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Date : 20171124


Dossier : A‑168‑16

Référence : 2017 CAF 232

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE GLEASON

 

 

ENTRE :

 

 

UNIVERSITY HILL HOLDINGS INC. (AUPARAVANT CONNUE SOUS LE NOM DE 589918 B.C. LTD.)

PACIFIC CASCADIA CAPITAL CORP.

GLENELG PRODUCTIONS (2000) CORPORATION, EN SA QUALITÉ D’ASSOCIÉE DÉSIGNÉE

DE GLENELG 2000‑2 MASTER LIMITED PARTNERSHIP

SENTINEL HILL PRODUCTIONS (1999) CORPORATION, EN SA QUALITÉ D’ASSOCIÉE DÉSIGNÉE DE SENTINEL HILL NO. 29 LIMITED PARTNERSHIP

SENTINEL HILL PRODUCTIONS (1999) CORPORATION, EN SA QUALITÉ D’ASSOCIÉE DÉSIGNÉE DE SENTINEL HILL NO. 30 LIMITED PARTNERSHIP

SENTINEL HILL PRODUCTIONS (1999) CORPORATION, EN SA QUALITÉ D’ASSOCIÉE DÉSIGNÉE DE SENTINEL HILL NO. 31 LIMITED PARTNERSHIP

SENTINEL HILL PRODUCTIONS III CORPORATION, EN SA QUALITÉ D’ASSOCIÉE DÉSIGNÉE DE SENTINEL HILL NO. 116 LIMITED PARTNERSHIP

SENTINEL HILL PRODUCTIONS III CORPORATION, EN SA QUALITÉ D’ASSOCIÉE DÉSIGNÉE DE SENTINEL HILL NO. 155 LIMITED PARTNERSHIP

SENTINEL HILL PRODUCTIONS III CORPORATION, EN SA QUALITÉ D’ASSOCIÉE DÉSIGNÉE DE SENTINEL HILL NO. 178 LIMITED PARTNERSHIP

 

 

appelantes

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

intimée

 

Audience tenue à Vancouver (Colombie‑Britannique), le 11 septembre 2017.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 24 novembre 2017.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE BOIVIN

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LA JUGE GLEASON

 


Date : 20171124


Dossier : A‑168‑16

Référence : 2017 CAF 232

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE GLEASON

 

 

ENTRE :

 

 

UNIVERSITY HILL HOLDINGS INC. (AUPARAVANT CONNUE SOUS LE NOM DE 589918 B.C. LTD.)

PACIFIC CASCADIA CAPITAL CORP.

GLENELG PRODUCTIONS (2000) CORPORATION, EN SA QUALITÉ D’ASSOCIÉE DÉSIGNÉE

DE GLENELG 2000‑2 MASTER LIMITED PARTNERSHIP

SENTINEL HILL PRODUCTIONS (1999) CORPORATION, EN SA QUALITÉ D’ASSOCIÉE DÉSIGNÉE DE SENTINEL HILL NO. 29 LIMITED PARTNERSHIP

SENTINEL HILL PRODUCTIONS (1999) CORPORATION, EN SA QUALITÉ D’ASSOCIÉE DÉSIGNÉE DE SENTINEL HILL NO. 30 LIMITED PARTNERSHIP

SENTINEL HILL PRODUCTIONS (1999) CORPORATION, EN SA QUALITÉ D’ASSOCIÉE DÉSIGNÉE DE SENTINEL HILL NO. 31 LIMITED PARTNERSHIP

SENTINEL HILL PRODUCTIONS III CORPORATION, EN SA QUALITÉ D’ASSOCIÉE DÉSIGNÉE DE SENTINEL HILL NO. 116 LIMITED PARTNERSHIP

SENTINEL HILL PRODUCTIONS III CORPORATION, EN SA QUALITÉ D’ASSOCIÉE DÉSIGNÉE DE SENTINEL HILL NO. 155 LIMITED PARTNERSHIP

SENTINEL HILL PRODUCTIONS III CORPORATION, EN SA QUALITÉ D’ASSOCIÉE DÉSIGNÉE DE SENTINEL HILL NO. 178 LIMITED PARTNERSHIP

 

 

appelantes

 

 

et

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

intimée

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE BOIVIN

I.  Introduction

[1]  Le présent appel concerne une entente de règlement signée le 31 mars 2004 (entente de règlement) entre le ministre du Revenu national (ministre), agissant par l’entremise de l’Agence du revenu du Canada (ARC), et la société de personnes en commandite Sentinel Hill Alliance Atlantis Equicap Millenium. Les appelantes soutiennent que l’entente de règlement ne leur est pas opposable, alors que Sa Majesté la Reine (intimée) soutient que l’entente de règlement lie les appelantes à bon droit.

II.  Appelantes

[2]  Dans le présent appel, il y a neuf (9) appelantes au total. Suivra un bref aperçu décrivant la situation des appelantes au regard du contexte factuel de l’entente de règlement.

[3]  Les appelantes participent à la production cinématographique à différents titres. Elles font partie d’un groupe de sociétés qui comprend quatre (4) sociétés de personnes en commandite (SPC) principales : (1) Sentinel Hill Alliance Atlantic Equicap Millennium Limited Partnership (la SPC principale Sentinel Hill), (2) Norfolk Master Limited Partnership (la SPC principale Norfolk), (3) Glenelg 2000‑1 Master Limited Partnership (la SPC principale Glenelg‑1) et (4) Glenelg 2000‑2 Master Limited Partnership (la SPC principale Glenelg‑2). Lors de la conclusion de l’entente de règlement, ces sociétés étaient liées les unes aux autres dans la mesure où elles avaient des promoteurs communs (mémoire des faits et du droit de l’intimée, par. 1, 7 et 8; voir également la décision Cummings c. La Reine, 2009 CCI 310, [2009] A.C.I. no 222 (QL), par. 5 [Cummings], dans laquelle la même entente de règlement était en cause). Au sein de chacune de ces quatre (4) SPC, il existait plusieurs sociétés de personnes en commandite offrant des services de production (les SPCP) par l’entremise desquelles les productions de films étaient réalisées.

[4]  L’entente de règlement a été conclue le 31 mars 2004. Les signataires étaient Me Ian MacGregor, représentant de l’ARC, et Me Neil Harris, représentant des quatre (4) SPC principales et de leurs SPCP. L’entente de règlement concernait surtout l’une des quatre (4) SPC, à savoir, la SPC principale Sentinel Hill. À la suite de l’entente de règlement, la SPC principale Sentinel Hill et la SPC principale Norfolk, ainsi que leurs SPCP respectives, ont reçu des avis de nouvelle cotisation et des avis de détermination. Aucun appel n’a été interjeté en ce qui concerne la SPC principale Sentinel Hill (mémoire des faits et du droit des appelants, par. 10). Un appel a été interjeté en ce qui concerne la SPC principale Norfolk, mais ce dernier portait sur la question de savoir si les nouvelles cotisations étaient frappées de prescription (il a été statué sur l’appel de Norfolk dans la décision Cummings; voir également le mémoire des faits et du droit de l’intimée, par. 24). Il est donc dépourvu de pertinence en l’espèce.

[5]  Le présent appel concerne les deux SPC principales restantes, à savoir la SPC principale Glenelg‑1 et la SPC principale Glenelg‑2. Les deux (2) premières appelantes, University Hill Holdings Inc. et Pacific Cascadia Capital Corp., sont des entreprises associées à la SPC principale Glenelg‑1 (mémoire des faits et du droit des appelantes, par. 10; mémoire des faits et du droit de l’intimée, par. 3). Les sept (7) appelantes restantes sont la SPC principale Glenelg‑2 et six (6) SPCP associées à la SPC principale Glenelg‑2, et ce, bien que ces dernières soient désignées « Sentinel Hill » (nos 29, 30, 31, 116, 155 et 178).

[6]  Étant donné que l’entente de règlement en cause en l’espèce concernait surtout la SPC principale Sentinel Hill, il sera parfois question de cette dernière, bien que, comme il a été indiqué plus haut, la SPC principale Sentinel Hill ne soit pas partie au présent appel.

[7]  Par conséquent, dans la suite des motifs de la Cour, les neuf (9) parties appelantes sont collectivement désignées les « appelantes » ou « Glenelg ».

III.  Contexte factuel

[8]  Dans le cadre d’une vérification relative aux années d’imposition 2000 et 2001, l’ARC a informé la SPC principale Sentinel Hill qu’elle avait des réserves quant à certaines déductions demandées en relation avec des dépenses qu’elle estimait déraisonnables.

