Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20180523


Dossier : A-264-17

Référence : 2018 CAF 96

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE NEAR

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

ANDRÉ GAUTHIER

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 23 mai 2018.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 23 mai 2018.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE DE MONTIGNY

 


Date : 20180523


Dossier : A-264-17

Référence : 2018 CAF 96

CORAM :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE NEAR

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

ANDRÉ GAUTHIER

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Ottawa (Ontario), le 23 mai 2018.)

LE JUGE DE MONTIGNY

[1]  Le 5 avril 2016, l’appelant a déposé auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) une plainte dans laquelle il soutient avoir été victime, en mai 2012, d’actes de discrimination fondés sur sa déficience commis par son employeur, Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC). Dans la décision qu’elle a rendue le 1er novembre 2016, la Commission a refusé de statuer sur la plainte de l’appelant, la jugeant irrecevable au titre de l’alinéa 41(1)e) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 (la LCDP), en raison de son dépôt plus d’un an après les faits en cause. Le 18 juillet 2017, le juge Boswell de la Cour fédérale a débouté l’appelant de sa demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission. L’appelant fait maintenant appel à notre Cour.

[2]  Nous sommes tous d’avis que le présent appel doit être rejeté pour essentiellement les mêmes motifs que ceux donnés par la Cour fédérale. S’agissant de la décision de la Commission, la Cour fédérale a employé la norme de contrôle appropriée, à savoir la norme de la décision raisonnable, et l’a appliquée correctement.

[3]  Selon l’alinéa 41(1)e) de la LCDP, la Commission statue sur toute plainte dont elle est saisie, à moins qu’elle estime la plainte irrecevable parce que celle-ci « a été déposée après l’expiration d’un délai d’un an après le dernier des faits sur lesquels elle est fondée, ou de tout délai supérieur que la Commission estime indiqué dans les circonstances ».

[4]  En l’espèce, nul ne conteste que ce soit en mai 2012 que sont survenus pour la dernière fois les faits reprochés à SPAC, à savoir son refus d’accorder à l’appelant une avance sur ses congés de maladie et de le muter à un autre ministère à titre de mesure d’adaptation. Ainsi, l’appelant aurait dû déposer sa plainte au plus tard en mai 2013, mais il ne l’a pas fait avant le mois d’avril 2016, soit presque quatre ans après avoir été victime de ces présumés actes de discrimination.

[5]  La Commission a examiné la justification donnée par l’appelant pour expliquer ce retard, soit essentiellement des éléments de preuve établissant qu’il était en congé de maladie du 11 mai 2012 au 26 octobre 2015 et que son état de santé avait entraîné des effets néfastes sur sa mémoire et ses capacités cognitives, mais elle a conclu que ces éléments de preuve ne justifiaient pas l’incapacité de l’appelant de déposer une plainte au cours de la période visée. En effet, la Commission a estimé convaincants les faits suivants : l’appelant semblait bien fonctionner dans sa vie personnelle, il avait pu prendre part à des réunions avec la direction et il a tenté des retours au travail progressifs à plus d’une reprise pendant la période visée. Il était loisible à la Commission de fonder sa conclusion sur ces faits, et l’intervention de la Cour n’est pas justifiée.

[6]  Pour décider si elle devait statuer sur la plainte malgré son dépôt après l’expiration du délai prévu par la LCDP, la Commission a également pris en compte et soupesé tous les autres facteurs pertinents, dont les suivants : il ne s’agissait pas d’actes de discrimination à caractère continu, l’appelant a déposé sa plainte sept mois après la fin de son congé de maladie, les questions soulevées par l’appelant ne portaient pas atteinte à l’intérêt public et l’appelant était resté en contact avec son représentant syndical pendant une partie de cette période de sept mois. Par ailleurs, la Commission a conclu que, même si le dépôt en retard de la plainte ne nuirait pas sérieusement à la capacité de SPAC de se défendre, ce facteur ne suffisait pas à justifier l’examen de la plainte. Lors du contrôle judiciaire, la Cour fédérale a jugé que la Commission avait procédé à un examen juste et impartial des facteurs pertinents et avait des raisons valables de les juger insuffisants pour s’écarter de la règle d’un an établie dans la LCDP. Là encore, la Cour ne voit aucune raison de modifier cette conclusion.

[7]  Enfin, selon l’appelant, la Cour fédérale a manqué aux exigences de l’équité procédurale en faisant mention de la lettre du 6 septembre 2016 portant sur les contraintes, laquelle n’avait apparemment pas été soumise à l’examen de la Commission. Cependant, cette lettre se trouve au dossier. Par conséquent, toutes les conclusions du juge étaient fondées sur des éléments de preuve présentés à la Commission.

[8]  Lors des plaidoiries, l’appelant a soutenu que la décision de la Commission était invalide pour des raisons d’iniquité procédurale : la Commission n’était pas saisie de tous les mêmes documents et éléments de preuve que l’enquêteur et elle s’est plutôt fiée au rapport de l’enquêteur.

[9]  Nous estimons qu’il n’y a pas lieu de modifier la décision pour ce motif. Il n’était pas inéquitable pour la Commission de se fier au rapport, si elle pouvait examiner les informations sous-jacentes : voir Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817. En l’espèce, nous avons suspendu l’audience pour permettre à l’appelant d’examiner la partie pertinente du rapport de l’enquêteur et de nous signaler, à la reprise, les éléments manquants, le cas échéant. L’appelant ne nous a pas convaincus qu’il manquait des éléments pertinents dans le rapport. Cela étant, l’argument de manquement à l’équité procédurale ne peut être retenu : voir Mobil Oil Canada Ltd. c. Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 R.C.S. 202.


[10]  Par conséquent, l’appel est rejeté avec dépens établis au montant global de 300 $.

« Yves de Montigny »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Andrée Morin, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-264-17

 

 

INTITULÉ :

ANDRÉ GAUTHIER c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 23 mai 2018

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LE JUGE STRATAS

LE JUGE NEAR

LE JUGE DE MONTIGNY

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :

LE JUGE DE MONTIGNY

COMPARUTIONS :

André Gauthier

 

Pour l’appelant

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Me Elizabeth Kikuchi

Me Diya Bouchedid

 

Pour l’intimé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Pour l’intimé

 

 

 

 

 

 

 

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