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Date : 20180227


Dossier : A-447-16

Référence : 2018 CAF 45

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE NADON

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

 

ENTRE :

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

appelante

 

 

et

 

 

MOHAMMAD N. CHEEMA

 

 

intimé

 

Appel entendu à Toronto (Ontario), le 20 septembre 2017.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 27 février 2018.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE STRATAS

Y A SOUSCRIT :

LE JUGE NADON

MOTIFS DISSIDENTS :

LE JUGE WEBB

 


Date : 20180227


Dossier : A-447-16

Référence : 2018 CAF 45

CORAM :

LE JUGE NADON

LE JUGE STRATAS

LE JUGE WEBB

 

ENTRE :

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

appelante

 

 

et

 

 

MOHAMMAD N. CHEEMA

 

 

intimé

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE WEBB (motifs dissidents)

[1]  Le présent appel porte sur les conditions à remplir pour bénéficier du remboursement pour habitations neuves prévu par la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E-15 (la LTA) et le Règlement no 2 sur le nouveau régime de la taxe à valeur ajoutée harmonisée, DORS/2010 151 (le Règlement). Plus particulièrement, la question est de savoir si une personne qui signe une convention d’achat et de vente visant un immeuble d’habitation à logement unique à la seule fin d’aider une autre personne à obtenir l’hypothèque qui sera nécessaire pour acheter le logement, sans acquérir un droit de bénéficiaire dans le logement, doit répondre aux exigences d’occupation définies au paragraphe 254(2) de la LTA.

[2]  Le ministre du Revenu national a établi une nouvelle cotisation à l’égard de M. Cheema lui refusant le remboursement pour habitations neuves, au motif que M. Akbari, qui n’a aucun lien de parenté avec M. Cheema et qui a signé la convention d’achat et de vente, n’avait pas l’intention d’occuper l’immeuble d’habitation. La Cour canadienne de l’impôt a décidé (2016 CCI 251) que, dans la présente affaire, M. Cheema avait droit au remboursement, et a accueilli l’appel de cette nouvelle cotisation interjeté par M. Cheema. Pour les motifs qui suivent, je rejetterais le présent appel.

I.  Le contexte

[3]  Le 26 mars 2012, M. Cheema et son ami, M. Akbari, ont signé une convention d’achat et  de vente qu’a accepté le constructeur, Mosaik Pinewest Inc., le lendemain. La convention prévoyait la construction d’une maison, identifiée par le nom du modèle, sur un lot spécifique à Vaughan, en Ontario, sans adresse municipale encore attribuée. Il relève donc de la déduction logique qu’à la signature de la convention d’achat et de vente, la maison n’existait pas. Le prix d’achat de la maison était supérieur à 800 000 $.

[4]  La maison était construite pour M. Cheema et sa famille. M. Akbari a signé la convention d’achat et de vente pour aider M. Cheema à obtenir un financement hypothécaire. Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a retenu le témoignage de M. Cheema lorsqu’il a déclaré qu’il était entendu dès le début que M. Akbari n’aurait aucun intérêt véritable dans la propriété (paragraphe 8 de ses motifs). Il a aussi admis le témoignage de M. Akbari selon lequel il n’avait payé aucune partie du prix d’achat de la maison ni les dépenses courantes liées à celle-ci. M. Cheema a réglé les dépenses liées à l’achat et à l’entretien courant de la maison (paragraphe 9 de ses motifs). Il est aussi manifeste que M. Akbari n’a jamais eu l’intention d’occuper la maison à titre de résidence principale.

[5]  Lorsqu’a été conclue la vente de la maison le 26 juillet 2013, M. Cheema et son épouse ont acquis un intérêt de 99 p. 100 dans la maison, et M. Akbari a acquis un intérêt de 1 p. 100. Le même jour, M. Akbari a signé une déclaration de fiducie reconnaissant qu’il détenait en fiducie cet intérêt de 1 p. 100 au profit de M. Cheema et de son épouse.

[6]  Cette déclaration de fiducie n’a pas été remise au prêteur hypothécaire, et le juge de la Cour canadienne de l’impôt a conclu qu’elle n’avait probablement pas été remise au constructeur.

[7]  M. Akbari a ultérieurement cédé son intérêt de 1 p. 100 au fils de M. Cheema, qui avait été approuvé par le créancier hypothécaire (paragraphe 16 des motifs du juge de la Cour canadienne de l’impôt).

[8]  M. Cheema et son épouse ont emménagé dans la maison à titre de lieu de résidence principale immédiatement après la conclusion de la vente le 26 juillet 2013.

II.  Les dispositions législatives applicables

[9]  Le remboursement pour habitations neuves en Ontario est payable aux termes de l’article 256.21 de la LTA et du Règlement. Les paragraphes 41(1) et (2) du Règlement sont les suivants :

41(1) Au présent article, immeuble d’habitation à logement unique et proche s’entendent au sens du paragraphe 254(1) de la Loi.

41(1) In this section, relation and single unit residential complex have the same meanings as in subsection 254(1) of the Act.

(2) Dans le cas où un particulier a droit au remboursement prévu au paragraphe 254(2) de la Loi au titre d’un immeuble d’habitation qui est un immeuble d’habitation à logement unique ou un logement en copropriété acquis en vue de servir en Ontario de résidence habituelle du particulier ou de son proche ou aurait droit à ce remboursement si la contrepartie totale, au sens de l’alinéa 254(2)c) de la Loi, relative à l’immeuble était inférieure à 450 000 $, pour l’application du paragraphe 256.21(1) de la Loi, le particulier est une personne visée et le montant du remboursement versé au titre de l’immeuble selon ce paragraphe est égal au montant obtenu par la formule suivante, jusqu’à concurrence de 24 000 $ :

(2) If an individual is entitled to claim a rebate under subsection 254(2) of the Act in respect of a residential complex that is a single unit residential complex, or a residential condominium unit, acquired for use in Ontario as the primary place of residence of the individual or of a relation of the individual, or the individual would be so entitled if the total consideration (within the meaning of paragraph 254(2)(c) of the Act) in respect of the complex were less than $450,000, for the purposes of subsection 256.21(1) of the Act, the individual is a prescribed person and the amount of a rebate in respect of the complex under that subsection is equal to the lesser of $24,000 and the amount determined by the formula

A × B

A × B

où :

Where

A représente 75 %;

A is 75%; and

B le total de la taxe payée en vertu du paragraphe 165(2) de la Loi relativement à la fourniture de l’immeuble au profit du particulier ou relativement à toute autre fourniture, effectuée au profit de celui-ci, d’un droit sur l’immeuble.

B is the total of all tax under subsection 165(2) of the Act paid in respect of the supply of the complex to the individual or in respect of any other supply to the individual of an interest in the complex.

[10]  Pour l’essentiel, le Règlement prévoit le remboursement partiel de la taxe payée aux termes du paragraphe 165(2) de la LTA. Les conditions à remplir pour bénéficier de ce remboursement sont les mêmes que celles qui sont applicables pour décider quand le remboursement pour habitations neuves sera payable aux termes du paragraphe 254(2) de la LTA, à l’exception du fait que, pour un immeuble d’habitation en Ontario, le remboursement, plafonné à 24 000 $, sera payable peu importe le prix de la maison.

[11]  Les conditions générales pour recevoir le remboursement pour habitations neuves (outre les conditions se rapportant à la contrepartie pour l’immeuble d’habitation et le calcul du remboursement) sont prévues au paragraphe 254(2) de la LTA :

(2) Le ministre verse un remboursement à un particulier dans le cas où, à la fois :

(2) Where

a) le constructeur d’un immeuble d’habitation à logement unique ou d’un logement en copropriété en effectue, par vente, la fourniture taxable au profit du particulier;

(a) a builder of a single unit residential complex or a residential condominium unit makes a taxable supply by way of sale of the complex or unit to a particular individual,

b) au moment où le particulier devient responsable ou assume une responsabilité aux termes du contrat de vente de l’immeuble ou du logement conclu entre le constructeur et le particulier, celui-ci acquiert l’immeuble ou le logement pour qu’il lui serve de lieu de résidence habituelle ou serve ainsi à son proche;

(b) at the time the particular individual becomes liable or assumes liability under an agreement of purchase and sale of the complex or unit entered into between the builder and the particular individual, the particular individual is acquiring the complex or unit for use as the primary place of residence of the particular individual or a relation of the particular individual,

[…]

d) le particulier a payé la totalité de la taxe prévue à la section II relativement à la fourniture et à toute autre fourniture, effectuée à son profit, d’un droit sur l’immeuble ou le logement (le total de cette taxe prévue au paragraphe 165(1) étant appelé « total de la taxe payée par le particulier » au présent paragraphe);

(d) the particular individual has paid all of the tax under Division II payable in respect of the supply of the complex or unit and in respect of any other supply to the individual of an interest in the complex or unit (the total of which tax under subsection 165(1) is referred to in this subsection as the “total tax paid by the particular individual”),

e) la propriété de l’immeuble ou du logement est transférée au particulier une fois la construction ou les rénovations majeures de ceux-ci achevées en grande partie;

(e) ownership of the complex or unit is transferred to the particular individual after the construction or substantial renovation thereof is substantially completed,

f) entre le moment où les travaux sont achevés en grande partie et celui où la possession de l’immeuble ou du logement est transférée au particulier en vertu du contrat de vente :

(f) after the construction or substantial renovation is substantially completed and before possession of the complex or unit is given to the particular individual under the agreement of purchase and sale of the complex or unit

(i) l’immeuble n’a pas été occupé à titre résidentiel ou d’hébergement,

(i) in the case of a single unit residential complex, the complex was not occupied by any individual as a place of residence or lodging, and

(ii) le logement n’a pas été occupé à titre résidentiel ou d’hébergement, sauf s’il a été occupé à titre résidentiel par le particulier, ou son proche, qui était alors l’acheteur du logement aux termes d’un contrat de vente;

(ii) in the case of a residential condominium unit, the unit was not occupied by an individual as a place of residence or lodging unless, throughout the time the complex or unit was so occupied, it was occupied as a place of residence by an individual, or a relation of an individual, who was at the time of that occupancy a purchaser of the unit under an agreement of purchase and sale of the unit, and

g) selon le cas :

(g) either

(i) le premier particulier à occuper l’immeuble ou le logement à titre résidentiel, à un moment après que les travaux sont achevés en grande partie, est :

(i) the first individual to occupy the complex or unit as a place of residence at any time after substantial completion of the construction or renovation is

(A) dans le cas de l’immeuble, le particulier ou son proche,

(A) in the case of a single unit residential complex, the particular individual or a relation of the particular individual, and

(B) dans le cas du logement, le particulier, ou son proche, qui, à ce moment, en était l’acheteur aux termes d’un contrat de vente,

(B) in the case of a residential condominium unit, an individual, or a relation of an individual, who was at that time a purchaser of the unit under an agreement of purchase and sale of the unit, or

(ii) le particulier effectue par vente une fourniture exonérée de l’immeuble ou du logement, et la propriété de l’un ou l’autre est transférée à l’acquéreur de cette fourniture avant que l’immeuble ou le logement n’ait été occupé à titre résidentiel ou d’hébergement.