[9]  La disposition législative qui donne au ministre le pouvoir de refuser d’accorder des déductions pour des dépenses déraisonnables est l’article 67 de la Loi de l’impôt sur le revenu L.R.C., 1985, ch. 1 (5e suppl.) (LIR) :

Restriction générale relative aux dépenses

General limitation re expenses

67  Dans le calcul du revenu, aucune déduction ne peut être faite relativement à une dépense à l’égard de laquelle une somme est déductible par ailleurs en vertu de la présente loi, sauf dans la mesure où cette dépense était raisonnable dans les circonstances.

67  In computing income, no deduction shall be made in respect of an outlay or expense in respect of which any amount is otherwise deductible under this Act, except to the extent that the outlay or expense was reasonable in the circumstances.

[10]  Les représentants des parties se sont rencontrés à plusieurs reprises pendant le mois de mars 2004. Des discussions de règlement, centrées sur les problèmes fiscaux de la SPC principale Sentinel Hill, s’en sont suivies, étant toutefois entendu qu’advenant une entente de règlement, elle s’appliquerait aussi aux appelantes (mémoire des faits et du droit des appelantes, par. 8), à l’égard desquelles l’ARC avait également entrepris une vérification.

[11]  Lors des discussions de règlement, les représentants des parties ont discuté du traitement fiscal de différents types de dépenses à l’égard desquels des déductions étaient demandées, dont trois (3) sont pertinents en l’espèce : les frais de gestion, les frais d’aiguillage versés à des producteurs et les frais de financement.

[12]  Les discussions ont donné lieu à l’entente de règlement entre l’ARC et la SPC principale Sentinel Hill, signée le 31 mars 2004. L’entente de règlement établissait les modalités auxquelles serait assujettie la nouvelle cotisation de la SPC principale Sentinel Hill. Elle indiquait, en utilisant les montants en dollars fournis par la SPC principale Sentinel Hill, les dépenses qui seraient déduites et celles qui seraient refusées. En outre, bien que l’entente de règlement concerne surtout la SPC principale Sentinel Hill, il était indiqué au paragraphe 6 de l’entente de règlement que Glenelg ferait l’objet d’une nouvelle cotisation [traduction] « conformément aux » modalités de l’entente. Par conséquent, le ministre devait interpréter lesdites modalités pour les appliquer aux appelantes. Comme il a été noté plus haut, le ministre a depuis établi une nouvelle cotisation à l’encontre de la SPC principale Sentinel Hill selon l’entente de règlement, et cette dernière n’a pas interjeté appel de cette nouvelle cotisation.

[13]  Lorsque le ministre a établi les nouvelles cotisations et fait des déterminations applicables aux appelantes, il est rapidement devenu manifeste que les parties ne s’entendaient pas sur la façon dont l’entente de règlement devait s’appliquer aux appelantes.

[14]  Les appelantes ne souscrivaient pas à l’interprétation que le ministre donnait à l’entente de règlement qui, selon elles, ne reflétait pas ses modalités sous‑jacentes. Elles ont interjeté appel de leurs nouvelles cotisations et des déterminations connexes, et l’affaire a été entendue par la Cour canadienne de l’impôt.

IV.  Décisions du juge de la Cour canadienne de l’impôt

[15]  L’appel devant la Cour canadienne de l’impôt a été entendu en septembre 2015 par le juge Archambault (le juge de la Cour canadienne de l’impôt). Il a rendu ses motifs verbalement le 27 avril 2016, et les jugements rejetant les appels interjetés par les appelantes à l’encontre des nouvelles cotisations et des déterminations effectuées en vertu de la LIR pour les années d’imposition 2000 et 2001 ont été rendus le 3 mai 2016.

[16]  En ce qui concerne le différend des parties au sujet de l’entente de règlement, le juge de la Cour canadienne de l’impôt a conclu qu’il y avait une entente valable et exécutoire entre les appelantes et le ministre. Sur ce fondement, il a conclu que les nouvelles cotisations et les déterminations du ministre étaient conformes à l’entente de règlement applicable aux appelantes et qu’elles étaient compatibles avec la conduite des parties. Plus particulièrement, le juge de la Cour canadienne de l’impôt était d’avis que les modalités de l’entente de règlement étaient suffisamment claires et que, malgré les divergences de vues des parties pendant les discussions relatives au règlement, leur conduite et le libellé de l’entente définitive indiquaient qu’il y avait un véritable accord des volontés et que l’entente de règlement constituait une entente fondée sur des principes qui respectent la LIR.

[17]  Nous sommes saisis de l’appel interjeté à l’encontre de la décision du juge de la Cour canadienne de l’impôt. Pour les raisons énoncées ci‑dessous, je rejetterais l’appel avec dépens.

V.  Norme de contrôle

[18]  La question centrale au présent appel concerne l’interprétation de l’entente de règlement. Cela soulève des questions mixtes de fait et de droit (Sattva Capital Corp. c. Cerston Moly Corp., 2014 CSC 53, [2014] 2 R.C.S. 633, par. 50 [Sattva]). Dans le cadre d’un appel, les conclusions mixtes de faits et de droit sont susceptibles de contrôle selon la norme de l’erreur manifeste et dominante (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235). Une erreur manifeste est une erreur évidente (Canada c. South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165, par. 46, cité et approuvé par la Cour suprême du Canada dans Benhaim c. St‑Germain, 2016 CSC 48, [2016] 2 R.C.S. 352, par. 38). Une erreur dominante est une erreur qui « touche directement à l’issue de l’affaire » (ibid.).

VI.  Questions en litige

[19]  Le présent appel soulève quatre (4) questions :

  • (1) Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a‑t‑il commis une erreur dans son interprétation de l’entente de règlement appliquée aux appelantes?

  • (2) Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a‑t‑il commis une erreur en concluant qu’il y avait eu accord des volontés dans les circonstances de l’espèce?

  • (3) Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a‑t‑il commis une erreur en concluant que l’entente de règlement est une entente fondée sur des principes qui respectent la LIR?

  • (4) Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a‑t‑il donné des motifs suffisants pour permettre un contrôle valable de sa décision?

VII.  Analyse

A.  Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a‑t‑il commis une erreur dans son interprétation de l’entente de règlement appliquée aux appelantes?

[20]  La Cour suprême du Canada a récemment confirmé dans l’arrêt Sattva les principes essentiels en matière d’interprétation des contrats. Elle a déclaré, au paragraphe 47 :

Relativement au premier changement, l’interprétation des contrats a évolué vers une démarche pratique, axée sur le bon sens plutôt que sur des règles de forme en matière d’interprétation. La question prédominante consiste à discerner « l’intention des parties et la portée de l’entente » (Jesuit Fathers of Upper Canada c. Cie d’assurance Guardian du Canada, 2006 CSC 21, [2006] 1 R.C.S. 744, par. 27, le juge LeBel; voir aussi Tercon Contractors Ltd c. Colombie‑Britannique (Transports et Voirie), 2010 CSC 4, [2010] 1 R.C.S. 69, par. 64‑65, le juge Cromwell). Pour ce faire, le décideur doit interpréter le contrat dans son ensemble, en donnant aux mots le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec les circonstances dont les parties avaient connaissance au moment de la conclusion du contrat. Par l’examen des circonstances, on reconnaît qu’il peut être difficile de déterminer l’intention contractuelle à partir des seuls mots, car les mots en soi n’ont pas un sens immuable ou absolu.

[traduction] Aucun contrat n’est conclu dans l’abstrait : les contrats s’inscrivent toujours dans un contexte. […] Lorsqu’un contrat commercial est en cause, le tribunal devrait certes connaître son objet sur le plan commercial, ce qui présuppose d’autre part une connaissance de l’origine de l’opération, de l’historique, du contexte, du marché dans lequel les parties exercent leurs activités.

(Reardon Smith Line [Reardon Smith Line Ltd. c. Hansen‑Tangen [1976] 3 All E.R. 570] p. 574, le lord Wilberforce)

[Non souligné dans l’original.]

[21]  Outre ce qui précède, la Cour suprême du Canada a ajouté plus loin que « [l’]interprétation contractuelle soulève des questions mixtes de fait et de droit, car il s’agit d’en appliquer les principes aux termes figurant dans le contrat écrit, à la lumière du fondement factuel » (Sattva, par. 50).

[22]  En ce qui concerne la première question en litige, le point de départ est l’entente de règlement elle‑même. Elle stipule ce qui suit (dossier d’appel, vol. 4, onglet 4c, p. 566 à 568) :

[traduction]

1.  Sauf pour les exceptions énoncées ci‑après, les déductions demandées par la société de personnes en commandite [la SPC principale Sentinel Hill] et par les SPCP à l’égard des pertes subies pour les années d’imposition 2000 et 2001 seront accordées.

