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Date : 20180109

Dossier : A-392-16

Référence : 2018 CAF 3

CORAM :

LE JUGE EN CHEF NOËL

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE DE MONTIGNY

 

entre :

GUY GERVAIS

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Montréal (Québec), le 14 novembre 2017.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 9 janvier 2018.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE EN CHEF NOËL

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE DE MONTIGNY



Date : 20180109


Dossier : A-392-16

Référence : 2018 CAF 3

CORAM :

LE JUGE EN CHEF NOËL

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE DE MONTIGNY

 

ENTRE :

GUY GERVAIS

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE EN CHEF NOËL

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté par Guy Gervais (M. Gervais ou l’appelant) à l’encontre d’une décision rendue par le juge Jorré de la Cour canadienne de l’impôt (le juge de la CCI) confirmant le bien-fondé de cotisations émises par la Ministre du Revenu national (la Ministre) en vertu de la règle générale anti-évitement (RGAÉ) prévue au paragraphe 245 de Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (la LIR) pour les années d’imposition 2002, 2003 et 2004. Ces cotisations ont eu pour effet de reconfigurer les conséquences fiscales découlant d’une vente d’actions en attribuant à l’appelant un gain en capital de l’ordre de 500 000$ qui avait été réalisé par son épouse, Mme Gendron.

[2]               Au soutien de son appel, l’appelant prétend que la RGAÉ n’est pas applicable en l’espèce puisqu’aucune des conditions préalables à l’application de cette règle ne fut satisfaite. Il avance qu’en concluant autrement, le juge de la CCI a commis plusieurs erreurs de droit déterminantes.

[3]               Pour les motifs exposés ci-après, je suis d’avis qu’aucune erreur de cette nature n’a été démontrée et que l’appel devrait être rejeté.

[4]               Les dispositions législatives pertinentes à l’analyse sont reproduites en annexe aux présents motifs.

LES FAITS PERTINENTS

[5]               Les faits sont décrits dans l’entente partielle sur les faits produite par les parties, et se dégagent aussi de la preuve dont le juge de la CCI fait état de façon détaillée dans le cadre de ses motifs (motifs, paragraphes 27 à 80), il n’est pas nécessaire d’en faire la récitation. Il suffit pour nos fins de s’en tenir au résumé qui suit.

[6]               L’appelant et son frère, Mario Gervais, étaient actionnaires de Vulcain Alarme Inc. (Vulcain) jusqu’en 2002, année pendant laquelle ils ont reçu une offre d’achat de BW Technologies Ltd. (BW Technologies), une société non liée. L’offre fut acceptée le ou avant le 22 septembre 2002. Au moment de son acceptation, le capital-actions détenu par M. Gervais comprenait notamment 790 000 actions ordinaires de catégorie « A ».

[7]               Sachant qu’une vente aura lieu, M. Gervais et son épouse ont consulté un cabinet d’avocats afin d’être éclairés à l’égard des conséquences fiscales de la vente envisagée et aussi quant à la façon d’acheminer vers elle un montant de l’ordre de 1 000 000$ à même le produit de la vente, en reconnaissance de sa contribution à l’entreprise au fil des années. C’est dans le seul but d’avantager son épouse de la sorte que l’appelant et cette dernière prétendent avoir entrepris les opérations décrites ci-après.

[8]                D’abord, le 26 septembre 2002, un remaniement du capital-actions de Vulcain fut autorisé et les 790 000 actions ordinaires que détenait M. Gervais furent converties en 2 087 778 actions privilégiées de catégorie « E ».

[9]               Ce même jour, M. Gervais a vendu à Mme Gendron 1 043 889 des 2 087 778 actions privilégiées qu’il détenait pour la somme de 1 043 889$, soit 1$ l’action. À l’égard de cette vente, M. Gervais a exercé le choix d’exclure le roulement prévu au paragraphe 73(1) de la LIR. Ainsi, le prix de base rajusté (PBR) des actions étant de 43 889$, il a réalisé un gain en capital de 1 000 000$. L’exercice de ce choix a aussi fait en sorte que le PBR des actions achetées par Mme Gendron était égal au prix inscrit au contrat, soit 1 043 889$ ou 1$ l’action. Il est établi de part et d’autre que ce prix coïncide avec la juste valeur marchande des actions vendues puisqu’il est en fonction de l’offre d’achat de BW Technologies telle qu’elle fut éventuellement acceptée.

[10]           Le 30 septembre 2002, M. Gervais a transféré à Mme Gendron les 1 043 889 actions privilégiées lui restant, cette fois-ci par voie de donation. Il a, à l’égard de ce deuxième transfert, donné effet au roulement prévu au paragraphe 73(1) de la LIR en choisissant de ne pas l’exclure. Le transfert des actions fut donc réputé avoir eu lieu pour un prix égal au PBR des actions entre les mains de M. Gervais – c.-à-d. : 43 889$ – et Mme Gendron fut réputé les avoir acquises pour ce même prix.

[11]           Le 7 octobre 2002, Mme Gendron a vendu la totalité des actions qu’elle détenait – c.-à-d. : 2 087 778 – à BW Technologies pour la somme de 2 087 778$. Puisque les actions avaient un PBR différent et étaient des biens identiques au sens du paragraphe 47(1), leur PBR fut déterminé en fonction de leur coût moyen, soit 1 087 778$.

[12]           Mme Gendron a donc réalisé un gain en capital de 1 000 000$, dont 500 000$ était imposable. Compte tenu du roulement qui avait eu lieu en vertu du paragraphe 73(1) à l’égard des actions données, l’article 74.1 de la LIR a eu pour effet d’attribuer à M. Gervais partie du gain en capital imposable réalisée par Mme Gendron. En conséquence, la moitié du gain imposable réalisée par Mme Gendron suite à la vente des actions qui lui avaient été données – c.-à-d. : 250 000$ – fut attribué à M. Gervais laissant l’autre moitié entre les mains de Mme Gendron.

[13]           L’aboutissement ultime est que partie du gain en capital qui aurait été réalisée par M. Gervais s’il avait vendu les actions sans l’interposition de son épouse, fut réalisée par elle, donnant ainsi à cette dernière l’occasion de réclamer l’exonération à vie pour gain en capital de l’ordre de 250 000$ prévue au paragraphe 110.6(2.1) de la LIR.

[14]           En cotisant M. Gervais en vertu de la RGAÉ, la Ministre a reconfiguré les conséquences fiscales découlant de ces opérations en lui attribuant le gain en capital imposable de 250 000$ qu’avait réalisé son épouse suite à la vente à BW Technologies.

DÉCISION DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT

[15]           Le juge de la CCI a conclu que les trois conditions requises pour donner lieu à l’application de la RGAÉ ont été remplies et que la Ministre a eu raison d’attribuer à M. Gervais le gain en capital réalisé par son épouse en s’appuyant sur l’article 245.

