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Date : 20180207


Dossiers : A-64-17

A-65-17

Référence : 2018 CAF 34

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

Dossier : A-64-17

ENTRE :

ADVENTURER OWNER LTD.

DOCKENDALE HOUSE, RUE BAY OUEST,

C.P. CB-13048, NASSAU, BAHAMAS

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

intimée

Dossier : A-65-17

ET ENTRE :

ADVENTURER OWNER LTD., PROPRIÉTAIRE, et TOUTES LES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE M/V CLIPPER ADVENTURER ET SUR LE NAVIRE M/V CLIPPER ADVENTURER

appelantes

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

et L’ADMINISTRATEUR DE LA CAISSE D’INDEMNISATION DES DOMMAGES DUS À LA POLLUTION PAR LES HYDROCARBURES CAUSÉE PAR LES NAVIRES

 

intimés

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 30 janvier 2018.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 7 février 2018.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GAUTHIER

Y ONT SOUSRIT :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

 


Date : 20 180 207


Dossiers : A-64-17

A-65-17

Référence : 2018 CAF 34

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

 

Dossier : A-64-17

ENTRE :

ADVENTURER OWNER LTD.

DOCKENDALE HOUSE, RUE BAY OUEST,

C.P. CB-13048, NASSAU, BAHAMAS

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

intimée

Dossier : A-65-17

ET ENTRE :

ADVENTURER OWNER LTD., PROPRIÉTAIRE et TOUTES LES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE M/V CLIPPER ADVENTURER et SUR LE NAVIRE M/V CLIPPER ADVENTURER

appelants

et

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

et L’ADMINISTRATEUR DE LA CAISSE D’INDEMNISATION DES DOMMAGES DUS À LA POLLUTION PAR LES HYDROCARBURES CAUSÉE PAR LES NAVIRES

intimés

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE GAUTHIER

[1]  Le 27 janvier 2017, le juge Harrington de la Cour fédérale a rejeté l’action d’Adventurer Owner Ltd. (Adventurer) contre Sa Majesté la Reine du chef du Canada (l’État) en recouvrement de dommages résultant de l’échouage du M/V Clipper Adventurer (le Clipper) sur un haut-fond de l’Arctique canadien (2017 FC 105) (T -901-11). Dans ses motifs, la Cour fédérale a confirmé l’action in personam et in rem de l’État contre Adventurer et le Clipper en recouvrement des frais qu’il a engagés pour prévenir les dommages causés par la pollution maritime par les hydrocarbures (T -1149-12). Adventurer et le Clipper ont interjeté appel de la décision de la Cour fédérale concernant les deux actions (A-64-17 et A‑65-17). Le 12 avril 2017, le juge de Montigny a rendu une ordonnance par laquelle les deux appels ont été réunis et l’appel portant le numéro de dossier A-64-17 a désigné comme appel principal.

[2]  Pour les motifs qui suivent, je ne puis conclure que la Cour fédérale a commis une erreur susceptible de contrôle. Il y donc lieu de rejeter les deux appels.

I.  CONTEXTE

[3]  La Cour fédérale a tiré plusieurs conclusions de fait exposées tout au long de ses motifs (motifs de la Cour fédérale). Je ne mentionnerai que quelques-unes d’elles qui permettent de mettre en contexte le lieu de l’échouage, les renseignements dont disposaient les personnes à bord du Clipper et les avertissements qui ont concrètement été donnés.

[4]  Le 27 août 2010, le Clipper, naviguant à haute vitesse, s’est échoué sur un haut-fond submergé et non indiqué dans golfe Coronation de l’Arctique canadien (motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 1 et 13).

[5]  Dans l’Arctique, l’arpentage est essentiellement aléatoire; plus précisément, il est réalisé lorsque les circonstances y sont favorables. Ainsi, [traduction] « [u]ne proportion inférieure à 10 p. 100 de la vaste étendue d’eau de l’Arctique a été arpentée selon des normes modernes » (motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 30). La carte hydrographique canadienne no 7777 pour le [traduction] « golfe Coronation, partie ouest » comprend la zone de l’échouement (motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 13). Selon cette carte et les autres publications nautiques qui se trouvaient à bord du Clipper, en ce qui concerne la zone dans laquelle le Clipper a décidé de s’engager, largement à l’extérieur de la principale voie de navigation et de la zone magenta sur la carte no 7777, la carte n’indiquait que des routes et des mesures de profondeur ponctuelles qui pouvaient être très anciennes, et il était conseillé aux navigateurs de procéder avec prudence (motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 14 à 16 et 45). En fait, comme l’a souligné la Cour fédérale, [traduction] « de nombreux hauts-fonds sous-marins s’élèvent d’un fond très rocheux » (motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 16).

