Date : 20180604
Dossier : A-130-17
Référence : 2018 CAF 110
[TRADUCTION FRANÇAISE]
CORAM :
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LE JUGE WEBB
LA JUGE GLEASON
LE JUGE LASKIN
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ENTRE :
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TERENCE O. FREITAS
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appelant
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et
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SA MAJESTÉ LA REINE
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intimée
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Audience tenue à Toronto (Ontario), le 1er février 2018.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 4 juin 2018.
MOTIFS DU JUGEMENT :
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LE JUGE WEBB
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Y ONT SOUSCRIT :
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LA JUGE GLEASON
LE JUGE LASKIN
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Date : 20180604
Dossier : A-130-17
Référence : 2018 CAF 110
CORAM :
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LE JUGE WEBB
LA JUGE GLEASON
LE JUGE LASKIN
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ENTRE :
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TERENCE O. FREITAS
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appelant
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et
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SA MAJESTÉ LA REINE
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intimée
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MOTIFS DU JUGEMENT
LE JUGE WEBB
[1]
La question en litige dans le présent appel est de savoir si un associé retraité qui s’est vu attribuer un revenu de son ancienne société de personnes à l’égard de toute année postérieure à l’année pendant laquelle cette personne a cessé d’être un associé, est tenu de cotiser aux termes du Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C-8 (RPC) à la suite de l’attribution d’un tel revenu. Notre Cour est saisie de l’appel interjeté d’un jugement de la Cour canadienne de l’impôt sous le régime de la procédure informelle (2017 CCI 46, [2017] D.T.C. 1023). La juge de la Cour canadienne de l’impôt a rejeté l’appel de M. Freitas de la nouvelle cotisation qui confirmait son obligation de verser des cotisations au RPC relativement au revenu qui lui avait été attribué par Deloitte & Touche LLP., société de laquelle il a pris sa retraite.
[2]
Pour les motifs suivants, j’accueillerais l’appel.
I.
Faits et procédures
[3]
M. Freitas a pris sa retraite à titre d’associé chez Deloitte & Touche LLP, le 31 mai 2007. Pour l’année qui a suivi, soit l’année 2008, il s’est vu attribuer un revenu de la société de personnes conformément au contrat de société de personnes en vigueur. Il a inclus ce revenu dans sa déclaration de revenus de 2008. Lorsqu’il a rempli cette déclaration, M. Freitas n’a inclus aucun montant de cotisation à verser au RPC à l’égard du revenu que Deloitte & Touche LLP lui avait attribué. Une cotisation subséquente a été établie à son égard le 11 septembre 2009, au motif que le revenu qu’il s’était vu attribuer donnait lieu à une cotisation de 4 098,60 $ qu’il devait verser au RPC. La cotisation comprenait également une déduction dans le calcul de son revenu représentant la moitié du montant payable (alinéa 60e) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (LIR)) ainsi qu’un crédit d’impôt non remboursable à l’égard de l’autre moitié (article 118.7 de la LIR).
[4]
Presque quatre ans plus tard, après avoir assisté à une réunion d’associés à la retraite, M. Freitas a présenté une demande de redressement d’une T1, et a demandé au ministre du Revenu national (ministre) d’établir une nouvelle cotisation à l’égard des montants à payer pour l’année 2008, en contrepassant le montant à payer au titre des cotisations au RPC et les montants correspondant à la déduction et au crédit d’impôt non remboursable.
[5]
Le 20 mai 2014, le ministre a établi une nouvelle cotisation à l’égard de M. Freitas, en réponse à sa demande. En établissant la nouvelle cotisation de M. Freitas, le ministre a contrepassé la déduction pour la moitié du montant de cotisation à verser au RPC, et le crédit d’impôt non remboursable, pour l’autre moitié. Le ministre n’a toutefois pas contrepassé le montant payable au titre des cotisations au RPC, au motif que les cotisations excédentaires ne pouvaient pas être remboursées, M. Freitas n’ayant pas présenté cette demande dans le délai de quatre ans précisé par l’alinéa 38(4)b) du RPC. Comme résultat final, M. Freitas avait un solde à payer de 2 210,03 $ (sans compter les intérêts). Plutôt que d’établir une nouvelle cotisation à l’égard de M. Freitas, si le ministre avait écrit à ce dernier pour lui expliquer que ce qu’il demandait avait comme résultat final le remboursement des cotisations excédentaires au RPC après l’expiration du délai de prescription de quatre ans pour présenter sa demande, aucun remboursement ne serait émis et aucune nouvelle cotisation ne serait établie, et M. Freitas n’aurait pas eu le droit de déposer un avis d’opposition.
