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Date : 20171206


Dossier : A‑388‑15

Référence : 2017 CAF 238

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE STRATAS

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

CECIL PEREIRA (Ph. D.)

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

Audience tenue à Winnipeg (Manitoba), le 28 novembre 2017.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 6 décembre 2017.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE STRATAS

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE DE MONTIGNY

 


Date : 20171206

Dossier : A‑388‑15

Référence : 2017 CAF 238

CORAM :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE STRATAS

LE JUGE DE MONTIGNY

 

ENTRE :

CECIL PEREIRA (Ph. D.)

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE STRATAS

[1]  L’appelant interjette appel d’un jugement rendu le 13 mai 2015 par la Cour canadienne de l’impôt (le juge Paris). La Cour canadienne de l’impôt a confirmé la cotisation d’impôt établie au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.), pour l’année d’imposition 2013 de l’appelant.

[2]  La Cour canadienne de l’impôt a conclu que l’appelant avait à juste titre fait l’objet d’une cotisation avec intérêts, parce qu’il avait omis de payer les acomptes provisionnels obligatoires pour l’année d’imposition 2013. La Cour canadienne de l’impôt a conclu que l’appelant était effectivement tenu de payer des acomptes provisionnels d’impôt. Ne l’ayant pas fait à temps, il devait donc payer des intérêts.

[3]  À cet égard, la conclusion de la Cour canadienne de l’impôt est une question mixte de fait et de droit. À moins de pouvoir démontrer que la Cour de l’impôt a commis une erreur de droit ou a appliqué à tort un principe juridique isolable, l’appelant doit nous convaincre qu’une erreur manifeste et dominante vicie la conclusion de la Cour de l’impôt : Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235. L’erreur manifeste et dominante constitue une norme de contrôle commandant un degré élevé de retenue : Benhaim c. St‑Germain, 2016 CSC 48, [2016] 2 R.C.S. 352, par. 38, citant Canada c. South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165, 4 B.L.R. (5th) 31, par. 46.

[4]  L’appelant était‑il obligé de payer des acomptes provisionnels d’impôt pour l’année d’imposition 2013? La réponse à cette question est régie par l’alinéa 156.1(2)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu, qui dispose qu’un contribuable n’est pas obligé de payer des acomptes provisionnels si « l’impôt net à payer par le particulier pour l’année [en l’occurrence 2013], ou pour chacune des deux années d’imposition précédentes [en l’occurrence 2011 et 2012], ne dépasse pas le plafond des acomptes provisionnels qui lui est applicable pour l’année ». Le plafond des acomptes provisionnels en l’espèce est de 3 000 $.

[5]  L’appelant ne peut établir que l’une ou l’autre des situations prévues à l’alinéa 156.1(2)b) s’applique à lui :

  • Devant la Cour canadienne de l’impôt, l’appelant a reconnu que son impôt net à payer pour l’année d’imposition 2013 était supérieur à 3 000 $, à savoir 6 207,75 $.

  • La Cour canadienne de l’impôt n’a pas cherché à savoir si l’impôt net à payer par l’appelant pour 2011 ou 2012 était inférieur à 3 000 $. Cependant, selon l’hypothèse du ministre, que l’appelant n’a pas abordée, l’impôt net à payer par l’appelant pour l’année d’imposition 2011 était supérieur à 3 000 $ : voir la réponse, au point 7d).

[6]  Devant la Cour canadienne de l’impôt, l’appelant a affirmé qu’il avait été induit en erreur par les avis d’acomptes provisionnels qui lui avaient été envoyés par l’Agence du revenu du Canada. Il a affirmé que les avis indiquaient que son impôt net à payer pour 2013 ne s’élevait qu’à 2 888 $. Cependant, la Cour canadienne de l’impôt a conclu que les avis indiquaient que le montant de 2 888 $ représentait le total des acomptes provisionnels qu’il devait verser, et non l’impôt net à payer pour 2013. Par conséquent, à la lumière des faits, la Cour canadienne de l’impôt a conclu que les avis n’étaient pas trompeurs.