(ii) the particular individual makes an exempt supply by way of sale of the complex or unit and ownership thereof is transferred to the recipient of the supply before the complex or unit is occupied by any individual as a place of residence or lodging,

[…]

III.  La décision de la Cour canadienne de l’impôt

[12]  Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a relevé qu’il y avait des décisions de cette cour qui avaient refusé le remboursement pour habitations neuves lorsqu’une personne sans lien de parenté avait signé la convention d’achat et de vente pour aider une autre personne à recevoir le financement nécessaire pour acheter la maison. Toutefois, dans la présente affaire, il a conclu que M. Akbari était un simple fiduciaire (paragraphe 55 de ses motifs) et qu’il n’avait « aucun intérêt proprement dit dans la propriété elle-même » (paragraphe 53 de ses motifs). Par conséquent, bien que M. Akbari ait « pris un certain risque en signant la convention d’achat-vente et l’hypothèque » (paragraphe 50 de ses motifs), il n’était pas un « particulier » pour l’application du paragraphe 254(2) de la LTA, et M. Cheema était admissible à recevoir le remboursement pour habitations neuves.

IV.  La norme de contrôle

[13]  La norme de contrôle applicable à toutes les questions de droit est la décision correcte, et, pour toutes les questions de fait (ou les questions mixtes de droit et de fait sans question de droit susceptible d’être isolée), la norme de contrôle applicable est celle de l’erreur manifeste et dominante (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235).

V.  Analyse

[14]  Aux termes de la LTA, des taxes sont généralement payables à l’acquisition d’une habitation neuve. La LTA prévoit aussi que, à certaines conditions, l’acheteur d’une habitation neuve a droit au remboursement partiel de la taxe qu’il a payée. Les conditions générales de remboursement définies au paragraphe 254(2) de la LTA prévoient le remboursement partiel des taxes payées au titre du paragraphe 165(1). Ce remboursement est versé uniquement lorsque le total de la contrepartie payable pour la maison (à l’exclusion de la TPS ou de la TVH – alinéa 154(2)a) de la LTA) est inférieur à 450 000 $. Pour une habitation neuve achetée en Ontario, le Règlement prévoit un remboursement distinct d’une partie de la taxe payée au titre du paragraphe 165(2) de la LTA. Ce remboursement n’est assujetti à aucune restriction se rapportant au montant de la contrepartie payable pour la maison, mais le montant du remboursement est limité au montant le moins élevé entre 24 000 $ et le montant correspondant à 75 p. 100 de la taxe payée au titre du paragraphe 165(2) de la LTA (paragraphe 41(2) du Règlement). Le taux de la taxe imposée par le paragraphe 165(2) de la LTA pour l’Ontario est de 8 p. 100 (annexe VIII de la LTA). Par conséquent, le remboursement maximal de 24 000 $ en Ontario pour la taxe payée au titre du paragraphe 165(2) de la LTA est versé pour les maisons qui se vendent à un prix de 400 000 $ ou plus.

[15]  Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a renvoyé à l’énoncé du ministère des Finances dans le document publié en mai 1990 et intitulé Taxes sur les produits et services : Notes explicatives du projet de loi C-62 adopté par la Chambre des communes le 10 avril 1990 (les notes explicatives), à la page 148, se rapportant au remboursement pour habitations neuves prévu au paragraphe 254(2) de la LTA. Les notes explicatives énoncent que  « [l] e remboursement fait en sorte que la TPS ne bloque pas l’accès aux logements de prix abordable, en abaissant effectivement à 4 1/2 % le taux de taxe sur les habitations neuves, soit un niveau qui correspond à peu près à la taxe moyenne existante incluse dans le prix des habitations neuves ». Puisque le remboursement payable aux termes du Règlement se rapporte à la taxe supplémentaire sur les habitations neuves adoptée lorsque l’Ontario a harmonisé sa taxe de vente à la TPS, il semblerait logique que le même objet soit attribué au remboursement payable aux termes du Règlement, c’est-à-dire d’abaisser effectivement le taux de taxe sur les habitations nouvellement construites pour faire en sorte que la TVH ne bloque pas l’accès aux logements de prix abordable.

[16]  Le Règlement, qui prévoit le remboursement pour les habitations neuves en Ontario, reprend les exigences d’occupation que l’on trouve aux alinéas 254(2)b) et g) de la LTA. L’alinéa 254(2)b) de la LTA prévoit qu’au moment où un particulier devient responsable aux termes d’un contrat de vente conclu avec un constructeur, ce particulier doit acquérir l’immeuble d’habitation pour qu’il lui serve de lieu de résidence habituelle ou serve ainsi à un proche. L’alinéa 254(2)g) de la LTA prévoit que, sous réserve de certaines exceptions, le particulier (ou son proche) doit être le premier occupant de l’immeuble d’habitation, après que les travaux sont achevés en grande partie.

[17]  Puisque le particulier est celui qui doit répondre aux exigences d’occupation, il est essentiel d’établir, dans chaque cas, qui est un particulier. Tel que l’a relevé la Couronne, si plus d’un particulier est concerné, tous ces particuliers, collectivement, devront répondre aux exigences d’occupation (paragraphe 262(3) de la LTA, article 40 du Règlement).

[18]  L’alinéa 254(2)a) de la LTA prévoit que la première condition à remplir est que « le constructeur d’un immeuble d’habitation à logement unique ou d’un logement en copropriété en effectue, par vente, la fourniture taxable au profit du particulier ». Ainsi, cette disposition prévoit, pour l’essentiel, qu’un  « particulier » est une personne au profit de laquelle un  « constructeur d’un immeuble d’habitation à logement unique ou d’un logement en copropriété en effectue, par vente, la fourniture taxable ».

[19]  À l’audition de l’appel, la position de la Couronne était que toute personne qui signe un contrat de vente (lequel, en conséquence, lui impose une responsabilité contractuelle) serait un « particulier » et qu’elle doit donc répondre aux exigences d’occupation définies aux alinéas 254(2)b) et g) de la LTA, peu importe si cette personne a acquis un droit dans l’immeuble d’habitation. Par conséquent, une personne sans lien de parenté qui signe un contrat de vente à titre de garant au seul motif d’aider une autre personne à acquérir un immeuble d’habitation (et à recevoir le financement nécessaire) devrait, selon la Couronne, répondre aux exigences d’occupation définies au paragraphe 254(2) de la LTA. La Couronne soutient que tout manquement à cet égard entraînerait le refus du versement du remboursement pour habitations neuves à cette autre personne.

[20]  L’effet net de l’interprétation de la Couronne est qu’une personne qui détient des actifs lui permettant d’acheter une habitation neuve sans hypothèque, ou dont les revenus lui permettent d’obtenir une hypothèque sans cosignataire, sera admissible à recevoir le remboursement pour habitations neuves, sous réserve des autres conditions. Toutefois, une personne qui ne peut acheter seule une habitation neuve et qui a besoin d’une seconde personne sans lien de parenté pour garantir le paiement du prix d’achat ne pourra pas recevoir le remboursement pour habitations neuves. Cette situation semblerait refuser le remboursement pour habitations neuves à ceux qui en auraient le plus besoin et elle soulèverait la question de savoir si telle était l’intention du législateur.

[21]  La question en litige dans le présent appel est celle de l’interprétation du terme « particulier » pour l’application du paragraphe 254(2) de la LTA. Dans Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601, au paragraphe 10, la Cour suprême du Canada a défini la méthode à appliquer pour interpréter des dispositions analogues à celles qui sont en cause dans le présent appel :

10  Il est depuis longtemps établi en matière d’interprétation des lois qu’« il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » : voir 65 302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 804, par. 50. L’interprétation d’une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi dans son ensemble. Lorsque le libellé d’une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation. Par contre, lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d’un sens raisonnable, leur sens ordinaire joue un rôle moins important. L’incidence relative du sens ordinaire, du contexte et de l’objet sur le processus d’interprétation peut varier, mais les tribunaux doivent, dans tous les cas, chercher à interpréter les dispositions d’une loi comme formant un tout harmonieux.

[22]  Par conséquent, il ressort du texte, du contexte et de l’objet du paragraphe 254(2) de la LTA que la question est de savoir si une personne qui signe un contrat de vente (en devenant par sa signature responsable au titre de ce dernier) dans l’unique objectif d’aider une autre personne à recevoir un financement sans acquérir un droit de bénéficiaire dans l’immeuble d’habitation est un « particulier » pour l’application du paragraphe 254(2) de la LTA.

[23]  Tel que le relève le juge de la Cour canadienne de l’impôt, un certain nombre de décisions de la Cour canadienne de l’impôt ont refusé aux particuliers le remboursement pour habitations neuves lorsqu’une personne sans lien de parenté, qui n’avait pas l’intention d’occuper la maison, avait signé le contrat de vente (Davidson c. La Reine, 2001-985 (TPS)I, [2002] G.S.T.C. 25; Goyer c. La Reine, 2010 CCI 511, [2010] G.S.T.C. 163; Sharp c. La Reine, 2014 CCI 323, [2014] G.S.T.C. 135; Al-Hossain c. La Reine, 2014 CCI 379, [2014] G.S.T.C. 157; Henao c. La Reine, 2015 CCI 81, [2015] G.S.T.C. 40; et Malik c. La Reine, 2015 CCI 83, [2015] G.S.T.C. 51). Dans la plupart de ces litiges, la seconde personne avait signé le contrat pour permettre à la première d’obtenir le financement nécessaire à l’achat de la maison. Dans toutes ces affaires, la décision a été rendue sous le régime de la procédure informelle, et aucune n’a donné lieu à un examen approfondi du texte, du contexte et de l’objet des dispositions applicables, ce qui rend difficile de concilier ces décisions.