[16]           Il s’est d’abord demandé si la série d’opérations avait procuré à M. Gervais un avantage fiscal. Selon l’affaire Copthorne Holdings Ltd. c. Canada, 2011 CSC 63, [2011] 3 R.C.S. 721 [Copthorne], la présence d’un avantage fiscal se démontre en comparant ce qui aurait pu raisonnablement être fait par le contribuable avec ce qui fut fait. S’inspirant de cette approche, le juge de la CCI a constaté qu’au lieu de vendre les actions qu’il détenait directement à BW Technologies, comme il aurait pu le faire, M. Gervais a mis en place une structure qui lui a permis d’éviter l’impôt sur la moitié du gain en capital qui fut éventuellement réalisé. La série d’opérations lui a donc procuré un avantage fiscal.

[17]           Dans un deuxième temps, le juge de la CCI s’est demandé s’il y avait eu une opération d’évitement. L’appelant a fait valoir sur ce plan que le but recherché par la série d’opérations était non fiscal puisque le seul objectif était d’avantager Mme Gendron pour sa contribution non rémunérée à l’entreprise au cours des années. Le juge de la CCI a rejeté cet argument. Il a d’abord identifié le remaniement du capital-actions, la vente du premier bloc d’actions, la donation subséquente d’un deuxième bloc d’actions et la vente des actions à BW Technologies comme faisant partie de la série d’opérations. Selon lui, chacune de ces opérations fut programmée d’avance afin de produire le résultat recherché. Par ailleurs, la série d’opérations en était une d’évitement puisque l’une des étapes – c.-à-d. : celle de la vente à son épouse – n’aurait pas été nécessaire si le seul objet véritable était d’avantager Mme Gendron. S’appuyant sur l’arrêt Copthorne, le juge de la CCI a conclu que l’absence d’un objet véritable à l’égard de l’une des étapes que comporte la série était suffisante pour conclure à l’existence d’une série d’opérations d’évitement (Copthorne au paragraphe 40).

[18]           En ce qui a trait au caractère abusif de la série d’opérations, le juge de la CCI s’en est remis à la décision de la Cour suprême dans l’affaire Lipson c. Canada, 2009 CSC 1, [2009] 1 R.C.S. 3 [Lipson]. Selon cette décision, l’objet du paragraphe 73(1) est de reporter le gain ou la perte découlant d’un transfert de bien entre époux et les articles 74.1 et 74.5 sont des règles d’anti-évitement spécifiques qui ont pour objectif d’empêcher des époux de tirer bénéfice de leur lien de dépendance, en fractionnant leur revenu.

[19]           Fort de cette analyse, le juge de la CCI a conclu que la raison d’être du paragraphe 74.2(1) avait été contrecarrée du fait qu’un gain en capital qui devait être le sien fut fractionné en deux et partagé avec son épouse, chose que cette disposition a pour objectif d’empêcher.

POSITION DES PARTIES

-           L’appelant

[20]           L’appelant prétend que le juge de la CCI a commis une erreur de droit déterminante en arrivant à sa conclusion que la RGAÉ s’applique en l’espèce. Plus précisément, il prétend qu’aucun des trois critères nécessaires pour donner lieu à l’application de la RGAÉ n’a été établi.

[21]           À l’égard de l’avantage fiscal, l’appelant avance que ce n’est pas lui qui a bénéficié d’un avantage fiscal, mais plutôt son épouse, Mme Gendron (mémoire de l’appelant, paragraphes 26, 27). C’est elle qui a réussi à éviter l’impôt exigible sur le gain en capital imposable qu’elle a réalisé en utilisant son exonération. Or, ce résultat s’est produit conformément à la loi (mémoire de l’appelant, paragraphe 29).

[22]           En ce qui concerne l’opération d’évitement, l’appelant insiste sur le fait que le juge de la CCI a convenu que les parties ont entrepris la série d’opérations afin de reconnaître la contribution qu’a faite Mme Gendron à l’entreprise en lui accordant une partie du produit de la vente (mémoire de l’appelant, paragraphes 35, 38). Ceci étant un objet véritable, il est erroné de conclure qu’il y a eu une série d’opérations d’évitement (mémoire de l’appelant, paragraphe 46). Par ailleurs, la conclusion à l’effet que la vente était non nécessaire si le seul but était d’avantager Mme Gendron va à l’encontre du principe bien établi que le contribuable peut organiser ses affaires de façon à minimiser son fardeau fiscal (mémoire de l’appelant, paragraphes 43, 44).

[23]           Enfin, l’appelant prétend qu’aucune disposition de la loi n’a fait l’objet d’un abus. Le paragraphe 73(1) envisage un choix que le contribuable exercera, sans doute, de la façon qui lui est le plus favorable; l’exercice de ce choix ne peut en soi être abusif (mémoire de l’appelant, paragraphes 52, 53). Étant donné que les articles 74.1 à 75.5 ne s’appliquent pas en l’espèce, ils ne peuvent non plus faire l’objet d’un abus (mémoire de l’appelant, paragraphe 55). D’autre part, le paragraphe 47(1) s’applique de façon automatique de sorte qu’il avait le droit d’en bénéficier (mémoire de l’appelant, paragraphe 56).

[24]           L’appelant termine son argument en affirmant que les conclusions tirées de l’arrêt Lipson sont erronées puisque cette affaire traitait d’« opérations clairement prohibées par la loi » alors que celles qui sont en cause ici sont « permise[s] par la loi » (mémoire de l’appelant, paragraphe 60). Le simple fait d’avoir minimisé les impôts qui auraient été par ailleurs payables ne saurait constituer un abus (mémoire de l’appelant, paragraphe 64).

-           L’intimée

[25]           Selon l’intimée, c’est à bon droit que le juge de la CCI a conclu à l’existence d’un avantage fiscal. L’appelant aurait pu vendre ses actions directement à BW Technologies sans l’interposition de son épouse ou les lui donner, auquel cas il aurait réalisé un gain en capital de 2 000 000$ (mémoire de l’intimée, paragraphe 38). La série d’opérations a permis à l’appelant de fractionner le gain en capital réduisant ainsi la partie imposable entre ses mains, ce qui lui confère un avantage fiscal (mémoire de l’intimée, paragraphe 41).