2.  Les frais payés par les SPCP à divers studios de production de télévision et de cinéma, totalisant environ 55,8 M$ en 2000, seront considérés comme appartenant à la catégorie 14 et pourront être déduits, en application de l’alinéa 20(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la LIR), aux taux suivants :

Année d’imposition

Pourcentage déductible

2000

20

2001

20

2002

15

2003

15

2004

15

2005

5

2006

5

2007

5

TOTAL

100

3.  À l’égard des frais restants – totalisant environ 109 M$ – dont la société de personnes en commandite et les SPCP ont demandé la déduction pour l’année d’imposition 2000 :

·  la déduction de 55 494 000 $ demandée à l’égard de frais de gestion sera accordée;

  • pour les déductions demandées à l’égard de frais d’aiguillage versés à des producteurs et de frais de financement, la déduction d’une somme de 40 M$ sera refusée.

4.  Pour l’année d’imposition 2001 de la société de personnes en commandite et des SPCP, la déductibilité des frais de gestion sera traitée conformément aux modalités exposées au paragraphe 3 des présentes. La déduction demandée à l’égard des frais de financement sera rejetée à hauteur de 14 250 000 $.

5.  À condition que des avis de détermination soient délivrés en application du paragraphe 152(1.1) de la LIR et conformément aux paragraphes 1 à 4 des présentes, la société de personnes et les SPCP n’exerceront pas leur droit d’appel à l’égard de ces déterminations et, par conséquent, ne présenteront pas d’avis d’opposition en vertu de l’article 165 de la LIR à l’égard de ces déterminations.

6.  L’ARC s’engage à faire des déterminations à l’égard des revenus ou des pertes des deux sociétés de personnes en commandite Glenelg et de la société de personnes en commandite principale Norfolk (ou à établir des cotisations à l’égard de particuliers y ayant investi s’il était impossible de faire ces déterminations), conformément aux paragraphes 1 à 4, à condition que les transactions de services de production auxquelles ont participé les sociétés de personnes en commandite et les SPCP liées à celles‑ci aient été essentiellement similaires aux transactions effectuées par la société de personnes en commandite et par les SPCP. L’ARC pourra effectuer des vérifications pour savoir si les transactions étaient essentiellement similaires. Les sociétés de personnes et les particuliers mentionnés ci‑dessus ne présenteront pas d’opposition ou d’appel à l’égard des décisions de l’ARC.

[…]

[Non souligné dans l’original.]

(1)  Applicabilité de l’entente de règlement aux appelantes

[23]  Les appelantes ont soutenu à l’audience devant cette Cour qu’on ne peut affirmer avec certitude que l’entente de règlement conclue avec la SPC principale Sentinel Hill s’applique à elles. Donc, avant de procéder à l’analyse de l’interprétation de l’entente de règlement par le juge de la Cour canadienne de l’impôt – plus précisément le sens du terme « conformément aux » dans le contexte de l’entente de règlement – il convient d’examiner la question préliminaire de savoir si l’entente de règlement s’applique aux appelantes.

[24]  Dans ses motifs, le juge de la Cour canadienne de l’impôt a conclu qu’il était [traduction] « évident » que Me David Davies et Me Neil Harris, les avocats qui ont pris part aux discussions de règlement avec Me MacGregor de l’ARC, ont négocié non seulement au nom de la SPC principale Sentinel Hill, mais aussi au nom des appelantes. À ce titre, ils avaient la capacité de conclure une entente en leur nom, et l’entente de règlement est par conséquent applicable aux appelantes (motifs du juge de la Cour canadienne de l’impôt, p. 17 à 19).

[25]  Encore plus convaincant est le fait que l’entente de règlement renvoie expressément à Glenelg au paragraphe 6, reproduit ci‑dessus. En outre, le dossier concernant les discussions de règlement démontre que Glenelg devait être traitée de la même façon que la SPC principale Sentinel Hill :

  • Le 17 mars 2004, un courriel envoyé par Me David Davies confirme que le règlement qui est en cours de négociation s’appliquerait aux « 2 sociétés Glenelg » (dossier de documents regroupés, onglet 4; dossier d’appel, vol. 3, onglet c), p. 520);

  • Le 27 mars 2004, un courriel envoyé par Me David Davies mentionne que [TRADUCTION« s’il y a une entente, il faut absolument qu’elle soit appliquée à toutes les parties, y compris à Norfolk et aux sociétés Glenelg » (recueil de documents regroupés, onglet 8; dossier d’appel, vol. 3, onglet c), p. 546);

·  Les notes de Me Neil Harris du 16 février 2004 sont claires sur le fait que [TRADUCTION« les ententes visant Norfolk et Glenelg – seront appliquées de la même façon, dans la mesure où elles sont “calquées l’une sur l’autre – c.‑à‑d. essentiellement semblables” » (dossier de documents regroupés, onglet 19; dossier d’appel, vol. 5, onglet 4c), p. 761).

[26]  Par conséquent, au vu du libellé du paragraphe 6 de l’entente de règlement et des éléments de preuve au dossier, le juge de la Cour canadienne de l’impôt n’a pas commis d’erreur en concluant que l’entente de règlement s’applique aux appelantes.

[27]  Je vais maintenant examiner la façon dont le juge de la Cour canadienne de l’impôt a interprété le terme « conformément aux » dans le contexte du paragraphe 6 de l’entente de règlement.

(2)  Sens du terme « conformément aux » dans le contexte du paragraphe 6 de l’entente de règlement

[28]  Dans son analyse du paragraphe 6 de l’entente de règlement, le juge de la Cour canadienne de l’impôt a conclu que le terme « conformément aux » signifiait que le ratio des dépenses non déductibles de la SPC principale Sentinel Hill s’appliquerait également aux autres sociétés de personnes en commandite, y compris les appelantes. Bien que le juge de la Cour canadienne de l’impôt ait reconnu que le terme « conformément aux » pouvait se prêter à différentes interprétations, il s’est dit d’avis, après avoir soupesé les éléments de preuve, qu’une [TRADUCTION« personne raisonnable » ou un « interprète objectif » aurait compris que le terme « conformément aux » figurant dans le document signifie – suivant une interprétation globale et dans son contexte factuel – « [selon la] même proportion de dépenses non déductibles suivant les ratios exprimés sous forme de pourcentages » (motifs du juge de la Cour canadienne de l’impôt, p. 19, lignes 16 à 17). Autrement dit, si une proportion de frais est refusée à un contribuable (par exemple, la SPC principale Sentinel Hill), un autre contribuable (par exemple, Glenelg) faisant l’objet d’une cotisation « conformément aux » modalités de l’entente se verra refuser des frais dans la même proportion (mémoire des faits et de droit de l’intimée, par. 39).

[29]  Les appelantes soutiennent que le juge de la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur dans son interprétation du terme « conformément aux » figurant au paragraphe 6 de l’entente de règlement, notamment parce que, font‑elles valoir, ce terme [TRADUCTION« crée de l’incertitude » et invite à une « panoplie d’interprétations plausibles » (mémoire des faits et du droit des appelantes, par. 58). Bien que je convienne avec les appelantes que le terme en question peut inviter à différentes interprétations, l’argument des appelantes revient à contester l’interprétation du juge de la Cour canadienne de l’impôt plutôt que de lui reprocher d’avoir commis une erreur d’interprétation manifeste et dominante. Compte tenu du libellé du paragraphe 6 de l’entente de règlement et des éléments de preuve présentés au juge de la Cour canadienne de l’impôt, rien ne justifie l’intervention de la Cour en ce qui concerne son interprétation du terme « conformément aux ».

[30]  Après avoir conclu que l’entente de règlement s’applique aux appelantes, et que le ratio des dépenses refusées appliqué à la SPC Sentinel Hill devrait également s’appliquer aux appelantes, la question que je dois trancher à ce stade est la suivante : quel ratio, exprimé en pourcentage, permettrait de déterminer la portion des dépenses non déductibles des appelantes pour les années d’imposition 2000 et 2001?

(3)  Le ratio applicable aux années d’imposition 2000 et 2001

[31]  Dans le présent appel, la conclusion du juge de la Cour canadienne de l’impôt selon laquelle le ratio s’applique aux frais, et non aux pertes, n’est pas en litige. C’est plutôt le ratio, lui‑même, applicable aux différents frais en cause en l’espèce qui est contesté.