[7]  Je ne suis pas convaincu que la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur de droit, a appliqué à tort un principe juridique isolable ou a commis une erreur manifeste et dominante dans ses constatations ou ses conclusions.

[8]  Devant la Cour, l’appelant a aussi prétendu que l’audience devant la Cour canadienne de l’impôt était inéquitable sur le plan de la procédure. Il a souligné que la Cour canadienne de l’impôt lui avait demandé s’il avait communiqué ses documents à l’intimé sans demander à l’intimé s’il avait communiqué ses documents à l’appelant. À mon avis, ce n’était pas inéquitable sur le plan de la procédure. Je constate que l’intimé a présenté une seule pièce, et ce, en contre‑interrogatoire. Or, même dans le cadre d’une procédure plus formelle régie par les Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), DORS/90‑688a, ce type de document n’a pas à être communiqué à l’avance : voir le paragraphe 89(2). Je constate aussi qu’à l’audience devant la Cour canadienne de l’impôt, l’appelant n’a exprimé aucune préoccupation relative à l’iniquité procédurale et, à en juger par la transcription, il se sentait tout à fait libre de parler comme bon lui semblait. Ayant lu la transcription de l’audience tenue par la Cour canadienne de l’impôt, je conclus que l’audience était équitable sur le plan de la procédure, et ce, à tous égards.

[9]  Devant la Cour, l’appelant soulève de nouvelles questions et demande réparation à l’égard de celles‑ci.

[10]  L’analyse prend pour point de départ le principe selon lequel notre Cour doit se limiter aux questions soulevées dans l’avis d’appel déposé par l’appelant en l’espèce.

[11]  Dans la mesure où l’avis d’appel déposé en l’espèce soulève des questions qui n’ont pas été présentées à la Cour canadienne de l’impôt, notre Cour ne devrait ordinairement pas les considérer, surtout si elles reposent sur des faits et que la preuve au dossier est lacunaire : Quan c. Cusson, 2009 CSC 62, [2009] 3 R.C.S. 712; Performance Industries Ltd. c. Sylvan Lake Golf & Tennis Club Ltd., 2002 CSC 19, [2002] 1 R.C.S. 678. Le dossier dont nous sommes saisis, qui comprend la transcription complète de l’audience devant la Cour canadienne de l’impôt, n’est pas suffisant pour traiter des questions complémentaires qui nous ont été présentées par l’appelant. En l’espèce, notre Cour ne devrait pas traiter des questions qui n’ont pas été soumises à l’examen de la Cour canadienne de l’impôt.

[12]  Lors des plaidoiries, nous avons interrogé les parties sur les questions qui ont été soulevées devant la Cour canadienne de l’impôt. L’appelant prétend que les questions présentées à la Cour canadienne de l’impôt ne se limitaient pas à la seule question des acomptes provisionnels. L’intimé prétend que la Cour canadienne de l’impôt n’était saisie que de deux questions : une question sur la mesure d’exécution prise par l’Agence du revenu du Canada que la Cour canadienne de l’impôt n’avait pas compétence pour trancher, et la question des acomptes provisionnels d’impôt qui a fait l’objet d’une décision sur le fond par la Cour canadienne de l’impôt.

[13]  Pour les motifs ci‑après, je souscris aux arguments de l’intimé.

[14]  Devant la Cour canadienne de l’impôt, l’appelant n’a établi que deux motifs dans son avis d’appel. L’un des deux motifs était que l’Agence du revenu du Canada avait saisi la pension de l’appelant pendant le traitement de son appel.

[15]  La Cour canadienne de l’impôt n’avait pas compétence pour examiner ce motif. La Cour canadienne de l’impôt n’a compétence que pour examiner la validité d’une cotisation, et non les mesures d’exécution prises par l’Agence de revenu du Canada. Les décisions concernant l’exécution peuvent être contestées devant la Cour fédérale par voie de contrôle judiciaire, mais pas devant la Cour canadienne de l’impôt. Voir par exemple A&E Precision Fabricating and Machine Shop Inc. c. Canada, 2013 CAF 173, au paragraphe 9.

