Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20040712

Dossier : A-668-01

Référence : 2004 CAF 258

ENTRE :

                                                            ASTRAZENECA AB

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

                                                        NOVOPHARM LIMITED

                                                                                                                                                intimée

                                                                             et

                              LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

                                                                                                                                                  intimé

                                              TAXATION DES DÉPENS - MOTIFS

Charles E. Stinson

Officier taxateur

[1]                L'appelante a été déboutée, tant devant le registraire des marques de commerce que devant la Cour fédérale, de sa demande d'enregistrement d'un dessin d'un comprimé pharmaceutique jaune destiné au traitement de l'hypertension comme marque de commerce. Le 4 février 2003, la Cour d'appel fédérale a rejeté l'appel de l'appelante avec dépens (ci-après la décision concernant les comprimés jaunes). L'intimée, Novopharm Limited (ci-après l'intimée), a renoncé devant moi à la demande de TVP de 8 p. 100 dans son mémoire de frais.


Article 19          7 unités réclamées pour la préparation du mémoire des faits et du droit (fourchette de 4 à 7 unités selon le Tarif; les numéros indiqués entre parenthèses par la suite après le nombre d'unités réclamées représentent la fourchette prévue au Tarif)

Alinéa 21a)       3 unités réclamées pour la réponse à la requête écrite de l'appelante en vue de déterminer le contenu du dossier d'appel (2-3)

Alinéa 22a)       3 unités réclamées pour chaque heure de comparution (6 heures) à l'audition de l'appel (2-3)

Alinéa 22b)       50 p. 100 du montant calculé en application de l'alinéa 22a) pour le deuxième avocat

Article 25          1 unité réclamée pour les services rendus après le jugement (1)

Article 26          6 unités réclamées pour la taxation des dépens (2-6)

Un montant de 1 704,15 $ est réclamé au titre des débours, soit 14,59 $ pour les interurbains, 1 294,80 $ pour les photocopies, 375,26 $ pour les recherches dans les bases de données informatisées et 19,50 $ pour les télécopies

La position de l'appelante


[2]                L'appelante a soutenu de façon générale que les articles prévus au Tarif B quant aux honoraires d'avocats représentent des services distincts et que la décision relative à une réclamation ne devrait pas toucher les autres. Ainsi, si les réclamations au titre de l'article 21 ou de l'alinéa 22b) sont refusées, il n'y aurait pas lieu d'augmenter le nombre d'unités réclamé à l'article 19 ou à l'alinéa 22a) en compensation. Il n'était pas abusif de la part de l'appelante de s'opposer aux modifications apportées au dossier d'appel, même si elle a finalement perdu son appel. L'appelante propose respectivement 5 et 2 unités pour les services prévus à l'article 19 et à l'alinéa 22a), en l'absence de motifs justifiant les réclamations maximales, étant donné, surtout, que les plaidoiries de l'intimée n'ont duré que 46 minutes, alors que la durée totale de l'audience était d'environ 245 minutes. Il y aurait lieu d'accorder quatre heures seulement pour la réclamation fondée sur l'alinéa 22a).

[3]                Invoquant la décision Ayangma c. La Reine, [2001] A.C.F. n ° 576 (O.T.), l'appelante a ajouté que, l'ordonnance de la Cour ne faisant pas mention des dépens, aucun montant ne peut être accordé en ce qui concerne l'article 21. De plus, étant donné que l' « officier taxateur » est défini comme un fonctionnaire distinct de la Cour, compte tenu de la Règle 2 ainsi que de l'article 3 et du paragraphe 5(1) de la Loi sur les Cours fédérales, aucun montant ne peut être accordé en application de l'alinéa 22b) en l'absence de directive de la Cour. L'absence de directive interdisant à l'officier taxateur d'accorder ou de refuser les débours réclamés en vertu de l'article 24 (déplacement de l'avocat) n'est pas utile pour l'intimée en l'espèce, parce que la directive de la Cour qui est nécessaire pour cet article et l'alinéa 22b) renvoie uniquement aux honoraires et non aux débours. Selon l'appelante, aucun montant ne devrait être accordé pour les services mentionnés à l'article 25 en l'absence de preuve indiquant que des services après jugement pouvant faire l'objet d'un recouvrement ont été exécutés. L'appelante a suggéré que 2 unités, soit le minimum, soient accordées en ce qui concerne l'article 26, étant donné que la présente taxation est relativement simple et que la preuve se rapportant aux débours se compose essentiellement d'imprimés d'ordinateur.


[4]                Invoquant le paragraphe 1(4) du Tarif B et les décisions F-C Research Institute Limited et al. c. La Reine et al. (1995), 95 D.T.C. 5583 (C.F. 1re inst.), et Windsurfing International Inc. et al. c. Bic Sports Inc. et al., 6 C.P.R. (3d) 526, l'appelante a également soutenu que la preuve présentée à l'appui des débours est tellement mince qu'aucun montant ne devrait être accordé ou, subsidiairement, que les montants accordés devraient être sensiblement réduits. Ainsi, en ce qui a trait aux photocopies, l'appelante a souligné l'absence de preuve établissant la nécessité des photocopies ainsi que les documents photocopiés. La réclamation couvre 6 074 pages, ce qui est excessif, étant donné que l'intimée n'était pas responsable de la préparation du dossier d'appel et que le montant de 553,80 $ exigé pour décembre 2001 a été engagé peu après le dépôt de l'appel, alors qu'un nombre important de photocopies n'était pas nécessaire.

La position de l'intimée


[5]                Pour sa part, l'intimée a fait valoir que l'octroi d'honoraires maximaux est justifié en raison de la complexité des questions de droit liées à la norme de contrôle des décisions du registraire des marques de commerce au sujet des allégations portant sur le caractère distinctif de l'apparence des comprimés pharmaceutiques, c'est-à-dire la couleur, la forme ou les dimensions. Si les montants réclamés pour les services prévus à l'article 21 et à l'alinéa 22b) sont refusés, la complexité de l'ensemble du litige justifie encore l'attribution du nombre maximal d'unités ailleurs. L'appel de l'appelante devant la Cour suprême du Canada indique la présence de questions complexes. L'intimée invoque également la Règle 409 et l'alinéa 400(3)c) des Règles pour justifier l'attribution d'honoraires maximaux, étant donné que la question de savoir si l'aspect des produits pharmaceutiques peut faire l'objet d'une marque de commerce est une question d'importance publique, que l'intimée a tenté de conclure un règlement à l'amiable et que les procédures ont été rallongées indûment parce que l'appelante a omis d'inclure des documents pertinents dans le dossier d'appel.

[6]                En ce qui concerne l'article 19, l'intimée a souligné que le juge de première instance avait accordé le montant maximal d'honoraires au titre de l'article 2 et de l'alinéa 13a), qui sont analogues, et a demandé que l'appelante soit condamnée à verser des montants supérieurs pour la poursuite de l'appel, eu égard à la jurisprudence existante, mentionnée au paragraphe [24] de la décision concernant les comprimés jaunes, indiquant que sa marque de commerce proposée ne serait pas jugée distinctive selon l'application du droit à des faits similaires. L'intimée a allégué que le juge de première instance avait accordé des honoraires pour le second avocat en vertu de l'alinéa 22b) et qu'aux paragraphes [5] et [6] de ses directives sur les dépens, publiées à 18 C.P.R. (4th) 88 (C.F. 1re inst.), il a statué que les officiers taxateurs peuvent exercer le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 400(1) des Règles pour le faire également. Qui plus est, le large pouvoir discrétionnaire dont les officiers taxateurs disposent pour taxer, par exemple, des débours connexes en l'absence de directive de la Cour au sujet des honoraires d'avocats visés à l'article 24 devrait être exercé de la même façon en l'espèce afin que la présence du second avocat de part et d'autre soit prise en compte pour l'octroi du montant réclamé au titre de l'alinéa 22b).