[32]  Pour l’année d’imposition 2000, une lecture du paragraphe 3 de l’entente de règlement confirme que la déduction à l’égard des frais de gestion doit être accordée telle que demandée. Autrement dit, le pourcentage des frais de gestion refusés est de 0 %. En ce qui concerne les frais d’aiguillage versés à des producteurs et les frais de financement, il ne fait pas de doute non plus qu’un montant de 40 M$ doit être refusé et que le numérateur est bien 40. Il reste à déterminer le dénominateur – autrement dit, 40 M$ sur combien sont refusés? Les appelantes soutiennent que le ratio applicable en vertu de l’entente de règlement est de 40/109, le dénominateur étant 109 M$, soit la totalité des dépenses à l’égard desquelles des déductions ont été demandées. Suivant ce calcul, le pourcentage de refus est de 36,7 %. L’intimée n’est pas d’accord et renvoie à la conclusion du juge de la Cour canadienne de l’impôt selon laquelle le ratio applicable est de 40/53, le montant de 53 M$ utilisé comme dénominateur représentant la différence entre la totalité des dépenses à l’égard desquelles des déductions ont été demandées et le montant des frais de gestion dont la déduction a été accordée telle qu'elle a été demandée (109 M$ – 55,5 M$ = 53,5 M$). Suivant ce calcul, le pourcentage de refus est de 75,5 %.

[33]  En ce qui concerne l’année d’imposition 2001, les appelantes soutiennent que le ratio exprimé en pourcentage est de 49,8 %, soit 14,25 M$ de frais de financement refusés sur des frais totaux de 28,6 M$. L’intimée quant à elle renvoie de nouveau la Cour à la conclusion du juge de la Cour canadienne de l’impôt selon laquelle le ratio exprimé en pourcentage est de 64,4 %, soit 14,25 M$ de frais de financement refusés sur des frais de financement totalisant 22,13 M$.

[34]  Par souci de commodité, le tableau suivant illustre l’interprétation de l’entente de règlement par le juge de la Cour canadienne de l’impôt en ce qui concerne les ratios pour les années d’imposition 2000 et 2001 :

Année d’imposition 2000

Type de dépense

Pourcentage de refus*

Calcul du montant refusé

Source (entente de règlement)

Frais de gestion

0 %

0 $ ÷ 55,5 M$

Paragraphe 3(1)

Frais d’aiguillage versés à des producteurs

75,5 %

40 M$ ÷ 53 M$**

Paragraphe 3(2)

Frais de financement

75,5 %

40 M$ ÷ 53 M$

Paragraphe 3(2)

Année d’imposition 2001

Type de dépense

Pourcentage de refus*

Calcul du montant refusé

Source (entente de règlement)

Frais de gestion

0 %

0 $ ÷ 55,5 M$

Paragraphe 4 (« conformément aux » modalités du paragraphe 3)

Frais d’aiguillage versés à des producteurs***

S.O.

S.O.

S.O.

Frais de financement

64,4 %

14,25 M$ ÷ 22,13 M$

Paragraphe 4 et une preuve établissant que la SPC principale Sentinel Hill a demandé une déduction de 22,13 M$ à l’égard des frais de financement en 2001

* Les pourcentages sont arrondis à la décimale la plus proche.

** Le montant de 53 M$ représente la différence entre le total des dépenses demandées et les frais de gestion accordés tels que demandés, à savoir : 109 M$ – 55,5 M$ = 53,5 M$.

*** Étant donné qu’aucune déduction au titre des frais d’aiguillage versés à des producteurs n’était demandée en 2001, il n’était pas nécessaire de déterminer le taux de refus.

[35]  Les appelantes contestent les ratios établis par le juge de la Cour canadienne de l’impôt sur le fondement de l’entente de règlement. Par souci de commodité, les chiffres sur lesquels les appelantes et l’intimée ne s’entendent pas sont en caractères gras :

Année d’imposition 2000

Type de dépense

Pourcentage de refus*

Calcul du montant refusé

Source (entente de règlement)

Frais de gestion

0 %

0 $ ÷ 55,5 M$

Paragraphe 3(1)

Frais d’aiguillage versés à des producteurs

36,7 %

40 M$ ÷ 109 M$**

Paragraphe 3(2)

Frais de financement

36,7 %

40 M$ ÷ 109 M$

Paragraphe 3(2)

Type de dépense

Pourcentage de refus*

Calcul du montant refusé

Source (entente de règlement)

Frais de gestion

0 %

0 $ ÷ 55,5 M$

Paragraphe 4 (« conformément aux » modalités du paragraphe 3)

Frais d’aiguillage versés à des producteurs

S.O.

S.O.

S.O.

Frais de financement

49,8 %

14,25 M$ ÷ 28,6 M$

Paragraphe 4 et une preuve établissant que la SPC principale Sentinel Hill a demandé une déduction de 28,6 M$ à l’égard des frais totaux en 2001.

Année d’imposition 2001

* Les pourcentages sont arrondis à la décimale la plus proche.

** Le montant de 109 M$ représente le total des dépenses demandées.

[36]  Les appelantes soutiennent que les termes utilisés dans l’entente de règlement [TRADUCTION« doivent être interprétés en tenant compte de ce qui constitue la pierre angulaire de l’entente de règlement, à savoir qu’il a été convenu que 40 M$ sur 109 M$ de dépenses seraient refusées [et non 40 M$ sur 53 M$] et que le montant refusé serait ventilé en trois types de dépenses au gré de Sentinel Hill » (mémoire des faits et du droit des appelantes, par. 8, 16 et 56). Plus particulièrement, les appelantes prétendent que la SPC principale Sentinel Hill s’est vu accorder le droit de décider à son gré de la façon dont le montant refusé de 40 M$ serait réparti et que, par conséquent, elles aussi devaient disposer de semblable latitude. Elles soutiennent en outre que le juge de la Cour canadienne de l’impôt a omis de prendre en considération les [traduction« circonstances pertinentes » (c’est‑à‑dire les discussions relatives au règlement) dans l’interprétation de l’entente de règlement (mémoire des faits et du droit des appelantes, par. 81). Les appelantes conviennent que différentes interprétations sont possibles, mais elles soutiennent que la meilleure interprétation favorise un ratio de 40/109 pour l’année d’imposition 2000 et de 14,25/28,6 pour l’année d’imposition 2001 (mémoire des faits et du droit des appelantes, par. 64 et 77).

[37]  Pour appuyer leur thèse, les appelantes se fondent sur une note écrite par Me Harris (qui représentait les SPC principales et les SPCP liées) le 29 mars 2004 dans laquelle il est fait mention d’un ratio de 40/109. Cette note est datée du même jour où Me Harris a envoyé une ébauche de l’entente de règlement au sujet de l’année d’imposition 2000 de la SPC principale Sentinel Hill à Me MacGregor (représentant l’ARC) confirmant un accord verbal à ce sujet. Pour l’année d’imposition 2000, la SPC principale Sentinel Hill a demandé un total de 109 M$ pour les frais de gestion, les frais d’aiguillage versés à des producteurs et les frais de financement. Les parties ont convenu que l’ARC refuserait un montant total de 40 M$. Elle accorderait tous les frais de gestion, qui s’élèvent à 55,5 M$, et refuserait un montant de 40 M$ à l'égard des frais d’aiguillage versés à des producteurs et des frais de financement (lettre de Me Harris en date du 29 mars 2004, dossier de documents regroupés, onglet 10; dossier d’appel, vol. 3, onglet c), p. 558).

[38]  Le jour suivant, le 30 mars 2004, les parties ont examiné l’année d’imposition 2001 de la SPC principale Sentinel Hill. Elles souhaitaient que l’année d’imposition 2001 reçoive le même traitement que l’année d’imposition 2000. Ce faisant, elles ont rapidement réalisé qu’il y avait un malentendu en ce qui concerne les principes sur lesquels s’appuyaient les chiffres obtenus pour l’année d’imposition 2000.

[39]  Le malentendu résulte pour l’essentiel du fait que les appelantes croyaient avoir convenu que 40 M$ de dépenses sur un total de 109 M$ de dépenses totales seraient refusés, ce qui équivalait à un ratio de refus de 40/109 (36,7 %). L’ARC croyait quant à elle avoir convenu que, sur un total de 53 M$ de frais d’aiguillage versés à des producteurs et de frais de financement, 40 M$ de frais seraient refusés, ce qui équivalait à un ratio de 40/53 (75,5 %).