[16]  L’autre motif invoqué dans l’avis d’appel de l’appelant présenté à la Cour canadienne de l’impôt était le suivant : [traduction« un fait essentiel […] a été omis par [un agent de l’Agence du revenu du Canada], qui a porté 99 % de son attention sur des éléments qui n’étaient pas pertinents dans le contexte de la prétention [de l’appelant] selon laquelle, en 2013, les impôts ont été payés en entier et à temps. »

[17]  La Cour canadienne de l’impôt a caractérisé ce motif comme n’étant lié qu’à la question des acomptes provisionnels d’impôt.

[18]  Ce faisant, la Cour canadienne de l’impôt a dit à l’appelant, au début de l’audience, que la question des acomptes provisionnels d’impôt était la seule question en litige, ce que l’appelant a semblé accepter. Voir la transcription de l’audience à la page 5, aux lignes 8 à 19.

[19]  D’autres éléments corroborent la caractérisation faite par la Cour canadienne de l’impôt. Le témoignage de l’appelant devant la Cour canadienne de l’impôt portait principalement sur la question des acomptes provisionnels d’impôt, à l’exclusion de toute autre question. C’est seulement plus tard dans son témoignage que l’appelant a abordé sommairement une question liée à la propriété et à la location de biens étrangers. Cependant, dans ses observations à la fin de l’audience, l’appelant s’est limité à la question des acomptes provisionnels d’impôt. Lorsque la Cour canadienne de l’impôt lui a demandé, à la fin de ses observations, s’il avait quelque chose à ajouter, il a répondu par la négative.

[20]  Enfin, et plus important encore, l’appelant a reconnu devant la Cour canadienne de l’impôt que son impôt net à payer pour l’année d’imposition 2013 était celui indiqué par le ministre dans la cotisation, à savoir 6 207,75 $ : dossier d’appel, p. 7. Il ne peut être reproché à la Cour canadienne de l’impôt d’avoir conclu que le revenu imposable de l’appelant avait été correctement établi, ce qui ne laissait que la question des intérêts sur les acomptes provisionnels à trancher.

[21]  Le dossier qui nous a été présenté laisse penser que l’appelant pourrait avoir confondu l’année d’imposition 2013, qui est en cause ici, avec d’autres années d’imposition. Par exemple, à un moment donné pendant l’audience devant la Cour canadienne de l’impôt, l’appelant a fait référence à son revenu en se servant des montants qui se trouvaient dans son avis de cotisation pour l’année d’imposition 2010, et non 2013.

[22]  Dans l’ensemble, je ne vois aucune raison de modifier la caractérisation faite par la Cour canadienne de l’impôt selon laquelle ce motif d’appel est limité à la question des acomptes provisionnels d’impôt. La caractérisation par la Cour canadienne de l’impôt repose sur des faits et est fondée sur les documents qui lui ont été présentés et sur son évaluation des réponses et des réactions verbales et non verbales de l’appelant aux questions et aux commentaires qu’elle a formulés durant l’audience. En l’absence d’erreur manifeste et dominante — et aucune erreur de cette nature n’a été démontrée en l’espèce —, il nous est impossible de rejeter cette qualification.

[23]  Par conséquent, pour les motifs qui précèdent, je rejetterais l’appel avec dépens. La Couronne demande ses dépens. Les dépens devraient suivre l’issue de l’instance. Par conséquent, j’adjugerais les dépens à la Couronne. Dans les circonstances, je fixerais le montant global des dépens à 500 $.

« David Stratas »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

J.D. Denis Pelletier, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Yves de Montigny, j.c.a. »

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A‑388‑15

APPEL D’UN JUGEMENT RENDU LE 13 MAI 2015 PAR LE JUGE B. PARIS, DOSSIER No 2015‑203(IT)I

INTITULÉ :

CECIL PEREIRA (Ph. D.) c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

WINNIPEG (MANITOBA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 28 novembre 2017

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE STRATAS

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE PELLETIER

LE JUGE DE MONTIGNY

DATE DES MOTIFS :

LE 6 DÉCEMBRE 2017

COMPARUTIONS :

Cecil Pereira (Ph.D.)

 

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Neil Goodridge

 

POUR L’intimé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous‑procureure générale du Canada

POUR L’intimé

 

 

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