[26]           L’intimée fait aussi valoir que le remaniement du capital-actions, la vente, la donation, le choix effectué sous le régime du paragraphe 73(1) et l’utilisation du mécanisme prévu à l’article 47 constituent une série d’opérations d’évitement dont découle l’avantage fiscal puisque, comme le juge de la CCI l’a constaté, chacune de ces opérations était programmée à l’avance afin de produire le résultat recherché (mémoire de l’intimée, paragraphes 43, 44). Sur ce plan, c’est à bon droit que le juge de la CCI a conclu que la vente par l’appelant des actions à son épouse n’était pas requise pour avantager Mme Gendron (mémoire de l’intimée, paragraphe 48), ce qui suffit pour qualifier les opérations à même la série d’opérations d’évitement (mémoire de l’intimée, paragraphe 49).

[27]           Finalement, l’intimée est d’avis que l’arrêt Lipson est déterminant en l’espèce puisqu’il cerne l’objet et l’esprit des paragraphes 73(1) et 74.1 à 74.5 (mémoire de l’intimée, paragraphe 54). À cet égard, le fait que M. Gervais n’ait été imposé que sur partie du gain en capital réalisée suite à la vente à BW Technologies contrecarre l’objet et l’esprit du paragraphe 73(1). Cette disposition envisage le report de l’impôt payable, mais non pas son élimination (mémoire de l’intimée, paragraphe 60). Par ailleurs, les paragraphes 74.2(1) et 74.5(1) ont été utilisés afin de permettre à l’appelant de fractionner le gain en capital entre lui et son épouse, ce qui va à l’encontre de l’objet et l’esprit de ces dispositions (mémoire de l’intimée, paragraphes 61 à 63).

NORME DE RÉVISION

[28]           Pour que la RGAÉ s’applique, il doit y avoir un avantage fiscal issu d’une opération d’évitement avec pour résultat un abus d’une ou plusieurs dispositions de la loi : Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601 au paragraphe 17 [Trustco]. L’existence ou non d’un avantage fiscal ou d’une série d’opérations d’évitement soulève une question de fait et les conclusions tirées à l’égard de ce type de questions ne seront renversées qu’au cas où le tribunal de première instance a commis une erreur manifeste et dominante (Trustco aux paragraphes 19, 44; Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235 au paragraphe 10 [Housen]). L’analyse globale portant sur l’abus donne lieu à une question mixte de fait et de droit puisqu’elle implique l’application des dispositions de la loi aux faits (Trustco au paragraphe 44). Cependant, l’interprétation de la loi doit mener à celle qui est la bonne et est donc assujettie à la norme de la révision correcte (Trustco au paragraphe 44; Housen au paragraphe 8).

LES DISPOSITIONS STATUTAIRES EN CAUSE

[29]           Avant d’aborder l’analyse comme telle, il y a lieu de revoir brièvement les principales dispositions invoquées par l’appelant afin d’engendrer le résultat fiscal obtenu.

[30]           Les alinéas 69(1)b) et c) de la LIR prévoient que lorsqu’il y a transfert de bien entre personnes ayant un lien de dépendance – incluant des époux ou conjoints de fait – pour un prix qui ne correspond pas à la juste valeur marchande du bien transmis, l’auteur du transfert et son bénéficiaire sont respectivement réputés avoir disposé et acquis le bien pour une contrepartie égale à cette juste valeur marchande avec les conséquences fiscales que ceci emporte.

[31]           Les règles d’attribution prévues aux articles 73 à 74.5 (les règles d’attribution) permettent à des époux de déroger à cette règle. Dans un premier temps, le paragraphe 73(1) fait en sorte que lorsque le transfert a lieu entre époux ou conjoints de fait, la réalisation d’un gain ou d’une perte, selon le cas, est différée par le jeu d’un roulement jusqu’à ce que le bien en question soit vendu à l’extérieur de la cellule familiale, auquel moment le paragraphe 74.2(1) attribue le gain ou la perte réalisé à l’auteur du transfert.

[32]           L’application des règles d’attribution peut cependant être écartée lorsque le transfert a lieu pour un prix au moins égal à la juste valeur marchande du bien transmis et l’auteur du transfert exerce le choix prévu au paragraphe 73(1) à cette fin dans sa déclaration de revenus (paragraphe 74.5(1)). En l’espèce, l’appelant a effectué ce choix à l’égard des actions vendues à son épouse, mais pas à l’égard des actions données, de sorte que les règles d’attribution ne se sont appliquées qu’aux actions transmises par voie de la donation.

[33]           Par ailleurs, les actions vendues et données à Mme Gendron étant des biens identiques et comportant un PBR différent, le mécanisme du paragraphe 47(1) est intervenu de sorte que le PBR des 2 087 778 actions vendues à BW Technologies a été réputé établi en fonction de leur coût moyen plutôt qu’en fonction de leur coût réel. Comme le souligne le juge de la CCI, ce paragraphe a pour seul but de faciliter le calcul d’un gain (ou d’une perte) issu de la vente de biens identiques, l’idée étant, qu’une fois tous vendus, le résultat serait le même que le calcul de leur PBR soit effectué en fonction de leur coût réel ou de la moyenne de leurs coûts.

[34]           Il n’est pas contesté, compte tenu de l’application des dispositions sous-tendant les opérations que comporte la série, qu’un gain en capital imposable de 500 000$ fut réalisé par Mme Gendron suite à la vente des actions qu’elle détenait à BW Technologies, dont la moitié est imposable entre les mains de Mme Gendron et l’autre entre les mains de M. Gervais. Il n’est pas non plus contesté que si le gain est le sien, Mme Gendron était en droit de réclamer la déduction pour gain en capital prévue à l’alinéa 110.6(2.1).

[35]           L’effet des cotisations émises à l’encontre de M. Gervais en vertu de l’article 245 de la LIR est de lui attribuer le gain en capital imposable réalisé par Mme Gendron, augmentant ainsi l’impôt payable par ce dernier et soutirant par le fait même à Mme Gendron l’occasion d’utiliser son exonération pour gain en capital.

ANALYSE ET DISPOSITION

[36]           Au soutien de son appel, M. Gervais fait valoir que le juge de la CCI a commis une erreur de droit déterminante à chacune des trois étapes de son analyse, soit en jugeant que la planification a donné lieu à un avantage fiscal, que la série d’opérations ne fut pas engagée pour des objets véritables et non fiscaux et qu’il y a eu utilisation abusive des dispositions législatives sur lesquelles se fonde la série d’opérations.

[37]           Quant à la première, il soutient que la série d’opérations ne l’a pas avantagé sur le plan fiscal. C’est plutôt Mme Gendron qui aurait été avantagée. L’appelant ajoute que, même là, il est faux de prétendre que Mme Gendron a évité de payer l’impôt. Elle était redevable de l’impôt payable sur la partie du gain en capital imposable qu’elle a réalisée et a simplement utilisé la déduction qu’elle était en droit de réclamer selon les termes du paragraphe 110.6(2.1).

