Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20171213


Dossier : A-231-17

Référence : 2017 CAF 246

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE STRATAS

LE JUGE RENNIE

 

 

ENTRE :

TIMOTHY E. LEAHY

appelant

et

LE MINISTRE DE LA JUSTICE

intimé

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 12 décembre 2017.

Jugement rendu à Toronto (Ontario), le 13 décembre 2017.

MOTFIS DU JUGEMENT :

LA JUGE DAWSON

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE RENNIE

 


Date : 20171213


Dossier : A-231-17

Référence : 2017 CAF 246

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LE JUGE STRATAS

LE JUGE RENNIE

 

 

ENTRE :

TIMOTHY E. LEAHY

appelant

et

LE MINISTRE DE LA JUSTICE

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE DAWSON

[1]  L’appelant a déposé un avis de demande à la Cour fédérale, dans lequel il sollicitait :

1.  une ordonnance de la nature d’un bref de prohibition contre le ministère de la Justice, qui interdirait à ses représentants de demander l’intervention du Barreau du Haut‑Canada dans le litige;

2.  une ordonnance enjoignant aux représentants de l’intimé, qui cherchent à empêcher M. Leahy de comparaître devant les Cours fédérales, de se conformer aux Règles des Cours fédérales et de présenter une requête, et non d’envoyer une directive par télécopieur à des juristes complices, qui font consciencieusement ce qu’on leur demande de faire;

3.  une ordonnance de la nature d’un jugement déclaratoire établissant que Timothy E. Leahy, en vertu du paragraphe 11(2) de la Loi sur les Cours fédérales et de l’autorisation que la Cour d’appel de l’Ontario lui a donnée le 22 mars 1991 de comparaître à titre d’avocat devant les tribunaux de l’Ontario, peut comparaître à titre d’avocat devant la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale;

4.  une ordonnance adjugeant des dépens d’au moins 25 000 $ au demandeur;

5.  toute autre réparation que la Cour juge estimera convenable et juste.

[2]  L’intimé a ensuite présenté une requête en vue d’obtenir une ordonnance radiant l’avis de demande et rejetant la demande au motif que la Cour fédérale n’avait pas compétence pour accorder la réparation demandée et que la demande constituait un abus de procédure.

[3]  Par ordonnance datée du 31 juillet 2017, la Cour fédérale a radié la demande sans autorisation de la modifier (dossier de la Cour T-720-17). L’appelant interjette maintenant appel de l’ordonnance de la Cour fédérale.

[4]  Je suis d’accord avec l’appelant pour dire que l’ordonnance de la Cour fédérale ne peut pas être confirmée sur le fondement des motifs qu’elle a formulés. Par exemple, la réparation demandée était prospective et, par conséquent, il ne s’agissait pas d’une contestation collatérale des directives précédemment émises dans d’autres dossiers de la Cour. Je ne vois pas non plus en quoi l’article 302 des Règles des Cours fédérales empêchait l’appelant [traduction] « de solliciter de nombreuses ordonnances à l’égard de la réparation demandée ». En outre, la Cour fédérale n’a pas examiné expressément la demande de jugement déclaratoire.

[5]  L’article 119 des Règles des Cours fédérales autorise une personne physique à se représenter devant les Cours fédérales ou à se faire représenter par un avocat. Selon les articles 120 et 121 des Règles, les entités comme les sociétés ou les parties n’ayant pas la capacité d’ester en justice doivent en règle générale se faire représenter par un avocat. Le terme « avocat » est défini à l’article 2 comme toute personne visée au paragraphe 11(3) de la Loi sur les Cours fédérales, à savoir une personne qui exerce à titre d’avocat ou de procureur devant la Cour fédérale ou la Cour d’appel fédérale. L’appelant fait valoir qu’il est autorisé à comparaître pour le compte d’autres personnes devant la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale. L’intimé n’a pas démontré en quoi la Cour fédérale n’avait pas compétence pour décider si l’appelant est une personne visée au paragraphe 11(3) de la Loi sur les Cours fédérales ou en quoi le fait que l’appelant fasse valoir ce droit constitue un abus de procédure.

