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Date : 20180119


Dossier : A-430-16

Référence : 2018 CAF 21

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE RENNIE

LA JUGE GLEASON

LE JUGE LASKIN

 

ENTRE :

ASMA QUADIR

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

Audience tenue à Calgary (Alberta), le 17 janvier 2018.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 19 janvier 2018.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE RENNIE

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GLEASON

LE JUGE LASKIN

 


Date : 20180119


Dossier : A-430-16

Référence : 2018 CAF 21

CORAM :

LE JUGE RENNIE

LA JUGE GLEASON

LE JUGE LASKIN

 

ENTRE :

ASMA QUADIR

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE RENNIE

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire à l’égard d’une décision rendue par la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale le 19 octobre 2016 (2016 TSSDAAE 514).

[2]  La demanderesse a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a rejeté sa demande, parce que la demanderesse n’avait pas démontré l’existence d’un « motif valable », exigence énoncée au paragraphe 10(4), pour qu’elle puisse antidater sa demande, sans quoi elle ne comptait pas assez d’heures d’emploi assurable pour être admissible aux prestations. La demanderesse a interjeté appel auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Le tribunal a accueilli l’appel et a antidaté sa demande. Sur appel interjeté par le procureur général, la division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale a rétabli la décision de la Commission.

[3]  Les faits pertinents sont énoncés de manière détaillée dans la décision de la division générale, et il n’est pas nécessaire de les répéter, sauf pour souligner que, pendant la période d’admissibilité en question, la demanderesse était médecin résidente auprès des Services de santé de l’Alberta. La résidence de la demanderesse a pris fin le 22 octobre 2013. Elle n’a présenté sa demande de prestations d’assurance-emploi que le 29 août 2014, soit environ 10 mois plus tard. Elle a demandé que sa demande de prestations soit antidatée au 1er novembre 2013.

[4]  Selon les principes énoncés par notre Cour dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Burke, 2012 CAF  139 (Burke), la division générale a accueilli l’appel de la demanderesse au motif qu’elle a agi, dans les circonstances, comme l’aurait fait une personne raisonnable et prudente et, par conséquent, qu’elle a fait la preuve de l’existence d’un motif valable justifiant le retard (par. 34 à 38). La division générale a antidaté sa demande au 1er novembre 2013, de sorte que la demanderesse avait travaillé suffisamment d’heures au cours de sa période d’admissibilité (par. 40).

[5]  La division d’appel a accueilli l’appel du défendeur, concluant que la division générale avait commis une erreur en appliquant le mauvais critère juridique. Citant l’arrêt de notre Cour dans Canada (Procureur général) c. Kaler, 2011 CAF 266 (Kaler), la division d’appel a déclaré qu’en l’absence de circonstances exceptionnelles, la prestataire est tenue de « vérifier assez rapidement si elle a droit à des prestations et de s’assurer [de ses] droits et obligations [...] [et que] [c]ette obligation implique un devoir de prudence sévère et strict » (par. 11). La division d’appel a accueilli l’appel de la décision de la division générale, et a rétabli la décision de la Commission. Ce faisant, elle a commis une erreur.

[6]  La compétence de la division d’appel est énoncée aux alinéas 58(1)a) à c) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (L.C. 2005, ch. 34), qui sont ainsi libellés :

Moyens d’appel

Grounds of appeal

58 (1) Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

58 (1) The only grounds of appeal are that

a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;

(a) the General Division failed to observe a principle of natural justice or otherwise acted beyond or refused to exercise its jurisdiction;

b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;

(b) the General Division erred in law in making its decision, whether or not the error appears on the face of the record; or

c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

(c) the General Division based its decision on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it.

[7]  En l’espèce, il n’a été satisfait à aucun des critères énoncés aux alinéas 58(1)a) à c) qui pourrait justifier l’intervention de la division d’appel. Bien que l’avocat du procureur général soutienne que la division générale a commis une erreur de droit en n’appliquant pas la jurisprudence exécutoire de notre Cour, je ne peux conclure que les motifs de la division d’appel reposent sur autre chose que sur une mésentente quant à l’application aux faits des règles de droit bien établies.