[7]                Pour ce qui est de l'alinéa 22a), l'intimée a soutenu que le temps qu'elle a passé à l'audition pour présenter ses arguments n'est pas pertinent. Le temps de comparution ne se limite pas à la période inscrite par le greffier, de sorte que les six heures réclamées sont raisonnables, l'audition ayant débuté à 10 h pour se terminer à 15h57, et tiennent compte également du temps passé à l'extérieur du bureau. Invoquant la décision Chisholm c. Banque de Nouvelle-Écosse, [2000] A.C.F. 1810 (O.T.), l'intimée a allégué qu'un montant peut être accordé à l'égard de la préparation d'un mémoire de frais en vertu de l'article 25. La complexité de la jurisprudence concernant la question du double des dépens justifie l'attribution du montant maximal prévu en ce qui a trait à l'article 26. De l'avis de l'intimée, les témoignages présentés sous serment en l'espèce respectent le critère indiqué dans la décision précitée du juge de première instance au sujet des débours. Les circonstances de la présente affaire permettent de distinguer celle-ci de la décision F-C Research Institute Limited et al., précitée, compte tenu de l'absence d'experts et de différences au plan de la forme de la preuve. Le taux de photocopie de 25 cents la page est conforme à la pratique exposée dansSection locale 4004, Division du transport aérien du Syndicat canadien de la fonction publique c. Air Canada, [1997] A.C.F. n ° 464 (O.T.).

Taxation


[8]                Dans le cas de l'article 21, l'intimée a énoncé correctement la règle de droit applicable. Le paragraphe 400(1) des Règles, qui accorde à la Cour un pouvoir discrétionnaire absolu en matière de dépens, signifie que les ordonnances et les jugements doivent comporter des directives indiquant clairement que des dépens ont été adjugés. Dans la même veine, je ne puis exercer la compétence de la Cour en ce qui concerne l'alinéa 22b) et je dois refuser également cette réclamation. L'affirmation, aux paragraphes [5] et [6] de la décision du juge de première instance au sujet des dépens, que « le pouvoir discrétionnaire de la Cour en matière de dépens est prévu à la Règle 400(1)... [C]e pouvoir discrétionnaire s'étend aux actes accomplis par tous les officiers taxateurs, y compris les fonctionnaires du greffe, les protonotaires et les juges » ne m'accorde pas cette compétence, mais confirme simplement l'étendue de son pouvoir discrétionnaire en matière de dépens. La Règle 409, qui permet à l'officier taxateur de tenir compte des facteurs visés au paragraphe 400(3) des Règles, ne m'accorde pas la compétence prévue au paragraphe 400(1) des Règles, parce que ma compétence découle plutôt des Règles 2 et 405.


[9]                L'industrie des produits pharmaceutiques est importante tant au plan économique que social. Cependant, la présente affaire n'était pas très complexe. Au paragraphe [7] de mes motifs dans Bruce Starlight et al. c. Sa Majesté La Reine, [2001] A.C.F. 1376 (O.T.), j'étais arrivé à la conclusion qu'il n'était pas nécessaire d'utiliser partout le même point des barèmes figurant dans le Tarif, puisque chacun des postes d'honoraires d'avocat doit être considéré selon ses propres circonstances, et je disais qu'une certaine généralisation est nécessaire parmi les valeurs figurant dans les barèmes. J'accorde six unités pour la réclamation au titre de l'article 19. Je suis d'accord jusqu'à un certain point avec l'intimée en ce qui concerne l'alinéa 22a). Les avocats doivent être présents tout au long de l'audience, même s'ils ne sont pas appelés à intervenir. La comparution à l'audience signifie forcément que l'avocat doit se rendre à la salle d'audience, se présenter au greffier et attendre l'appel de la cause, ce qui n'est pas du temps de préparation visé par les autres articles. En conséquence, le procès-verbal de l'audience est un guide utile, mais non absolu, pour évaluer le temps de présence à une audience. Il ne s'agit pas ici de circonstances pour lesquelles l'octroi de deux ou trois unités pour chaque heure pour toute la durée de l'audience traduit le mieux l'indemnité partielle. J'accorde respectivement trois heures et trois heures à raison de 3 et 2 unités pour chaque heure au titre de l'alinéa 22a).

[10]            Par ailleurs, il me semble que l'officier taxateur a mal interprété la structure du Tarif dans la décision Chisholm, précitée. En effet, le Tarif vise à assurer l'indemnisation de services distincts. Ainsi, contrairement au texte de l'article 1, le libellé de l'article 2 n'interdit pas expressément de présenter une réclamation à l'égard des documents de l'appel. Cette exception est prévue à l'article 17. La séparation de la préparation et de la comparution dans des articles rapprochés comme les articles 5 + 6, 8 + 9 et 13 + 14 indique probablement que le montant à accorder au titre de l'article 26 pour la taxation des frais est une indemnité globale qui couvre la préparation. Il se peut que l'article 27 englobe un aspect de la taxation au-delà des services ordinaires, mais ce n'est certainement pas le cas de l'article 25, qui couvre des services comme la communication d'explications au client au sujet du sens et des conséquences du jugement. J'accorde l'unité réclamée au titre de l'article 25. Les questions soulevées en l'espèce en ce qui a trait à l'octroi du double des dépens en vertu de la Règle 420 n'étaient pas simples et j'accorde 5 unités pour la réclamation fondée sur l'article 26.


[11]            Pour ce qui est des débours, j'emploierai mon pouvoir discrétionnaire conformément à l'approche que j'ai adoptée dans l'affaire Grace M. Carlile c. Sa Majesté La Reine (1997), 97 D.T.C. 5284, à la page 5287 (O.T.), et à l'opinion du lord juge Russell dans Re Eastwood (deceased) (1974), 3 All. E.R. 603, à la page 608, selon laquelle dans le domaine de la taxation des dépens, [TRADUCTION] « la justice est rendue d'une façon sommaire, en ce sens que de nombreuses approximations sensées sont faites » pour en arriver à un résultat semblable au sujet des dépens. La preuve présentée en l'espèce est imprécise sur certains points. Toutefois, moins d'éléments de preuve sont produits, plus la partie réclamante est liée par l'exercice du pouvoir discrétionnaire de l'officier taxateur, qui doit être conservateur par souci d'austérité afin de ne pas causer de préjudice à la partie qui paie les dépens. Cependant, de réelles dépenses sont nécessaires pour faire avancer un litige : un résultat de zéro dollar serait absurde comme taxation des dépens. Étant donné que j'ai refusé d'accorder les honoraires d'avocat réclamés au titre de l'article 21 plus haut, je dois tenir compte de la possibilité qu'il y ait des débours connexes qui ne peuvent non plus être accordés. J'accorde des montants respectifs de 13 $, 260 $ et 15 $ pour les interurbains, les recherches dans les bases de données informatisées et les télécopies. Compte tenu du raisonnement que j'ai suivi dans la décision Section locale 4004, Division du transport aérien du Syndicat canadien de la fonction publique, précitée, j'accorde un montant de 850 $ pour les photocopies.

Octroi du double des dépens en vertu de la Règle 420

[12]            L'offre de règlement datée du 11 juin 2002 (ci-après l'offre) était ainsi libellée :

[TRADUCTION] Novopharm offre de régler le présent appel aux conditions suivantes :

(i)             AstraZeneca convient de se désister de son appel de la décision du juge Kelen;


(ii)            Novopharm ne sollicitera pas ses dépens de l'appel dans le dossier de la Cour n ° A-668-01 par suite de la décision du juge Kelen en date du 30 octobre 2001;

(iii)           AstraZeneca retire sa demande de marque de commerce canadienne n ° 783,267.