[6]  La Cour peut prononcer un jugement déclaratoire lorsqu’une partie établit que :

a Cour a compétence sur l’objet du litige;

  • la question dont la Cour est saisie est réelle et non théorique;

  • la partie qui soulève la question a véritablement intérêt à la soulever.

(Canada (Premier ministre) c. Khadr, 2010 CSC 3, [2010] 1 R.C.S. 44, au paragraphe 46, Canada (Affaires indiennes) c. Daniels, 2014 CAF 101, [2014] 4 R.C.F. 97, aux paragraphes 62 à 79).

[7]  La Cour fédérale a déjà ordonné la suspension des procédures jusqu’à ce que les demandeurs indiquent s’ils avaient l’intention d’agir seuls ou d’être représentés par un avocat et non par l’appelant. Compte tenu de ces faits, je suis convaincu que le droit de l’appelant de comparaître devant la Cour fédérale est une question réelle et non théorique, et que l’appelant à véritablement intérêt à soulever cette question. Par cette conclusion, je ne me prononce en rien sur le bien‑fondé de l’argument de l’appelant. La seule question que la Cour doit trancher est celle de savoir si la demande de l’appelant aurait dû être radiée.

[8]  Cela dit, je souscris à la conclusion tirée par la Cour fédérale à l’égard de la demande de bref de prohibition et de ce qu’on peut qualifier de demande d’injonction mandatoire.

[9]  En ce qui concerne le bref de prohibition demandé qui interdirait aux fonctionnaires du ministère de la Justice [traduction] « de demander l’intervention du Barreau du Haut‑Canada dans le litige », les articles 119 à 121 des Règles traduisent le droit incontestable de la Cour fédérale de déterminer qui peut comparaître devant elle en qualité d’avocat. Aucun plaideur ne peut légalement être privé du droit de vérifier les faits provenant d’un barreau pour pouvoir formuler des observations à la Cour sur l’applicabilité des articles 119 à 121 des Règles.

[10]  De même, notre Cour ne peut interdire aux plaideurs, ou à une catégorie de plaideurs, de demander des directives au lieu de présenter un dossier de requête comme l’autorisent les Règles. C’est à l’officier de justice qui reçoit une telle demande de directives d’en examiner le caractère adéquat.

[11]  Enfin, l’appelant a allégué la partialité de la Cour fédérale, mais cette allégation était sans fondement. La Cour suprême a prévenu qu’alléguer la partialité « est une décision sérieuse qu’on ne doit pas prendre à la légère » (R. c. S. (R.D.), [1997] 3 R.C.S. 484, 151 D.L.R. (4e) 193, au paragraphe 113). Les allégations infondées de partialité causent un préjudice à l’administration de la justice et risquent d’éclipser des arguments bien fondés. Il est à espérer que l’appelant s’abstiendra de soulever de telles allégations à l’avenir.

[12]  Il s’ensuit que j’accueillerais l’appel en partie et que j’annulerais l’ordonnance de la Cour fédérale, y substituant une ordonnance radiant uniquement les première et deuxième mesures de réparation demandées et permettant que la demande de jugement déclaratoire suive son cours. Pour l’application de l’article 306 des Règles, j’estime que le délai devrait commencer à courir à compter de la date du jugement de la Cour. Comme l’appelant a réussi à faire annuler l’ordonnance visant la radiation de sa demande dans son intégralité, je lui adjugerais des dépens de 500 $, débours et taxes compris, tant en appel qu’en première instance.

[13]  Comme le commissaire à la vie privée a indiqué qu’il n’y a aucun nouveau dossier de communications entre le ministère de la Justice et le Barreau du Haut‑Canada, il n’est pas nécessaire de trancher la demande de divulgation additionnelle de l’appelant.

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

David Stratas, j.c.a »

« Je suis d’accord.

Donald J. Rennie, j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-231-17

 

 

INTITULÉ :

TIMOTHY E. LEAHY c.

LE MINISTRE DE LA JUSTICE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 12 DÉcembrE 2017

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE DAWSON

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 13 DÉCEMBRE 2017

 

COMPARUTIONS :

Timothy E. Leahy

 

POUR L’APPELANT

 

Shain Widdifield

 

POUR L’INTIMÉ

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

POUR L’INTIMÉ

 

 

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