[40]  Ce malentendu a forcément eu une incidence sur le montant ultimement refusé pour l’année d’imposition 2001. La SPC principale Sentinel Hill avait réclamé une déduction de 22,13 M$ au titre des frais de financement et de 6,47 M$ au titre des frais de gestion (elle n’a réclamé aucune déduction pour les frais d’aiguillage versés à des producteurs), pour un total de 28,6 M$. Suivant leur interprétation, les appelantes se voyaient refuser un montant de 10,5 M$ (40/109 * 28,6 M$ de frais totaux) alors que suivant l’interprétation de l’ARC le montant refusé s’élevait à 16,7 M$ (40/53 * 22,13 M$ de frais de financement).

[41]  Aux prises avec ce malentendu, Me Harris a proposé de [traduction« couper la poire en deux»  – c’est‑à‑dire qu’un montant de 13,6 M$ soit refusé. Me MacGregor a répondu par une contre‑offre de 14,25 M$, qui a été acceptée par Me Harris. Pourtant, les appelantes insistent sur le fait que le malentendu du 29 mars 2004 [TRADUCTION« n’a jamais été réglé » (mémoire des faits et du droit des appelantes, par. 41). Comme il est expliqué ci‑dessous, cette thèse ne peut être retenue compte tenu des discussions des parties relatives au règlement.

(4)  Discussions relatives au règlement entre les parties

[42]  Les parties conviennent qu’en date du 29 mars 2004, il y avait un malentendu au sujet des ratios de refus applicables comme il est expliqué ci‑dessus. Le dossier démontre que le libellé du paragraphe 3 de l’entente de règlement dans sa version finale signée le 31 mars 2004 est différent de l’ébauche datée du 29 mars 2004 (mémoire des faits et du droit de l’intimée, par. 55) :

[TRADUCTION]

Ébauche en date du 29 mars 2004

Version finale en date du 31 mars 2004

3. Les frais restants – totalisant environ 109 M$ – dont la société de personnes en commandite et les SPCP ont demandé la déduction pour l’année d’imposition 2000, seront déductibles dans le calcul du revenu de la société de personnes en commandite et des SPCP, moins un montant de 40 M$ à être réparti entre les frais d’aiguillage versés à des producteurs et les frais de financement, au prorata.

3. À l’égard des frais restant – totalisant environ 109 M$ – dont la société de personnes en commandite et les SPCP ont demandé la déduction pour l’année d’imposition 2000 :

  • la déduction de 55 494 000 $ demandée à l’égard de frais de gestion sera accordée;

  • pour les déductions demandées à l’égard de frais d’aiguillage versés à des producteurs et de frais de financement, la déduction d’une somme de 40 M$ sera refusée.

[43]  En comparant les deux libellés ci‑dessus, on peut voir que, dans la version finale de l’entente de règlement, il est clairement énoncé que la déduction de 55 494 000 $ demandée à l’égard des frais de gestion devait être accordée dans sa totalité et précisé que, pour la totalité des déductions demandées à l’égard des frais d’aiguillage versés à des producteurs et des frais de financement, une somme de 40 M$ devait être refusée pour l’année d’imposition 2000.

[44]  Le 30 mars 2004, Me Harris a écrit dans un courriel à ses clients que l’ARC appliquerait le pourcentage de 75,5 % (40/53) à l’année d’imposition 2001 (dossier d’appel, vol. 4, onglet 4c), p. 564). Entre le moment de ce courriel et la signature de l’entente finale en date du 31 mars 2004, Me Harris et l’ARC ont convenu qu’un montant de 14,25 M$ serait refusé au titre des frais de financement pour l’année d’imposition 2001. Contrairement au paragraphe 3 de l’entente de règlement concernant l’année d’imposition 2000, le paragraphe 4 de celle‑ci ne décrit pas la méthode de calcul du ratio de refus, d’où la nécessité d’examiner les circonstances entourant la conclusion de l’entente pour déterminer le ratio applicable pour l’année d’imposition 2001.

[45]  Comme il a été indiqué plus haut, le montant en dollars (14,25 M$) mentionné au paragraphe 4 de l’entente de règlement a été négocié à partir des positions initiales suivantes : suivant celle de l’ARC, 75,5 % (40/53) de la déduction de 22,13 M$ demandée à l’égard des frais de financement serait refusée, soit un montant de 16,7 M$, alors que, suivant celle des appelantes, 36,7 % (40/109) de la déduction de 28,6 M$ demandée à l’égard de la totalité des frais serait refusée, soit un montant de 10,5 M$. Les appelantes ont proposé de [traduction« couper la poire en deux » (13,6 M$), et les parties se sont finalement entendues sur 14,25 M$.

[46]  Toutefois, ce montant en dollars peut correspondre à deux taux. Le premier, proposé par l’intimée, est de 64,4 %, ce qui représente un montant de 14,25 M$ refusé à l’égard des frais de financement sur 22,13 M$ de frais de financement uniquement. Le deuxième – applicable selon les appelantes – est de 49,8 %, ce qui représente un montant de 14,25 M$ refusé à l’égard des frais de financement sur 28,6 M$ de frais totaux.

[47]  À ce stade, il serait utile de se rappeler que le paragraphe 4 de l’entente de règlement énonce ce qui suit :

  1. Pour l’année d’imposition 2001 de la société de personnes en commandite et des SPCP, la déductibilité des frais de gestion sera traitée conformément aux modalités exposées au paragraphe 3 des présentes. La déduction demandée à l’égard des frais de financement sera rejetée à hauteur de 14 250 000 $.

[48]  Parce que le paragraphe 4 de l’entente de règlement mentionne expressément et séparément les frais de gestion et les frais de financement, le premier pourcentage (64,4 %) est le plus plausible selon l’entente de règlement des parties. En effet, comme l’a dit le juge de la Cour canadienne de l’impôt dans ses motifs, Me Harris savait ou aurait dû raisonnablement savoir que l’ARC avait retenu le pourcentage de 64,4 % – et non pas celui de 49,8 % – et il est arrivé à la conclusion suivante quant au contexte ayant amené Me Harris à accepter le règlement amiable : [TRADUCTION« Je crois que Me Harris n’avait pas d’autre choix que d’accepter le fait que son interprétation n’était pas partagée par le représentant de l’ARC, et qu’il devait accepter le montant de 14,2 M$ [donc le pourcentage de 64,4 %] » (motifs du juge de la Cour canadienne de l’impôt, p. 45, lignes 16 à 18).

[49]  En ce qui concerne le pourcentage de 75,5 % pour l’année d’imposition 2000 (40/53), le juge de la Cour canadienne de l’impôt a conclu que Me Harris [TRADUCTION« a accepté, au moins implicitement, un pourcentage de refus de 75,7 en ce qui concerne les frais d’aiguillage versés à des producteurs et les frais de financement pour 2000 » (motifs du juge de la Cour canadienne de l’impôt, p. 57, lignes 20 à 22) [non souligné dans l’original]. Il semble également raisonnable, étant donné le malentendu entre les parties, de conclure que les changements apportés au paragraphe 3 susmentionné (par. 42 des présents motifs) entre la lettre datée du 29 mars 2004 et l’entente de règlement du 31 mars 2004 visent à régler ledit malentendu et à prévoir l’application du ratio de 40/53. De plus, l’entente de règlement a été signée après reconnaissance du malentendu réciproque. Le 2 avril 2004, une lettre expliquant les modalités de l’entente de règlement et les raisons ayant motivé son acceptation a été envoyée par la SPC principale Sentinel Hill à tous les investisseurs (mémoire de faits et du droit des appelantes, par. 46). Il serait donc raisonnable de présumer qu’il a été convenu d’utiliser le ratio de 40/53 au paragraphe 3 de l’entente de règlement pour régler le différend. Autrement, pourquoi les appelantes auraient‑elles signé l’entente de règlement si le malentendu réciproque et l’ambiguïté n’avaient pas été réglés? On peut présumer que les avocats des appelantes représentant les quatre (4) SPC principales auraient mis en question la version finale de l’entente de règlement s’ils considéraient toujours que le ratio approprié était de 40/109. Or, ils ne l’ont pas fait.