[38]           Somme toute, « l’avantage fiscal économique » en faveur de Mme Gendron ne saurait constituer un avantage fiscal prohibé au sens de l’article 245 de la LIR, et à tout événement, ne peut constituer un avantage fiscal au profit de l’appelant.

[39]           En mettant cet argument de l’avant, M. Gervais fait fi de la conclusion tirée par le juge de la CCI à l’effet qu’il a été personnellement avantagé puisqu’il a évité de payer l’impôt sur la partie du gain en capital qui aurait autrement été le sien s’il avait disposé de ses actions sans l’interposition de Mme Gendron (motifs, paragraphes 96, 114). L’appelant n’explique d’aucune façon en quoi cette conclusion serait erronée.

[40]           Dans un deuxième temps, M. Gervais soutient qu’il n’y a pas eu d’opérations d’évitement puisque la série fut engagée principalement pour des objets véritables et non fiscaux. À cet égard, l’appelant souligne le fait que la donation en faveur de Mme Gendron fut effectuée en reconnaissance de sa contribution à l’entreprise au cours des années, chose que le juge de la CCI a reconnue (motifs, paragraphe 112).

[41]           Toutefois, comme l’explique le juge de la CCI, cet objectif coexistait avec celui de réduire l’impôt de sorte que l’analyse doit être poussée plus loin (motifs, paragraphes 112, 113). En effet, citant l’affaire Copthorne au paragraphe 40, le juge de la CCI a précisé qu’il suffit que l’une des opérations de la série soit effectuée principalement pour obtenir un avantage fiscal pour donner lieu à une opération d’évitement (motifs, paragraphe 113). En l’occurrence, la vente des actions par l’appelant à son épouse ne peut s’expliquer autrement que par la recherche d’un avantage fiscal. Il y a donc eu opération d’évitement (motifs aux paragraphes 114, 115). Cette conclusion ne révèle aucune erreur.

[42]           En troisième lieu, M. Gervais prétend que même s’il y a eu opération d’évitement, elle ne peut être qualifiée d’abusive (mémoire de l’appelant, paragraphes 48 à 69). Plus précisément, aucune des dispositions invoquées pour mettre en œuvre les opérations n’a été utilisée afin d’obtenir un résultat que ces dispositions visent à empêcher ou vont à l’encontre de leur objet et leur esprit.

[43]           Ce disant, M. Gervais s’attaque à la conclusion du juge de la CCI à l’effet qu’il y a eu utilisation abusive des règles d’attribution, notamment le paragraphe 74.2(1) de la LIR. Selon M. Gervais, le juge de la CCI, dans le cadre de son analyse textuelle, contextuelle et téléologique des dispositions en cause, a mal saisi leur raison d’être.

[44]           L’essentiel de l’analyse effectuée par le juge de la CCI sur ce plan est confiné aux trois paragraphes qui suivent :

[134] Quand on tient compte à la fois des paragraphes 73(1), 74.2(1) et 74.5(1), l’économie de la Loi veut donc que lorsqu’un individu transfère un bien à son époux ou conjoint de fait, il peut y avoir report de l’impôt92 exigible par ailleurs. S’il y a report, au moment où l’époux ou le conjoint de fait dispose du bien, il y aura attribution du gain en capital imposable à l’individu qui a fait le transfert93.

92 Il y a un roulement et, en conséquence, un report d’impôt, à moins que l’individu qui fait le transfert fasse le choix de ne pas avoir de roulement.

93 Comme la Cour suprême l’a dit dans l’arrêt Lipson, 2009 CSC 1, l’objet et l’esprit des règles d’attribution visent spécifiquement à empêcher que des époux tirent profit de leur lien de dépendance afin de réduire leur impôt exigible.

[135] Ici, on doit considérer toutes les circonstances entourant la série : le recours aux transferts des deux blocs d’actions de catégorie « E », un bloc par vente et un bloc par donation, le choix de ne pas faire de roulement quant aux actions vendues à Mme Gendron, le choix de permettre le roulement quant aux actions données à Mme Gendron avec le résultat que le paragraphe 47(1) de la Loi s’applique au moment où Mme Gendron vend ses actions. Il est évident que ce résultat donne lieu à un résultat que le paragraphe 74.2(1) vise à empêcher et qui contrecarre l’objet du paragraphe 74.2(1) et l’économie de la Loi en évitant l’attribution d’une partie du gain en capital imposable à M. Gervais qui aurait normalement eu lieu au moment où Mme Gendron a vendu ses actions.

[136] Il s’ensuit qu’il y a abus dans l’application des dispositions de la Loi et, qu’en conséquence, le paragraphe 245(2) s’applique.

(Je souligne)

[45]           Selon moi, c’est à bon droit que le juge de la CCI a conclu qu’il y avait eu abus. Plus précisément, le fractionnement du gain en capital que comportaient les actions détenues par M. Gervais avant l’enclenchement de la série d’opérations et le fait qu’il n’a payé l’impôt que sur partie de ce gain vont à l’encontre de l’objet et l’esprit des paragraphes 73(1) et 74.2(1).

[46]           Pour en faire la démonstration, il est utile de revoir les conséquences fiscales qui découlent de la vente du premier bloc d’actions et du don du deuxième bloc d’actions. J’utilise des chiffres arrondis afin de faciliter l’exercice.

[47]           La vente fut effectuée pour une considération égale à la juste valeur marchande des actions, ce qui coïncide avec la considération réputée par l’alinéa 69(1)b). M. Gervais a exercé, à l’égard de cette vente, le choix que l’alinéa 73(1)a) l’invitait à faire. Dans ces circonstances, le paragraphe 74.5(1) est devenu applicable et tant le roulement prévu au paragraphe 73(1) que la règle d’attribution prévue au paragraphe 74.2(1) ont, par le fait même, été écartés. Les conséquences fiscales découlant de la vente du premier bloc d’actions furent donc déterminées selon les règles normalement applicables (Articles 39, 40 et 54). Selon ces règles, M. Gervais a réalisé un gain en capital de 1 000 000.00$, soit la différence entre le produit de disposition (1 000 000.00$) et le PBR des actions vendues (tout près de 0 cent) (motifs, paragraphe 69). Les règles normales se sont aussi appliquées pour établir le PBR des actions acquises par Mme Gendron selon leur coût d’acquisition, soit 1 000 000.00$ ou 1$ l’action (Ibidem).

[48]           Cette opération ne fait pas, en soi, problème. La totalité de la plus-value inhérente aux actions vendues à Mme Gendron par M. Gervais fut réalisée par ce dernier suite à cette vente. C’est ce qui explique pourquoi, dans ces circonstances, le paragraphe 73(1) permet à l’auteur du transfert d’exclure le roulement qui s’opérerait autrement en vertu de cette disposition et que l’application du paragraphe 74.2(1) est aussi exclue en vertu du paragraphe 74.5(1).

