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Date : 20180323


Dossier : A-135-17

Référence : 2018 CAF 59

CORAM :

LE JUGE EN CHEF NOËL

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE GLEASON

 

 

ENTRE :

DIDIER KOMLAN YOVO

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

Audience tenue à Montréal (Québec), le 19 mars 2018.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 23 mars 2018.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE EN CHEF NOËL

Y ONT SOUSCRIT :

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE GLEASON


Date : 20180323


Dossier : A-135-17

Référence : 2018 CAF 59

CORAM :

LE JUGE EN CHEF NOËL

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE GLEASON

 

 

ENTRE :

DIDIER KOMLAN YOVO

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE EN CHEF NOËL

[1]  Il s’agit d’un appel interjeté par Didier Komlan Yovo (M. Yovo ou l’appelant) à l’encontre d’une décision rendue par le juge suppléant Masse de la Cour canadienne de l’impôt (le juge de la CCI) par laquelle il a confirmé une cotisation émise par la ministre du Revenu national (la ministre) pour l’année d’imposition 2015 refusant une déduction de 6 265 $ pour honoraires juridiques encourus dans le cadre d’un litige avec son ex-conjointe entourant la garde des enfants et la pension alimentaire.

[2]  L’appelant, qui agit en son propre nom, prétend que le juge de la CCI a mal apprécié la preuve présentée devant lui quant à la nature du litige et des honoraires juridiques engagés. Il aurait au surplus mal interprété l’alinéa 18(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1995) ch. 1 (5e suppl.) (la Loi), et se serait appuyé sur une jurisprudence qui n’est pas applicable en l’espèce.

[3]  Le contexte dans lequel les honoraires juridiques furent engagés est le suivant. L’appelant s’est séparé de la mère de ses 2 enfants en avril 2014. Le couple ne s’est jamais marié. Le 8 avril, la mère a déposé une requête introductive d’instance afin d’établir la garde des enfants et d’obtenir une pension alimentaire pour le bénéfice des enfants. Le 23 avril 2014, une ordonnance de sauvegarde fut émise obligeant M. Yovo à verser une pension alimentaire de 118 $ bimensuellement. La garde partagée des enfants fut aussi ordonnée par la même occasion.

[4]  L’ordonnance demeura en place jusqu’au 11 février 2015, date à laquelle les parties ont conclu une convention finale. Cette convention fut entérinée le lendemain. Elle a eu pour effet de réduire le montant de la pension alimentaire à 87 $ et de reconnaître à l’appelant le droit de réclamer partie des prestations gouvernementales, dont la Prestation Universelle pour Garde d’Enfant et la Prestation Fiscale Canadienne Pour Enfants (la PUGE, la PFCE ou les prestations). La convention reconnaissait aussi l’obligation partagée de payer les frais de garde.

[5]  M. Yovo a déduit dans le calcul de son revenu pour son année d’imposition 2015 les honoraires juridiques engagés afin de résoudre ce différend. Il a expliqué que ces dépenses avaient été encourues « pour établissement de pension alimentaire » (mémoire de l’intimée, au paragraphe 12). Cette déduction fut refusée. L’appel qui s’ensuivit devant le juge de la CCI fut rejeté au motif que selon une jurisprudence bien établie (Nadeau c. M.R.N., 2003 CAF 400, [2004] 1 R.C.F. 587 [Nadeau] ; Grenon c. Canada, 2016 CAF 4 [Grenon] ; et Mills c. Canada, 2015 CAF 255 [Mills]), une dépense de cette nature n’est pas encourue afin de gagner un revenu, et donc ne peut être déduite en vertu de l’alinéa 18(1)a) de la Loi.

[6]  Au soutien de son appel, l’appelant prétend que cette conclusion est basée sur une mauvaise appréciation de la preuve. Puisqu’il n’a pas contesté le montant de la pension alimentaire ou la garde des enfants, le juge de la CCI aurait dû comprendre que l’affaire Nadeau n’était pas applicable (mémoire de l’appelant, au paragraphe 35).