[50]  À cet égard, je souscris aux observations du juge de la Cour canadienne de l’impôt à la page 22 (lignes 5 à 21) de ses motifs concernant le ratio à être appliqué pour les années d’imposition 2000 et 2001 :

[TRADUCTION] Il serait très logique que le ratio à appliquer pour l’année 2000 à l’égard des frais d’aiguillage versés à des producteurs et des frais de financement des sociétés de personnes en commandite Glenelg [les appelantes] soit déterminé en divisant le montant refusé à Sentinel Partnership, soit 40 M$, par le montant total des frais de ce type engagés par ces sociétés de personnes en commandite – environ 53 M$ – ce qui représente approximativement 75,5 pour cent. En se servant de la même approche pour calculer le ratio pour 2001, le résultat serait d’environ 64,5 pour cent (14,2 M$ divisés par 22,1 M$). Une personne raisonnable ou un interprète objectif se rendrait compte que la proportion des dépenses partiellement refusées n’est pas le même en 2000 et en 2001. Il s’agit d’une entente et aucune règle n’exige que les proportions soient les mêmes pour les deux années : il pourrait y avoir plus ou moins de dépenses déraisonnables en 2001 par rapport à 2000 selon les circonstances de chaque année. Et c’est ce que les parties ont convenu.

[51]  Enfin, les discussions des parties révèlent également que bien que l’ARC ait initialement accordé à la SPC principale Sentinel Hill une certaine latitude en ce qui concerne les frais à l’égard desquels le montant de 40 M$ serait refusé, elle a ultimement déterminé que les frais d’aiguillage versés à des producteurs et les frais de financement avaient été gonflés parce qu’ils n’ont jamais été payés en espèces (voir les motifs du juge de la Cour canadienne de l’impôt, p. 27, lignes 23 à 28; p. 32, lignes 12 à 27). Cela vient renforcer la décision du juge de la Cour canadienne de l’impôt selon laquelle la déduction de 40 M$ ayant été refusée vise spécifiquement les frais d’aiguillage versés aux producteurs et les frais de financement, et que le ratio approprié est de 40/53 (75,5 %).

[52]  À la lumière des modalités de l’entente de règlement et des circonstances entourant sa conclusion comme en fait foi le dossier et tel qu’expliqué ci‑dessus, force est de conclure que le juge de la Cour canadienne de l’impôt n’a pas commis d’erreur susceptible de contrôle. Les appelantes ne partagent peut‑être pas son avis, mais elles n’ont pas réussi à démontrer l’existence d’une erreur manifeste et dominante qui justifierait l’intervention de la Cour.

B.  Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a‑t‑il commis une erreur en concluant qu’il y avait eu accord des volontés dans les circonstances de l’espèce?

[53]  En lien, dans une certaine mesure, avec leur contestation de l’interprétation de l’entente de règlement, les appelantes soutiennent qu’il n’y a pas eu accord des volontés en l’espèce. Il n’est pas étonnant que l’analyse du juge de la Cour canadienne de l’impôt de la question de l’« accord des volontés » soit imbriquée dans son interprétation de l’entente de règlement. Les appelantes soutiennent essentiellement que le juge de la Cour canadienne de l’impôt a ignoré des éléments de preuve importants et non contestés et qu’il a mal appliqué les principes pertinents. En particulier, les appelantes soutiennent que le malentendu des parties concernant le taux de déductions refusées dénote une absence de certitude témoignant du fait qu’il n’y a pas eu « accord des volontés ».

[54]  Là encore, je ne suis pas d’accord pour dire que le juge de la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur dans son analyse à cet égard.

[55]  Point important, le juge de la Cour canadienne de l’impôt s’est demandé si la cotisation du ministre fondée sur l’entente de règlement était [TRADUCTION« compatible avec la conduite des parties » (motifs du juge de la Cour canadienne de l’impôt, p. 24, ligne 6). En effet, étant donné que l’entente de règlement concerne surtout la SPC principale Sentinel Hill, le juge de la Cour canadienne de l’impôt a conclu qu’il [TRADUCTION« [lui était] nécessaire de tenir compte des circonstances pertinentes » pour interpréter l’entente de règlement en ce qui concerne les appelantes (motifs du juge de la Cour canadienne de l’impôt, p. 24, lignes 6 et 7).

[56]  Comme il a été expliqué ci‑dessus, le juge de la Cour canadienne de l’impôt a conclu (et les parties ne le contestent pas) qu’en date du 30 mars 2004 il y avait effectivement un malentendu en ce qui concerne les taux de refus. Il a convenu qu’à ce moment‑là il n’y avait pas d’accord de volontés (motifs du juge de la Cour canadienne de l’impôt, p. 44). Il a relevé, toutefois, que les parties avaient continué leurs discussions en vue d’un règlement et qu’elles ont modifié le libellé de l’entente avant de la finaliser le 31 mars 2004. Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a conclu que les modifications apportées au libellé reflétaient l’entente ultime des parties, qui a donné lieu à un accord aux termes duquel Me Harris, au nom des appelantes, a accepté le taux de refus appliqué par le ministre (motifs du juge de la Cour canadienne de l’impôt, p. 46, lignes 12‑19) :

[TRADUCTION[…] le seul libellé, à mon avis, que l’on peut considérer […] comme appuyant l’interprétation de Me Harris favorisant l’utilisation d’un dénominateur de 109 M$ […] a disparu de la version du 29 mars, ce qui mène à conclure, comme le ferait tout autre interprète objectif, que Me Harris a bien renoncé à sa propre interprétation.

[57]  Ce faisant, le juge de la Cour canadienne de l’impôt a appliqué [TRADUCTION« la [TRADUCTION] “présomption cruciale” selon laquelle [les parties] voulaient vraiment dire ce qu’elles ont dit » (motifs du juge de la Cour canadienne de l’impôt, p. 52, lignes 10 à 18, citant Ventas Inc. c. Sunrise Senior Living Real Estate Investment Trust, 2007 ONCA 205, 29 B.L.R. (4e) 312, par. 24). En définitive, le juge de la Cour canadienne de l’impôt a conclu que [TRADUCTION« [l]e règlement constitue une entente qui lie les parties, conformément aux principes fondamentaux du droit contractuel, et notamment qu’il y avait eu un accord des volontés et que les modalités de l’entente de règlement sont suffisamment certaines » (motifs du juge de la Cour canadienne de l’impôt, p. 74, ligne 28, p. 75, lignes 1 à 4). Je ne vois aucune raison de modifier cette conclusion dans les circonstances de l’espèce.

C.  Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a‑t‑il commis une erreur en concluant que l’entente de règlement est une entente fondée sur des principes qui respectent la LIR?

[58]  Les appelantes soutiennent, de manière subsidiaire, que si elles sont liées par l’entente de règlement en vertu du droit des contrats, elle ne leur est pas opposable selon le droit fiscal parce que ses modalités ne reflètent pas une application raisonnée de la LIR aux faits connus (mémoire des faits et du droit des appelantes, par. 100). Par conséquent, elles soutiennent que le juge de la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur en concluant que l’entente de règlement est une entente fondée sur des principes qui respectent la LIR.

[59]  Afin de répondre à cet argument, il est utile de reproduire à nouveau l’article 67 de la LIR, concernant les dépenses admissibles :

Restriction générale relative aux dépenses

General limitation re expenses

67  Dans le calcul du revenu, aucune déduction ne peut être faite relativement à une dépense à l’égard de laquelle une somme est déductible par ailleurs en vertu de la présente loi, sauf dans la mesure où cette dépense était raisonnable dans les circonstances.

67  In computing income, no deduction shall be made in respect of an outlay or expense in respect of which any amount is otherwise deductible under this Act, except to the extent that the outlay or expense was reasonable in the circumstances.

[60]  Les appelantes soutiennent qu’une entente qui concerne l’établissement en vertu de l’article 67 de la LIR d’une nouvelle cotisation relative à la déduction de dépenses [TRADUCTION« doit se fonder sur des éléments de preuve démontrant que les dépenses étaient excessives ou autrement déraisonnables. » (mémoire des faits et du droit des appelantes, par. 107) Par conséquent, les appelantes soutiennent que le ministre doit « analyser chaque dépense » (mémoire des faits et du droit des appelantes, par. 108) et offrir un fondement juridique pour conclure qu’elle est déraisonnable. En l’espèce, les appelantes prétendent que le ministre ne leur a fait part d’aucun élément de preuve ni d’aucun fondement juridique pendant les discussions relatives au règlement. Le vérificateur n’a présenté aucun avis portant sur le caractère raisonnable des dépenses des appelantes. De plus, les parties ne disposaient d’aucun renseignement étayant la thèse que les dépenses demandées étaient déraisonnables à concurrence de 40 M$. Les parties ont simplement négocié et convenu de ce montant. Étant donné ces circonstances, soutiennent les appelantes, on ne peut conclure que l’entente de règlement est le fruit de l’application raisonnée du droit fiscal aux faits connus. Autrement dit, il ne s’agit pas d’une « entente fondée sur des principes » qui respectent la LIR.