[6]
Toutefois, comme il a fait l’objet d’une nouvelle cotisation, M. Freitas a signifié un avis d’opposition à l’égard de cette nouvelle cotisation. Suivant l’examen de l’avis d’opposition par le ministre, M. Freitas a fait l’objet d’une nouvelle cotisation le 22 décembre 2015. Cette nouvelle cotisation reflétait la cotisation initiale établie en 2009, c.-à-d. qu’il devait verser des cotisations au RPC à l’égard du revenu qui lui avait été attribué, mais qu’il avait aussi droit à une déduction et à un crédit d’impôt non remboursable.
[7]
M. Freitas a interjeté appel de cette nouvelle cotisation (22 décembre 2015) devant la Cour canadienne de l’impôt. À l’audience devant la Cour canadienne de l’impôt, la première question en litige était de savoir si la Cour canadienne de l’impôt avait compétence d’ordonner au ministre de rembourser les cotisations excédentaires au RPC. La juge de la Cour canadienne de l’impôt a conclu qu’elle n’avait pas compétence pour ordonner au ministre de rembourser à M. Freitas les cotisations excédentaires au RPC, le cas échéant. Cette conclusion n’a pas été portée en appel, et M. Freitas reconnaît que la Cour canadienne de l’impôt n’a pas compétence d’ordonner au ministre de rembourser les cotisations excédentaires au RPC.
[8]
La juge de la Cour canadienne de l’impôt a alors examiné les dispositions de la LIR qui comprenaient les montants qui avaient été attribués à M. Freitas à titre de revenu, même s’il avait pris sa retraite à titre d’associé avant l’année d’imposition en cause. La juge de la Cour canadienne de l’impôt a également examiné les dispositions de la LIR ayant trait aux allocations de retraite, et a conclu que le revenu qui avait été attribué à M. Freitas ne pouvait être considéré comme une allocation de retraite. Elle a conclu que, puisque ce montant avait été inclus dans le revenu de M. Freitas à titre de revenu d’entreprise, il devait aussi être assimilé à des gains provenant du travail qu’une personne exécute pour son propre compte aux fins du RPC. Dans ces motifs, la juge de la Cour canadienne de l’impôt n’a pas discuté le libellé particulier de l’article 14 du RPC, et plus précisément l’exigence selon laquelle les gains provenant du travail qu’une personne exécute pour son propre compte doivent provenir de l’entreprise qu’elle exploite.
II.
Observations supplémentaires
[9]
La nouvelle cotisation qui a donné lieu au dépôt de l’avis d’opposition découle d’une demande de redressement de la déclaration de revenus pour l’année 2008 présentée par M. Freitas. Au cours de l’audition de l’appel, la question de savoir si cette nouvelle cotisation avait été établie en vertu du paragraphe 152(4.2) de la LIR a été posée aux parties. Si cette nouvelle cotisation avait été établie en vertu de ce paragraphe, en raison du paragraphe 165(1.2) de la LIR, il n’existerait aucun droit de déposer un avis d’opposition à cette nouvelle cotisation et, par conséquent, aucun droit d’interjeter appel devant la Cour canadienne de l’impôt. Les parties ont déposé d’autres observations écrites à ce sujet.
III.
Questions en litige
[10]
Les questions à trancher sont les suivantes :
(a) La nouvelle cotisation a-t-elle été établie en vertu du paragraphe 152(4.2) de la LIR?
(b) Un appel valide a-t-il été interjeté devant la Cour canadienne de l’impôt?
(c) Si un appel valide a été interjeté devant la Cour canadienne de l’impôt, des cotisations au RPC sont-elles payables à l’égard du revenu attribué à M. Freitas en 2008?