[49]           Le don du deuxième bloc d’actions à Mme Gendron fut effectué sans que M. Gervais écarte l’application du paragraphe 73(1). Cette disposition a donc eu pour effet de différer les conséquences fiscales résultant du don en raison du roulement qui y est prévu. Sur le plan mécanique, ce roulement s’est opéré en réputant l’auteur du transfert – c.-à-d. : M. Gervais – avoir reçu en considération des actions données un produit de disposition égal à leur PBR entre ses mains (pour nos fins 0 cent) et de façon concomitante en réputant que la bénéficiaire du transfert – Mme Gendron – les avait acquises pour ce même montant. L’effet net est que les conséquences fiscales qui auraient normalement découlées de l’application de l’alinéa 69(1)b), soit la réalisation d’un gain en capital de 1 000 000$, furent différées.

[50]           L’on peut vite comprendre que le PBR de près de 0¢ l’action qui était réputé être celui de Mme Gendron selon le paragraphe 73(1) à l’égard des actions données aurait fait en sorte que le gain en capital différé en raison du roulement soit attribué en totalité à M. Gervais lors de la vente à BW Technologies. Ce ne fut cependant pas le cas puisque l’enclenchement du paragraphe 47(1) provoqué par la donation a fait en sorte que le PBR des actions vendues par Mme Gendron, « calculé immédiatement avant la disposition » à BW Technologies comme l’exige le sous-alinéa 40(1)a)(i), est passé de près de 0¢ l’action à 50¢ l’action pour ce qui en est des actions données et de 1,00$ à 50¢ l’action pour ce qui en est des actions vendues. Le résultat est que la partie du gain différé qui fut réattribuée à Mme Gendron fut coupée de moitié de ce qu’il aurait été si le paragraphe 47(1) n’avait pas trouvé application.

[51]           Ce résultat, même s’il est conforme au libellé des dispositions en cause, va à l’encontre de l’objet et l’esprit des paragraphes 73(1) et 74.2(1) qui ont pour mission d’assurer qu’un gain (ou une perte) différé en raison d’un roulement entre époux ou conjoints de fait demeure celui de l’auteur du transfert. Le maintien du PBR de l’auteur du transfert comme l’envisage le paragraphe 73(1) et l’attribution à ce même auteur du gain (ou de la perte) réalisé par la suite en vertu du paragraphe 74.2(1), font état de cet objectif. En l’espèce, l’offre d’achat déposée par BW Technologies avant que ne s’engage la série d’opérations démontre de façon indubitable que le bloc d’actions données comportait une plus-value de 1 000 000.00$ au moment de son transfert à Mme Gendron. Puisque le roulement prévu au paragraphe 73(1) a eu pour effet de différer la réalisation de ce gain dans son entièreté, c’est la totalité de la partie imposable de ce gain qui devait être attribuée à M. Gervais selon l’objet et l’esprit du paragraphe 74.2(1). Il s’ensuit que le fractionnement de ce gain, suite à l’utilisation astucieuse qui fut faite du paragraphe 47(1), fait échec à la raison d’être de ces dispositions.

[52]           C’est donc à bon droit que le juge de la CCI a conclu que la RGAÉ avait été correctement appliquée en l’espèce en attribuant à l’appelant la totalité du gain en capital imposable réalisé suite à la vente des actions à BW Technologies.

[53]           Je rejetterai l’appel avec dépens.

« Marc Noël »

Juge en chef

“Je suis d’accord.

 

Johanne Gauthier, j.c.a.”

“Je suis d’accord.

Yves de Montigny, j.c.a.”


ANNEXE

Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.)

Income Tax Act, R.C.S. 1985 c. 1 (5th Supp.)

Biens identiques

Identical properties

47(1) Lorsque, à un moment donné après 1971, un contribuable qui est propriétaire d’un bien acquis par lui après 1971 ou de plusieurs biens identiques dont chacun a été acquis par lui après 1971 acquiert un ou plusieurs autres biens (appelés « les biens nouvellement acquis » au présent paragraphe) dont chacun est identique à chaque bien acquis antérieurement, pour le calcul, à un moment ultérieur, du prix de base rajusté, pour le contribuable, de chacun de ces biens identiques :

47(1) Where at any particular time after 1971 a taxpayer who owns one property that was or two or more identical properties each of which was, as the case may be, acquired by the taxpayer after 1971, acquires one or more other properties (in this subsection referred to as “newly-acquired properties”) each of which is identical to each such previously-acquired property, for the purposes of computing, at any subsequent time, the adjusted cost base of the taxpayer of each such identical property,

a) le contribuable est réputé avoir disposé de chaque bien acquis antérieurement, immédiatement avant le moment donné, pour un produit égal à son prix de base rajusté, pour le contribuable, immédiatement avant le moment donné;

(a) the taxpayer shall be deemed to have disposed of each such previously-acquired property immediately before the particular time for proceeds equal to its adjusted cost base to the taxpayer immediately before the particular time;

b) le contribuable est réputé avoir acquis chacun de ces biens identiques au moment donné, à un coût égal au quotient de la division :

(b) the taxpayer shall be deemed to have acquired the identical property at the particular time at a cost equal to the quotient obtained when

(i) du total des prix de base rajustés, pour le contribuable, immédiatement avant le moment donné, des biens acquis antérieurement et du coût supporté par lui (déterminé compte non tenu du présent article) des biens nouvellement acquis,

(i) the total of the adjusted cost bases to the taxpayer immediately before the particular time of the previously-acquired properties, and the cost to the taxpayer (determined without reference to this section) of the newly-acquired properties

par :

is divided by

(ii) le nombre de biens identiques appartenant au contribuable immédiatement après le moment donné.

(ii) the number of the identical properties owned by the taxpayer immediately after the particular time;

c) le résultat du calcul suivant est à déduire, après le moment donné, dans le calcul du prix de base rajusté, pour le contribuable, de chacun de ces biens identiques :

(c) there shall be deducted, after the particular time, in computing the adjusted cost base to the taxpayer of each such identical property, the amount determined by the formula

A/B

A/B

où :

A représente le total des montants déduits en application de l’alinéa 53(2)g.1) dans le calcul, immédiatement avant le moment donné, du prix de base rajusté, pour le contribuable, des biens acquis antérieurement,

where

A is the total of all amounts deducted under paragraph 53(2)(g.1) in computing immediately before the particular time the adjusted cost base to the taxpayer of the previously-acquired properties, and

B le nombre de ces biens identiques appartenant au contribuable immédiatement après le moment donné ou, en cas d’application du paragraphe (2), le quotient déterminé selon ce paragraphe relativement à l’acquisition;

B is the number of such identical properties owned by the taxpayer immediately after the particular time or, where subsection 47(2) applies, the quotient determined under that subsection in respect of the acquisition; and

d) est à ajouter, après le moment donné, dans le calcul du prix de base rajusté, pour le contribuable, de chacun de ces biens identiques le montant déterminé selon l’alinéa c) relativement à ce bien.

