinéa 41(1)a)(ii) […], la marge de dumping relative à des marchandises d’un pays donné est égale à la moyenne pondérée des marges de dumping établies conformément à l’article 30.2.

30.1 For the purposes of […] subparagraph 41(1)(a)(ii) […], the margin of dumping in relation to goods of a particular country is the weighted average of the margins of dumping determined in accordance with section 30.2.

[30]  Par conséquent, la marge de dumping aux fins de la décision définitive de dumping en vertu du sous-alinéa 41(1)a)(ii) de la LMSI pour les marchandises d’un pays donné est la moyenne pondérée des montants établis en vertu de l’article 30.2. Le paragraphe 30.2(1) de la LMSI dispose :

30.2(1) Sous réserve du paragraphe (2), la marge de dumping relative à des marchandises d’un exportateur donné est égale à zéro ou, s’il est positif, au résultat obtenu en retranchant la moyenne pondérée du prix à l’exportation des marchandises de la moyenne pondérée de la valeur normale des marchandises.

30.2(1) Subject to subsection (2), the margin of dumping in relation to any goods of a particular exporter is zero or the amount determined by subtracting the weighted average export price of the goods from the weighted average normal value of the goods, whichever is greater.

[31]  En ce qui concerne chacun des exportateurs donnés, la marge de dumping ne peut pas être inférieure à zéro. En conséquence, même si la moyenne pondérée du prix à l’exportation est supérieure à la moyenne pondérée de la valeur normale pour un exportateur donné d’un pays donné, un tel résultat négatif ne peut pas être utilisé pour compenser un montant positif établi pour un autre exportateur de ce même pays.

[32]  En l’espèce, trois sociétés (y compris SeAH) ont été recensées comme exportateurs de la République de la Corée des FTPP en cause. Tous les autres exportateurs de ces marchandises de la République de la Corée ont été regroupés et recensés comme « Autres ».

[33]  Les autres exportateurs représentaient environ |||||||| des marchandises données qui étaient exportées de la République de la Corée. On a attribué à ces exportateurs une marge de dumping de 37,4 % (ce qui n’a pas été remis en question par SeAH). Les trois sociétés qui ont été recensées ne pouvaient pas se voir attribuer une marge de dumping inférieure à zéro. En conséquence, le fondement en vertu duquel la décision définitive du président, selon laquelle la marge de dumping des marchandises exportées de la République de la Corée était égale à 2 % ou plus (et donc pas minimale), était déraisonnable est loin d’être clair, peu importe les montants utilisés au titre de la marge de dumping pour les trois sociétés recensées.

[34]  En fait, SeAH demande à la Cour de rectifier un montant utilisé pour les bénéfices de SeAH dans la décision définitive sans établir la façon dont ce montant révisé pourrait changer ou changerait la décision définitive selon laquelle les marchandises exportées de la République de la Corée étaient sous‑évaluées et que la marge de dumping s’élevait à 2 % ou plus. Il ne s’agit pas d’un redressement prévu par la LMSI. Les seuls redressements qui peuvent être accordés sont le rejet de la demande ou l’annulation de la décision définitive. Puisqu’il n’existe aucun fondement pour annuler la décision définitive rendue à l’égard de la République de la Corée, la présente demande devrait être rejetée.

[35]  Par conséquent, je rejetterais la présente demande de contrôle judiciaire, avec dépens.

« Wyman W. Webb »

j.c.a.

« Je suis d’accord 

Yves de Montigny, j.c.a. »

« Je suis d’accord 

J. Woods, j.c.a. »

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE D’UNE DÉCISION CONCERNANT UN MONTANT DE BÉNÉFICES RENDUE PAR L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA, NO DE CAS AD/1404, NO DE DOSSIER 4214-43, LE 3 MARS 2015

DOSSIER :

A‑178‑15

 

INTITULÉ :

SEAH STEEL CORPORATION c. EVRAZ INC. NA CANADA, et al

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 24 janvier 2017

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE WEBB

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE DE MONTIGNY

LA JUGE WOODS

DATE DES MOTIFS :

Le 29 août 2017

COMPARUTIONS :

Vincent Routhier

POUR La demanderesse

Christopher McLeod

Andrew M. Lanouette

POUR L’INTIMÉE

Evraz Inc. NA Canada

Geoffrey C. Kubrick

pour les intimées ALGOMA TUBES INC. et PRUDENTIAL STEEL ULC

Andrew Gibbs

Sanam Goudarzi

POUR L’INTIMÉ

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

DS Lawyers Canada LLP

Montréal (Québec)

POUR LA DEMANDERESSE

Cassidy Levy Kent (Canada) LLP

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTIMÉE

EVRAZ INC. NA CANADA

McMillan LLP

Ottawa (Ontario)

POUR LES INTIMÉES ALGOMA TUBES INC. ET PRUDENTIAL STEEL ULC

Me Nathalie G. Drouin

Sous‑procureure générale du Canada

POUR L’INTIMÉ

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

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