[24]  Toutefois, dans Javaid c. La Reine, 2015 CCI 94, [2015] G.S.T.C. 53, la juge Woods a conclu qu’un mandataire qui avait signé un contrat de vente, mais qui s’était retiré de l’opération avant la conclusion, n’était pas un « particulier » pour l’application du paragraphe 254(2) de la LTA et n’avait donc pas à satisfaire aux exigences d’occupation définies dans ce paragraphe.

A.  L’alinéa 254(2)b) de la LTA

[25]  Pour étayer sa prétention selon laquelle tout signataire d’un contrat de vente est un « particulier » , la Couronne, dans son mémoire, semble invoquer l’alinéa 254(2)b) de la LTA.

[26]  Or, les premiers mots de l’alinéa 254(2)b) de la LTA sont les suivants :

au moment où le particulier devient responsable ou assume une responsabilité aux termes du contrat de vente de l’immeuble ou du logement conclu entre le constructeur et le particulier, [...]

Cette disposition ne s’applique que si une personne est un particulier; elle ne fait pas d’une personne un particulier. La question de savoir si une personne est un particulier doit être tranchée en tenant compte du libellé de l’alinéa 254(2)a) de la LTA, lequel prévoit qu’un particulier est une personne à qui un constructeur a fait, par vente, une fourniture taxable d’un immeuble d’habitation.

[27]  Il pourrait être avancé qu’il est implicite à l’alinéa 254(2)b) de la LTA que, outre l’exigence prévue à l’alinéa 254(2)a) (que l’immeuble d’habitation soit vendu à la personne), un particulier soit aussi celui qui a conclu le contrat de vente de l’immeuble d’habitation. Toutefois, même si une personne ne peut être reconnue en tant que particulier qu’en concluant le contrat de vente de l’immeuble d’habitation, il ne s’ensuit pas nécessairement que chaque personne qui conclut un contrat est un particulier.

B.  Le paragraphe 262(3) de la LTA et l’article 40 du Règlement

[28]  La Couronne, dans son mémoire, renvoie aussi au paragraphe 262(3) de la LTA pour étayer sa position selon laquelle chaque personne responsable aux termes du contrat de vente doit remplir les conditions d’occupation définies aux alinéas 254(2)b) et g).

[29]  Le paragraphe 262(3) de la LTA prévoit ce qui suit :

(3) Lorsque la fourniture d’un immeuble d’habitation ou d’une part du capital social d’une coopérative d’habitation est effectuée au profit de plusieurs particuliers ou que plusieurs particuliers construisent ou font construire un immeuble d’habitation, ou y font ou font faire des rénovations majeures, la mention d’un particulier aux articles 254 à 256 vaut mention de l’ensemble de ces particuliers en tant que groupe. Toutefois, seulement l’un d’entre eux peut demander le remboursement en application des articles 254, 254.1, 255 ou 256 relativement à l’immeuble ou à la part.

(3) If

(a) a supply of a residential complex or a share of the capital stock of a cooperative housing corporation is made to two or more individuals, or

(b) two or more individuals construct or substantially renovate, or engage another person to construct or substantially renovate, a residential complex,

the references in sections 254 to 256 to a particular individual shall be read as references to all of those individuals as a group, but only one of those individuals may apply for the rebate under section 254, 254.1, 255 or 256, as the case may be, in respect of the complex or share.

 

[30]  Toutefois, puisque M. Cheema sollicitait un remboursement au titre de l’article 256.21 de la LTA, et non du paragraphe 254(2), comme le relève la juge Woods dans Javaid, la référence aurait dû être l’article 40 du Règlement :

40 Si la fourniture d’un immeuble d’habitation ou d’une part du capital social d’une coopérative d’habitation est effectuée au profit de plusieurs particuliers ou que plusieurs particuliers construisent ou font construire un immeuble d’habitation ou y font ou y font faire des rénovations majeures, la mention d’un particulier aux articles 41, 43, 45 et 46 ainsi qu’à l’article 256.21 de la Loi vaut mention de l’ensemble de ces particuliers en tant que groupe. Toutefois, seulement l’un d’entre eux peut demander un remboursement en application du paragraphe 256.21(1) de la Loi relativement à l’immeuble ou à la part, dont le montant est déterminé selon les articles 41, 43, 45 ou 46.

40 If a supply of a residential complex or a share of the capital stock of a cooperative housing corporation is made to two or more individuals, or two or more individuals construct or substantially renovate, or engage another person to construct or substantially renovate, a residential complex, the references in sections 41, 43, 45 and 46 and the references in section 256.21 of the Act to an individual are to be read as references to all of those individuals as a group, but only one of those individuals may apply for a rebate under subsection 256.21(1) of the Act in respect of the complex or share, the amount of which is determined under section 41, 43, 45 or 46.

[31]  Cette disposition prévoit aussi que, si la fourniture d’un immeuble d’habitation est effectuée au profit d’au moins deux personnes, toutes ces personnes doivent, collectivement, répondre aux exigences de l’article 41 du Règlement et du paragraphe 254(2) de la LTA. Le paragraphe 41(2) du Règlement prévoit son application aux personnes admissibles à recevoir un remboursement aux termes du paragraphe 254(2) de la LTA. À mon avis, l’application de l’article 40 du Règlement aux exigences d’occupation définies au paragraphe 254(2) de la LTA aurait pour résultat que seules les personnes répondant à la définition de particulier pour l’acquisition d’un immeuble d’habitation donné devraient être tenues de répondre à ces exigences d’occupation. La première question à examiner est de savoir si une personne répond à la définition de particulier. Ce serait seulement après avoir identifié les particuliers qu’il deviendrait nécessaire d’établir si ces particuliers (s’il y a plus d’un particulier) répondent, collectivement, aux exigences d’occupation définies aux alinéas 254(2)b) et g) de la LTA, puisque ces dispositions évoquent spécifiquement leur application au « particulier ». Ainsi, il est établi si une personne est un particulier (et ainsi le nombre de particuliers) avant que l’article 40 ne s’applique.

C.  La définition d’« acquéreur » dans l’article 123 de la LTA

[32]  Dans certaines affaires mentionnées au paragraphe 23 ci-dessus, les juges de la Cour canadienne de l’impôt renvoyaient à la définition d’« acquéreur » énoncée à l’article 123 de la LTA pour étendre ce qui serait autrement envisagé par le libellé de l’alinéa 254(2)a). Voici la définition d’« acquéreur » présentée à l’article 123 de la LTA :

acquéreur

recipient of a supply of property or a service means

a) Personne qui est tenue, aux termes d’une convention portant sur une fourniture, de payer la contrepartie de la fourniture;

(a) where consideration for the supply is payable under an agreement for the supply, the person who is liable under the agreement to pay that consideration,

b) personne qui est tenue, autrement qu’aux termes d’une convention portant sur une fourniture, de payer la contrepartie de la fourniture;

(b) where paragraph (a) does not apply and consideration is payable for the supply, the person who is liable to pay that consideration, and

c) si nulle contrepartie n’est payable pour une fourniture :

(c) where no consideration is payable for the supply,

(i) personne à qui un bien, fourni par vente, est livré ou à la disposition de qui le bien est mis,

(i) in the case of a supply of property by way of sale, the person to whom the property is delivered or made available,

(ii) personne à qui la possession ou l’utilisation d’un bien, fourni autrement que par vente, est transférée ou à la disposition de qui le bien est mis,

(ii) in the case of a supply of property otherwise than by way of sale, the person to whom possession or use of the property is given or made available, and

(iii) personne à qui un service est rendu.

(iii) in the case of a supply of a service, the person to whom the service is rendered,

Par ailleurs, la mention d’une personne au profit de laquelle une fourniture est effectuée vaut mention de l’acquéreur de la fourniture.

and any reference to a person to whom a supply is made shall be read as a reference to the recipient of the supply.

[33]  Cette définition se termine par « la mention d’une personne au profit de laquelle une fourniture est effectuée vaut mention de l’acquéreur de la fourniture ». Puisque l’alinéa 254(2)a) de la LTA évoque une fourniture taxable à un particulier, la question est de savoir si la mention du particulier doit se lire comme référant à l’« acquéreur  ». Comme un « acquéreur » signifie toute personne responsable aux termes d’un contrat visant une fourniture (alinéa a) de la définition d’« acquéreur »), si « acquéreur » est remplacé par « particulier », il s’ensuit que toute personne qui signe un contrat de vente (et qui aurait la responsabilité de payer la contrepartie) serait considérée comme un particulier pour l’application du paragraphe 254(2) de la LTA, sans égard à la question de savoir si la propriété de l’immeuble d’habitation est transférée à cette personne.

[34]  Toutefois, appliquer cette interprétation signifierait que la portée de l’alinéa 254(2)a) de la LTA dépasserait sensiblement ce que prévoit sa lettre. En effet, le libellé prévoit explicitement que seule une personne qui acquiert un immeuble d’habitation par la vente de cet immeuble sera un « particulier ». Le fait d’appliquer la définition d’« acquéreur » à la personne décrite à l’alinéa 254(2)a) de la LTA et de conclure que la responsabilité de payer la contrepartie – et non l’acquisition d’un droit de propriété – sera le seul facteur déterminant selon lequel une personne est un particulier donnerait lieu à une altération conséquente de l’alinéa tel qu’il est formulé.

[35]  Le paragraphe 15(2) de la Loi d’interprétation, L.R.C., 1985, ch. I-21, prévoit ce qui suit :

(2) Les dispositions définitoires ou interprétatives d’un texte :

(2) Where an enactment contains an interpretation section or provision, it shall be read and construed

a) n’ont d’application qu’à défaut d’indication contraire;

(a) as being applicable only if a contrary intention does not appear; and

b) s’appliquent, sauf indication contraire, aux autres textes portant sur un domaine identique.

(b) as being applicable to all other enactments relating to the same subject-matter unless a contrary intention appears.