(d) there shall be added, after the particular time, in computing the adjusted cost base to the taxpayer of each such identical property the amount determined under paragraph 47(1)(c) in respect of the identical property.

[…]

Contreparties insuffisantes

Inadequate considerations

69(1) Sauf disposition contraire expresse de la présente loi :

69(1) Except as expressly otherwise provided in this Act,

a) le contribuable qui a acquis un bien auprès d’une personne avec laquelle il avait un lien de dépendance pour une somme supérieure à la juste valeur marchande de ce bien au moment de son acquisition est réputé l’avoir acquis pour une somme égale à cette juste valeur marchande;

(a) where a taxpayer has acquired anything from a person with whom the taxpayer was not dealing at arm’s length at an amount in excess of the fair market value thereof at the time the taxpayer so acquired it, the taxpayer shall be deemed to have acquired it at that fair market value;

b) le contribuable qui a disposé d’un bien en faveur :

(b) where a taxpayer has disposed of anything

(i) soit d’une personne avec laquelle il avait un lien de dépendance sans contrepartie ou moyennant une contrepartie inférieure à la juste valeur marchande de ce bien au moment de la disposition,

(i) to a person with whom the taxpayer was not dealing at arm’s length for no proceeds or for proceeds less than the fair market value thereof at the time the taxpayer so disposed of it,

 

(ii) soit d’une personne au moyen d’un don,

(ii) to any person by way of gift, or

(iii) soit d’une fiducie par suite de la disposition d’un bien qui n’a pas pour effet de changer la propriété effective du bien,

(iii) to a trust because of a disposition of a property that does not result in a change in the beneficial ownership of the property;

est réputé avoir reçu par suite de la disposition une contrepartie égale à cette juste valeur marchande;

the taxpayer shall be deemed to have received proceeds of disposition therefor equal to that fair market value; and

c) le contribuable qui acquiert un bien par donation, legs ou succession ou par suite d’une disposition qui n’a pas pour effet de changer la propriété effective du bien est réputé acquérir le bien à sa juste valeur marchande.

(c) where a taxpayer acquires a property by way of gift, bequest or inheritance or because of a disposition that does not result in a change in the beneficial ownership of the property, the taxpayer is deemed to acquire the property at its fair market value.

Transfert de biens entre vifs par un particulier

Inter vivos transfers by individuals

73(1) Pour l’application de la présente partie, lorsque l’immobilisation d’un particulier (sauf une fiducie) a été transférée dans les circonstances visées au paragraphe (1.01) et que le particulier et le cessionnaire résident au Canada au moment du transfert, à moins que le particulier ne choisisse, dans sa déclaration de revenu produite en vertu de la présente partie pour l’année d’imposition du transfert, de soustraire l’immobilisation à l’application du présent paragraphe, celle-ci est réputée :

73(1) For the purposes of this Part, where at any time any particular capital property of an individual (other than a trust) has been transferred in circumstances to which subsection (1.01) applies and both the individual and the transferee are resident in Canada at that time, unless the individual elects in the individual’s return of income under this Part for the taxation year in which the property was transferred that the provisions of this subsection not apply, the particular property is deemed

a) d’une part, avoir fait l’objet d’une disposition par le particulier au moment du transfert, pour un produit égal au montant suivant :

(a) to have been disposed of at that time by the individual for proceeds equal to,

(i) si l’immobilisation est un bien amortissable d’une catégorie prescrite, le produit de la multiplication de la fraction non amortie du coût en capital pour le particulier, immédiatement avant ce moment, des biens de cette catégorie par le rapport entre la juste valeur marchande, immédiatement avant ce moment, de l’immobilisation et la juste valeur marchande, immédiatement avant ce moment, de l’ensemble des biens de cette catégorie,

(i) where the particular property is depreciable property of a prescribed class, that proportion of the undepreciated capital cost to the individual immediately before that time of all property of that class that the fair market value immediately before that time of the particular property is of the fair market value immediately before that time of all of that property of that class, and

(ii) dans les autres cas, le prix de base rajusté, pour le particulier, de l’immobilisation immédiatement avant ce moment;

(ii) in any other case, the adjusted cost base to the individual of the particular property immediately before that time; and

b) d’autre part, avoir été acquise par le cessionnaire à ce moment, pour un montant égal à ce produit.

(b) to have been acquired at that time by the transferee for an amount equal to those proceeds

Gain ou perte réputé du prêteur ou de l’auteur du transfert

Gain or loss deemed that of lender or transferor

74.2(1) Lorsqu’un particulier prête ou transfère un bien — appelé « bien prêté ou transféré » au présent article —, directement ou indirectement, par le biais d’une fiducie ou par tout autre moyen, à une personne — appelée « bénéficiaire » au présent paragraphe — qui est son époux ou conjoint de fait ou qui le devient par la suite ou au profit de cette personne, les règles suivantes s’appliquent au calcul du revenu du particulier et du bénéficiaire pour une année d’imposition :

74.2(1) Where an individual has lent or transferred property (in this section referred to as “lent or transferred property”), either directly or indirectly, by means of a trust or by any other means whatever, to or for the benefit of a person (in this subsection referred to as the “recipient”) who is the individual’s spouse or common-law partner or who has since become the individual’s spouse or common-law partner, the following rules apply for the purposes of computing the income of the individual and the recipient for a taxation year:

a) est réputé être un gain en capital imposable réalisé par le particulier pour l’année sur la disposition d’un bien, à l’exclusion d’un bien meuble déterminé, l’excédent éventuel du total visé au sous-alinéa (i) sur le total visé au sous-alinéa (ii):

(a) the amount, if any, by which

(i) le total des gains en capital imposables réalisés par le bénéficiaire pour l’année sur la disposition de biens (à l’exclusion de biens meubles déterminés) qui sont des biens prêtés ou transférés ou des biens y substitués, pendant la période — appelée « période d’attribution » au présent paragraphe — tout au long de laquelle le particulier réside au Canada et tout au long de laquelle le bénéficiaire est son époux ou conjoint de fait,

(i) the total of the recipient’s taxable capital gains for the year from dispositions of property (other than listed personal property) that is lent or transferred property or property substituted therefor occurring in the period (in this subsection referred to as the “attribution period”) throughout which the individual is resident in Canada and the recipient is the individual’s spouse or common-law partner