IV.
Norme de contrôle
[11]
La norme de contrôle applicable à l’égard des questions de fait et des questions mélangées de fait et de droit (ne comportant pas de question de droit isolable) est celle de l’erreur manifeste et dominante et, pour les questions de droit, celle de la décision correcte (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33 [2002] 2 R.C.S. 235).
V.
Analyse
A.
Paragraphe 152(4.2) de la LIR
[12]
Aux termes de l’article 36 du RPC, les dispositions de la section 1 et J de la partie 1 de la LIR (articles 150 à 180) s’appliquent, avec les adaptations nécessaires, relativement à tout montant payable au titre des cotisations au RPC pour une année à l’égard de gains provenant du travail qu’une personne exécute pour son propre compte comme si ce montant était un montant payable au titre de la LIR.
[13]
Le paragraphe 152(4.2) de la LIR dispose :
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[14]
Ce texte dispose que, pour déterminer le montant de remboursement auquel le contribuable a droit, le ministre peut, si le contribuable demande pareille détermination établir de nouvelles cotisations. Si une nouvelle cotisation est établie en vertu de ce paragraphe, aucune opposition ne peut être faite à l’égard de cette nouvelle cotisation (paragraphe 165(1.2) de la LIR). Si aucune opposition de ne peut être faite, il n’existe aucun droit d’appel à la Cour canadienne de l’impôt, puisqu’un tel appel doit suivre la signification d’un avis d’opposition (article 169 de la LIR).
[15]
Bien que M. Freitas a bel et bien demandé au ministre d’établir une nouvelle cotisation et de le rembourser, le ministre a déterminé que M. Freitas n’avait droit à aucun remboursement. À la suite de la nouvelle cotisation établie le 20 mai 2014, M. Freitas devait la somme de 2 210,03 $. Plutôt que d’avoir droit à un remboursement, son obligation fiscale s’est accrue. J’estime qu’une nouvelle cotisation qui a pour effet d’accroître l’obligation fiscale d’une personne n’en est pas une qui a servi à déterminer le montant de remboursement, mais qui a plutôt servi à déterminer l’obligation qui incombe à cette personne aux termes de la LIR ou du RPC. Sinon, chaque fois qu’un contribuable présente une demande de remboursement après la fin de la période normale de nouvelle cotisation, en instruisant cette demande, le ministre pourrait établir une nouvelle cotisation qui accroît l’obligation fiscale de cette personne, peu importe qu’il y ait eu présentation erronée des faits au sens du sous-alinéa 152(4)a)(i) de la LIR, et cette personne ne pourrait faire aucune opposition à cette nouvelle cotisation (paragraphe 165(1.2) de la LIR). À mon avis, ce résultat serait incorrect.
[16]
Cela est également confirmé par les notes techniques publiées par le ministère des Finances, au moment où le paragraphe 152(4.2) a été ajouté à la LIR en 1991. Ces notes techniques observaient :
[traduction] « Le nouveau paragraphe152(4.2), qui s’applique aux cotisations et aux nouvelles déterminations établies à l’égard de l’année d’imposition 1985 et suivantes, vise à donner au ministre du Revenu national le pouvoir discrétionnaire d’établir une nouvelle cotisation ou de rendre une nouvelle décision au-delà de la période normale de nouvelle cotisation, si demande lui en est faite par un particulier ou par une fiducie testamentaire, en vue d’obtenir un remboursement ou une réduction de l’impôt payable. Donc, par exemple, si après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation, un particulier a appris qu’une demande de déduction ou de crédit auxquels il avait droit n’avait pas été faite, par inadvertance, le ministre aurait le pouvoir discrétionnaire d’établir une nouvelle cotisation et de faire en sorte que le contribuable puisse bénéficier de la déduction ou du crédit.
Une nouvelle cotisation ou une nouvelle détermination visant à créer un remboursement ou une réduction de l’impôt payable sera généralement établie sur réception d’une demande écrite présentée après la période normale de nouvelle cotisation, par un particulier ou par une fiducie testamentaire, si le ministre conclut que la demande de redressement aurait été traitée si elle avait été présentée au cours de la période normale de nouvelle cotisation. »
(Non souligné dans l’original.)