[36]  À mon avis, le texte, le contexte et l’objet de l’alinéa 254(2)a) de la LTA établissent que le mot « acquéreur » ne peut se substituer à celui de « particulier ». Le libellé choisi par le législateur exprime une intention contraire de se limiter à appliquer la définition d’ « acquéreur » à la personne décrite à l’alinéa 254(2)a) de la LTA. Le législateur n’a pas employé nulle part le mot « acquéreur » au paragraphe 254(2), bien que celui-ci soit défini dans la LTA. Aussi, la formulation claire de l’alinéa 254(2)a) limite la notion de particulier à la personne au profit de laquelle « le constructeur d’un immeuble d’habitation à logement unique ou d’un logement en copropriété en effectue, par vente, la fourniture taxable ». La notion de  « vente » est décrite en ces termes à l’article 123 de la LTA :

vente Y sont assimilés le transfert de la propriété d’un bien et le transfert de la possession d’un bien en vertu d’une convention prévoyant le transfert de la propriété du bien

sale, in respect of property, includes any transfer of the ownership of the property and a transfer of the possession of the property under an agreement to transfer ownership of the property

[37]  Ainsi, une vente inclura tout transfert de propriété ou de possession. L’alinéa 254(2)a) de la LTA fait référence au fait d’« effectue[r] , par vente, la fourniture taxable [de l’immeuble ou du logement]  ». L’expression « fourniture taxable » signifie la fourniture effectuée dans le cadre d’une activité commerciale, et la « fourniture », lorsqu’il s’agit d’un bien, est la livraison de ce bien (article 123 de la LTA). Par conséquent, il semble manifeste que la fourniture taxable par vente d’un immeuble d’habitation ne peut avoir lieu avant le transfert de la propriété ou de la possession de l’immeuble.

[38]  Le libellé de l’alinéa 254(2)a) de la LTA donne à penser qu’une acceptation de responsabilité aux termes d’un contrat de vente ne suffit pas, en soi, à faire d’une personne un particulier, car il doit y avoir un transfert de propriété ou de possession d’un immeuble d’habitation à cette personne. Ce serait aussi cohérent avec l’objectif du remboursement qui est censé bénéficier aux acheteurs d’habitations neuves. Ceux qui achètent des habitations neuves (et qui ne font pas qu’assumer une responsabilité sans acquérir un droit de bénéficiaire) devraient être les particuliers assujettis aux exigences d’occupation définies aux alinéas 254(2)b) et g) de la LTA. Par conséquent, à mon avis, cela signifie que le mot « acquéreur » ne devrait pas se substituer au mot « particulier » à l’alinéa 254(2)a).

D.  L’article 133 de la LTA

[39]  La Couronne rappelle aussi l’article 133 de la LTA :

133 Pour l’application de la présente partie, la fourniture objet d’une convention est réputée effectuée à la date de conclusion de la convention. La livraison du bien ou la prestation du service aux termes de la convention est réputée faire partie de la fourniture et ne pas constituer une fourniture distincte.

133 For the purposes of this Part, where an agreement is entered into to provide property or a service,

(a) the entering into of the agreement shall be deemed to be a supply of the property or service made at the time the agreement is entered into; and

(b) the provision, if any, of property or a service under the agreement shall be deemed to be part of the supply referred to in paragraph (a) and not a separate supply.

[40]  La Couronne soutient qu’aux termes de cet article, la fourniture d’un immeuble d’habitation a été faite par la conclusion du contrat de vente (vraisemblablement à la suite de la satisfaction de toute condition préalable). Par conséquent, M. Akbari a acquis un droit dans l’immeuble d’habitation à ce moment-là. Lorsqu’il a conclu le contrat, M. Akbari n’a signé aucune déclaration de fiducie, puisque cela n’a été finalisé qu’au moment de la conclusion de l’achat du bien immobilier.

[41]  L’objet de l’article 133 de la LTA est ainsi résumé par le ministère des Finances dans les notes explicatives, à la page 41 :

En vertu de cet article [133], toute convention conclue en vue de fournir un bien ou un service est considérée comme une fourniture du bien ou du service à la date de la conclusion de la convention. Par conséquent, la TPS s’applique à tout paiement anticipé ou partiel de la contrepartie d’une fourniture, même si, au moment du paiement, le bien n’a pas encore été transféré ni le service rendu. En pareil cas, l’article prévoit que la fourniture effective du bien ou du service conformément à la convention fait partie de la même fourniture et ne constitue pas une fourniture distincte.

[42]  Cette note explicative donne à penser que l’article 133 était destiné à l’assujettissement à la taxe au titre de la LTA. Toutefois, les dispositions qui encadrent le remboursement pour habitations neuves portent sur un remboursement de la taxe au titre de la LTA. Il s’agit de savoir, en se fondant sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique, si l’article 133 de la LTA s’applique pour l’application du paragraphe 254(2) et, plus particulièrement, si le moment pour déterminer si une personne est un particulier est celui où le contrat de vente est conclu (article 133) ou celui où l’immeuble d’habitation est effectivement vendu (selon l’exigence prévue à l’alinéa 254(2)a) de la LTA qu’il doive y avoir fourniture effectuée par vente).

[43]  Ainsi que je l’ai préalablement fait remarqué, l’alinéa 254(2)a) de la LTA prévoit qu’il doit y avoir une fourniture par vente d’un immeuble d’habitation à logement unique (ou d’un logement en copropriété). Dans le présent dossier, M. Cheema a acheté un immeuble d’habitation à logement unique.

[44]  Le paragraphe 41(1) du Règlement prévoit que la définition d’«  immeuble d’habitation à logement unique » donnée dans le paragraphe 254(1) de la LTA est adoptée pour l’application du Règlement. Toutefois, cette définition d’« immeuble d’habitation à logement unique » n’élargit la définition d’ « immeuble d’habitation à logement unique » que pour y inclure certains types d’immeubles à logements. Une maison individuelle ne serait pas incluse dans le nouveau libellé du paragraphe 254(1) de la LTA. La définition générale d’ « immeuble d’habitation à logement unique » donnée dans l’article 123 de la LTA est la suivante :

immeuble d’habitation à logement unique Immeuble d’habitation, à l’exclusion d’un logement en copropriété, qui contient au plus une habitation.

single unit residential complex means a residential complex that does not contain more than one residential unit, but does not include a residential condominium unit.

[45]  Les définitions d’immeuble d’habitation et de logement en copropriété (enchâssées dans la définition d’immeuble d’habitation) sont longues. Pour l’essentiel, elles exigent l’existence d’un bâtiment (ou d’une maison mobile ou flottante) où une personne réside ou pourrait résider. Dans la présente affaire, lorsque le contrat de vente a été conclu, aucun bâtiment n’avait encore été construit. Le contrat stipulait que la maison devait être construite.

[46]  Si l’article 133 s’appliquait pour établir quand la fourniture taxable par vente de l’immeuble d’habitation se produit pour les besoins de l’alinéa 254(2)a) de la LTA, il s’ensuivrait que, par l’application de la règle déterminative de l’article 133, la fourniture de l’immeuble d’habitation aurait eu lieu à la conclusion du contrat, avant la construction du bâtiment. La notion de « fourniture » , lorsqu’elle s’applique aux biens, est définie à l’article 123 comme la livraison de biens par tout moyen, y compris la vente. La définition de « vente » comporte le transfert de propriété. Si la fourniture par vente de l’immeuble d’habitation était réputée avoir eu lieu à la conclusion du contrat de vente, cela signifierait donc aussi que, pour l’application de la LTA, la propriété de l’immeuble d’habitation aurait été réputée avoir été transférée au même moment. Bien que la notion de « vente » renvoie à un transfert de propriété ou de possession, l’application la plus logique de la règle déterminative serait de présumer que la propriété a été transférée pour l’application de la LTA.

[47]  Bien qu’il y ait un transfert de propriété de l’immeuble d’habitation après la conclusion du contrat de vente, à mon avis, ce transfert de propriété subséquent (lequel, n’eût été l’article 133, aurait été une fourniture distincte) ferait partie de la fourniture réputée s’être produite au moment de la conclusion du contrat, et ne constituerait pas une fourniture distincte, si l’article 133 s’appliquait. Si l’on présumait que la livraison du bien en vertu du contrat relevait de la fourniture prévue par l’article 133, à mon avis, aux termes de cet article, le transfert de propriété, pour l’application de la LTA, serait réputé avoir eu lieu dans le cadre de la fourniture qui est prévue dans l’article, laquelle fourniture, pour l’application de la LTA, serait réputée avoir eu lieu au moment où le contrat a été conclu, et non au moment du transfert en soi. Si, pour l’application de la LTA, le transfert de propriété de l’immeuble d’habitation se produisait après la conclusion du contrat de vente, cela donnerait lieu à une fourniture distincte de l’immeuble d’habitation, puisque le transfert de propriété constitue une vente et, donc, une fourniture. Cela serait toutefois contraire à l’article 133, si celui-ci s’appliquait pour les besoins de l’article 254 de la LTA.

[48]  L’alinéa 254(2)e) de la LTA prévoit, entre autres conditions d’admissibilité à recevoir le remboursement pour habitations neuves, que « la propriété de l’immeuble ou du logement est transférée au particulier une fois la construction ou les rénovations majeures de ceux-ci achevées en grande partie ». Puisque le contrat de vente prévoit la fourniture d’une maison déjà construite, si la fourniture par vente de l’immeuble d’habitation déjà construit est réputée avoir eu lieu à la conclusion du contrat de vente, ce ne serait pas après l’achèvement en grande partie de la construction de l’immeuble d’habitation. La règle déterminative énoncée à l’article 133 ne prévoit pas deux faits distincts. Elle ne prévoit pas que la construction de l’immeuble d’habitation soit d’abord réputée achevée en grande partie, pour qu’ensuite la propriété soit réputée avoir été transférée. L’article 133 prévoit plutôt que les deux résultats présumés (la propriété réputée – la maison dont la construction est achevée en grande partie – et la fourniture réputée) se produiraient au même moment, c’est-à-dire à la conclusion du contrat. Par conséquent, l’application de l’article 133 à un contrat de construction d’une habitation neuve aurait l’effet d’empêcher toute personne concluant un tel contrat de recevoir le remboursement pour habitations neuves. Ce résultat ne peut pas avoir été celui que le législateur envisageait.