[6]  Le haut-fond sur lequel le Clipper s’est échoué a été découvert le 13 septembre 2007 par le M/V Sir Wilfrid Laurier, un brise-glace canadien (motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 17). À la suite de sa découverte, l’Avis à la navigation (NOTSHIP) A101/07 a été transmis pour en signaler la présence. Par la suite, ce NOTSHIP a été remplacé par NOTSHIP A102/07 le 16 septembre 2007 (motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 21 et 22). Le NOTSHIP A102/07 a été annulé par la transmission d’un Avis aux navigateurs (NOTMAR) le 8 octobre 2010 (motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 59).

[7]  Après la période habituelle de diffusion de 14 jours applicable à la région de l’Arctique, les NOTSHIP demeurent affichés sur le site Web de la Garde canadienne côtière (GCC) ou sont accessibles auprès du centre de la GCC (motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 23 et 24). De plus, ces NOTSHIP écrits sont distribués chaque semaine aux parties intéressées qui en font la demande.

[8]  Les parties intéressées à bord du Clipper et ses gestionnaires en Floride n’en ont pas fait la demande. Le mandataire chargé des cartes au Canada pour le Clipper s’est servi des NOTMAR pour mettre à jour les cartes du navire. Ce mandataire a signalé précisément qu’aucun Avis aux navigateurs temporaire ou préliminaire (NOTMAR (T) ou (P)) n’était en vigueur à l’égard de la carte no 7777, et qu’on n’avait pas fourni de NOTSHIP (motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 46). De fait, on ne pouvait donc trouver à bord du Clipper une carte nautique correctement à jour.

[9]  Étant donné que le golfe Coronation se situe dans la zone de desserte du Service mondial d’avertissements de navigation de l’Organisation maritime internationale (OMI), la GCC, qui était responsable de cette zone, a aussi transmis ce qu’on appelle l’avis 5/10 relatif à la NAVAREA XVIII après l’entrée en vigueur du service de l’OMI dans cette zone le 1er juillet 2010. Cet avertissement comportait des renseignements essentiels semblables à ceux compris dans le NOTSHIP A102/07 et a été diffusé pour la période du 1er juillet au 20 août 2010 (motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 41 et 42).

[10]  Heureusement, il n’y a eu aucun décès (128 passagers et un équipage de 69 personnes étaient à bord), mais le Clipper a subi d’importants dommages (motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 2 à 4). Il y a eu peu de pollution provenant des soutes du navire, mais l’État a néanmoins dû engager des frais pour prendre des mesures de prévention (motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 3).

[11]  Adventurer a engagé une action contre l’État en alléguant la négligence de ses préposés, notamment en raison de leur omission de diffuser un NORMAR ou un NOTMAR préliminaire en 2017 lors de la découverte du haut-fond ou en 2017, peu après la cueillette de données hydrographiques supplémentaires lors d’un arpentage réalisé par un membre du Service hydrographique du Canada (SHC) à bord du M/V Wilfrid Laurier (motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 31 et 32 et 38 à 40).

[12]  L’État a poursuivi Adventurer et le Clipper pour recouvrer ses frais. Malgré la signification de l’action de l’État à la Caisse d’indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causés par les navires (CIDPHN), la CIDPHN n’a réglé aucune demande d’indemnisation et Adventurer a fourni un cautionnement à l’État (motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 123). L’administrateur de la CIDPHN n’a participé que de manière limitée à la procédure devant la Cour fédérale et n’a pas pris part aux appels. Les deux actions ont été instruites ensemble lors d’un procès de plus de 17 jours.