[17]
Cet objectif se reflète également dans les notes techniques publiées par le ministère des Finances relativement à une modification apportée au paragraphe 152(4.2) de la LIR en 1997 :
[traduction] « Le paragraphe 152(4.2) accorde au ministre du Revenu national le pouvoir discrétionnaire d’établir une nouvelle cotisation ou une nouvelle détermination au-delà de la période normale de nouvelle cotisation si demande lui en est faite par un particulier ou par une fiducie testamentaire, en vue d’obtenir un remboursement ou une réduction de l’impôt payable. […] »
(Non souligné dans l’original.)
[18]
Bien que le paragraphe 152(4.2) de la LIR ait été modifié à plusieurs reprises, les modifications apportées ne s’éloignent nullement de son objet initial.
[19]
Comme la nouvelle cotisation établie le 20 mai 2014 a eu pour effet d’accroître l’obligation fiscale de M. Freitas pour l’année 2008, cette nouvelle cotisation n’a pas été établie en vertu du paragraphe 152(4.2) de la LIR.
B.
Validité de l’appel interjeté devant la Cour canadienne de l’impôt
[20]
La nouvelle cotisation établie le 20 mai 2014 a été établie plus de trois ans après la cotisation initiale en date du 11 septembre 2009. La Couronne a soutenu que, si la nouvelle cotisation n’a pas été établie en vertu du paragraphe 152(4.2) de la LIR, rien d’autre ne justifiait que cette nouvelle cotisation pût être établie, puisque le ministre ne se fondait pas sur des allégations de présentation erronée des faits au moment d’établir cette nouvelle cotisation. Le ministre peut établir une nouvelle cotisation à l’égard de toute personne, en tout temps au cours de la période normale de nouvelle cotisation (paragraphe 152(4) de la LIR). Pour un particulier, la période normale de nouvelle cotisation est de trois ans suivant la date d’envoi d’un avis de première cotisation (alinéa 152(3.1)b) de la LIR). Le ministre ne peut établir une nouvelle cotisation après la période normale de nouvelle cotisation que si l’intéressé a fait une présentation erronée des faits au sens du sous-alinéa 152(4)a)(i) de la LIR ou dans certains cas précis qui ne se présentent pas en l’espèce.
[21]
Bien que le ministre ne se soit peut-être pas fondé sur une présentation erronée des faits par M. Freitas et n’avait donc aucun motif d’établir une nouvelle cotisation le 20 mai 2014, le paragraphe 152(8) de la LIR dispose que :
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[22]
Par conséquent, la nouvelle cotisation établie le 20 mai 2014 est réputée valide malgré toute erreur, tout vice de forme ou toute omission dans cette cotisation ou dans toute procédure s’y rattachant en vertu de la LIR. Même si M. Freitas avait pu s’opposer à cette nouvelle cotisation au motif qu’elle donnait lieu à une augmentation de son obligation fiscale au-delà de la période normale de nouvelle cotisation et qu’il y n’avait pas eu de présentation erronée des faits qui aurait pu justifier cette nouvelle cotisation, il a choisi de ne pas soulever ce moyen comme motif d’opposition. Il a plutôt choisi de contester cette nouvelle cotisation sur le fond, et la validité de cette nouvelle cotisation doit donc être appréciée sur le fond.
[23]
Je suis donc d’avis que M. Freitas avait le droit de s’opposer à la nouvelle cotisation établie le 20 mai 2014. Par conséquent, un appel valide a été interjeté devant la Cour canadienne de l’impôt relativement à la cotisation qui a suivi, établie le 22 décembre 2015.
C.