[49]  À mon avis, il ne conviendrait pas non plus de conclure que l’article 133 s’appliquerait dans le cadre de l’alinéa 254(2)a) de la LTA, mais non dans celui de l’alinéa 254(2)e). Soit l’article 133 s’applique pour dire que la fourniture par vente de l’immeuble d’habitation est réputée s’être produite à la conclusion du contrat, soit il ne s’applique pas. Si le législateur avait voulu que, aux termes de l’article 133, la fourniture par vente de l’immeuble d’habitation (et par conséquent le transfert de propriété) soit réputée avoir eu lieu au moment où le contrat a été conclu pour l’application de l’alinéa 254(2)a) de la LTA, mais non pour l’alinéa 254(2)e), il aurait adopté une formule plus explicite.

[50]  Aussi, la première partie de l’alinéa 254(2)b) de la LTA se lit ainsi : « au moment où le particulier devient responsable ou assume une responsabilité aux termes du contrat de vente de l’immeuble ou du logement conclu entre le constructeur et le particulier ». Si le législateur avait entendu faire appliquer l’article 133, ce passage aurait été tronqué ainsi : « au moment de la fourniture de l’immeuble ». Le moment où le contrat est conclu pour l’application de l’article 133 de la LTA serait réputé être le même moment où la personne devient responsable aux termes du contrat pour l’application de l’alinéa 254(2)b), puisque toutes les conditions préalables à toute acceptation de responsabilité auraient vraisemblablement aussi un effet sur la détermination du moment où le contrat a été conclu.

[51]  Un exemple permettra aussi d’étayer l’interprétation selon laquelle le législateur ne souhaitait pas que la détermination de la question de savoir si une personne est un particulier soit faite au moment de la conclusion du contrat. Supposons qu’une personne, A, conclue un contrat de vente d’une habitation neuve avec un constructeur. La maison est à construire, et la vente est prévue un an plus tard. Cependant, peu après la signature du contrat, A doit aller travailler dans une autre ville et est obligée de vendre son droit dans le contrat. La personne A transfère donc son droit dans le contrat à la personne B. Le constructeur ajoute le nom de B au contrat, sans toutefois libérer A de ses obligations contractuelles. La maison est construite. B remplit les obligations de A aux termes du contrat (y compris le paiement de la TVH), et la propriété est cédée à B à la conclusion de la vente. Si le moment de déterminer qui est admissible à titre de particulier est celui de la conclusion du contrat par A, celle-ci serait alors le particulier. Toutefois, A n’est pas la personne qui aurait payé toutes les taxes, dont le paiement est exigé par l’alinéa 254(2)d) de la LTA. Par conséquent, aucun remboursement pour habitations neuves ne serait versé.

[52]  Puisque l’article 133 est une règle déterminative, elle pourrait être interprétée comme s’appliquant deux fois dans cet exemple, d’abord lorsque A conclu le contrat, et de nouveau lorsque le nom de B y est ajouté. Ainsi, le constructeur serait réputé avoir fourni le même immeuble d’habitation à A et, ensuite, à B aux termes du même contrat, ou, si le constructeur avait conclu un nouveau contrat pour ajouter le nom de B, le constructeur aurait fourni l’immeuble d’abord à A et, plus tard, à B (ou à A et B), sans aucune rétrocession de l’immeuble par A au constructeur avant que celui-ci n’ajoute le nom de B au contrat. À mon avis, la possibilité d’applications concurrentes de l’article 133 signifie que le législateur n’avait pas l’intention que cet article s’applique afin d’établir qui a droit au remboursement pour habitations neuves.

[53]  Si le législateur avait eu comme intention que l’article 133 s’applique pour les besoins du paragraphe 254(2) de la LTA, afin de faire d’une personne qui conclut un contrat de vente un « particulier », et qu’il s’applique à maintes reprises chaque fois qu’un signataire s’ajoute au contrat de vente, il semblerait alors logique d’affirmer qu’une disposition aurait également dû être ajoutée à la LTA pour prévoir qu’une personne n’est plus un particulier si elle est exclue du contrat de vente avant le transfert de propriété par le constructeur. Si l’ajout de personnes en fait des particuliers, leur retrait du contrat avant sa conclusion devrait aussi faire en sorte qu’elles ne puissent pas être considérées comme des particuliers. Puisqu’aucune disposition ne prévoit le retrait d’une telle personne lors de la détermination quant à savoir qui est un particulier, cela, à mon avis, appuierait l’interprétation selon laquelle le législateur n’avait pas l’intention de faire en sorte que l’article 133 de la LTA s’applique, mais, plutôt, il voulait seulement que la détermination à titre de particulier soit faite au moment de la conclusion, lors du transfert de la propriété ou de la possession de l’immeuble d’habitation par le constructeur.

[54]  La détermination du droit au remboursement ne se fait qu’une seule fois. Il ressort de manière évidente de l’alinéa 254(2)e) de la LTA que le droit au remboursement ne résulte que du transfert de la propriété de l’immeuble d’habitation au particulier. Il n’existe aucun droit permanent ou récurrent au remboursement, ni nécessité d’établir, avant que ne soit conclu l’achat de l’immeuble d’habitation (au moment où toutes les taxes auront été payées tel que l’exige l’alinéa 254(2)d) de la LTA), si une personne est un « particulier ». Lorsqu’un contrat de vente d’une habitation neuve est conclu, il est sans importance, à ce moment-là, de savoir si une personne qui a conclu le contrat est un « particulier ». Aucun remboursement pour habitations neuves n’est payable à la conclusion d’un contrat de construction d’une habitation neuve.

[55]  L’article 133 a été ajouté, selon la note explicative, pour répondre à une préoccupation liée à une convention d’achat d’un bien, dans laquelle il y aurait des obligations permanentes ou récurrentes d’effectuer des paiements.

[56]  À mon avis, dans le contexte du remboursement pour habitations neuves, l’intention du législateur était que la détermination quant à savoir si une personne est un  « particulier » ne soit faite qu’une seule fois. Puisque les conditions de remboursement envisagent manifestement que ce droit n’est conféré qu’après l’achèvement de la plus grande partie de la construction ou des rénovations de l’immeuble d’habitation, le moment pour déterminer si une personne est un particulier est celui de la fourniture effective, par vente, du bien. Cela correspondrait au transfert réel de la propriété par le constructeur à la conclusion du contrat, ou au transfert réel de la possession aux termes du contrat de transfert de propriété. Une fois qu’il est établi qu’une personne est un particulier, la question qui se pose alors est de savoir si ce particulier a répondu à toutes les exigences prévues au paragraphe 254(2) de la LTA.

[57]  Par conséquent, j’estime que l’article 133 de la LTA ne s’applique pas pour déterminer qui a droit au remboursement au titre du paragraphe 254(2) de la LTA.

E.  La simple fiducie

[58]  Dans la présente affaire, un droit de propriété a été transféré à M. Akbari. Toutefois, la question est de savoir si, pour l’application du paragraphe 254(2) de la LTA, le transfert uniquement d’un intérêt en droit à un particulier (lorsque cette personne n’acquiert pas un droit de bénéficiaire) sera considéré comme une fourniture taxable, par vente, de l’immeuble d’habitation à cette personne. Le juge de la Cour canadienne de l’impôt a conclu que M. Akbari était un simple fiduciaire et qu’il avait signé la déclaration de fiducie le jour même où la propriété avait été transférée par le constructeur, vraisemblablement au moment de conclure le contrat, ou en préparation de la conclusion du contrat. Cette conclusion selon laquelle M. Akbari était simple fiduciaire n’a pas été contestée dans le présent appel.

[59]  Dans De Mond Jr. c. La Reine, [1999] 4 C.T.C. 2007, 99 D.T.C. 893, la juge Lamarre (tel était alors son titre) a déclaré ce qui suit :

37  Le simple fiduciaire a également été comparé au mandataire. Il ne sera pas tenu compte de l’existence d’une simple fiducie à des fins fiscales dans les cas où le simple fiduciaire détient des biens en tant que simple mandataire ou pour la personne en ayant la propriété effective. Dans l’arrêt Trident Holdings Ltd. v. Danand Investments Ltd., 64 O.R. (2d) 65 (C.A. Ont.), le juge Morden, s’exprimant pour la Cour d’appel de l’Ontario, a établi une distinction entre la fiducie ordinaire et la simple fiducie. Il a reproduit les passages suivants tirés de Scott, The Law of Trusts, 4e éd. (1987) :

[TRADUCTION]

Le mandataire agit pour son mandant et en son nom, et il est assujetti à son contrôle; le fiduciaire en tant que tel n’est pas assujetti au contrôle de son bénéficiaire, quoi qu’il soit tenu d’agir à l’égard des biens en fiducie pour le bénéfice de ce dernier et en conformité avec les termes de la fiducie, et qu’il puisse être contraint par le bénéficiaire de s’acquitter de cette obligation. Le mandataire a une obligation d’obéissance envers son mandant; le fiduciaire est tenu de se conformer aux termes de la fiducie [Vol. 1, à la page 88].

[…]

Une personne peut être à la fois mandataire et fiduciaire d’une autre personne. Si elle entreprend d’agir pour le compte de l’autre personne et sous réserve de son contrôle, elle est un mandataire, mais si elle détient le titre des biens pour son mandant, elle est également un fiduciaire. Dans un tel cas, cependant, c’est la relation de mandataire qui prédomine, et les principes du mandat, et non ceux de la fiducie, s’appliquent [Vol. 1, à la page 95].

38  Le juge Morden a également cité avec approbation un article de M. C. Cullity, « Liability of Beneficiaries - A Rejoinder » , (1985-86), 7 Estates & Trusts Quarterly 35, à la page 36 :

[TRADUCTION]

Il est manifeste que, dans nombre de situations, les fiduciaires sont également des mandataires. C’est ce qui se produit, par exemple, dans le cas bien connu des investissements que le courtier en valeurs mobilières détient en tant que fondé de pouvoir ou dans le cas du bien-fonds détenu par une société désignée. Dans de tels cas, la relation fiduciaire qui naît de la séparation de la propriété en common law et de la propriété en equity est souvent qualifiée de simple fiducie et, naturellement, à des fins fiscales et à certaines autres fins, il n’en est pas tenu compte.

La simple fiducie se distingue des autres fiducies en ce que le fiduciaire n’a aucune discrétion ou responsabilité ni aucun pouvoir indépendants. Son unique responsabilité consiste à donner suite aux instructions de ses mandants, les bénéficiaires. S’il n’est pas tenu d’accepter les instructions, s’il détient des pouvoirs ou des responsabilités indépendants importants, il n’est pas un simple fiduciaire.