II.  DÉCISION DE LA COUR FÉDÉRALE

[13]  Après examen poussé des faits pertinents, la Cour fédérale a défini sa mission concernant l’action en négligence, dans ces termes :

[Traduction]

[82] Pour avoir gain de cause dans une action en négligence, le demandeur doit établir que le défendeur avait une obligation de diligence envers lui, qu’il y a eu manquement à cette obligation, et que le manquement est la cause des dommages réclamés. […]

[14]  En ce qui concerne la responsabilité du fait d’autrui qui incombe à l’État aux termes du sous-alinéa 3 b) (i) et de l’article 10 de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, L.R.C. (1985), ch. C-50, la Cour fédérale a noté que nulle obligation n’incombe [traduction] « aux préposés de l’État de rechercher et de découvrir les hauts-fonds non indiqués » comme celui qui est cause en l’espèce (motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 83). Elle a toutefois conclu que la découverte de ce haut-fond a résulté, pour divers préposés de l’État au service du ministère des Pêches et des Océans (plus précisément ceux travaillant dans la GCC et au SHC), en l’obligation d’avertir les navigateurs qui naviguaient dans les eaux de l’Arctique canadien, dont ceux à bord du Clipper, de la présence de ce haut‑fond (motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 60, 61 et 83 à 88).

[15]  Pour ce qui est de savoir si Adventurer avait établi un manquement à l’obligation d’avertir, la Cour fédérale a conclu que l’obligation d’avertir le Clipper avait été remplie du fait de la transmission du NOTSHIP A102/07 (motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 8, 89, 93 et 102).

[16]  Ayant ainsi conclu, elle a décidé qu’elle n’avait pas à rechercher si les personnes à bord du Clipper auraient dû savoir que l’avertissement 5/10 relatif à la NAVAREA XVIII avait été transmis aux mois de juillet et août 2010 (motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 43).

[17]  La Cour fédérale a aussi conclu que les personnes à bord du Clipper avaient fait preuve de négligence en s’engageant dans une voie sans l’avantage des NOTSHIP, qu’elles étaient tenues de consulter (article 7 du Règlement sur les cartes marines et les publications nautiques (1995), D.O.R.S./95‑149, et article 7 du Règlement sur les abordages, C.R.C., ch. 1416 [le Règlement sur les cartes]), et en ne tenant pas compte des avertissements figurant dans les publications nautiques qui devaient se trouver à bord et qui l’étaient (motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 90 à 92 et 102).

[18]  Même si cela n’était absolument nécessaire, la Cour fédérale a aussi conclu que, même en l’absence d’une connaissance personnelle fondée sur le NOTSHIP A102/07 ou sur l’avertissement 5/10 relatif à la NAVAREA XVIII, les personnes à bord du Clipper [traduction] « auraient dû connaître l’existence de hauts-fonds non indiqués » et [traduction] « auraient dû s’avancer entre les îles à une vitesse largement réduite dans le sillage d’une embarcation pneumatique munie d’un échosondeur portable » (motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 102). À cet égard, la Cour fédérale a retenu l’opinion de l’un des experts de l’État.

[19]  La Cour fédérale a conclu qu’Adventurer et les personnes chargées de la navigation du Clipper étaient les seuls responsables de l’échouage du navire (motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 8 et, in fine, 89).

[20]  La Cour fédérale, par des observations incidentes, a discuté plusieurs questions se rapportant à la répartition des dommages réclamés par Adventurer et à la date de conversion de la devise (du dollar américain au dollar canadien).

[21]  En ce qui concerne la demande de l’État visant le remboursement du coût des mesures de sauvegarde, la Cour fédérale a conclu que le paragraphe 116(1) de la Loi sur la responsabilité en matière maritime, L.C. 2001, ch. 6 (la LRMM), n’était pas applicable, puisque la demande présentée au Clipper et à Adventurer ne constituait pas une demande en recouvrement de créance visée à la partie 7 de la LRMM. Elle a adjugé les intérêts simples, calculés au taux de 5 p. 100, à l’État.

III.  QUESTIONS EN LITIGE

[22]  Adventurer n’attaque pas les conclusions de négligence tirées contre elle par la Cour fédérale. Elle attaque plutôt la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle la transmission du NOTSHIP A102/07 suffisait pour satisfaire à l’obligation d’avertir reconnue par la Cour fédérale. Adventurer recherche le partage (à parts égales) de la responsabilité à l’égard de l’échouage et l’application d’une autre date de conversion pour lui permettre de profiter de l’appréciation récente du dollar américain.