La présente offre demeure en vigueur jusqu'à l'expiration de deux minutes suivant le début de l'audition de l'appel dans le dossier de la Cour n ° A-668-01. AstraZeneca ne peut déposer le texte des présentes conditions avant que la Cour ait statué sur l'appel.

La position de l'appelante

[13]            L'appelante a fait valoir que, s'il est jugé que l'offre est de nature à engendrer l'octroi du double des dépens, les articles 25 et 26 ne sont pas visés, parce que les débours s'y rapportant ont été engagés après la date du jugement, définie par le paragraphe 420(2) des Règles comme la date limite pour le doublement. De l'avis de l'appelante, il n'y a pas lieu d'accorder le double des dépens en l'espèce, parce que la révocation de l'offre deux minutes après le début de l'audience est incompatible avec le texte du paragraphe 420(2) des Règles, notamment les mots « une offre de règlement qui n'est pas révoquée » . Dans Association olympique canadienne c. Olymel, Société en commandite, 8 C.P.R. (4th) 429 (C.F. 1re inst.), la Cour a refusé de doubler les dépens dans des circonstances similaires, c'est-à-dire dans le cas d'une offre expirant au début de l'audience. La Cour a également conclu dans cette affaire que l'absence d'élément de compromis dans une offre de règlement, qui mène à son tour au désistement d'un appel défendable, était incompatible avec l'objet de la règle et créait un mécanisme facile permettant d'obtenir le double des dépens sans l'élément d'incitation à transiger, qui est essentiel, soit présent.

[14]            L'appelante a ajouté que la décision Monsanto Canada Inc. c. Schmeiser et al., 19 C.P.R. (4th) 524 (C.F. 1re inst.) est une décision incidente qui ne s'applique pas en l'espèce, parce que la Cour n'a pas conclu clairement dans cette affaire que l'offre de règlement était visée par la Règle 420 et n'était pas tenue d'en arriver à cette conclusion. De plus, l'opinion concordante exprimée dans Le M.V. African Cape et al. c. Francosteel Canada Inc., [2003] 4 C.F. 284, [2003] A.C.F. n ° 385 (C.A.F.), remplace la décision Monsanto :

[29]          Dans la plaidoirie qu'il a prononcée devant le protonotaire, l'avocat des défendeurs soutenait que l'on devait lire, du moins implicitement, dans l'alinéa 420(2)a) les prescriptions suivantes que l'on trouve au paragraphe 49.10(2) des Règles de procédure civile de l'Ontario:

49.10(2) Offre du défendeur - Si une offre de transaction :

a) est présentée par un défendeur au moins sept jours avant le début de l'audience;

b) n'est pas retirée et n'expire pas avant le début de l'audience;

c) n'est pas acceptée par le demandeur,

et que le demandeur obtient un jugement aussi favorable, ou moins favorable, que les conditions de l'offre, le demandeur a droit aux dépens d'indemnisation partielle à la date de la signification de l'offre et le défendeur a droit aux dépens d'indemnisation partielle à compter de cette date, sauf ordonnance contraire du tribunal.

Le protonotaire a, à bon droit, refusé de retenir l'argument de l'avocat et a conclu que, dans sa rédaction actuelle, l'alinéa 420(2)a), ne s'appliquait pas en l'espèce parce que l'offre écrite présentée par les défendeurs avait été révoquée le quatrième jour de l'audience présidée par l'arbitre. Le défendeurs ont décidé pour plusieurs raisons de retirer leur offre ferme alors que le tiers de l'audience s'était déjà déroulé. Premièrement, l'offre avait été faite tôt pour éviter un procès. Deuxièmement, les défendeurs avaient déjà englouti des sommes considérables pour contester la demande sur ce point. Troisièmement, comme la preuve évoluait, les défendeurs croyaient que leur offre était trop généreuse: ils craignaient qu'elle soit acceptée à la fin de l'audience d'arbitrage et de se retrouver avec des frais irrécouvrables considérables.


[30]          Dans sa rédaction actuelle, l'alinéa 420(2)a) risque fort de causer des injustices. Ainsi que la présente instance le démontre, si l'offre est révoquée, ne serait-ce que la veille du prononcé du jugement ou de la mise en délibéré, le défendeur ne peut plus se prévaloir de cette disposition et doit s'en remettre à l'exercice presque illimité du pouvoir discrétionnaire prévu à la règle 400. Comme la présente espèce le démontre selon moi, rien ne garantit que, même avec les meilleures intentions du monde, celui qui est investi de ce pouvoir l'exercera de façon judiciaire. De plus, le défendeur doit s'acquitter de la lourde et difficile charge de prouver que le pouvoir discrétionnaire en question n'a pas été exercé de façon régulière.

[31]          La situation du défendeur n'est pas meilleure s'il maintient son offre comme l'exige l'alinéa 420(2)a). Après neuf jours de procès, le demandeur qui s'aperçoit que les témoins de la défense sont convaincants et qu'en conséquence, ses chances de gagner diminuent peut décider d'accepter une offre non révoquée. Le défendeur se retrouve alors dans une situation peu reluisante. D'une part, il ne peut réclamer le double des dépens comme le lui permet cet article des Règles parce qu'aucun jugement ne sera rendu. Il ne saura jamais si l'offre aurait été égale ou supérieure à ce qui aurait été accordé. Il risque aussi d'être doublement pénalisé si son offre comprenait les dépens du demandeur qu'il n'aurait peut-être pas eu à payer si un jugement avait été rendu. D'autre part, à cause de l'acceptation tardive de l'offre, il doit engager des frais judiciaires élevés même si son offre, comme en l'espèce, a été faite longtemps avant le début de l'audience. Le défendeur ne peut par la suite récupérer les frais d'audience engendrés par le défaut du demandeur d'accepter l'offre en temps utile.

[32]          Dans sa rédaction actuelle, l'alinéa 420(2)a) fait pencher injustement la balance en faveur du demandeur et désavantage le défendeur, qui supporte tous les risques de la non-révocation de l'offre. Il ne facilite pas l'atteinte de l'objectif précis d'obtenir dès le départ le règlement des litiges en vue de favoriser une administration saine et économique de la justice et des ressources judiciaires limitées; en fait, il va à l'encontre du but recherché. En comparaison, les dispositions précitées des Règles ontariennes ont l'avantage de forcer le règlement hâtif du litige en donnant suite à l'offre de transaction. Le demandeur doit décider avant l'ouverture de l'audience s'il accepte ou non l'offre, à défaut de quoi il s'expose à devoir payer tous les frais engagés subséquemment par le défendeur s'il n'accepte pas l'offre au moment où il devait le faire. Qui plus est, les Règles ontariennes semblent être meilleures et mieux encadrer l'exercice du pouvoir discrétionnaire dans l'intérêt supérieur de la justice et de l'efficacité.

[33]          En conclusion, la présente affaire, qui a donné lieu à un procès long et coûteux sur la question des dépens, illustre bien, à mon avis, la nécessité de réviser la règle 420.

Les conclusions tirées dans la décision African Cape, précitée, n'étaient pas des remarques incidentes et me laissent donc sans juridiction pour permettre de doubler les dépens en application de la Règle 420, compte tenu de l'offre révoquée en l'espèce.