[60]  Le point de vue selon lequel il convient de faire abstraction des simples fiducies a aussi été appliqué à la LTA (S.E.R. Contracting Ltd. c. La Reine, 2006 CCI 6, [2006] G.S.T.C. 2, au paragraphe 12; Ville d’Edmonton c. La Reine, 2015 CCI 172, [2017] G.S.T.C. 33, au paragraphe 56).

[61]  L'objectif du remboursement pour habitations neuves était de réduire, dans certaines situations, le coût des habitations neuves, vraisemblablement au profit des acheteurs bénéficiaires d'habitations neuves. Par conséquent, il n'y a aucune raison apparente d'écarter le principe général selon lequel il sera fait abstraction des simples fiducies pour l'application de la LTA. Aussi, l'alinéa 254(2)d) de la LTA prévoit que le remboursement pour habitations neuves ne sera pas versé, à moins que le " particulier?" ait payé toutes les taxes au titre de la section II de la LTA. L'article 165 de la LTA se trouve dans la section II. Puisque le propriétaire bénéficiaire est généralement la personne qui s'est acquittée de toutes les taxes, cela appuierait la proposition selon laquelle le droit de bénéficiaire est le droit qu'il convient de prendre en considération. Dans la présente affaire, il n'est pas contesté que M. Cheema a payé toutes les taxes exigibles aux termes de la LTA.

[62]  Dans d’autres situations, le ministre pourrait vouloir déterminer si la fourniture par vente a été effectuée à la personne qui est le propriétaire bénéficiaire. Prenons l’exemple où deux personnes souhaiteraient acheter un condo – l’une comme un placement (l’investisseur) et l’autre comme domicile (l’occupant). Prenons l’hypothèse que l’investisseur n’a aucun lien de parenté avec l’occupant pour l’application de l’article 254 de la LTA et que l’occupant est la seule personne à signer le contrat de vente comme acheteur, et la seule personne identifiée sur l’acte à titre de cessionnaire. L’occupant recueille la moitié du montant du prix d’achat auprès de l’investisseur, et paie le total du prix d’achat au constructeur. L’occupant signe une déclaration de simple fiducie au profit de l’investisseur, pour déclarer qu’un intérêt de cinquante pour cent dans le bien est retenu pour l’investisseur. L’occupant vit dans le condo, devenu sa résidence habituelle. Il me semble que le ministre voudrait faire valoir que le transfert du titre de propriété par le constructeur à l’occupant ne suffirait pas à faire de l’occupant le seul particulier pour l’application de l’alinéa 254(2)a) de la LTA.

F.  Conclusion

[63]  Pour ces motifs, un « particulier » pour l’application du paragraphe 254(2) de la LTA est une personne au profit de laquelle un constructeur a effectivement transféré la propriété ou la possession d’un immeuble d’habitation. Si une personne a signé le contrat de vente ou l’hypothèque, mais n’a pas, au vu de l’ensemble des circonstances, acquis un droit de bénéficiaire dans l’immeuble d’habitation ni la possession de l’immeuble, il s’ensuit que cette personne ne peut être considérée comme un particulier pour l’application du paragraphe 254(2) de la LTA. Si une personne n’est pas un « particulier » , cette personne n’est pas assujettie aux exigences d’occupation définies aux alinéas 254(2)b) et g) de la LTA, mais cette personne n’a pas non plus le droit de demander le remboursement pour habitations neuves.

[64]  Dans le présent dossier, un intérêt de 99 p. 100 dans la propriété a été cédé à M. Cheema et à son épouse. Rien n’indique que l’épouse de M. Cheema a, à un moment donné, signé le contrat de vente. Personne n’a soulevé de question pouvant découler du fait que l’épouse de M. Cheema a acquis un intérêt dans l’immeuble d’habitation sans avoir signé le contrat de vente. Cela repose vraisemblablement sur la doctrine de la réception implicite.

[65]  Dans Canada c. Innovative Installation Inc., 2010 CAF 285, la Cour avait conclu que la doctrine de la réception implicite pouvait s’appliquer lorsqu’une personne jouissait d’un droit contractuel de recevoir un paiement. Par conséquent, même si la prestation d’assurance-vie avait été payée directement par l’assureur à la banque de la société, la société était toujours réputée avoir reçu un produit d’assurance-vie pour l’application de l’article 89 de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch.1 (5e suppl.), parce que la société jouissait du droit contractuel de recevoir la prestation d’assurance-vie.

[66]  De la même manière, lorsque M. Cheema a transféré à son épouse une partie du droit de propriété qui aurait dû être transférée à lui-même (en demandant au constructeur de céder la propriété à sa femme et à lui), cela aurait dû être traité, pour l’application du paragraphe 254(2) de la LTA, comme si elle avait été cédée à lui-même. Puisque le droit cédé à l’épouse de M. Cheema aurait été traité comme s’il lui avait été cédé, la seule personne qui est un particulier dans la présente affaire est M. Cheema.

[67]  Puisque M. Akbari n’a acquis son droit dans la maison qu’à titre de simple fiduciaire, il sera fait abstraction de cette acquisition par lui de ce droit pour l’application de l’alinéa 254(2)a) de la LTA et, par conséquent, il n’y avait pas fourniture, par vente, d’un immeuble d’habitation à son profit et il n’était pas un particulier. La responsabilité de M. Akbari aux termes du contrat de vente est sans incidence sur la conclusion selon laquelle il n’a acquis aucun droit de bénéficiaire dans l’immeuble d’habitation auprès du constructeur. Sa responsabilité aux termes du contrat de vente ne fait pas de lui, en soi, un particulier pour l’application du paragraphe 254(2) de la LTA. La seule personne qui a acquis un droit de bénéficiaire dans le bien auprès du constructeur, pour l’application de la LTA, était M. Cheema. Puisque celui-ci a répondu aux exigences d’occupation et que rien n’indique que les autres conditions n’ont pas été remplies, M. Cheema a droit au remboursement pour habitations neuves.

[68]  Pour ces motifs, je rejetterais l’appel.

« Wyman W. Webb » 

j.c.a.
LE JUGE
STRATAS

[69]  J’ai pris connaissance des motifs de mon collègue, rédigés avec l’érudition et le soin assidu du détail qui le distinguent. Malheureusement, dans la présente affaire, je ne peux y souscrire.

[70]  À mon avis, la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur. J’accueillerais l’appel, je casserais le jugement de la Cour canadienne de l’impôt (2016 CCI 251, le juge Smith) et je rétablirais la nouvelle cotisation établie par le ministre au titre de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E-15.

A.  Les principes de l’interprétation législative

[71]  La Cour canadienne de l’impôt a interprété l’article 254, la disposition qui offre le remboursement pour habitations neuves, comme une disposition conférant un avantage : motifs, au paragraphe 47. En effet, l’objectif de l’article 254 est de s’assurer que « la TPS ne bloque pas l’accès aux logements de prix abordable, en abaissant effectivement […] le taux de taxe sur les habitations neuves » : Canada, ministère des Finances, Taxe sur les produits et services : Notes explicatives du projet de loi C-62 adopté par la Chambre des communes le 10 avril 1990, articles 254 à 256.

[72]  Toutefois, le fait que l’article confère un avantage, en l’espèce un remboursement pour habitations neuves, ne nous éclaire pas sur les circonstances dans lesquelles le remboursement peut être versé.

[73]  Pour les déterminer, il nous faut connaître l’objet, le contexte, et le texte de l’article afin de vérifier son sens authentique : Re Rizzo & Rizzo Shoes Ltd., [1998] 1 R.C.S. 27, 154 D.L.R. (4e) 193; Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42, [2002] 2 R.C.S. 559; Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, [2005] 2 R.C.S. 601.

[74]  Ce faisant, nous ne pouvons « donner au libellé […] un sens plus large que celui qu’autorise une interprétation véritable de [l’article], un examen de son texte, de son contexte et de son objet » : Wilson c. Énergie Atomique du Canada Ltée, 2015 CAF 17, [2015] 4 R.C.F. 467, au paragraphe 86, infirmée sur un autre point par 2016 CSC 29, [2016] 1 R.C.S. 770. Même en souscrivant personnellement à l’objectif qui sous-tend le remboursement pour habitations neuves, nous ne pouvons permettre que la portée du remboursement outrepasse le sens authentique de la disposition législative qui le définit : Williams c. Canada (Public Safety and Emergency Preparedness), 2017 FCA 252, aux paragraphes 46 à 52. Lorsque le libellé d’une disposition de la loi est net, nous ne pouvons nous fonder sur son objectif sous-jacent pour  « mettre de côté » le texte clair d’une disposition ou [TRADUCTION]  « créer une exception tacite à ce qui est clairement prescrit » : Placer Dome Canada Ltd. c. Ontario (Ministre des Finances), 2006 CSC 20, [2006] 1 R.C.S. 715, au paragraphe 23.

[75]  Antérieurement, la Cour suprême avait ainsi formulé le même concept :

Dans leur examen de [l’arrêt Canada c. Antosko, [1994] 2 R.C.S. 312, [1994] 2 C.T.C. 25], P. W. Hogg et J. E. Magee, tout en reconnaissant, avec justesse, qu’il faut toujours prendre en considération le contexte et l’objectif de la disposition, mentionnent que [TRADUCTION] « [l]a Loi de l’impôt sur le revenu serait empreinte d’une incertitude intolérable si le libellé clair d’une disposition détaillée de la Loi était nuancé par des exceptions qui n’y sont pas exprimées, provenant de la conception qu’un tribunal a de l’objet de la disposition » : Principles of Canadian Income Tax Law (2e éd. 1997), aux pp. 475 et 476. Il ne s’agit pas là de l’approbation d’une approche littérale à l’interprétation législative, mais de la reconnaissance que, dans l’application des principes d’interprétation de la Loi , il faut porter attention au fait qu’elle est une des lois les plus détaillées, complexes et exhaustives de notre législation, et que les tribunaux devraient être réticents à adopter, sous le couvert d’interprétation législative, des notions de politique ou de principe qui ne sont pas exprimées.

(65 302 British Columbia Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 804, 179 D.L.R. (4e) 577, au paragraphe 51.) Alors que cette affaire portait sur la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.), il en va de même pour la Loi sur la taxe d’accise.