[23]  En ce qui concerne la créance de l’État, Adventurer soutient que la Cour fédérale aurait dû appliquer l’article 116 de la LRMM et adjuger les intérêts au taux inférieur (environ 1 p. 100) qui y est prescrit. La raison en est que cette créance est visée par la partie 7 de la LRMM, puisque l’article 109 de la LRMM la vise.

[24]  Adventurer a admis que, si notre Cour ne retient pas sa thèse portant que la Cour fédérale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que l’État n’était pas responsable de l’échouement parce qu’il n’était tenu par nulle obligation d’avertir, notre Cour n’est pas appelée à examiner les autres questions qu’elle soulève concernant la causalité, la répartition et la date de conversion.

IV.  ANALYSE

A.  Manquement à l’obligation

[25]  Le droit est bien fixé : les normes de contrôle applicables aux présents appels sont celles consacrées par la jurisprudence Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235 (Housen).

[26]  Adventurer soutient que la Cour fédérale a commis une erreur de droit isolable dans son application de la norme de diligence en l’espèce. Elle avance ainsi que notre Cour doit examiner la conclusion selon laquelle l’obligation d’avertir – qui n’est pas controversée – avait été remplie selon la norme de la décision correcte. Je ne souscris pas à cette thèse.

[27]  La Cour suprême du Canada a discuté en détail la norme de diligence, à savoir ce qui constitue une conduite raisonnable dans les circonstances d’une espèce, à l’occasion de l’affaire Galaske c. O’Donnell, [1994] 1 R.C.S. 670 (Galaske). Tous les juges ont conclu qu’il s’agit normalement d’une question mélangée de fait et de droit. Dans de rares cas, il se peut bien que le juge des faits a appliqué un principe de droit incorrect, mais, comme l’a noté la juge McLachlin (tel était alors son titre) dans des motifs concordants, « [c]’est au juge de première instance qu’il incombe de se prononcer sur la norme de diligence compte tenu de la preuve » et cela « peut varier selon les cas » (Galaske, à la page 698).

[28]  A l’occasion de l’affaire Housen, la Cour suprême a confirmé les opinions exprimées dans l’arrêt Galaske (au paragraphe 31). Pourtant, dans l’occasion de l’affaire Housen (au paragraphe 36) et plus tard à l’occasion de l’affaire Sattva Capital Corp. c. Creston Moly Corp., 2014 CSC 53, [2014] 2 R.C.S. 633, au paragraphe 54, la Cour suprême a aussi donné une mise en garde aux juridictions d’appel de faire preuve de prudence lorsqu’ils concluent en l’existence d’une question de droit isolable écartant la retenue dont il faut faire preuve envers le juge des faits. Je retiens de cette jurisprudence que, dans le cas où le principe juridique n’est pas facilement isolable, la juridiction d’appel doit appliquer la norme plus rigoureuse de l’erreur manifeste et dominante.

[29]  Je ne retiens pas non plus la thèse d’Adventurer selon laquelle la présente affaire est analogue à l’affaire Rhône (Le) c. Peter A.B. Widener (Le), [1993] 1 R.C.S. 497, où le juge de première instance avait mal qualifié le critère juridique en recherchant si une personne était l’« âme dirigeante » de la société. En l’espèce, la Cour fédérale a noté, correctement, qu’elle était saisie de la question de savoir si la transmission du NOTSHIP A102/07 répondait à l’obligation qui incombait aux préposés de la GCC et du SHC de signaler aux navigateurs la présence du haut-fond découvert en 2007. Il est évident que la Cour fédérale a compris que, selon Adventurer, la norme de diligence nécessitait davantage que la transmission de ce NOTSHIP (motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 89; voir aussi les paragraphes 38 à 40, 63 à 71, 90, 95 et 98 à 100).

[30]  Selon Adventurer, l’erreur de principe devient évidente si l’on examine la conclusion de la Cour fédérale énoncée au paragraphe 40 des motifs. Elle soutient que le fait que la Cour fédérale a retenu ses éléments de preuve concernant ce qui aurait dû se produire dès l’approbation par le SHC des NOTMARs rédigés par M. Leyzack qui devaient remplacer le NOTSHIP A102/07 (motifs de la Cour fédérale, aux paragraphes 38 à 40) fit pencher la balance. Selon Adventurer, il s’ensuivait nécessairement de la conclusion de fait figurant au paragraphe 40 qu’il y avait eu manquement à l’obligation d’avertir parce qu’un NOTMAR aurait dû être transmis au mois de juin 2010.