[15]            L'appelante a fait valoir que, étant donné que les dépens avaient été adjugés à l'intimée dans le jugement, mais que le paiement des dépens n'était pas exigé selon l'offre, le jugement n'était pas moins favorable que celle-ci, de sorte que l'alinéa 420(2)a) des Règles ne s'applique pas. De plus, l'offre exigeait le retrait de la demande de marque de commerce, lequel résultat ne pouvait découler d'aucun jugement. La valeur estimative des dépens partie-partie, soit un total maximum possible de 6 544 $, était nettement inférieure à la valeur possible d'une demande d'autorisation d'interjeter appel devant la Cour suprême du Canada, qui aurait porté sur le caractère enregistrable d'une marque de commerce et aurait entraîné des coûts vraisemblablement beaucoup plus élevés pendant plusieurs années pour la poursuite d'une opposition, d'un appel devant la Cour fédérale et du présent appel. Le retrait de la demande de marque de commerce qui était exigé selon l'offre aurait empêché ce dernier scénario. Saisi d'une offre de règlement dont les conditions étaient identiques à celles des présentes, mais qui a été signifiée relativement plus tard au cours de l'instance, le juge de première instance a refusé d'accorder des dépens supplémentaires (voir les directives sur les dépens dont il est fait mention plus haut).

[16]            L'appelante a également invoqué l'extrait suivant de l'ordonnance que le juge de première instance a rendue (le 21 janvier 2004 dans les dossiers T-1470-99 et T-1471-99 au sujet des mêmes parties : ci-après la décision sur les dépens dans l'affaire des comprimés roses/rouge-brun), où la question en litige était essentiellement la même, soit la question de savoir si AstraZeneca AB avait établi selon la prépondérance des probabilités que la couleur et la forme de ses comprimés pharmaceutiques avaient pour effet de les distinguer de ceux d'autres fabricants :


[TRADUCTION] ... La demande visant à obtenir le double ou un autre multiple des dépens (à l'exclusion des débours) engagés

a)    du 9 avril 2001 au 12 juin 2001;

b)    du 13 février 2003 au 17 octobre 2003.

Les avocats des deux parties ont présumé, à juste titre, selon moi, qu'un élément essentiel d'une offre de règlement est l'existence d'un compromis ou d'une incitation à accepter l'offre. Sur ce point, dans Association olympique canadienne c. Olymel, Société en commandite (2000), 8 C.P.R. (4th) 429 (C.F 1re inst.), le juge Lemieux a formulé les remarques suivantes aux paragraphes 10 à 13 :

[10]                 À tout le moins pour la présente adjudication des dépens, qui ne se présente pas dans le cadre d'une action, mais dans le contexte de l'appel d'une décision par laquelle le registraire des marques de commerce a permis à Olymel d'enregistrer deux marques de commerce, j'estime que llément de compromis (ou d'incitation à accepter l'offre) constitue un élément essentiel de toute offre de règlement. D'autres considérations peuvent entrer en ligne de compte lors de l'examen d'une offre de règlement portant sur des dommages-intérêts liquidés ou non liquidés dans une action.

[11]                 Ainsi que le juge Morden l'a souligné dans l'arrêt Data General, précité, l'offre de règlement a pour objet d'inciter les parties à mettre fin au litige en concluant une entente, ce qui est plus rapide et moins coûteux qu'un jugement rendu par le tribunal à l'issue du procès. Il a ajouté que l'incitation à transiger constitue un mécanisme qui permet au demandeur de faire une offre sérieuse au sujet de son estimation de la valeur de la demande, obligeant ainsi le défendeur à procéder dès le début à un examen attentif du fond de l'affaire.

[12]                 Ainsi que l'avocat de l'AOC l'a soutenu, l'offre d'Olymel ne contenait aucun élément de compromis, malgré le fait qu'Olymel l'ait faite après avoir déposé son mémoire des faits et du droit qui, à mon sens, ntait pas persuasif et convaincant au point de ne plus justifier la poursuite de l'appel de l'AOC. Dans ces conditions, Olymel demandait effectivement à l'AOC de se désister d'un appel défendable. L'offre d'Olymel ne favorisait pas, selon moi, les objectifs des dispositions des Règles relatives aux offres de règlement.

[13]                 Dans des situations analogues, faute dlément de compromis, une offre de règlement pourrait devenir un mécanisme très facile permettant au défendeur d'obtenir le double des dépens, ce qui, de toute évidence, ne saurait être ce que visent les Règles.

Les avocats des deux parties ont fait valoir qu'afin de décider si l'une des offres de règlement de Novopharm contenait l'élément essentiel du compromis ou de l'incitation à accepter, je devrais tenir compte de l'ensemble des circonstances.


En ce qui a trait à la première offre, lorsque Novopharm l'a présentée le 9 avril 2001, les demandes qu'AstraZeneca avait déposées en vue d'obtenir l'enregistrement d'une marque de commerce étaient en cours depuis le 28 février 1992. Le 14 juin 1999, la Commission des oppositions des marques de commerce avait rejeté l'opposition de Novopharm. Les appels interjetés devant la Cour devaient être entendus le 9 mai 2001. Il est indéniable qu'AstraZeneca avait alors dépensé des sommes considérables depuis le moment où elle a déposé ses demandes d'enregistrement de marques de commerce. À mon avis, l'offre du 9 avril pourrait être considérée comme une offre de dernière minute que Novopharm a présentée à AstraZeneca afin de lui proposer d'abandonner ses demandes de marques de commerce en échange de la possibilité d'éviter les dépens des procédures d'appel devant la Cour fédérale. Comme l'a dit le juge Lemieux, il s'agissait d'une demande visant à inciter AstraZeneca à abandonner une position qui était certainement défendable et qui a d'abord été acceptée par la Cour. Même si AstraZeneca a finalement perdu devant la Cour d'appel, ce résultat s'expliquait surtout par les décisions rendues après l'offre initiale de Novopharm.

J'en arrive donc à la conclusion que la première offre ne comportait aucun élément de compromis et visait à obtenir le double des dépens.

Cependant, les circonstances avaient quelque peu évolué le 13 février 2003, lorsque Novopharm a présenté la deuxième offre de règlement. Le 4 février 2003, la Cour d'appel fédérale avait rendu son jugement dans AstraZeneca AB c. Novopharm Limited, 2003 CAF 57, au sujet du refus de la demande d'enregistrement d'AstraZeneca à l'égard d'un dessin de comprimé jaune comme marque de commerce pour le médicament PLENDIL. Cette décision a jeté de l'ombre sur le réexamen en cours des présents appels. Novopharm soutient qu'en raison de la similitude de la preuve et des questions à trancher dans l'affaire du comprimé jaune PLENDIL comparativement à celle des présents appels, sa deuxième offre du 12 février 2003 par laquelle elle proposait l'abandon des dépens devant la Cour comportait un véritable élément de compromis.

Si intéressant que semble cet argument à première vue, le 9 juin 2003, lorsque la seconde offre a expiré, AstraZeneca avait déposé une demande visant à obtenir l'autorisation d'interjeter appel devant la Cour suprême du Canada de la décision rendue dans l'affaire du comprimé jaune PLENDIL. À mon sens, l'intérêt de Novopharm et d'AstraZeneca transcendait les deux appels en l'espèce. Toutes deux souhaitaient ardemment que les tribunaux se prononcent sur la question de savoir dans quelles circonstances la forme et la couleur d'un comprimé suffiraient pour appuyer l'enregistrement d'une marque de commerce.

J'en conclus donc que la deuxième offre ne visait pas véritablement à tenter de régler les appels en cours ni à atteindre l'objet de la disposition des Règles concernant les offres de règlement. L'offre a plutôt été présentée, une fois de plus, pour réclamer le double des dépens si les appels étaient accueillis.

Il s'ensuit qu'aucune directive accordant le double des dépens ou un autre multiple des dépens ne sera rendue. ...