[76]  En l’espèce, la Cour canadienne de l’impôt (au paragraphe 47) a suivi la méthode préconisée dans United Parcel Service Canada Ltd. c. La Reine, 2006 CCI 450, au paragraphe 23, en interprétant l’article pour arriver à « un résultat rationnel, pratique et raisonnable » et donc à un résultat qui est « compatible avec l’esprit de la Loi ». Elle n’a pas suivi la méthode qui consiste à examiner le texte, le contexte et l’objet de l’article 254.

[77]  L’invitation faite aux juges, dans United Parcel Service, à viser « un résultat rationnel, pratique et raisonnable » ne trouve pas son écho dans la jurisprudence. Bien qu’United Parcel Service cite Highway Sawmills Limited c. Le ministre du Revenu national, [1966] R.C.S. 384, 56 D.L.R. (2e) 652, et The Queen c. The Maritime Life Assurance Co., [1999] G.S.T.C. 1 (C.C.I.), pour appuyer cette proposition, ce n’est pas ce que préconisent ces précédents. Dans Highway Sawmills, la Cour suprême du Canada invitait uniquement les cours à comparer de façon utile les diverses interprétations afin d’établir laquelle [TRADUCTION] « correspond le mieux au régime manifeste de la loi » (page 393 dans le R.C.S., page 658 dans le D.L.R.). Ainsi que la présente cour l’a récemment expliqué, cette méthode est compatible avec l’examen du texte, du contexte et de l’objectif, et elle est utile à cet égard : Williams, au paragraphe 52. La Cour canadienne de l’impôt, dans Maritime Life, évoque la nécessité d’interpréter la Loi sur la taxe d’accise « sous l’angle du bon sens et du point de vue de la réalité des opérations en cause », ce qui n’est pas la même chose. En appel, la Cour n’a pas recommandé aux juges d’interpréter la loi de la manière conseillée vivement dans United Parcel Service : (2000), 261 N.R. 365, [2000] G.S.T.C. 89 (C.A.F.).

[78]  Viser « un résultat rationnel, pratique et raisonnable » est très différent d’examiner calmement et objectivement le texte, le contexte et l’objet de la loi qui est en cause; la dernière approche repose sur la nature de la loi, tandis que la première dépend de la nature du juge. En effet, un juge pourrait estimer qu’un résultat est rationnel, pratique et raisonnable, tandis qu’un autre pourrait avoir une opinion différente.

[79]  Les juges ne sont que des avocats auxquels a été conféré un pouvoir judiciaire. Tout comme ceux qu’ils servent, les juges ne sont pas élus, et ils sont liés par la loi. D’où viendrait donc le droit des juges de fermer les yeux sur le sens véritable d’une loi adoptée par les élus pour lui préférer un sens qui correspond avec leurs propres convictions sur ce que constitue une issue rationnelle, pratique et raisonnable?

[80]  Une telle question, qui n’est pas sans rappeler celle de savoir « ce que nous croyons être ce qu’il y a de mieux pour la société canadienne » et de choisir « le sens que nous voulons donner à la loi », n’appartient pas au devoir réel des juges, qui est de déterminer « le véritable sens de la loi » : Williams, au paragraphe 48. Aujourd’hui, les juges n’ont qu’un seul moyen de s’acquitter de ce devoir : en écartant toute opinion et prédisposition personnelles pour n’examiner que le texte, le contexte et l’objet de la loi calmement et objectivement. Cette méthode pourrait mener à un résultat que l’on pourrait qualifier de rationnel, pratique et raisonnable. Mais lorsque cela se produit, c’est le résultat du sens authentique de la loi, et non celui établi par un juge.

[81]  Enfin, il convient de rappeler un autre arrêt clé de la Cour, cité par la Cour canadienne de l’impôt : Canada c. Sneyd (2000), 257 N.R. 262, 2000 G.T.C. 4112 (C.A.F.). Dans Sneyd, la Cour avait examiné un remboursement similaire pour habitations, prévu dans un article voisin de la Loi sur la taxe d’accise, l’article 256. Elle avait conclu (au paragraphe 12 dans le N.R., à la page 4116 dans le G.T.C.) que la Loi sur la taxe d’accise « est une loi de nature fiscale qui vise à produire des recettes publiques » et que le remboursement pour habitations « est une exception restreinte, » dont l’effet est limité par sa formulation. La Cour a interprété l’article 256 en portant une très grande attention au sens littéral du libellé de l’article.

[82]  Nous sommes liés par l’approche adoptée par la Cour dans Sneyd pour ce genre de dispositions relatives aux remboursements. Cette approche a été légitimée par la Cour suprême du Canada dans des arrêts ultérieurs.

[83]  Les lois fiscales sont des « instrument[s] dominé[s] par des dispositions explicites qui prescrivent des conséquences particulières » et « commandent une interprétation largement textuelle ». Canada Trustco, au paragraphe 13; voir aussi CIBC World Markets Inc. c. Canada, 2011 CAF 270, [2013] 3 R.C.F. 3, au paragraphe 29, et Canada c. Quinco Financial Inc., 2014 CAF 108, aux paragraphes 5 à 7. Lorsque le libellé d’une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire de ces mots joue un « rôle primordial » dans ce processus : Canada Trustco, au paragraphe 10.

[84]  À une autre occasion, la Cour suprême du Canada a déclaré que, lorsqu’une disposition d’une loi fiscale est « claire et non équivoque » , elle « doit simplement être appliquée » de manière ni tendancieuse ni axée sur un résultat : Shell Canada Ltd. c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622, 178 D.L.R. (4e) 26, aux paragraphes 39 et 40.

[85]  Dans l’ensemble, « la [Loi sur la taxe d’accise] comporte des règles claires et précises en vue de faciliter son application, son uniformité et sa prévisibilité » et cela « fait ressortir le rôle primordial que joue le sens ordinaire du libellé de la Loi dans le processus d’interprétation de ses dispositions » : Quinco Financial, au paragraphe 8.

[86]  Lorsque, tel que dans la présente affaire, le législateur accorde un remboursement dans un article spécifique pour un motif en matière de politique, il ne formule habituellement pas son intention par un libellé approximatif, et n’oblige pas les juges à un survol tortueux, sinueux et détourné de diverses autres dispositions de la loi pour établir s’il y a lieu d’autoriser le remboursement. Pour comprendre qui peut demander un remboursement et dans quelles circonstances, il nous suffit, normalement, de lire le libellé clair qui accorde le remboursement.

B.  L’application de ces principes à la présente affaire

[87]  L’article 254 définit les conditions préalables que doit remplir un contribuable pour demander le remboursement pour habitations neuves. Ces conditions préalables sont définies en termes très précis. Deux parmi plusieurs conditions préalables sont pertinentes en l’espèce.

[88]  La première n’est pas contestée selon les faits de la présente affaire : un constructeur d’un immeuble d’habitation à logement unique doit effectuer, par vente, la fourniture taxable à un particulier (alinéa 254(2)a)).

[89]  Dans l’opération en cause, le constructeur a vendu l’immeuble à M. Cheema et à M. Akbari. Au regard du droit, M. Cheema et M. Akbari étaient les acheteurs. La première condition préalable a été remplie.

[90]  La deuxième est plus controversée en l’espèce : au moment où le particulier assume une responsabilité aux termes du contrat de vente de l’immeuble, le particulier doit « [acquérir] l’immeuble [...] pour qu’il lui serve de lieu de résidence habituelle ou serve ainsi à son proche » (alinéa 254(2)b)). L’appelante affirme que cette condition préalable n’a pas été remplie.

[91]  L’article 40 du Règlement sur le nouveau régime de la taxe à valeur ajoutée harmonisée, No. 2, DORS/2010-151, lequel s’applique en l’espèce (voir l’article 256.21 de la Loi sur la taxe d’accise), prévoit que, si la fourniture de l’immeuble est effectuée au profit d’au moins deux personnes, la mention de « particulier » doit s’interpréter pour englober l’ensemble de ces particuliers en tant que groupe. Aux termes du contrat de vente, la fourniture de l’immeuble a été effectuée au profit tant de M. Akbari que de M. Cheema. Ainsi, la seconde condition préalable, qui exige que l’immeuble serve de résidence habituelle, doit être remplie tant par M. Cheema que par M. Akbari.

[92]  M. Cheema a acheté l’immeuble afin d’y établir sa résidence habituelle, ce qui n’était pas le cas de M. Akbari. Il n’a jamais eu l’intention d’occuper le bien immobilier à titre de résidence principale. Ainsi, la seconde condition n’a pas été remplie.

[93]  M. Cheema soutient que la Cour aurait dû considérer l’existence du contrat de fiducie aux termes duquel M. Akbari détenait son droit de propriété en fiducie pour M. Cheema. Ainsi, M. Akbari ne détenait aucun droit de bénéficiaire dans le bien immobilier.

[94]  La condition préalable énoncée dans l’alinéa 254(2)b) est formulée d’une manière enlevant toute pertinence à ces faits. Il porte sur le motif d’acquérir l’immeuble au moment où cette personne « devient responsable ou assume une responsabilité aux termes du contrat de vente de l’immeuble ». La relation pertinente est celle qui lie la personne qui acquiert, par la vente, l’immeuble au constructeur, et non la relation entre les co-acheteurs.

[95]  Le fait que M. Akbari a acquis l’immeuble au seul titre de fiduciaire est sans effet. Le contrat de vente n’établit aucune distinction entre M. Akbari et M. Cheema à titre d’acheteurs. Et l’article 254 ne prévoit aucune exception pour les fiduciaires.

[96]  En tout état de cause, l’alinéa 254(2)b) nous oblige à examiner l’usage qu’entend faire l’acheteur de l’immeuble au moment où il « devient responsable ou assume une responsabilité aux termes du contrat de vente de l’immeuble  ». Même en donnant effet au contrat de fiducie, ce dernier n’existait pas à ce moment-là.

[97]  Le législateur a formulé par un libellé détaillé et précis les exigences préalables au remboursement prévu à l’article 254, et il n’appartient pas à la Cour, selon les mots employés dans Placer Dome (au paragraphe 23), de [TRADUCTION]  « créer une exception tacite à ce qui est clairement prescrit  », ni de « mettre de côté » le libellé clair de l’article 254.

[98]  Il s’ensuit que la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur. Elle a invoqué l’entente de fiducie entre M. Akbari et M. Cheema, qui est étrangère à l’alinéa 254(2)b). Elle n’a pas fondé sa conclusion sur la question de savoir qui était légalement responsable à l’égard du constructeur aux termes du contrat de vente, contrat sur lequel est axé l’alinéa 254(2)b).