[31]  Nul principe juridique ne porte que le défaut de satisfaire à la norme de services établie par la gestion interne comme étant sa cible dicte la norme de diligence applicable dans tous les cas. Il s’agit manifestement d’un facteur pertinent quant à l’appréciation du caractère raisonnable de la conduite d’une personne, mais il revient au juge des faits de décider du poids à lui accorder après examen de l’ensemble des faits de l’espèce.

[32]  Selon mon interprétation des motifs dans leur ensemble, je crois comprendre que la Cour fédérale a effectivement conclu que les éléments de preuve d’Adventurer étaient pertinents, mais elle n’a pas retenu la principale thèse d’Adventurer selon laquelle la conclusion de fait qu’elle avait tirée concernant ce qui aurait dû se produire si les attentes de la gestion interne avaient été remplies était déterminante quant à la norme de diligence applicable à l’obligation particulière d’avertissement découlant de la découverte du haut-fond.

[33]  Il ne s’agit pas en l’espèce d’une affaire ou nul avertissement n’a été donné quant à la présence du haut-fond. Il ne s’agit pas non plus d’une affaire dans laquelle un avertissement donné localement au moyen d’un NOTSHIP se répéterait normalement dans un autre document transmis, tel un NOTMAR, puisque la diffusion d’un NOTMAR résulte en l’annulation de tout NOTSHIP précédent; ces façons de renseigner les navigateurs ne sont pas censées être employées ensemble. Il ne s’agit pas non plus en l’espèce d’un cas de déclaration inexacte de la part de quelque personne au service du ministère des Pêches et des Océans.

[34]  Vu les faits dont la Cour fédérale était saisie, notamment celui que le haut-fond se trouvait largement à l’extérieur des routes à forte navigation (motifs de la Cour fédérale, au paragraphe 27), il lui était loisible d’examiner d’autres facteurs et circonstances, tels que la question de savoir si l’avertissement qui avait réellement été donné aux navigateurs par la transmission du NOTSHIP A102/07 constituait un avertissement convenable et adéquat dont les personnes intéressées au ministère des Pêches et des Océans pouvaient raisonnablement s’attendre à ce qu’il soit utilisé et examiné par les navigateurs qui naviguaient dans le golfe Coronation au mois d’août 2010.

[35]  Une obligation de diligence propre aux navigateurs est reconnue par la common law. Ils doivent avoir à bord de leur navire des cartes et des publications nautiques à jour et les utiliser. Cette obligation est éclairée par la réglementation locale qui s’applique aux eaux dans lesquelles ils décident de naviguer.

[36]  En plus d’examiner le paragraphe 1(1) du Règlement sur les abordages, qui définit l’Avis à la navigation et l’Avis aux navigateurs, et l’article 7 du Règlement sur les abordages, qui met ces deux types de documents sur un même pied d’égalité, la Cour fédérale a entendu une preuve abondante sur ces façons de communiquer des renseignements importants aux navigateurs. Il y a amplement d’éléments produits en preuve qui vont dans le sens de la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle la transmission du NOTSHIP A102/07 permettait de satisfaire à l’obligation d’avertir les navigateurs de la présence de ce haut-fond (voir le recueil de l’État et les éléments de preuve mentionnés dans son mémoire). Je ne suis pas convaincue que la Cour fédérale a commis une erreur manifeste et dominante lorsqu’elle a conclu au final que cet avertissement convenable et satisfaisant en l’espèce (critère objectif).

[37]  Ayant conclu que le juge n’a pas commis d’erreur lorsqu’il a conclu à l’absence de manquement dont l’État devrait être tenu responsable, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres moyens d’Adventurer concernant la causalité, le partage de la responsabilité et la date appropriée de conversion de la devise dans laquelle les dommages ont été engagés. Ces questions ne pouvaient pas être déterminantes quant à l’issue des appels.

B.  Taux d’intérêt

[38]  La dernière question à examiner est celle de savoir si la Cour fédérale a commis une erreur de droit en n’appliquant pas le paragraphe 116(1) de la LRMM, parce que la copie des procédures contre Adventurer devait être signifiée à l’administrateur de la CIDPHN aux termes de l’article 109, figurant à la partie 7 de la LRMM.