[61]  Les appelantes ajoutent qu’il incombait au ministre d’invoquer devant la Cour canadienne de l’impôt les faits étayant la conclusion selon laquelle les dépenses refusées étaient déraisonnables (mémoire des faits et du droit des appelantes, par. 107). En l’espèce, le ministre n’a présenté aucun élément preuve au procès permettant d’établir que l’entente de règlement est une entente fondée sur des principes qui respectent la LIR. Par conséquent, le juge de la Cour canadienne de l’impôt se trouvait à permettre au ministre de fixer un pourcentage sans fondement et de refuser ce pourcentage des dépenses comme déraisonnable à des fins fiscales.

[62]  Les appelantes soulignent que l’exigence que le règlement amiable en matière fiscale repose sur des principes ne veut pas dire grand‑chose suivant l’interprétation qu’en fait le juge de la Cour canadienne de l’impôt. Toute entente peut être appliquée pour autant qu’elle ne soit pas contraire à la logique de la LIR. Les appelantes soutiennent plutôt que l’« entente fondée sur des principes » exige que la Cour canadienne de l’impôt [TRADUCTION« détermine si le montant de la cotisation établie est correct en droit fiscal » (mémoire des faits et du droit des appelantes, par. 104), quelles que soient les modalités de l’entente de règlement.

[63]  En toute déférence, l’exigence relative à l’existence d’une « entente fondée sur des principes » n’a pas le rôle que lui attribuent les appelantes. La jurisprudence n’appuie pas leur point de vue et, en outre, adopter la thèse des appelantes reviendrait dans de nombreux cas à nier la possibilité de régler les différends en matière d’impôt et à faire perdre toute utilité aux règlements amiables.

[64]  L’exigence selon laquelle les règlements amiables en matière d’impôt doivent être des ententes fondées sur des principes a été examinée dans l’arrêt Galway c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [1974] 1 C.F. 593, 1974 CarswellNat 168, confirmé par notre Cour dans l’arrêt Galway c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [1974] 1 C.F. 600, 1974 CarswellNat 186 [Galway]. Dans le passage souvent cité de l’arrêt Galway il est énoncé que « le Ministre a l’obligation, aux termes de la Loi, de fixer le montant de l’impôt exigible d’après les faits qu’il établit et en conformité de son interprétation de la Loi » (Galway, par. 7). La règle est moins contraignante que les appelantes ne le suggèrent.

[65]  Dans l’arrêt Galway, les parties étaient en désaccord sur la question de savoir si un montant de 200 500 $ perçu par le contribuable devait être inclus dans le calcul de son revenu imposable (Galway, par. 6). S’il était inclus dans le calcul du revenu, l’impôt supplémentaire se chiffrait à 133 381,58 $ (ibid.). S’il ne l’était pas, il était inexistant. Les parties ont conclu une entente de règlement selon laquelle la cotisation dont ferait l’objet le contribuable s’élèverait à 100 000 $ exactement, impôts et intérêts compris. Elles ont demandé qu’un jugement sur consentement soit rendu afin d’appliquer les modalités de leur entente de règlement. La Cour a refusé de rendre ce jugement parce que rien dans la LIR ne pouvait justifier le résultat sur lequel elles s’étaient entendues. La Cour n’aurait pas été habilitée à rendre le jugement proposé après un procès; elle ne pouvait donc pas le rendre sur consentement.

[66]  Dans l’arrêt Galway, la Cour (per curiam) a également fait les commentaires suivants, au paragraphe 4 :

Il n’entre pas dans les attributions de la Cour, dans le cas d’une demande de jugement sur consentement, d’examiner les questions de fait ou de droit soulevées par l’appel sauf dans la mesure où il peut être nécessaire pour la Cour de s’assurer que le jugement recherché relève de sa compétence et qu’il peut être rendu.

[Non souligné dans l’original]

[67]  Ainsi, la règle énoncée dans l’arrêt Galway interdit aux parties de conclure des ententes de règlement qui ne trouvent aucun fondement dans la LIR. Étant donné que la question dans l’arrêt Galway était de savoir si un certain montant d’argent devait être inclus ou non dans le revenu du contribuable, les parties ne pouvaient en arriver à un compromis en ce qui concerne ce montant. Soit il était inclus dans le revenu, soit il ne l’était pas; les deux opérations ne pouvaient être combinées.

[68]  On ne peut en dire autant en l’espèce. Comme l’intimée l’a dit à l’audience, la question est de savoir si [TRADUCTION« les montants convenus peuvent résulter de l’application de l’article 67 ». La réponse est affirmative. En effet, le juge de la Cour canadienne de l’impôt a conclu que : [TRADUCTION« [l]’article 67 de la LIR justifie manifestement de refuser une partie des déductions demandées par un contribuable en particulier pour des dépenses; il n’est pas nécessaire que ce soit tout ou rien » (motifs du juge de la Cour canadienne de l’impôt, p. 62, lignes 3 à 6). Le critère ne consiste pas, comme le soutiennent les appelantes, à déterminer si le ministre a effectivement démontré devant la Cour canadienne de l’impôt que les frais refusés étaient déraisonnables et que par conséquent le montant de la cotisation a été correctement établi par suite de l’application des modalités de l’entente de règlement. Si tel était le critère, il faudrait que le ministre se prépare à un procès dans tous les cas. Il n’y aurait plus aucun avantage à régler à l’amiable plutôt que de se rendre à procès. En principe, il est dans l’intérêt de notre système juridique que les ententes de règlement demeurent une option possible et qu’elles soient exécutées, pour autant que les modalités du règlement respectent la LIR.

[69]  Cette Cour a récemment appliqué l’arrêt Galway dans CIBC World Markets Inc. c. La Reine, 2012 CAF 3, [2012] A.C.F. no 30 (QL) [CIBC World Markets]. La CIBC avait sollicité une ordonnance de majoration des dépens contre le ministre au motif que ce dernier n’avait pas accepté une offre de règlement par la CIBC avant le procès. Le litige fiscal sous‑jacent portait sur la question de savoir si la CIBC avait droit aux crédits de taxe sur les intrants qu’elle avait demandés dans sa déclaration de taxe sur les produits et services (TPS). Lors des discussions relatives au règlement, la CIBC avait fait une offre de règlement selon laquelle elle ne recevrait que 90 % des crédits de taxe sur les intrants. La Cour a conclu que le ministre n’aurait pas pu accepter cette offre de règlement, puisque « celui‑ci n’aurait pu accorder à la CIBC World Markets dans aucune hypothèse de fait ou de droit une tranche de 90 % des crédits de taxe sur les intrants qu’elle avait demandés » (CIBC World Markets, par. 19). Ainsi, notre Cour a appliqué la règle énoncée dans l’arrêt Galway et elle a rejeté la demande de majoration des dépens de la CIBC.

[70]  Tant dans l’affaire Galway que dans l’affaire CIBC World Markets, il s’agissait de situations de « tout ou rien ». Dans les deux cas, notre Cour n’aurait pas pu donner effet aux modalités de l’entente de règlement étant donné qu’elle n’était pas habilitée à rendre un jugement prévoyant de telles modalités après un procès. La situation en l’espèce est totalement différente : pour arrêter le montant des dépenses déductibles, il n’est pas nécessaire de faire un choix entre tout ou rien. À mon avis, les affaires Galway et CIBC World Markets impliquaient un compromis quant au droit alors que la présente affaire implique un compromis quant aux faits. Les appelantes conviennent que les parties peuvent s’entendre sur les faits, et que la Cour n’interviendra que si les faits ne s’accordent aucunement avec la réalité.

[71]  Les appelantes soutiennent en outre que la présente affaire s’apparente à l’affaire Bolton Steel Tube Co. Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national), 2014 CCI 94, [2014] A.C.I. no 74 (QL) [Bolton Steel]. Dans cette affaire, la Cour canadienne de l’impôt a annulé la nouvelle cotisation du contribuable établie par le ministre au motif qu’elle ne reflétait pas les modalités d’une entente de règlement conclue en 2012. Le point crucial de l’entente de règlement dans l’affaire Bolton Steel était que le ministre ajouterait 403 219 $ au revenu du contribuable pour l’année d’imposition 1996. Pour cette année d’imposition, le contribuable avait déclaré un revenu de 1 260 074 $ dans sa déclaration de revenus initiale, mais, en 2007, le ministre a établi une nouvelle cotisation pour l’année 1996 qui s’élevait à 1 863 072 $. Selon le ministre, le revenu du contribuable pour 1996 était donc de 1 863 072 $, alors que selon le contribuable il était de 1 260 074 $. Le ministre a établi une nouvelle cotisation selon laquelle le revenu du contribuable pour 1996 était de 2 266 291 $ (403 219 $ plus 1 863 072 $). Le contribuable a interjeté appel, parce qu’il estimait que le montant de la nouvelle cotisation aurait dû s’élever à 1 663 293 $ (403 219 $ plus 1 260 074 $).