L'appelante a donc fait valoir que les facteurs suivants entourant le jugement rendu le 17 octobre 2003 dans les dossiers T-1470-99 et T-1471-99 et publié à [2003] A.C.F. n ° 1535 (C.F.) (ci-après la décision concernant les comprimés roses/rouge-brun) sont pertinents :


a)          la Cour fédérale a rejeté les appels que Novopharm Limited avait interjetés à l'égard de deux décisions en date du 14 juin 1999 dans lesquelles le registraire des marques de commerce avait rejeté son opposition à deux demandes d'AstraZeneca AB en vue de faire enregistrer des marques de commerce pour les comprimés pharmaceutiques roses, ronds et biconvexes et les comprimés rouge-brun, ronds et biconvexes;

b)          la Cour d'appel fédérale a accueilli les appels subséquents de Novopharm Limited et renvoyé les questions pour nouvel examen par la Cour fédérale à la lumière des conclusions tirées en appel;

c)          la deuxième audience tenue devant la Cour fédérale a donné lieu à la décision concernant les comprimés roses/rouge-brun, soit une révision de novo, qui était fondée presque entièrement sur la décision concernant les comprimés jaunes;

d)          AstraZeneca AB a perçu le litige concernant les comprimés jaunes comme l'occasion de régler des questions en cours qu'elle avait relevées dans Novopharm Ltd. c. Bayer Inc., [2000] 2 C.F. 553 (C.F. 1re inst.), dont il est fait mention au paragraphe [24] de la décision concernant les comprimés jaunes;

e)          dans le litige concernant les comprimés roses/rouge-brun, la position qu'AstraZeneca AB a invoquée pour s'opposer à l'octroi du double des dépens était beaucoup plus faible comparativement à celle de la deuxième offre de règlement sous examen, eu égard à la décision concernant les comprimés jaunes qu'avait rendue une cour supérieure; pourtant, dans la décision concernant les dépens qui a été rendue dans l'affaire des comprimés roses/rouge-brun, la Cour, qui n'avait pas hésité à rejeter la première offre de règlement présentée avant la décision concernant les comprimés jaunes, a encore statué en faveur d'AstraZeneca AB.


Dans les circonstances qui prévalaient en l'espèce avant la décision concernant les comprimés jaunes, l'appelante se trouvait dans une position beaucoup plus forte et, par conséquent, le doublement des dépens prévu à la Règle 420 ne devrait pas s'appliquer, étant donné que les offres de règlement concernant tous les comprimés dans ces litiges étaient comparables ou peut-être indissociables.

[17]            L'appelante a fait valoir que le dépôt d'une nouvelle demande devant le registraire des marques de commerce ne représentait pas une solution de rechange viable, eu égard à l'offre faite quelque sept ans après le dépôt initial et aux coûts élevés qu'elle avait déjà engagés pour ce qu'elle estimait être une position défendable. Le renvoi aux règles de droit américaines dans la décision concernant les comprimés jaunes affaiblit la position de l'intimée, parce que cette décision est simplement conforme à la jurisprudence existante. Selon l'appelante, je suis probablement lié par la décision concernant les dépens dans l'affaire des comprimés roses/rouge-brun mais, si je ne le suis pas, je devrais quand même la suivre. Si je suis d'avis que l'offre ne représentait pas un compromis légitime, je dois rejeter la suggestion de l'intimée indiquée ci-dessous, soit l'application d'un facteur de 1,5 ou 1,33 en remplacement du double des dépens.

La position de l'intimée


[18]            L'intimée a invoqué les remarques figurant au paragraphe [10] de la décision Feherguard Products Ltd. c. Rocky's of B.C. Leisure Ltd., [1994] A.C.F. n ° 2012 (O.T.) pour faire valoir que son offre non révoquée lui donne automatiquement droit au double des dépens conformément à la Règle 420 et a convenu qu'un élément de compromis est essentiel pour que ladite offre ne soit pas simplement un mécanisme facile permettant de doubler les dépens. Selon l'intimée, les circonstances de l'offre examinée en l'espèce sont différentes de celles de la décision Association olympique canadienne, précitée, en ce que, même si l'offre de règlement examinée dans cette dernière affaire prenait fin à l'audience et était conditionnelle au désistement de l'appel, le paiement des dépens y était demandé, alors qu'en l'espèce, c'est le retrait des demandes de marques de commerce qui était sollicité, mais non les dépens. De l'avis de l'intimée, l'appelante a reconnu que la remarque incidente formulée dans Association olympique canadienne était simplement une observation.


[19]            La position de l'appelante est insoutenable en ce qui a trait à l'option d'un pourvoi devant la Cour suprême du Canada (demande qui a finalement été refusée), parce qu'une offre de règlement élimine par définition la possibilité d'un appel et que, par conséquent, les paramètres de l'appelante empêchent toute offre de respecter l'exigence de la Règle 420 quant à l'existence d'un élément de compromis. Dans Elders Grain Co. c. M/V Ralph Misener (Le), [2003] A.C.F. n ° 1467 (C.F.), la Cour a récemment confirmé l'application de la Règle 420 aux circonstances du rejet d'une offre de règlement selon laquelle chaque partie devait supporter ses propres dépens. Étant donné que le paragraphe 420(2) des Règles ne fait pas mention du degré de différence entre l'offre de règlement et l'omission d'une partie demanderesse d'obtenir un jugement, l'appelante en l'espèce n'aurait pas dû choisir d'ignorer l'offre et doit donc supporter les conséquences du paragraphe 420(2) des Règles.


[20]            De l'avis de l'intimée, l'élément de compromis de l'offre présentée en l'espèce respecte le critère de base de l'arrêt Monsanto Canada Inc., précité; de plus, étant donné que l'offre n'exige pas le désistement d'un appel défendable, l'intimée a droit au double des dépens. La disposition de l'offre de l'arrêt Monsanto qui prévoit que celle-ci expire une minute après le début de l'audience est comparable à celle de l'offre examinée en l'espèce, qui expire deux minutes après le début de l'audience. En invoquant comme elle le fait l'arrêt Monsanto, l'appelante interprète mal le paragraphe [13] de cet arrêt, où la Cour a conclu que l'offre était manifestement conforme : « ... on affirme qu'elle a été révoquée conformément à ses conditions. Il est vrai que l'offre a expiré lorsqu'elle n'a pas été acceptée, mais il était encore possible de l'accepter jusqu'après le début du procès et je suis d'accord ... que le but du paragraphe 420(1) des Règles consiste à encourager les offres de règlement et à éviter les coûts d'un procès, un but qui aurait été atteint dans ce cas-ci si l'offre des demanderesses avait été acceptée. » . La Cour a ensuite souligné, au paragraphe [14] que « ... le paragraphe 420(1) des Règles semble s'appliquer à l'offre de règlement... » , mais a décidé de ne pas accorder le double des dépens pour des raisons non liées aux circonstances de l'offre en question. Contrairement aux situations qui existaient dans les décisions Association olympique canadienne et African Cape, précitées, cette conclusion selon laquelle l'offre respectait les exigences n'était pas une remarque incidente. De plus, la décision exposée aux paragraphes [28] à [33] au sujet de dépens forfaitaires n'était pas une opinion judiciaire incidente.

[21]            L'intimée a fait valoir que les extraits de l'arrêt African Cape, précité, que l'appelante a invoqués sont manifestement des remarques incidentes, parce qu'ils constituent une critique théorique du paragraphe 420(2) des Règles comparativement à l'opinion majoritaire selon laquelle l'offre de règlement était un élément pouvant être pris en compte en application du paragraphe 400(3) des Règles pour l'adjudication des dépens :

[25]          En premier lieu, ainsi qu'il l'a lui-même fait remarquer au sujet de la détermination du montant des dépens auquel l'intimée avait droit, le montant des dommages-intérêts obtenus par l'intimée en vertu de la sentence arbitrale était considérablement moindre que la somme qui était réclamée dans la déclaration. Deuxièmement, l'offre de règlement faite par les appelants dépassait la somme que l'intimée avait finalement obtenue. L'offre était sans équivoque et elle avait été faite dès le début de l'instance. Si elle avait été acceptée par l'intimée, les parties n'auraient pas engagé les frais considérables qu'elles ont finalement dû supporter. Troisièmement, si l'on tient compte du fait que l'offre de règlement dépassait la somme accordée par l'arbitre, on ne peut affirmer que l'intimée a amélioré sa situation en passant à l'étape de l'audience d'arbitrage. En fin de compte, l'intimée se serait retrouvée dans une situation plus avantageuse si elle avait accepté l'offre de règlement.