[39]  Il s’agit d’une question d’interprétation des lois à laquelle s’applique la norme de la décision correcte (Housen, au paragraphe 8; Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Canada (Procureur général), 2014 CSC 40, [2014] 2 R.C.S. 135, au paragraphe 33). À mon avis, la Cour fédérale a conclu à bon droit que le paragraphe 116(1) de la LRMM n’était pas applicable aux faits de l’espèce.

[40]  La réclamation de l’État est fondée sur l’article 3 de la Convention internationale de 2001 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute (23 mars 2001, R.T. Can. 2010 n3) (la Convention sur les hydrocarbures de soute), l’un des dix articles de la Convention sur les hydrocarbures de soute qui ont été mis en vigueur au Canada par l’article 69 de la LRMM. Les articles 1 à 10 de la Convention sur les hydrocarbures de soute sont inclus à l’annexe 8 de la LRMM. Selon ces dispositions, le propriétaire est responsable d’un navire à l’égard des dommages causés par la pollution par les hydrocarbures résultant de fuites de soute, qui sont définis comme s’entendant notamment du coût des mesures de sauvegarde. Devant notre Cour, Adventurer a affirmé catégoriquement que le droit de l’État de réclamer contre elle le coût des mesures de sauvegarde est fondé sur l’article 71 de la LRMM et sur l’article 3 de la Convention sur les hydrocarbures de soute, ces deux dispositions figurant à la partie 6 de la LRMM.

[41]  Aux termes de l’article 109 (se trouvant à la partie 7 de la LRMM), dans le cas où est intenté contre le propriétaire d’un navire ou son garant une action en responsabilité fondée notamment sur l’article 3 de la Convention sur les hydrocarbures de soute, ou sur l’article 71 ou 77 de la LRMM, « l’acte introductif d’instance doit être signifié à l’administrateur » de la CIDPHN et « l’administrateur doit comparaître et prendre les mesures qu’il juge à propos pour la bonne gestion de la [CIDPHN] ». Adventurer soutient que, même si le droit de l’État d’intenter une action en recouvrement des frais associés aux mesures de sauvegarde est fondé sur la partie 6, l’obligation de l’État de signifier ses procédures à l’administrateur suffit pour que l’action fasse jouer le paragraphe 116(1) de la LRMM, lequel vise les « demandes en recouvrement de créance présentées en vertu de la présente partie ».

[42]  Malgré le peu d’observations présentées par les parties dans leurs mémoires et lors de l’audience concernant l’interprétation du paragraphe 116(1), la Cour doit tout de même procéder à une analyse téléologique, puisque la Cour suprême du Canada a dicté cette approche (Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, au paragraphe 21). J’ai procédé à cette analyse même si la présente affaire n’est pas de nature à justifier des observations poussées.

[43]  Ainsi, il faut interpréter les mots « aux demandes en recouvrement de créance présentées en vertu de la présente partie » (en anglais « a claim under this Part ») figurant au paragraphe 116(1) au regard de leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la LRMM et surtout de la partie 7, de l’objet de la LRMM et de l’intention du législateur.

[44]  La partie 7 de la LRMM est intitulée « Caisse d’indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires ». Son principal objet est de constituer (ou de proroger, puisque la CIDPHN existe depuis 1989) un régime d’indemnisation canadien fondé sur le principe du « pollueur-payeur » visant à indemniser les victimes de la pollution par les hydrocarbures causée par les navires, qui comprend un délai fixé pour la présentation de leur réclamation.

[45]  La partie 7, expose notamment le compte de la CIDPHN (article 92), et porte sur la nomination de son administrateur et de son administrateur adjoint (articles 94 et 95). Elle définit les modalités de gouvernance de la CIDPHN (articles 120 à 124).

[46]  Elle établit la responsabilité de la CIDPHN à l’égard des demandes de remboursement découlant de la pollution causée un navire dans diverses circonstances, notamment lorsque la responsabilité du propriétaire du navire est prévue par la partie 6, y compris par les articles 71 et 77, ou à l’article 3 de la Convention sur les hydrocarbures de soute et que ce propriétaire est incapable financièrement de payer, ou lorsque se produit une fuite mystérieuse causée par un navire. Il vise explicitement certaines demandes d’indemnisation des pertes de revenus (articles 101, 103 et 107).