[99]  Je désire ajouter quelques remarques sur les motifs de mon collègue. Certaines de nos divergences ont pour source notre interprétation respective de la notion de « fourniture » dans la présente affaire.

[100]  Lorsqu’un contrat prévoit la fourniture d’un bien ou d’un service, la fourniture est « réputée » dès la conclusion du contrat de vente (article 133). Puisque MM. Cheema et Akbari ont tous deux signé le contrat de vente, ils sont réputés avoir bénéficié de la fourniture du bien au moment où ils ont conclu le contrat. Ayant tous deux reçu une fourniture, l’article 40 du Règlement les assujettit tous les deux aux exigences de remboursement définies à l’article 254.

[101]  Mon collègue insiste sur l’hypothèse selon laquelle le législateur a exprimé l’intention que « fourniture » , pour les besoins du régime de remboursement pour habitations signifie le transfert de la propriété effective. Ce faisant, il tente de faire limiter l’application de l’article 133 en isolant les mots « par vente » dans l’alinéa 254(2)a). À mon avis, l’insertion des mots « par vente » n’annule pas l’effet déterminatif de l’article 133 :

  • Les mots « par vente » ne font que préciser le moyen de fourniture exigé pour répondre aux exigences du remboursement. Les autres moyens de fourniture, comme la location, ne permettent pas l’admissibilité au remboursement. C’est logique. Le remboursement n’est offert que pour les ventes d’habitations neuves, et non les contrats de location.

  • Le fait que l’habitation de M. Cheema n’existait pas au moment où il a signé le contrat de vente ne rend pas l’article 133 inopérant (voir les motifs de mon collègue aux paragraphes 43 à 47). L’article 133 constitue une disposition déterminative. Or, les dispositions déterminatives sont source de fictions juridiques : elles présument de l’existence de choses irréelles, comme la fourniture d’une habitation à construire. Le fait de laisser entendre que le législateur n’avait pas l’intention de faire appliquer la règle sur la fourniture réputée, au motif que la fourniture ne pourrait pas, dans les faits, se produire, équivaudrait à saper l’objet sous tendant l’adoption, initialement, d’une disposition déterminative.

  • De même, le fait que l’alinéa 254(2)e) exige que le transfert de la propriété doit se produire après la construction ou les rénovations majeures rend l’article 133 inopérant (voir les motifs de mon collègue aux paragraphes 48 et 49). L’article 133 reconnaît tacitement la fourniture réelle (et non réputée) du bien. L’alinéa 254(2)e) exige simplement que ce transfert réel de propriété (c.-à-d. la fourniture réelle du bien) se produise après la construction ou les rénovations majeures. Appuie aussi ce point le fait que le législateur n’a pas employé les mots « fourniture » ou « fourniture par transfert » dans l’alinéa 254(2)e), ce qui indique que l’alinéa 254(2)e) est exclu de la portée de l’article 133 – qui ne s’applique qu’à la définition de fourniture.

  • L’expression « fourniture par vente » apparaît à 154 reprises dans la Loi sur la taxe d’accise. Si le législateur souhaitait prémunir les fournitures « par vente » contre l’effet déterminatif de l’article 133, il aurait pris des mesures conséquentes. Non seulement le législateur ne l’a pas fait, mais il a expressément indiqué que la définition de fourniture à l’article 123 était assujettie à l’article 133 et à ses effets déterminatifs.

[102]  D’autres aspects du texte, du contexte et de l’objet de la loi corroborent l’interprétation selon laquelle la fourniture signifie la signature d’un contrat de vente, et non un transfert de propriété effective. J’examinerai maintenant ces aspects.

– I –

[103]  Si la fourniture correspond à un transfert de propriété effective, une exception minutieusement formulée et d’application restreinte dans la loi serait passée sous silence et rendue sans effet. Généralement, pour avoir droit au remboursement pour habitations, une personne doit acheter et occuper la nouvelle habitation. Or, une exception s’applique, selon laquelle une personne peut faire l’achat d’une maison pour un « proche » qui répondra aux exigences d’occupation énoncée aux alinéas 254(2)b) et g). Par exemple, un parent pourrait acheter la maison occupée par son enfant, et bénéficier du remboursement. Ainsi, le remboursement est manifestement destiné aux occupants ou aux membres de la famille des occupants.

[104]  Si, ainsi que le laisse entendre mon collègue, la fourniture correspond à un transfert de propriété effective, une personne sans lien de parenté, qui n’a pas l’intention de résider dans la nouvelle habitation, pourrait recevoir le remboursement. Par exemple, une personne comme M. Akbari pourrait signer un contrat de vente, payer le prix d’achat, recevoir des droits de 1 p. 100 en fiducie et, pourvu que la propriété effective ait été transférée à l’occupant, recevoir le remboursement. Un tel scénario élargirait le champ des personnes admissibles à recevoir le remboursement au-delà des occupants et des membres de leur famille, une situation outrepassant manifestement l’intention du régime du remboursement. À quoi servirait l’exception pour les membres de la famille si les personnes sans lien de parenté pouvaient elles aussi bénéficier du remboursement?

– II –

[105]  Les règles applicables au remboursement exigent qu’un particulier (ou un proche) ait l’intention d’occuper l’immeuble à titre de «  résidence habituelle » au moment où le particulier signe le contrat de vente (alinéa 254(2)b)). Si la fourniture correspond uniquement au transfert de propriété effective, pourquoi doit-on apprécier l’intention d’occuper du particulier au moment de la signature du contrat de vente plutôt qu’au moment où est transférée la propriété effective?

– III –

[106]  Je ne considère pas que l’issue que je propose ici soit contraire à l’objectif du régime. Si une personne souhaite bénéficier du remboursement, elle doit structurer son opération pour répondre aux conditions préalables définies de manière très détaillée par le législateur.

[107]  Dans la présente affaire, l’opération était structurée pour que M. Akbari signe le contrat de vente de l’immeuble afin que M. Cheema puisse recevoir un financement. Le dossier est muet sur les raisons pour lesquelles cette structure opérationnelle était nécessaire. Généralement, il n’y a aucune raison pour laquelle il serait impossible d’obtenir ou de garantir le financement par un autre moyen. En effet, dans la présente affaire, aucun élément au dossier n’indique que M. Akbari n’aurait pas pu prêter ou donner l’argent à M. Cheema, ou donner à la banque un cautionnement complet et garanti des obligations de M. Cheema, plutôt que de se porter cosignataire du contrat de vente. Le remboursement existe pour empêcher que la TPS bloque l’accès aux logements de prix abordable; il n’a pas été mis en place pour faciliter l’accès à l’aide financière en général.

[108]  Selon moi, le remboursement demeure facilement accessible à ceux à qui il est destiné.

– IV –

[109]  Il convient de rappeler que nous devons composer avec un régime d’autocotisation composé de millions de déclarations de revenus, qui font l’objet de vérifications.

[110]  L’un des objectifs de la Loi sur la taxe d’accise est d’assurer l’efficacité administrative. Sans disposition législative exigeant expressément le contraire, et toutes choses étant égales par ailleurs, une interprétation penchant en faveur de l’efficacité administrative est plus vraisemblablement en adéquation avec l’intention du législateur que celle qui ne l’est pas.

[111]  L’interprétation que je préconise est plus efficace que celle de mon collègue pour vérifier si une personne est admissible à recevoir le remboursement. Dans l’examen des deux conditions préalables que j’ai abordées dans les présentes, mon interprétation conclut que le contribuable, en réponse à une question, ne doit produire que le contrat de vente pour démontrer qu’il est l’acquéreur légal de l’immeuble, ainsi que des documents personnels faciles à obtenir, tels que les factures des services publics et d’autres factures courantes, ou encore un permis de conduire, qui démontreront qui réside personnellement dans l’immeuble. En adoptant la méthode préconisée par mon collègue, d’autres documents devraient venir justifier le contrat de vente. D’autres justificatifs, et même des entretiens, pourraient aussi être nécessaires pour confirmer qui est le propriétaire « réel » ou effectif. Ainsi, une vérification simple se transforme en un interrogatoire approfondi.

[112]  Il va sans dire que, si je me trompe et que le législateur avait pour intention le résultat que préconise mon collègue, il pourrait modifier l’article 254 pour le clarifier. Sans cette précision, je ne peux toutefois pas souscrire aux motifs de mon collègue.

C.  La décision proposée

[113]  Pour les motifs qui précèdent, j’accueillerais l’appel, casserais le jugement daté du 4 novembre 2016 rendu par la Cour canadienne de l’impôt dans le dossier 2015-5407(TPS)I et rétablirais la nouvelle cotisation du ministre établie au titre de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E-15.

[114]  Devant la Cour canadienne de l’impôt, il s’agissait d’une procédure informelle. Aux termes de l’article 18.25 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, L.R.C. 1985, ch. T-2, « [l]es frais entraînés pour le contribuable par un appel interjeté par le ministre du Revenu national […] sont payés par Sa Majesté du chef du Canada. » À la lumière de ceci, j’accorderais à M. Cheema les dépens de l’appel. Dans les circonstances, j’exercerais mon pouvoir discrétionnaire contre l’adjudication des dépens à l’égard de l’instance de procédure informelle devant la Cour canadienne de l’impôt.

« David Stratas »

j.c.a.

« Je suis d’accord

M. Nadon j.c.a. »

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


APPEL D’UN JUGEMENT DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT DATÉ DU 4 NOVEMBRE 2016, NO 2015-5407(TPS)I

DOSSIER :

A-447-16

 

 

INTITULÉ :

SA MAJESTÉ LA REINE c. MOHAMMAD N. CHEEMA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 20 SEPTEMBRE 2017

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE STRATAS

Y A SOUSCRIT :

LE JUGE NADON

MOTIFS DISSIDENTS :

LE JUGE WEBB

DATE DES MOTIFS :

LE 27 FÉVRIER 2018

COMPARUTIONS :

Marilyn Vardy

Amit Ummat

POUR L’APPELANTE

Justin Chun Ting Lo

POUR L’INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

POUR L’APPELANTE

Nanda & Associate Lawyers Professional Corporation

Mississauga, Ontario

POUR L’INTIMÉ

 

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