[26]          Je suis par conséquent d'avis, après avoir tenu dûment compte de tous les facteurs pertinents, que les appelants ont droit à leurs dépens. Je tiens à signaler qu'eu égard aux circonstances de l'espèce, priver les appelants de leurs dépens aurait pour effet de vider l'offre de règlement de son sens.

Ces commentaires traduisent tout à fait les préoccupations exprimées dans la décision Monsanto Canada Inc., précitée, au sujet du paragraphe 420(1) des Règles : le fait que l'un des trois juges saisis de l'appel dans l'affaire African Cape, précitée, souhaitait modifier la Règle 420 ne devrait pas toucher l'accès de l'intimée au double des dépens qui est autorisé à l'heure actuelle.

[22]            L'intimée a ajouté que l'offre a été présentée en temps opportun, compte tenu de la décision Kirgan Holding S.A. c. Panamax Leader (le), [2003] A.C.F. n ° 124 (C.F. 1re inst.). Elle a été faite environ sept mois avant l'audience, de sorte qu'elle donnait à l'appelante le temps voulu pour l'évaluer, indépendamment de la condition qu'elle comportait au sujet de son expiration, de manière à empêcher les deux parties d'engager d'autres frais, notamment ceux du mémoire. La fixation d'une date d'expiration postérieure n'aurait rien changé. Tirer une autre conclusion et dire que l'offre est réputée avoir été révoquée signifierait que la Règle 420 ne pourrait jamais atteindre l'objet qu'elle vise, soit encourager les offres de règlement et permettre aux parties d'éviter les frais d'audition.


[23]            L'intimée a allégué que les circonstances sous-jacentes aux décisions concernant les comprimés roses/rouge-brun et les comprimés jaunes étaient différentes, de sorte que les offres de règlement connexes doivent être examinées différemment. En ce qui a trait à la première affaire, Novopharm Limited a perdu devant le registraire des marques de commerce, mais a finalement eu gain de cause lors de la deuxième audience devant la Cour fédérale. Toutefois, dans le cas de la seconde décision, Novopharm a gagné devant le registraire des marques de commerce, la Cour fédérale et la Cour d'appel fédérale. Il appert clairement du paragraphe [25] de cette dernière décision que l'appelante devait soulever des erreurs de droit et non des questions liées à la preuve, ce qui était donc bien différent du critère de base qu'a fixé la Cour fédérale dans la décision concernant les comprimés roses/rouge-brun. En conséquence, l'appelante aurait dû examiner sérieusement l'offre en l'espèce, parce que le critère de base à établir aux fins d'un appel fondé sur une erreur de droit, c'est-à-dire en ce qui a trait aux comprimés jaunes, est plus élevé que celui des questions de preuve applicable aux comprimés roses/rouge-brun, et parce que l'appelante n'aurait pas perdu le droit de déposer à nouveau une demande de protection et d'exercer un recours en ce qui concerne les comprimés jaunes. L'offre a été faite deux semaines avant que l'intimée dépose son mémoire. La Règle 420 s'applique tout au long de l'instance, parce que la décision de l'affaire Novopharm Ltd. c. Bayer Inc., précitée, qui a été rendue deux ans avant l'offre et finalement appliquée ici en faveur de l'intimée dans la décision concernant les comprimés jaunes, était alors un précédent valable susceptible de favoriser un règlement. Compte tenu des circonstances différentes en l'espèce, les allusions, dans la décision concernant les dépens dans l'affaire des comprimés roses/rouge-brun, au passage du temps et aux frais engagés pour le dépôt des demandes de marques de commerce et la présentation d'un appel devant la Cour suprême du Canada ne sont pas pertinentes.


[24]            Par ailleurs, l'intimée a ajouté que le montant de 6 544 $ que l'appelante a demandé au titre des coûts n'est pas pertinent parce qu'à la date de l'offre, aucune partie ne savait quelle serait celle qui obtiendrait des dépens et quel serait le montant de ceux-ci. De plus, la Règle 420 perdrait tout son sens s'il était loisible à une partie à un litige comme l'appelante d'affirmer qu'une marque de commerce a une valeur telle qu'aucune offre de règlement ne pourrait constituer un compromis, ce qui empêcherait une partie adverse comme l'intimée d'invoquer la Règle 420 et la Cour de contrôler ses procédures dans le cadre de l'application d'une règle visant à encourager un règlement. En réalité, l'appelante aurait dû accepter l'offre et l'absence de compromis qu'elle invoque ne devrait pas être appliquée à son avantage.


[25]            L'intimée a ajouté que la décision concernant les comprimés jaunes a créé pour l'appelante un précédent défavorable, étant donné qu'elle n'a pas conclu de règlement, et que le fait d'avoir invoqué cette décision dans l'affaire des comprimés roses/rouge-brun lui a nui encore davantage. La mention, dans la décision sur les dépens dans l'affaire des comprimés roses/rouge-brun, de l'effet possible de la décision concernant les comprimés jaunes rendue avant l'offre de règlement présentée dans cette affaire-là ainsi que de l'intérêt des deux parties à obtenir des tribunaux des prononcés transcendant les deux appels examinés dans cette affaire crée un contraste avec les circonstances de l'offre présentée en l'espèce avant le précédent défavorable créé pour l'appelante par la décision concernant les comprimés jaunes et fait ressortir l'absence de pertinence de la décision sur les dépens dans l'affaire des comprimés roses/rouge-brun. Le véritable facteur à soupeser en l'espèce est la question de savoir ce que l'appelante avait à perdre en refusant de régler le litige des comprimés jaunes, compte tenu, surtout, du précédent défavorable créé par la décision Novopharm Ltd. c. Bayer Inc., précitée. L'intimée a précisé qu'elle ne pouvait déterminer les éléments que les représentants de l'appelante considéraient comme les points faibles et les points forts de leur cause et, par conséquent, les conditions qui auraient constitué pour eux un compromis légitime. Selon l'intimée, si l'appelante a gain de cause en ce qui a trait à l'application de la Règle 420, je devrais conclure, eu égard à la décision Monsanto Canada Inc., précitée, que l'intimée a droit à un facteur des dépens de 1,5 ou 1,33 en remplacement du double.

Taxation

[26]            Dans la décision initiale qui est publiée à [2001] A.C.F. n ° 1706 (C.F. 1re inst.) et qui a finalement donné lieu à l'arrêt African Cape, précité, le protonotaire a commenté les questions du droit aux dépens selon les paragraphes 400(1) et (3) des Règles. Dans cette affaire, Francosteel Canada Inc. avait poursuivi le navire « African Cape » et d'autres parties en dommages-intérêts pour un montant de 485 117,99 $ (dommages causés aux marchandises). Les parties ont convenu de renvoyer la question des dommages à un arbitre et de laisser celle des dépens à la Cour fédérale. Au début de l'instance, les défendeurs ont offert de régler le litige pour la somme globale de 125 000 $. L'offre a été réitérée avant le début de l'arbitrage et a finalement été révoquée le quatrième jour de celui-ci. Francosteel Canada Inc. a formellement rejeté l'offre à deux reprises. Finalement, l'arbitre a accordé un montant de 85 879,44 $ et les intérêts, soit un total de 108 887,75 $. Le protonotaire a décidé que des dépens forfaitaires de 40 000 $ devraient être versés à Francosteel Canada Inc. Pour en arriver à cette décision, il a examiné l'application de la Règle 420 et les commentaires qu'il a formulés à ce sujet n'étaient pas des remarques incidentes selon moi.