[47]  La partie 7 donne divers pouvoirs à l’administrateur de la CIDPHN, notamment le droit d’être partie au règlement d’une action contre le propriétaire d’un navire ou son garant fondée sur des questions intéressant la CIDPHN (article 109), et de poursuivre le propriétaire d’un navire ou son garant après sa subrogation dans les droits du demandeur (alinéas 106(3)c) et d)). Elle donne aussi à l’administrateur le droit de poursuivre un propriétaire de navire et un navire en vue d’obtenir des garanties avant ou après qu’une demande d’indemnisation lui soit adressée (alinéa 102(1)b)). La partie 7 porte aussi sur certaines questions relatives au Fonds international et au Fonds complémentaire, mais ces dispositions ne sont pas réellement pertinentes en l’espèce, sauf dans la mesure où, dans certains cas, la CIDPHN peut devoir présenter une demande d’indemnisation à ces fonds ou même les poursuivre s’ils ne répondent pas à une demande valable.

[48]  L’article 116 se trouve dans une sous-partie de la partie 7 qui est intitulée « Contributions à la Caisse d’indemnisation, au Fonds international et au Fonds complémentaire ».

[49]  L’article 116 de la LRMM est ainsi libellé :

Droit aux intérêts

116. (1) Aux demandes en recouvrement de créance présentées en vertu de la présente partie contre le propriétaire d’un navire, le garant d’un propriétaire de navire, la Caisse d’indemnisation, le Fonds international ou le Fonds complémentaire s’ajoutent des intérêts calculés au taux en vigueur fixé en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu sur les sommes à verser par le ministre du Revenu national à titre de remboursement de paiements en trop d’impôt en application de cette loi.

 

Claimants entitled to interest

116. (1) Interest accrues on a claim under this Part against an owner of a ship, the owner’s guarantor, the Ship-source Oil Pollution Fund, the International Fund or the Supplementary Fund at the rate prescribed under the Income Tax Act for amounts payable by the Minister of National Revenue as refunds of overpayments of tax under that Act as are in effect from time to time.

 

Délais

(2) Les intérêts visés au paragraphe (1) sont calculés :

a) dans le cas d’une demande fondée sur l’alinéa 77(1) a) ou sur l’article III de la Convention sur la responsabilité civile ou l’article 3 de la Convention sur les hydrocarbures de soute, à compter de la date où surviennent les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures;

b) dans le cas d’une demande fondée sur les articles 51 ou 71 ou les alinéas 77(1) b) ou c) ou, à l’égard des mesures de sauvegarde, sur l’article III de la Convention sur la responsabilité civile ou l’article 3 de la Convention sur les hydrocarbures de soute, à compter :

(i) soit de la date où sont engagés les frais,

(ii) soit de la date où surviennent les dommages ou la perte;

c) dans le cas d’une demande fondée sur l’article 107, à compter de la date où survient la perte de revenus.

Time from which interest accrues

(2) Interest accrues on a claim under this Part

(a) if the claim is based on paragraph 77(1)(a) or on Article III of the Civil Liability Convention or Article 3 of the Bunkers Convention, from the day on which the oil pollution damage occurs;

(b) if the claim is based on section 51 or 71 or paragraph 77(1)(b) or (c), or on Article III of the Civil Liability Convention or Article 3 of the Bunkers Convention as they pertain to preventive measures,

(i) in the case of costs and expenses, from the day on which they are incurred, or

(ii) in the case of loss or damage, from the day on which the loss or damage occurs; or

(c) if the claim is based on section 107, from the time when the loss of income occurs.

(Je souligne)

(My emphasis)

[50]  L’article 116 n’est mentionné que dans un seul autre article de la LRMM, soit l’article 92 à la partie 7, qui porte sur les sommes à porter au crédit ou au débit du compte spécial de la CIDPHN constitué parmi les comptes du Canada.

[51]  Adventurer n’a avancé aucune raison tendant à établir que l’intention du législateur aurait été de limiter le taux d’intérêt à payer par le pollueur dans les cas où nulle somme n’est versée par la CIDPHN. La CIDPHN intervient principalement à titre de débiteur plutôt que de créancier. Il est plus logique de penser que le législateur voulait fixer le taux d’intérêt qui s’applique à la CIDPHN, et qui peut donc être recouvré lorsqu’elle exerce son droit de subrogation.