Cotisations au RPC après le départ à la retraite
[24]
L’article 10 du RPC dispose que le particulier est tenu de verser des cotisations en fonction de ses gains cotisables provenant du travail qu’il exécute pour son propre compte pour l’année :
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[25]
L’article 13 du RPC dispose : « Le montant des gains cotisables provenant du travail qu’une personne exécute pour son propre compte, pour une année, est le montant de ses gains provenant d’un tel travail [...] »
, sous réserve de certaines exceptions dont aucune ne trouve application en l’espèce. L’article 14 du RPC dispose notamment que :
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[26]
Pour que le revenu attribué à M. Freitas soit assimilé à des gains provenant du travail qu’il exécute pour son propre compte, ce revenu doit provenir d’une entreprise qu’il exploitait. Au paragraphe 12 de ses motifs, après avoir fait référence à la définition d’« allocation de retraite »
du paragraphe 248(1) de la LIR, la juge de la Cour canadienne de l’impôt a conclu que :
« Puisque la définition fait précisément référence à une retraite d’une charge ou d’un emploi, le revenu de l’appelant ne peut pas être une allocation de retraite. Il était un associé chez Deloitte & Touche LLP et il gagnait un revenu d’entreprise ou d’une société de personnes. Il a pris sa retraite en 2007 à titre d’associé de ce cabinet. Son revenu ne provenait pas d’une charge ou d’un emploi, comme le mentionne la définition d’allocation de retraite. Après sa retraite, il a continué de recevoir une partie des revenus d’une société de personnes conformément à son contrat de société de personnes. Comme ce revenu fait partie de la catégorie des revenus d’entreprise ou des revenus de profession libérale conformément au paragraphe 96(1.1) de la LIR, le ministre avait raison de l’inclure dans le calcul des gains provenant du travail que l’appelant a exécuté pour son propre compte aux fins des articles 13 et 14 du RPC. »
[27]
Par conséquent, la juge de la Cour canadienne de l’impôt a conclu que le montant attribué à M. Freitas par Deloitte & Touche LLP en 2008 était inclus dans son revenu en vertu du paragraphe 96(1.1) de la LIR. Ce paragraphe dispose :
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Il convient de signaler que ce paragraphe ne joue que lorsque le revenu est attribué à une personne qui a cessé d’être un associé de la société de personnes. Bien que la Couronne ait soutenu que très peu de faits avaient été constatés par la juge de la Cour canadienne de l’impôt et qu’il n’y avait aucun élément de preuve de collaboration de M. Fretias avec Deloitte & Touche LLP en 2008, elle n’a pas attaqué la conclusion tirée par la Cour canadienne de l’impôt selon laquelle le revenu que Deloitte & Touche LLP a attribué à M. Freitas en 2008 devait être inclus dans son revenu aux termes du paragraphe 96(1.1) de la LIR. Par conséquent, rien ne permet de remettre en question ou de contester le fondement factuel qui découlerait de l’application de cette disposition, à savoir que M. Freitas avait cessé d’être un associé avant l’attribution du revenu en 2008. Étant donné qu’il n’est pas controversé que M. Freitas avait pris sa retraite en 2007, on peut déduire logiquement qu’il avait cessé d’être un associé de la société de personnes au moment de son départ à la retraite, en 2007.
[29]
Dans les territoires où est en vigueur la common law, une société de personnes s’entend d’une relation entre des personnes qui exploitent une entreprise en commun en vue de réaliser un bénéfice (Backman c. Sa Majesté la Reine, 2001 CSC 10, [2001] 1 RCS 367, au paragraphe 18; article 2 de la Loi sur les sociétés en nom collectif, L.R.O. 1990, ch. P-5. Comme M. Freitas n’était plus un associé de la société de personnes en 2007, il avait cessé, à ce moment-là, d’exploiter une entreprise en commun avec les autres associés de cette société de personnes. Il n’exploitait donc pas une entreprise en commun avec les autres associés de Deloitte & Touche LLP à aucun moment en 2008 aux fins du RPC.
[30]
La règle déterminative du paragraphe 96(1.1) de la LIR prévoit uniquement que M. Freitas est réputé être un associé de la société de personnes pour l’application du paragraphe 96(1) et des articles 34.1, 34.2, 101, 103 et 249.1 de la LIR. De la même manière, le paragraphe 96(1.6) de la LIR prévoit seulement qu’il est réputé exploiter une entreprise pour l’application du paragraphe 96(2.3) et des articles 34.1, 150 et (sous réserve du paragraphe 34.2(18)) 34.2 de la LIR. Nulle de ces dispositions n’établit de présomption voulant qu’il soit un associé de la société de personnes ou qu’il exploite une entreprise aux fins du RPC. Étant donné qu’aucune autre disposition n’établit de présomption voulant qu’il soit réputé un associé de la société de personnes ou exploitant une entreprise aux fins du RPC, il n’était pas un associé en 2008 aux fins du RPC, et n’exploitait pas une entreprise en 2008, pour l’application de l’article 14 du RPC.