[27]            Dans la décision concernant l'appel des défendeurs à l'égard de l'adjudication des dépens à Francosteel Canada Inc., laquelle décision est publiée à [2001] A.C.F. n ° 1866, la Cour fédérale a rejeté l'appel et souligné, au paragraphe [3], que les défendeurs ont « abandonné leur argument relatif à l'interprétation de la Règle 420... le seul argument qui reste a trait à l'application de l'article 400 des Règles » . En conséquence, le jugement majoritaire rendu dans African Cape a porté uniquement sur un examen du paragraphe 400(1) des Règles. J'en arrive à la conclusion que les motifs concordants étaient une opinion judiciaire incidente, parce que l'examen qu'ils comportaient de l'application de la Règle 420 ne pouvait entrer en conflit avec celui de l'alinéa 400(3)e) des Règles au sujet d'une offre de règlement, qui concerne le pouvoir discrétionnaire dont la Cour est investie en vertu du paragraphe 400(1) des Règles pour trancher les questions relatives au droit aux dépens. Cette conclusion est renforcée à mon sens par l'observation figurant au paragraphe 9 de la décision Kirgan Holding S.A., précitée, selon laquelle, que les conséquences de la Règle 420 soient déclenchées ou non, « il est loisible à la Cour de tenir compte de toute offre écrite de règlement lorsqu'elle exerce son pouvoir discrétionnaire général en ce qui concerne les dépens (alinéa 400(3)e)) » . À mon avis, la demande, dans l'opinion concourante, d'une révision de l'application de la Règle 420 a implicitement pour effet de reconnaître que la Règle demeure en vigueur.


[28]            Les motifs concordants ne comportent aucune proposition sur ce qui pourrait être la forme appropriée d'une règle; cependant, étant donné qu'il s'agit d'une question importante soulevée par une cour d'appel, il m'apparaît souhaitable, à tout le moins, d'examiner les répercussions possibles de la Règle de l'Ontario, commentée positivement dans cette même opinion, dans les circonstances de la présente affaire. La réclamation initiale de Francosteel Canada Inc., qui a subséquemment été abaissée à 485 117,99 $, dépassait 5 000 000 $. Essentiellement, cette action visait à recouvrer un certain montant par suite d'un incident précis. En conséquence, contrairement à la situation examinée en l'espèce ou même à de nombreuses demandes de contrôle judiciaire où l'application de la Règle 419 fait également intervenir la Règle 420, plusieurs possibilités de compromis existaient au plan des dommages-intérêts entre le montant réclamé, le montant proposé en règlement et celui qui a finalement été accordé. La Règle 49.10 des Règles de l'Ontario qui était en cause dans cette affaire aurait pu favoriser de sérieuses possibilités de règlement. L'exclusion précise, dans l'offre examinée aux présentes, des dépens comme condition du règlement fait ressortir encore davantage la différence entre les situations en cause. En effet, contrairement à la situation qui prévalait dans l'arrêt African Cape, précité, les possibilités de compromis n'étaient pas nombreuses en l'espèce, mais se limitaient aux positions respectives extrêmes des parties : poursuivre le litige ou ne pas le poursuivre. En me fondant sur mon expérience, je formulerais le même commentaire en ce qui a trait à certaines demandes de contrôle judiciaire.


[29]            L'offre présentée en l'espèce respecte les critères des alinéas 49.10(2)a), b) et c) des Règles de l'Ontario, c'est-à-dire qu'elle a été présentée plus de sept jours à l'avance, qu'elle n'a pas été retirée et expirait avant le début de l'audience (si je ne tiens pas compte, pour les besoins de la discussion, de la disposition prévoyant l'expiration deux minutes suivant le début de l'audience) et qu'elle n'a pas été acceptée. Dans la présente affaire, l'appelante a choisi de continuer et a perdu. Si elle avait été appliquée à la décision African Cape, précitée, la Règle de l'Ontario aurait été intéressante comme moyen de favoriser un règlement, en raison des variantes de compromis qui auraient pu ou qui ont été soulevées dans cette affaire-là sur la base des différents montants possibles. La majorité dans cette affaire a tenu compte à bon escient de ces variantes lorsqu'elle a examiné les questions du droit aux dépens en fonction du paragraphe 400(1) et de l'alinéa 400(3)e) des Règles : voir le paragraphe [25].


[30]            En revanche, je vois mal comment la Règle de l'Ontario pourrait, mieux que la Règle 420, favoriser un règlement dans les circonstances dont je suis saisi. Le critère de la Règle de l'Ontario qui est différent de l'alinéa 420(2)a) des Règles est l'obligation pour un demandeur d'obtenir « un jugement aussi favorable... que les conditions de l'offre » . Cette obligation n'est pas pertinente, parce que les motifs concordants de l'arrêt African Cape portaient sur l'alinéa 420(2)a) des Règles alors que, dans la présente affaire, l'appelante n'a pas obtenu de jugement. En fait, l'appelante a fait défaut d'obtenir un jugement au sens de l'alinéa 420(2)b) des Règles. Néanmoins, contrairement à la situation qui existait dans l'arrêt African Cape, précité, il n'y avait aucune possibilité intermédiaire apparente de compromis en l'espèce entre les parties au litige. Ainsi, exception faite du facteur de dépens qui était mentionné dans l'offre, il n'y avait à mon avis qu'un seul résultat que l'appelante aurait jugé aussi favorable que l'offre et que les parties au litige auraient probablement jugé possible en fonction de la compétence que possède la Cour d'appel fédérale en vertu du sous-alinéa 52b)(i) de la Loi sur les Cours fédérales, c'est-à-dire accueillir l'appel et substituer sa conclusion à celle qui figure au paragraphe [19] de la décision de la Cour fédérale, publiée à [2001] A.C.F. n ° 1606, de façon à statuer que la couleur jaune et la forme ronde distinguent les comprimés de félodipine d'AstraZeneca AB et que la décision du registraire était déraisonnable. C'était tout ou rien, indépendamment des conséquences possibles évidentes pour la part de marché de la vente de produits pharmaceutiques pour des années à venir, alors que dans l'affaire African Cape, un montant était demandé par suite d'un seul incident de dommages causés à des marchandises à un moment précis du passé. La même remarque pourrait s'appliquer aux décisions relatives aux demandes de contrôle judiciaire qui visent parfois à obtenir une orientation judiciaire en vue d'événements ultérieurs. Mon analyse n'a pas pour but de diminuer les préoccupations sérieuses soulevées dans les motifs concordants de l'arrêt African Cape, précité, en ce qui a trait à l'application de la Règle 420, mais simplement de souligner humblement que ces motifs ne m'aident nullement en l'espèce.


[31]            Dans la décision Association olympique canadienne, précitée, la Cour avait déjà tranché les questions du droit aux dépens en vertu du paragraphe 400(1) des Règles et commentait plusieurs chefs des directives données à l'officier taxateur, notamment quant au doublement des dépens. Cette décision n'était pas une opinion judiciaire incidente. Après avoir souligné les circonstances dans lesquelles un élément de compromis ne constitue pas une partie essentielle d'une offre de règlement, la Cour y conclut ensuite que les circonstances d'un appel d'une décision par laquelle le registraire des marques de commerce a accueilli deux demandes d'enregistrement de marques de commerce ne devraient pas permettre le doublement des dépens en l'absence d'un élément de compromis dans l'offre de règlement. Au paragraphe [14] de cette même décision, la Cour a fait remarquer que l'expiration de l'offre de règlement au début de l'audience était incompatible avec la condition de la Règle 420 selon laquelle l'offre ne devra pas avoir été révoquée. À mon sens, la situation de l'affaire Association olympique canadienne, précitée, est différente de celle dont je suis saisi en raison de la présence, dans la première, d'un facteur de coûts et de l'absence en l'espèce de possibilités intermédiaires de compromis dans le contexte de l'offre déposée aux présentes. Qui plus est, l'offre reproduite au paragraphe [4] de la décision Association olympique canadienne, précitée, semble reconnaître une distinction entre la déchéance et la révocation d'une offre en énonçant que « la présente offre est valable jusqu'à l'audition de la présente affaire, à moins que la société en commandite Olymel ne la retire avant cette date... » . Or, il semble que la Cour n'a pas donné suite à cette distinction au paragraphe [14] de sa décision, c'est-à-dire lorsqu'elle a présumé que le commencement de l'audience constituait effectivement une révocation de l'offre, ce qui empêchait l'application de la Règle 420. Encore une fois, compte tenu de mon analyse qui suit, je ne crois pas que l'indication d'un délai dans une offre de règlement équivaut à une révocation au sens de la Règle 420.


