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Date: 20180504


Dossier : A-414-16

Référence : 2018 CAF 88

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LA JUGE WOODS

LE JUGE LASKIN

 

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

MARGARET HAYDON

intimée

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 17 avril 2018.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 4 mai 2018.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE LASKIN

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE DAWSON

LA JUGE WOODS

 


Date : 20180504


Dossier : A-414-16

Référence : 2018 CAF 88

CORAM :

LA JUGE DAWSON

LA JUGE WOODS

LE JUGE LASKIN

 

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

MARGARET HAYDON

intimée

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LASKIN

[1]  Le procureur général du Canada sollicite le contrôle judiciaire de la nouvelle décision (2016 CRTEFP 89) rendue par un arbitre du travail à la suite d’une ordonnance de la Cour fédérale (2014 CF 246). L’arbitre a accueilli le grief par lequel la Dre Margaret Haydon – évaluatrice principale de médicaments à la Direction des drogues vétérinaires de Santé Canada – contestait son licenciement et a remplacé cette sanction par une suspension de 20 jours. Il a demandé aux parties d’essayer de régler la question de la réparation indiquée à la lumière de sa détermination de la sanction disciplinaire qui s’imposait, mais a conservé compétence pour l’éventualité où elles ne parviendraient pas à s’entendre. Les parties ayant échoué, une autre audience devant l’arbitre au sujet de la réparation est ainsi prévue en juillet 2018.

[2]  Le procureur général cherche à faire annuler la décision de l’arbitre en invoquant trois moyens : (1) l’arbitre a manqué à son obligation d’équité procédurale en ne donnant pas au procureur général la possibilité de présenter des observations sur la réparation indiquée, (2) l’arbitre n’a pas respecté l’ordonnance de la Cour fédérale en ne donnant pas aux parties la possibilité de présenter des observations sur la réparation (3) le remplacement du congédiement par une suspension était déraisonnable parce que la relation d’emploi était devenue intenable.

[3]  Même si l’instance relative à l’emploi de la Dre Haydon est en cours depuis un bon moment, j’estime que la demande est prématurée. La trancher maintenant, avant la conclusion de l’instance devant l’arbitre, irait à l’encontre de la règle de droit administratif selon laquelle, en l’absence de circonstances exceptionnelles, les parties ne peuvent s’adresser aux tribunaux judiciaires avant d’avoir épuisé le processus administratif (Canada (Agence des services frontaliers) c. C.B. Powell Limited, 2010 CAF 61, par. 30-33, [2011] 2 R.C.F. 332). Comme le dit la Cour dans l’arrêt C.B. Powell (par. 32), « [o]n évite ainsi le fractionnement du processus administratif et le morcellement du processus judiciaire, on élimine les coûts élevés et les délais importants entraînés par une intervention prématurée des tribunaux et on évite le gaspillage que cause un contrôle judiciaire interlocutoire alors que l’auteur de la demande de contrôle judiciaire est de toute façon susceptible d’obtenir gain de cause au terme du processus administratif ». Cette règle fait aussi en sorte que la Cour dispose des conclusions du décideur administratif.

[4]  Dans sa décision, l’arbitre formule comme suit sa décision de conserver compétence (par. 113) :

Je demeurerai saisi de toutes les questions liées à la mise en œuvre de la présente détermination de la sanction disciplinaire appropriée. Je n’ai pas entendu les arguments des parties relativement à la réparation appropriée dans l’éventualité où le grief de licenciement serait accueilli et remplacé par une sanction moindre. Je laisserai le soin aux parties de régler la question de la réparation appropriée. Je demeurerai saisi de l’affaire pendant 120 jours dans l’éventualité où les parties ne parviendraient pas à une entente.

[5]  Son ordonnance contient la disposition suivante (par. 119) : « Je demeurerai saisi de l’affaire pendant une période de 120 jours pour traiter de toutes les questions liées à la mise en œuvre de la présente décision ».

[6]  Par conséquent, le processus administratif ne sera pas terminé tant que l’arbitre n’aura pas exercé ou refusé d’exercer la compétence qu’il a conservée. Selon ce que l’arbitre décide concernant l’étendue de cette compétence et son exercice judicieux, les questions soulevées par le procureur général dans la présente demande pourraient ne plus se poser. Une décision judiciaire ne serait alors plus nécessaire.

[7]  Par exemple, si l’arbitre conclut que sa compétence lui permet d’ordonner le versement d’une indemnité tenant lieu de réintégration, et qu’il rend une ordonnance en ce sens, le procureur général pourrait voir disparaître sa préoccupation concernant la réintégration de la Dre Haydon dans une relation d’emploi devenue intenable. S’il persiste des différends entre les parties et que l’une d’elles sollicite un contrôle judiciaire, la Cour disposera alors des conclusions de l’arbitre et du point de vue qu’il a exprimé dans sa nouvelle décision. L’application de la règle énoncée dans l’arrêt C.B. Powell permet aussi d’écarter le spectre de multiples décisions concernant le même litige.

[8]  Pour ces motifs, je rejetterais la demande parce qu’elle est prématurée, et ce, sans porter atteinte au droit du procureur général de soulever les moyens qu’il expose maintenant (ainsi que tous les autres moyens appropriés) dans le cadre d’une nouvelle demande de contrôle judiciaire après la conclusion de l’instance devant l’arbitre. Compte tenu de toutes les circonstances, je laisserais les parties assumer leurs propres dépens.

« J.B. Laskin »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Eleanor R. Dawson, j.c.a. »

« Je suis d’accord.

J. Woods, j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DoSSIER :

A-414-16

(DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE D’UNE DÉCISION (2016 CRTEFP 89), EN DATE DU 22 SEPTEMBRE 2016, RENDUE PAR M. IAN MACKENZIE, ARBITRE DE LA COMMISSION DES RELATIONS DE TRAVAIL DANS LA FONCTION PUBLIQUE)

INTITULÉ :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. MARGARET HAYDON

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 17 AVRIL 2018

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE LASKIN

 

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE DAWSON

LA JUGE WOODS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 4 MAI 2018

COMPARUTIONS :

Caroline Engmann

 

pour le demandeur

 

David Yazbeck

pour l’INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Raven, Cameron, Ballantyne & Yazbeck LLP/s.r.l.

Ottawa (Ontario)

pour l’INTIMÉE

 

 

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