[72]  La Cour canadienne de l’impôt a annulé la nouvelle cotisation du ministre pour deux motifs. Premièrement, elle a conclu que l’interprétation du ministre n’était pas étayée par les faits. Les parties avaient entrepris des discussions en vue d’un règlement précisément parce qu’elles n’étaient pas d’accord sur la question de savoir si le revenu du contribuable en 1996 était de 1 260 074 $ tel que déclaré initialement, ou de 1 863 072 $ comme l’indiquait la nouvelle cotisation établie en 2007. Elles n’avaient jamais envisagé que le revenu du contribuable pour 1996 serait de plus de 1 863 072 $. Le deuxième motif était que, même si le contribuable avait convenu de faire l’objet d’une nouvelle cotisation de 2 266 291 $ pour l’année d’imposition 1996, une nouvelle cotisation pour ce montant ne reposait sur aucun fondement factuel ou juridique. Ainsi, une entente selon laquelle le contribuable a gagné un revenu de 2 266 291 $ en 1996 ne refléterait aucunement la réalité. Autrement dit, suivant l’interprétation que donnait le ministre aux modalités de l’entente dans l’affaire Bolton Steel, on obtenait un résultat se situant hors du cadre du différend initial entre les parties. En ce sens, la nouvelle cotisation faisait totalement [traduction« abstraction » des faits (Bolton Steel, par. 19).

[73]  En l’espèce, l’interprétation par le ministre de l’entente de règlement ne fait pas abstraction des faits. La position initiale des appelantes était que tous les frais à l’égard desquels une déduction était demandée étaient raisonnables. La position de l’ARC était qu’au moins une partie de ces frais était déraisonnable. Comme l’a indiqué le juge de la Cour canadienne de l’impôt, [TRADUCTION« il était loisible à l’ARC et aux appelantes en l’espèce de conclure une entente suivant laquelle une portion de certains frais serait considérée comme déraisonnable » (motifs du juge de la Cour canadienne de l’impôt, p. 62, lignes 6 à 9). C’est précisément l’objectif des modalités de leur entente de règlement, et elle se situe à l’intérieur du cadre des négociations entre les parties. Il s’ensuit que l’arrêt Bolton Steel n’est d’aucune utilité pour les appelantes.

[74]  Les appelantes soutiennent également que l’exigence de l’« entente fondée sur des principes » vise à veiller à ce que le ministre fasse preuve de « discipline ». Elle fait en sorte que le ministre ne peut forcer un contribuable à accepter une entente en le menaçant de faire l’objet d’une nouvelle cotisation considérablement plus élevée advenant son refus de l’accepter, parce que le règlement proposé et la « cotisation potentielle » ne sauraient tous deux se fonder sur des principes (mémoire des faits et du droit des appelantes, par. 110).

[75]  Je n’accepte pas cette thèse. Si le ministre devait agir de la sorte, le contribuable conservait le droit d’interjeter appel contre la « cotisation potentielle ». Les cotisations du ministre doivent dans tous les cas trouver un fondement juridique dans la LIR, peu importe qu’elles soient ou non fondées sur des ententes de règlement. En choisissant de régler le différend, ce n’est pas tant le risque que le ministre établisse une nouvelle cotisation plus onéreuse que le contribuable cherche à prévenir, mais plutôt celui que la « cotisation potentielle » ait un fondement factuel ou juridique suffisant pour résister à l’examen de la Cour canadienne de l’impôt.

[76]  Le dernier argument des appelantes porte sur le fait que l’entente de règlement ne peut être considérée comme une entente fondée sur des principes dans la mesure où elle s’applique aux appelantes parce qu’il n’a pas été question, en ce qui les concerne, du montant réel des frais déductibles. Mais cet argument ne tient pas compte d’un aspect essentiel de l’entente des parties : elle s’applique à l’ensemble des sociétés de personnes en commandite. Les parties ont fait le choix délibéré de ne pas arrêter des montants précis en ce qui concerne les appelantes puisque le but était de s’assurer que les différentes sociétés subissent toutes le même traitement fiscal.

[77]  Dans ses motifs, le juge de la Cour canadienne de l’impôt a déclaré n’avoir [TRADUCTION« aucune hésitation à conclure qu’il s’agit d’un règlement amiable fondé sur des principes et qui s’accorde avec les dispositions de la [LIR] et que notre Cour aurait pu rendre une décision dont l’issue aurait été semblable » (motifs du juge de la Cour canadienne de l’impôt, p. 63, lignes 25 à 28). Pour les motifs énoncés ci‑dessus, je souscris à la conclusion du juge de la Cour canadienne de l’impôt : les modalités de l’entente de règlement se fondent sur des principes et s’accordent avec la LIR. Par conséquent, l’entente de règlement est exécutoire.

D.  Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a‑t‑il donné des motifs suffisants pour permettre un contrôle valable de sa décision?

[78]  Les appelantes soutiennent que les motifs du juge de la Cour canadienne de l’impôt ne se prêtent pas à un contrôle valable (mémoire des faits et du droit des appelantes, par. 113 et 114).

[79]  La transcription sténographique des motifs du juge de la Cour canadienne de l’impôt semble omettre certaines notes en bas de page et des insertions qu’il a dictées lorsqu’il a rendu ses motifs oralement n’y figurent pas, mais, lorsqu’ils sont examinés dans leur ensemble, ils sont suffisamment complets pour permettre un contrôle valable. En outre, lors de l’audience devant notre Cour, les appelantes ont convenu que les erreurs ou lacunes que comporte selon elles la transcription ne sont pas, en soi, suffisantes pour accueillir l’appel. Étant donné mes conclusions précédentes quant aux conclusions du juge de la Cour canadienne de l’impôt en ce qui concerne l’interprétation de l’entente de règlement, l’accord des volontés et l’exigence que l’entente se fonde sur des principes, cet argument doit également être rejeté.

VIII.  Conclusion

[80]  Pour les motifs qui précèdent, je rejetterais l’appel avec dépens.

« Richard Boivin »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

J. D. Denis Pelletier j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Mary J.L. Gleason j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A‑168‑16

 

 

INTITULÉ :

UNIVERSITY HILL HOLDINGS INC. (AUPARAVANT CONNUE SOUS LE NOM DE 589918 B.C. LTD.) PACIFIC CASCADIA CAPITAL CORP. GLENELG PRODUCTIONS (2000) CORPORATION, EN SA QUALITÉ D’ASSOCIÉE DÉSIGNÉE DE GLENELG 2000‑2 MASTER LIMITED PARTNERSHIP SENTINEL HILL PRODUCTIONS (1999) CORPORATION, EN SA QUALITÉ D’ASSOCIÉE DÉSIGNÉE DE SENTINEL HILL NO. 29 LIMITED PARTNERSHIP SENTINEL HILL PRODUCTIONS (1999) CORPORATION, EN SA QUALITÉ D’ASSOCIÉE DÉSIGNÉE DE SENTINEL HILL NO. 30 LIMITED PARTNERSHIP SENTINEL HILL PRODUCTIONS (1999) CORPORATION, EN SA QUALITÉ D’ASSOCIÉE DÉSIGNÉE DE SENTINEL HILL NO. 31 LIMITED PARTNERSHIP SENTINEL HILL PRODUCTIONS III CORPORATION, EN SA QUALITÉ D’ASSOCIÉE DÉSIGNÉE DE SENTINEL HILL NO. 116 LIMITED PARTNERSHIP SENTINEL HILL PRODUCTIONS III CORPORATION, EN SA QUALITÉ D’ASSOCIÉE DÉSIGNÉE DE SENTINEL HILL NO. 155 LIMITED PARTNERSHIP SENTINEL HILL PRODUCTIONS III CORPORATION, EN SA QUALITÉ D’ASSOCIÉE DÉSIGNÉE DE SENTINEL HILL NO. 178 LIMITED PARTNERSHIP c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 11 septembre 2017

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE BOIVIN

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LA JUGE GLEASON

DATE DES MOTIFS :

Le 24 novembre 2017

 

COMPARUTIONS :

Me Robert W. Grant, c.r.

 

POUR LES APPELANTES

 

Me Robert Carvalho

Me Max Matas

 

POUR L’INTIMÉE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gall Legge Grant & Munroe LLP

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LES APPELANTeS

 

Nathalie G. Drouin

Sous‑procureure générale du Canada

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

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