[7]  L’appelant soutient que les honoraires ont plutôt été engagés afin de donner ouverture à son droit aux prestations, et plus précisément pour tirer le revenu qui découle de la PUGE et de la PFCE (mémoire de l’appelant, aux paragraphes 16 à 20 et 36). Le droit à ces prestations est un bien tel que défini au paragraphe 248(1), et les frais engagés pour obtenir le revenu qui en découle sont des dépenses courantes dont la déduction est permise en vertu de l’alinéa 18(1)a).

ANALYSE ET DISPOSITION

[8]  Il est inexact de dire que le juge de la CCI n’a pas compris ce pour quoi les honoraires juridiques ont été versés. Bien qu’il ait reconnu que l’établissement du droit aux prestations faisait partie des enjeux, il a aussi conclu que les honoraires furent engagés pour déterminer la garde ainsi que les autres éléments dont la convention finale a traité (Transcription, page 55, lignes 12-16). La conclusion du juge est étayée par la preuve. Même si l’appelant estime que les vrais enjeux entouraient son droit aux prestations, la convention finale en a réglé plusieurs autres, dont les modalités de la garde partagée et le montant de la pension alimentaire qui fut d’ailleurs réduite. Dans ces circonstances, il est difficile de prétendre que les honoraires ne furent pas engagés à cette fin.

[9]  Par ailleurs, même si l’on acceptait l’argument de l’appelant selon lequel il a encouru les honoraires afin de donner ouverture au paiement des prestations, l’appelant ne pourrait pour autant réussir.

[10]  Autant il est vrai que les « [a]utres sources de revenu » prévues à la sous-section D de la Loi peuvent remonter à l’article 3 de sorte qu’une dépense encourue pour gagner un revenu de l’une ou de l’autre de ces sources pourrait être déductible en vertu de l’alinéa 18(1)a), la déduction d’une dépense encourue pour établir l’existence d’une telle source demeure proscrite en vertu de l’alinéa 18(1)b) (Nadeau aux paragraphes 17 et 27).

[11]  L’appelant a fait valoir lors de l’audition que son droit aux prestations était déjà établi, et que par conséquent, ce n’est pas pour faire naître ce droit que les honoraires furent engagés. Ce disant, l’appelant semble avoir oublié le fait que selon les termes de l’ordonnance de sauvegarde, seule son ex-conjointe était reconnue comme personne responsable du paiement des frais de garde de sorte que seule cette dernière était en droit de réclamer les prestations.

[12]  La convention finale rectifie cette situation en reconnaissant l’appelant comme payeur des frais de garde pour l’un des deux enfants (voir les paragraphes 56 à 60 de la Convention) lui donnant ainsi le droit de réclamer sa part des prestations. Le dossier révèle qu’une fois la convention finale signée, les prestations furent versées sur demande et aucune dépense n’a eu à être engagée afin de les percevoir. Il s’ensuit que dans la mesure où une quelconque partie des honoraires est attribuable aux prestations, elle n’aura servi qu’à établir le droit de les réclamer.

[13]  Je précise en terminant que seule la PUGE se prête à l’analyse qui précède puisque la PFCE n’est pas imposable en vertu de la Loi (voir le sous-alinéa 56(1)(a)(vi) et le règlement 5502), et donc ne pourrait donner droit à une déduction, quelles que soient les circonstances entourant la dépense réclamée.

[14]  Je rejetterais l’appel avec dépens.

« Marc Noël »

Juge en chef

“Je suis d’accord.

Richard Boivin, j.c.a.”

“Je suis d’accord.

Mary J.L. Gleason, j.c.a.”

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-135-17

 

 

INTITULÉ :

DIDIER KOMLAN YOVO c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 19 mars 2018

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE EN CHEF NOËL

 

y ont souscrit :

LE JUGE BOIVIN

LA JUGE GLEASON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 23 MARS 2018

COMPARUTIONS :

Didier Komlan Yovo

 

Pour l'appelant

(se représentant seul)

 

Grégoire Cadieux

 

Pour l'intimée

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureur générale du Canada

Pour l'intimée

 

 

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