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Date : 20180620


Dossier : A-66-17

Référence : 2018 CAF 120

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

demandeur

 

 

et

 

 

AGENCE GRAVEL INC.

 

 

défenderesse

 

Audience tenue à Québec, le 20 juin 2018.

Jugement rendu à l’audience à Québec (Québec), le 20 juin 2018.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE GAUTHIER

 


Date : 20180620


Dossier : A-66-17

Référence : 2018 CAF 120

CORAM :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

 

 

ENTRE :

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

demandeur

 

 

et

 

 

AGENCE GRAVEL INC.

 

 

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Québec (Québec), le 20 juin 2018.)

LA JUGE GAUTHIER

[1]  La présente demande de contrôle judiciaire vise une décision du Tribunal canadien du commerce extérieur (le TCCE) se déclarant compétent pour examiner une plainte déposée par l’Agence Gravel Inc. et ce, même si le processus de la demande d’offres à commande (DOC) pertinente avait été annulé avant le dépôt de la plainte. Le Procureur général du Canada conteste aussi la conclusion du TCCE à l’effet que cette plainte est bien fondée. Celle-ci alléguait seulement que le processus de DOC avait été annulé pour un motif illégitime et contrairement à ses exigences.

[2]  La DOC, au cœur du débat, a été émise par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC) afin d’approvisionner les groupes tactiques d’intervention de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) en silencieux pour leurs armes à feu.

[3]  La DOC prévoyait que les offres des soumissionnaires demeuraient valides pour une période de 180 jours suivant sa date de clôture. Ce délai était prévu pour le bénéfice des soumissionnaires qui pouvaient l’étendre de consentement. TPSGC a laissé s’écouler cette période sans accorder le contrat et sans demander une prolongation de la durée de validité de leur offre. Au moment où TPSGC avise les soumissionnaires de sa décision d’annuler le contrat dû à l’écoulement du délai de 180 jours, il ne restait plus que la dernière étape de l’évaluation finale à compléter, soit une rencontre entre TPSGC et la GRC pour discuter des résultats finaux d’inspection. Le TCCE a conclu que les circonstances ayant mené à l’annulation faisaient état d’une situation surprenante et inacceptable. Selon le TCCE, le contrat n’avait pas été accordé dans les 180 jours à cause d’une série d’erreurs et de délais entièrement dus à TPSGC qui n’avait pas fait preuve d’un minimum de diligence raisonnable dans la gestion de son dossier et l’application de ses procédures (décision du TCCE au paragraphe 66). Le TCCE a conclu que TPSGC ne pouvait invoquer la clause de réserve dans de telles circonstances.

[4]  Le Procureur général prétend que le TCCE a incorrectement conclu qu’il avait compétence. De plus, il soutient que la décision du TCCE, quant à son interprétation de la clause de réserve de la DOC et quant à la mesure corrective appropriée, est déraisonnable.

[5]  Dans Canada (Procureur général) c. Access Information Agency Inc., 2018 CAF 18 (Access Information Agency), notre Cour a conclu que la norme applicable à la question de savoir si le TCCE a compétence pour entendre une plainte, malgré l’annulation du processus, est celle de la décision raisonnable (Access Information Agency aux paras. 13-21). Elle a également statué qu’une telle annulation ne prive pas le TCCE de sa compétence (Access Information Agency aux paras. 35-42). Nous notons que lors du dépôt de la demande de contrôle, le Procureur général n’avait pas le bénéfice de cette décision qui règle complètement, selon nous, la première question qu’il soulève, même si les faits ne sont pas identiques et la plainte dans Access Information Agency avait été déposée avant l’annulation. Le même raisonnement et principes s’appliquent puisque le contrat aurait pu être octroyé au sens de l’article 30.1 de Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985, c. 47 (4e suppl.) (la Loi).

[6]  Quant aux questions portant sur l’interprétation de la DOC et le choix de la mesure corrective appropriée, nous sommes d’accord avec le Procureur général que la norme de la décision raisonnable est applicable (Canada (Procureur général) c. Almon Equipment Limited, 2010 CAF 193 aux paras. 4, 33; Saskatchewan Polytechnic Institute c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 16 au para. 6; Canada (Procureur général) c. L.P. Royer Inc., 2018 CAF 27 au para. 25). Cependant, nous ne sommes pas convaincus que la décision du TCCE est déraisonnable.

[7]  Bien que la clause de réserve contenue dans la DOC (article 11 des Instructions uniformisées) soit formulée largement en ce qu’elle permettait à TPSGC « d’annuler la DOC à n’importe quel moment », le TCCE n’a pas erré en l’ interprétant comme il l’a fait, à la lumière des autres clauses du contrat, du régime de l’Accord sur le commerce intérieur et de la jurisprudence pertinente (voir notamment M.J.B. Enterprises Ltd. c. Construction de Défense (1951) Ltée, [1999] 1 R.C.S. 619; Martel Building Ltd. c. Canada, 2000 CSC 60). Le TCCE a tenu compte des principes d’intégrité, de confiance et de transparence qui sous-tendent le système de marchés publics.

[8]  C’est à bon droit, selon nous, que le TCCE a rejeté l’argument de TPSGC à l’effet qu’il n’avait pas d’autre choix que d’annuler la DOC vu que le délai de 180 jours était déjà écoulé. La conclusion du TCCE à l’effet que la clause de réserve ne s’applique pas dans les circonstances tout à fait particulières de l’espèce est raisonnable.

[9]  Pour ce qui est de la mesure corrective recommandée, nous notons que le TCCE a choisi une mesure moindre que celle demandée par le plaignant qui désirait se voir accorder le contrat. De plus, TPSGC n’avait fait aucune représentation à cet égard alors que le décideur devait exercer sa discrétion. Selon nous, le TCCE a tenu compte des facteurs prévus au paragraphe 30.15(3) de la Loi, et il les a raisonnablement pondérés afin de déterminer la mesure corrective appropriée.

[10]  La demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée avec dépens fixés à une somme de 300,00$ (tout inclus).

« Johanne Gauthier »

j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

A-66-17

INTITULÉ :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. AGENCE GRAVEL INC.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Québec

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 20 juin 2018

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :

LA JUGE GAUTHIER

LE JUGE BOIVIN

LE JUGE DE MONTIGNY

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE :

LA JUGE GAUTHIER

 

COMPARUTIONS :

Benoît de Champlain

Michèle Plamondon

pour le demandeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureur générale du Canada

 

pour le demandeur

 

DS Avocats Canada S.E.N.C.R.L

Montréal (Québec)

pour le défendeur

 

 

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