[en blanc]

exceeds

(ii) le total des pertes en capital déductibles subies par le bénéficiaire pour l’année à la disposition, effectuée pendant la période d’attribution, de biens (à l’exclusion de biens meubles déterminés) qui sont des biens prêtés ou transférés ou des biens y substitués;

(ii) the total of the recipient’s allowable capital losses for the year from dispositions occurring in the attribution period of property (other than listed personal property) that is lent or transferred property or property substituted therefor

[en blanc]

shall be deemed to be a taxable capital gain of the individual for the year from the disposition of property other than listed personal property;

b) est réputé être une perte en capital déductible subie par le particulier pour l’année à la disposition d’un bien, à l’exclusion d’un bien meuble déterminé, l’excédent éventuel du total visé au sous-alinéa a)(ii) sur le total visé au sous-alinéa a)(i);

(b) the amount, if any, by which the total determined under subparagraph 74.2(1)(a)(ii) exceeds the total determined under subparagraph 74.2(1)(a)(i) shall be deemed to be an allowable capital loss of the individual for the year from the disposition of property other than listed personal property;

Transfert avec contrepartie à la juste valeur marchande

Transfers for fair market consideration

74.5(1) Malgré les autres dispositions de la présente loi, les paragraphes 74.1(1) et (2) et l’article 74.2 ne s’appliquent pas à un revenu, un gain ou une perte dérivé, au cours d’une année d’imposition donnée, d’un bien transféré ou d’un bien y substitué si les conditions suivantes sont réunies :

74.5(1) Notwithstanding any other provision of this Act, subsections 74.1(1) and (2) and section 74.2 do not apply to any income, gain or loss derived in a particular taxation year from transferred property or from property substituted therefor if

a) au moment du transfert, la juste valeur marchande du bien transféré ne dépasse pas la juste valeur marchande du bien que l’auteur du transfert reçoit en contrepartie du bien transféré;

(a) at the time of the transfer the fair market value of the transferred property did not exceed the fair market value of the property received by the transferor as consideration for the transferred property;

b) dans le cas où la contrepartie reçue par l’auteur du transfert comprend une créance, à la fois :

(b) where the consideration received by the transferor included indebtedness,

(i) des intérêts sont comptés sur la créance à un taux égal ou supérieur au moindre des taux suivants :

(i) interest was charged on the indebtedness at a rate equal to or greater than the lesser of

(A) le taux prescrit qui est en vigueur au moment de l’établissement de la créance,

(A) the prescribed rate that was in effect at the time the indebtedness was incurred, and

(B) le taux dont les parties, si elles n’avaient aucun lien de dépendance, seraient convenues à la date d’établissement de la créance, compte tenu des circonstances,

(B) the rate that would, having regard to all the circumstances, have been agreed on, at the time the indebtedness was incurred, between parties dealing with each other at arm’s length,

(ii) le montant des intérêts qui était payable sur la créance pour l’année donnée est payé au plus tard 30 jours après la fin de l’année donnée,

(ii) the amount of interest that was payable in respect of the particular year in respect of the indebtedness was paid not later than 30 days after the end of the particular year, and

(iii) le montant des intérêts qui était payable sur la créance pour chaque année d’imposition précédant l’année donnée est payé au plus tard 30 jours après la fin de chacune de ces années d’imposition;

(iii) the amount of interest that was payable in respect of each taxation year preceding the particular year in respect of the indebtedness was paid not later than 30 days after the end of each such taxation year; and

c) dans le cas où le bien est transféré à l’époux ou conjoint de fait de l’auteur du transfert ou au profit de son époux ou conjoint de fait, l’auteur du transfert choisit, dans sa déclaration de revenu produite en vertu de la présente partie pour l’année d’imposition où le bien est transféré, de ne pas se prévaloir du paragraphe 73(1).

(c) where the property was transferred to or for the benefit of the transferor’s spouse or common-law partner, the transferor elected in the transferor’s return of income under this Part for the taxation year in which the property was transferred not to have the provisions of subsection 73(1) apply.

Déduction pour gains en capital — actions admissibles de petite entreprise

Capital gains deduction — qualified small business corporation shares

110.6(2.1) Le particulier — à l’exception d’une fiducie — qui réside au Canada tout au long d’une année d’imposition donnée et qui dispose au cours de cette année donnée ou d’une année d’imposition antérieure et après le 17 juin 1987 d’actions qui sont alors des actions admissibles de petite entreprise peut déduire, dans le calcul de son revenu imposable pour l’année donnée, le montant qu’il peut demander et qui ne dépasse pas le moins élevé des montants suivants :

110.6(2.1) In computing the taxable income for a taxation year of an individual (other than a trust) who was resident in Canada throughout the year and who disposed of a share of a corporation in the year or a preceding taxation year and after June 17, 1987 that, at the time of disposition, was a qualified small business corporation share of the individual, there may be deducted such amount as the individual may claim not exceeding the least of

a) le montant déterminé selon la formule figurant à l’alinéa (2)a) à l’égard du particulier pour l’année;

(a) the amount determined by the formula in paragraph (2)(a) in respect of the individual for the year,

b) l’excédent éventuel de son plafond des gains cumulatifs à la fin de l’année donnée sur le montant déduit en application du paragraphe (2) dans le calcul de son revenu imposable pour l’année donnée;

(b) the amount, if any, by which the individual’s cumulative gains limit at the end of the year exceeds the amount deducted under subsection 110.6(2) in computing the individual’s taxable income for the year,

c) l’excédent éventuel de son plafond annuel des gains pour l’année donnée sur le montant déduit en application du paragraphe (2) dans le calcul de son revenu imposable pour l’année donnée;

(c) the amount, if any, by which the individual’s annual gains limit for the year exceeds the amount deducted under subsection 110.6(2) in computing the individual’s taxable income for the year, and

d) l’excédent qui serait calculé selon l’alinéa 3b) à l’égard du particulier pour l’année donnée (dans la mesure où il n’est pas inclus dans le calcul de la somme déterminée selon l’alinéa (2)d) à l’égard du particulier) au titre des gains en capital et des pertes en capital si les seuls biens visés à l’alinéa 3b) étaient des actions admissibles de petite entreprise du particulier.

(d) the amount that would be determined in respect of the individual for the year under paragraph 3(b) (to the extent that that amount is not included in computing the amount determined under paragraph (2)(d) in respect of the individual) in respect of capital gains and capital losses if the only properties referred to in paragraph 3(b) were qualified small business corporation shares of the individual.