[52]  On trouve deux exemples récents de demandes de remboursement présentées au propriétaire d’un navire ou à son garant dans Canada (Caisse d’indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires) c. Beasse, 2018 CF 39, aux paragraphes 1, 24 et 45, et Canada (Caisse d’indemnisation des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures causée par les navires) c. Wilson, 2017 CF 796, aux paragraphes 7 et 8. Dans les deux affaires, la CIDPHN était subrogée après avoir indemnisé la GCC d’une créance fondée notamment sur les articles 77 et 103. Dans les deux affaires, la Cour fédérale a appliqué le paragraphe 116(1) au calcul du taux d’intérêt que la CIDPHN pouvait réclamer.

[53]  Ayant dûment examiné tous ces éléments, je conclus que les demandes en recouvrement de créance contre le propriétaire d’un navire ou son garant mentionnées au paragraphe 116(1) visent les demandes présentées par la CIDPHN à ce propriétaire ou à son garant. En l’espèce, le droit de l’État de présenter une demande d’indemnisation à Adventurer ne constitue pas une demande en recouvrement de créance visée par la partie 7.

V.  CONCLUSION

[54]  Je ne puis conclure que la Cour fédérale a commis une quelconque erreur susceptible de contrôle en l’espèce, et je propose de rejeter les présents appels avec dépens. À la lumière des observations de l’État, il y a lieu de fixer ces dépens à la somme globale de 5 000 $ pour les deux appels.

« Johanne Gauthier »

j.c.a.

« Je suis d’accord

Richard Boivin, j.c.a. »

« Je suis d’accord

Yves de Montigny, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

François Brunet, réviseur


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DoSSIERS :

A-64-17 et A-65-17

APPEL DES JUGEMENTS RENDUS LE 27 JANVIER 2017 PAR LE JUGE SEAN HARRINGTON DANS LES DOSSIERS Nos T -901-11 ET T -1149-12

DOSSIER :

A-64-17

 

 

INTITULÉ :

ADVENTURER OWNER LTD., DOCKENDALE HOUSE, RUE BAY OUEST, C.P. CB-13048, NASSAU, BAHAMAS c. SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

 

ET DOSSIER :

A-65-17

 

 

INTITULÉ :

ADVENTURER OWNER LTD., PROPRIÉTAIRE, et TOUTES LES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE M/V CLIPPER ADVENTURER ET SUR LE NAVIRE M/V CLIPPER ADVENTURER c. SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA et L’ADMINISTRATEUR DE LA CAISSE D’INDEMNISATION DES DOMMAGES DUS À LA POLLUTION PAR LES HYDROCARBURES CAUSÉE PAR LES NAVIRES

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 30 JANVIER 2018

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GAUTHIER

 

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS :

le 7 février 2018

 

COMPARUTIONS :

Me Nicholas J. Spillane

Me Victor DeMarco

Me Katherine Shaughnessy-Chapman

pour l’appelante

ADVENTURER OWNER LTD. DOCKENDALE HOUSE, RUE BAY OUEST, C.P. CB-13048, NASSAU, BAHAMAS

 

Me Benoît de Champlain

Me Miriam Clouthier

 

pour l’intimée

sa majesté la reine du chef du canada

 

Me Nicholas J. Spillane

Me Victor DeMarco

Me Katherine Shaughnessy-Chapman

POUR LES APPELANTES

ADVENTURER OWNER LTD., PROPRIÉTAIRE, et toutes les autres personnes ayant un droit sur le navire M/V CLIPPER ADVENTURER ET SUR LE NAVIRE M/V CLIPPER ADVENTURER

 

Me Benoît de Champlain

Me Miriam Clouthier

POUR L’INTIMÉE

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Brisset Bishop s.e.n.c.

Montréal (Québec)

 

 

pour l’appelante

ADVENTURER OWNER LTD. DOCKENDALE HOUSE, RUE BAY OUEST, C.P. CB-13048, NASSAU, BAHAMAS

 

Me Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

POUR L’INTIMÉE

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

Brisset Bishop s.e.n.c.

Montréal (Québec)

 

pour les appelantEs

ADVENTURER OWNER LTD., PROPRIÉTAIRE, et TOUTES LES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE M/V CLIPPER ADVENTURER ET SUR LE NAVIRE M/V CLIPPER ADVENTURER

 

Me Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

POUR L’INTIMÉE

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

 

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