[31]
La deuxième partie de l’article 14 du RPC qui exige que le revenu soit calculé aux termes de la LIR, ne s’appliquerait seulement qu’à l’entreprise décrite précédemment, qui ne pourrait être qu’une entreprise exploitée par M. Freitas. Cette partie de l’article 14 du RPC ne précise pas l’entreprise à inclure, mais seulement la manière dont le revenu est déterminé une fois qu’il a été conclu qu’une entreprise en particulier est l’une de celles qui sont visées par l’article 14.
[32]
Le revenu que Deloitte & Touche LLP a attribué à M. Freitas pour l’année 2008 ne constituait pas des gains provenant du travail qu’une personne exécute pour son propre compte aux fins de l’article 14 du RPC, puisque ce revenu ne provenait pas d’une entreprise qu’il exploitait en 2008.
[33]
J’accueillerais l’appel au motif qu’aucune cotisation au RPC n’était payable par M. Freitas relativement au revenu que lui a attribué Deloitte & Touche LLP pour l’année 2008, et je renverrais l’affaire au ministre du Revenu national pour réexamen et nouvelle cotisation. Toutefois, comme je l’ai déjà signalé, le ministre ne peut pas établir une nouvelle cotisation en vertu du paragraphe 152(4.2) de la LIR, qui résulterait en une augmentation de l’obligation fiscale de M. Freitas. Il convient de signaler que le ministre a le pouvoir discrétionnaire de rembourser les cotisations excédentaires au RPC aux termes de l’alinéa 38(4)a) du RPC :
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[34]
Dans une lettre datée du 22 février 2018, les parties ont convenu que la présente affaire soit tranchée sur le fond et en faveur de M. Freitas; la Couronne verserait à M. Freitas des dépens de 3 500 $.
[35]
Par conséquent, j’accueillerais l’appel et j’annulerais la décision de la Cour canadienne de l’impôt. Je rendrais le jugement que la Cour canadienne de l’impôt aurait dû rendre, j’accueillerais l’appel interjeté par M. Freitas relativement à la nouvelle cotisation datée du 22 décembre 2015 et je renverrais l’affaire au ministre du Revenu national pour réexamen et nouvelle cotisation, pour le motif qu’aucune cotisation au RPC n’était payable par M. Freitas relativement au revenu que lui a attribué Deloitte & Touche LLP en 2008. J’accorderais également à M. Freitas des dépens de 3 500 $.
« Wyman W. Webb »
j.c.a.
« Je suis d’accord
|
Mary J.L. Gleason, j.c.a. »
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« Je suis d’accord
|
J.B. Laskin, j.c.a. »
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Traduction certifiée conforme
François Brunet, réviseur
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
APPEL D’UN JUGEMENT DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT DATÉ DU
23 MARS 2017 NO DU DOSSIER DE LA COUR : 2016-905(IT)I
DOSSIER :
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A-130-17
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INTITULÉ :
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TERENCE O. FREITAS c. SA MAJESTÉ LA REINE
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Toronto (Ontario)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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Le 1er février 2018
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MOTIFS DU JUGEMENT :
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LE JUGE WEBB
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Y ONT SOUSCRIT :
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LA JUGE GLEASON
LE JUGE LASKIN
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DATE DES MOTIFS :
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Le 4 juin 2018
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COMPARUTIONS :
David Muha
Christopher Slade
Jacob Brown
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Pour l’appelant TERENCE O. FREITAS
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Alexandra Humphrey
Stephanie Hodge
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Pour l’intimée
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Droit fiscal Deloitte S.E.N.C.R.L./s.r.l.
Toronto (Ontario)
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Pour l’appelant TERENCE O. FREITAS
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Nathalie G. Drouin
Sous-procureur général du Canada
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Pour l’intimée
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