[8]  La division d’appel n’a pas précisé la nature de l’erreur de droit commise par la division générale. Les critères énoncés dans les arrêts Burke et Kaler sont identiques. La question à se poser est de savoir ce qu’une personne raisonnable aurait fait « dans sa situation ». En fait, les motifs démontrent que la division d’appel était simplement en désaccord avec les conclusions tirées par la division générale sur la question de savoir si les mesures prises par la demanderesse étaient raisonnables « dans les circonstances ».

[9]  L’application des principes établis aux faits est une question mixte de fait et de droit, et ne constitue pas une erreur de droit. Par conséquent, la division d’appel n’avait pas compétence pour modifier la décision de la division générale. La norme de contrôle qui s’applique à l’examen des décisions de la division d’appel par notre Cour est celle de la décision raisonnable : Kamgar c. Canada (Procureur général), 2013 CAF 157. La décision de la division d’appel d’intervenir sur une question mixte de fait et de droit était déraisonnable, compte tenu de sa compétence.

[10]  L’appel est également accueilli relativement à un deuxième motif.

[11]  La division d’appel a conclu que les gestes de la demanderesse [traduction] « étaient tout à fait raisonnables compte tenu de sa situation », mais a néanmoins accueilli l’appel au motif que la demanderesse n’avait pas [traduction] « vérifié assez rapidement » si elle avait droit à des prestations.

[12]  La conduite de la demanderesse ne peut pas être tout à fait raisonnable compte tenu des circonstances et être en même temps déraisonnable. La division d’appel a superposé une autre obligation en plus de l’exigence quant à ce qu’une personne raisonnable aurait fait dans les mêmes circonstances. Comme notre Cour l’a fait remarquer dans l’arrêt Rodger c. Canada (Procureur général), 2013 CAF 222, l’ignorance de la loi ne constitue pas un motif valable à moins qu’une personne ne démontre qu’elle a agi de manière raisonnable dans les circonstances. Ayant conclu que la conduite de la demanderesse était raisonnable, il n’était pas loisible à la division d’appel de décider que cette conduite était déraisonnable lorsqu’elle est évaluée par rapport à une autre obligation ou à une obligation encore plus grande consistant à prendre d’autres mesures. Le critère est celui du caractère raisonnable, éclairé par l’appréciation subjective de la situation de la demanderesse, selon une norme objective.

[13]  L’évaluation du caractère raisonnable de la conduite d’un demandeur est objective et doit porter sur les faits de l’affaire. En l’espèce, comme l’a conclu la division générale, ces faits révélaient qu’au moment de sa résidence, la demanderesse était en principe une étudiante et assistait à des cours pendant son stage de formation. L’évaluation objective comprenait également le fait qu’elle n’avait pas reçu son relevé d’emploi après sa résidence, ce qui l’aurait incité à présenter une demande de prestations.

[14]  Il n’était pas loisible à la division d’appel, compte tenu de l’étendue de sa compétence et de l’absence d’une erreur de droit, d’un manquement à un principe de justice naturelle ou de conclusions de fait arbitraires, de tirer une conclusion différente de celle de la division générale sur la foi des mêmes faits.

[15]  J’accueillerais la demande et j’annulerais la décision de la division d’appel.

« Donald J. Rennie »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Mary J.L. Gleason, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

J.B. Laskin, j.c.a. »

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE À L’ÉGARD D’UNE DÉCISION RENDUE PAR LA DIVISION D’APPEL DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE LE 19 OCTOBRE 2016 (2016 TSSDAAE 415) NO DE DOSSIER AD-15-447

DOSSIER :

A-430-16

 

INTITULÉ :

ASMA QUADIR c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Calgary (Alberta)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 17 janvier 2018

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE RENNIE

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GLEASON

LE JUGE LASKIN

DATE DES MOTIFS :

Le 19 janvier 2018

COMPARUTIONS :

Asma Quadir

demanderesse

Vanessa Luna

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Pour le défendeur

 

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