245(1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

245(1) In this section,

attribut fiscal S’agissant des attributs fiscaux d’une personne, revenu, revenu imposable ou revenu imposable gagné au Canada de cette personne, impôt ou autre montant payable par cette personne, ou montant qui lui est remboursable, en application de la présente loi, ainsi que tout montant à prendre en compte pour calculer, en application de la présente loi, le revenu, le revenu imposable, le revenu imposable gagné au Canada de cette personne ou l’impôt ou l’autre montant payable par cette personne ou le montant qui lui est remboursable. (tax consequences)

tax consequences to a person means the amount of income, taxable income, or taxable income earned in Canada of, tax or other amount payable by or refundable to the person under this Act, or any other amount that is relevant for the purposes of computing that amount; (attribut fiscal)

avantage fiscal Réduction, évitement ou report d’impôt ou d’un autre montant exigible en application de la présente loi ou augmentation d’un remboursement d’impôt ou d’un autre montant visé par la présente loi. Y sont assimilés la réduction, l’évitement ou le report d’impôt ou d’un autre montant qui serait exigible en application de la présente loi en l’absence d’un traité fiscal ainsi que l’augmentation d’un remboursement d’impôt ou d’un autre montant visé par la présente loi qui découle d’un traité fiscal. (tax benefit)

tax benefit means a reduction, avoidance or deferral of tax or other amount payable under this Act or an increase in a refund of tax or other amount under this Act, and includes a reduction, avoidance or deferral of tax or other amount that would be payable under this Act but for a tax treaty or an increase in a refund of tax or other amount under this Act as a result of a tax treaty; (avantage fiscal)

opération Sont assimilés à une opération une convention, un mécanisme ou un événement. (transaction)

transaction includes an arrangement or event. (opération)

Disposition générale anti-évitement

General anti-avoidance provision

(2) En cas d’opération d’évitement, les attributs fiscaux d’une personne doivent être déterminés de façon raisonnable dans les circonstances de façon à supprimer un avantage fiscal qui, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, de cette opération ou d’une série d’opérations dont cette opération fait partie.

(2) Where a transaction is an avoidance transaction, the tax consequences to a person shall be determined as is reasonable in the circumstances in order to deny a tax benefit that, but for this section, would result, directly or indirectly, from that transaction or from a series of transactions that includes that transaction.

Opération d’évitement

Avoidance transaction

(3) L’opération d’évitement s’entend :

(3) An avoidance transaction means any transaction

a) soit de l’opération dont, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, un avantage fiscal, sauf s’il est raisonnable de considérer que l’opération est principalement effectuée pour des objets véritables — l’obtention de l’avantage fiscal n’étant pas considérée comme un objet véritable;

(a) that, but for this section, would result, directly or indirectly, in a tax benefit, unless the transaction may reasonably be considered to have been undertaken or arranged primarily for bona fide purposes other than to obtain the tax benefit; or

b) soit de l’opération qui fait partie d’une série d’opérations dont, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, un avantage fiscal, sauf s’il est raisonnable de considérer que l’opération est principalement effectuée pour des objets véritables — l’obtention de l’avantage fiscal n’étant pas considérée comme un objet véritable.

(b) that is part of a series of transactions, which series, but for this section, would result, directly or indirectly, in a tax benefit, unless the transaction may reasonably be considered to have been undertaken or arranged primarily for bona fide purposes other than to obtain the tax benefit.

Application du par. (2)

Application of subsection (2)

(4) Le paragraphe (2) ne s’applique qu’à l’opération dont il est raisonnable de considérer, selon le cas :

(4) Subsection (2) applies to a transaction only if it may reasonably be considered that the transaction

a) qu’elle entraînerait, directement ou indirectement, s’il n’était pas tenu compte du présent article, un abus dans l’application des dispositions d’un ou de plusieurs des textes suivants :

(a) would, if this Act were read without reference to this section, result directly or indirectly in a misuse of the provisions of any one or more of

(i) la présente loi,

(i) this Act,

(ii) le Règlement de l’impôt sur le revenu,

(ii) the Income Tax Regulations,

(iii) les Règles concernant l’application de l’impôt sur le revenu,

(iii) the Income Tax Application Rules,

(iv) un traité fiscal,

(iv) a tax treaty, or

(v) tout autre texte législatif qui est utile soit pour le calcul d’un impôt ou de toute autre somme exigible ou remboursable sous le régime de la présente loi, soit pour la détermination de toute somme à prendre en compte dans ce calcul;

(v) any other enactment that is relevant in computing tax or any other amount payable by or refundable to a person under this Act or in determining any amount that is relevant for the purposes of that computation; or

b) qu’elle entraînerait, directement ou indirectement, un abus dans l’application de ces dispositions compte non tenu du présent article lues dans leur ensemble.

(b) would result directly or indirectly in an abuse having regard to those provisions, other than this section, read as a whole.

Attributs fiscaux à déterminer

Determination of tax consequences

(5) Sans préjudice de la portée générale du paragraphe (2) et malgré tout autre texte législatif, dans le cadre de la détermination des attributs fiscaux d’une personne de façon raisonnable dans les circonstances de façon à supprimer l’avantage fiscal qui, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, d’une opération d’évitement :

(5) Without restricting the generality of subsection (2), and notwithstanding any other enactment,

a) toute déduction, exemption ou exclusion dans le calcul de tout ou partie du revenu, du revenu imposable, du revenu imposable gagné au Canada ou de l’impôt payable peut être en totalité ou en partie admise ou refusée;

(a) any deduction, exemption or exclusion in computing income, taxable income, taxable income earned in Canada or tax payable or any part thereof may be allowed or disallowed in whole or in part,

b) tout ou partie de cette déduction, exemption ou exclusion ainsi que tout ou partie d’un revenu, d’une perte ou d’un autre montant peuvent être attribués à une personne;

(b) any such deduction, exemption or exclusion, any income, loss or other amount or part thereof may be allocated to any person,

c) la nature d’un paiement ou d’un autre montant peut être qualifiée autrement;

(c) the nature of any payment or other amount may be recharacterized, and

d) les effets fiscaux qui découleraient par ailleurs de l’application des autres dispositions de la présente loi peuvent ne pas être pris en compte.

(d) the tax effects that would otherwise result from the application of other provisions of this Act may be ignored,

 

in determining the tax consequences to a person as is reasonable in the circumstances in order to deny a tax benefit that would, but for this section, result, directly or indirectly, from an avoidance transaction.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

dossier :

A-392-16

 

INTITULÉ :

GUY GERVAIS C. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 14 NOVEMBRE 2017

 

Motifs du JUGeMENT :

Le juge en chef noël

y ont souscrit :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE DE MONTIGNY

DATE DES MOTIFS :

le 9 JANVIER 2018

COMPARUTIONS :

Me Serge Fournier

 

pour l’appelant

Me Josée Tremblay

Me Mélanie Sauriol

pour l’intiméE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

BCF s.e.n.c.r.l.

pour l’appelant

 

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

pour l’intiméE

 

 

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