[32]            Dans Monsanto Canada Inc., la Cour a confirmé, au paragraphe [9], le droit au doublement des dépens en vertu de la Règle 420 par suite d'une offre de règlement non révoquée. Dans cette affaire, plusieurs possibilités de compromis intermédiaires existaient, ce qui n'était pas le cas en l'espèce et, lorsqu'elle a commenté le facteur de compromis, la Cour a cité la décision Association olympique canadienne, précitée, et plusieurs autres causes. Ce qui est encore plus important, c'est le fait que, consciente de cette dernière décision et saisie d'une offre qui expirait si elle n'était pas acceptée, mais demeurait ouverte à des fins d'acceptation jusqu'après le début de l'instruction, la Cour a décidé, au paragraphe [13], qu'elle était d'accord « avec les demanderesses pour dire que le but du paragraphe 420(1) des Règles consiste à encourager les offres de règlement et à éviter les coûts d'un procès, un but qui aurait été atteint dans ce cas-ci si l'offre des demanderesses avait été acceptée » . Cette conclusion n'était pas incidente et a implicitement pour effet de reconnaître, à mon avis, une réalité des litiges selon laquelle, souvent pour des raisons de stratégie, les parties ne veulent pas d'offre sur la table pendant l'audience et selon laquelle, si cette stratégie n'était pas disponible, elles seraient peut-être moins disposées à faire quelque offre que ce soit. Mon opinion est renforcée par le fait qu'aux paragraphes [14] et [15] de la décision Monsanto Canada Inc., précitée, la Cour a refusé d'accorder le double des dépens en raison de questions de preuve non liées à l'offre de règlement, mais a accordé un facteur de 1,33 pour les dépens, tout en faisant remarquer que ce résultat « reconnaît le but principal du paragraphe 420(1) des Règles d'avantager une partie qui formule une offre sérieuse pour régler une action avant le procès, mais à un niveau moindre que celui suggéré dans le paragraphe 420(1) des Règles, un niveau que notre Cour considère plus approprié en l'espèce » .


[33]            Mon penchant pour les conclusions que la Cour a tirées dans Monsanto Canada Inc., précitée, est renforcé par les remarques que j'ai formulées dans Milliken & Company et al. c. Interface Flooring Systems (Canada) Inc., [2003] A.C.F. n ° 1586 (O.T.) et Caricline Ventures Ltd. c. ZZTY Holdings Limited et al., [2002] A.C.F. n ° 1524 (O.T.) ainsi que par l'examen que j'ai fait d'un certain nombre d'autorités à l'aide des paramètres de recherche expirer ou expiration, offrir ou offre, révoquer ou révocation et régler ou règlement. Les résultats du dernier exercice indiquent qu'une disposition d'une offre de règlement qui prévoit l'expiration ne constitue pas en soi une révocation de l'offre. Ainsi, dans Halsbury's Laws of England, Fourth Edition Reissue, Butterworths, 1998, volume 9(1), au paragraphe 643 (page 382), qui concerne la durée et la cessation d'une offre, une distinction est faite entre la révocation par l'auteur de l'offre et la caducité et ces deux événements sont commentés respectivement aux paragraphes 644 et 646 d'une façon qui renforce cette distinction. Si j'ai bien compris le sens des commentaires figurant dans Halsbury's, précité, Butterworths, 1993, volume 20, au paragraphe 113 (page 66) au sujet de la révocation d'une offre, la révocation constitue une mesure active que prend l'auteur d'une offre et est différente de la clause de l'offre énonçant que celle-ci demeure ouverte pendant un délai précis. Dans Halsbury's, Butterworths 2001, volume 37, aux paragraphes 210 à 250 (page 77), il est fait mention d'une condition selon laquelle l'offre de règlement présentée avant le début de l'audience doit demeurer ouverte pendant au moins 21 jours suivant la date à laquelle elle a été présentée. Cela signifie qu'un délai peut être prescrit dans l'offre. Au paragraphe 810 (pages 237 et 238), la distinction entre une offre caduque et une offre révoquée est renforcée par les commentaires formulés au sujet, d'une part, de la condition énonçant explicitement un délai d'acceptation précis et, d'autre part, du fait qu'une offre retirée ne permet pas certaines conséquences précisées.



[34]            Selon la Compact Edition of the Oxford English Dictionary, Oxford University Press, 1987, volume II : P-Z, à la page 2532, le mot « revoke » (révoquer) est défini au sens actif de [TRADUCTION] « ... 4. Abroger, rescinder, annuler, rétracter, retirer ... » . Au volume I : A-O, à la page 931, le mot « expire » (expirer) est défini comme suit : [TRADUCTION] « ... 6 ... En ce qui a trait à une condition (dans une obligation ou autre document semblable), une loi, un brevet, un traité, etc., établi pour un certain temps : devenir inopérant par l'écoulement du temps, atteindre son échéance... » . Selon l'ouvrage Words and Phrases Legally Defined, Third Edition, Butterworths, 1989, volume 2 : D-J, à la page 203, le sens premier du mot « expire » (expirer) serait le passage du temps et la cessation par suite d'une mesure active d'une personne ne serait qu'une acception secondaire. Dans Stroud's Judicial Dictionary of Words and Phrases, Sixth Edition, Sweet & Maxwell, 2000, volume 1 : A-F, à la page 881, le mot « expiration » est défini comme une déchéance [TRADUCTION] « par suite du passage du temps ou autrement dans les délais prévus, plutôt qu'une cessation forcée, notamment par abandon ou renonciation » . Dans l'ouvrage Stroud's, volume 3 : Q-Z, à la page 2319, le mot « revocation » (révocation) est défini comme une mesure active de la nature d'un [TRADUCTION] « rappel... d'une rescision ou d'une renonciation... » . Les définitions de « revocation » qui figurent dans Mozley & Whiteley's Law Dictionary, Eleventh Edition, Butterworths, 1993, à la page 241 et dans Jowitt's Dictionary of English Law, Second Edition, Sweet & Maxwell Limited, volume 2 : L-Z, aux pages 1578 et 1579, renvoient à un sens similaire de mesure active plutôt que de caducité passive. Les définitions du mot « offer » (offre) figurant dans Jowitt's, précité, à la page 1277, et dans Osborn's Concise Law Dictionary, Ninth Edition, Sweet & Maxwell, 2001, à la page 272, indiquent que la révocation ou le retrait de l'offre est différent de sa caducité par suite de l'écoulement du temps. En résumé, l'indication d'une date limite pour l'acceptation d'une offre de règlement ne semble pas comporter le sens additionnel de révocation. Par ailleurs, une distinction est faite entre les concepts du retrait et de l'expiration de l'alinéa 49.10(2)b) des Règles de l'Ontario.


[35]            À mon avis, la conclusion figurant à la page 5 de la décision sur les dépens dans l'affaire des comprimés roses/rouge-brun, l'intérêt des deux parties [TRADUCTION] « transcendait les deux appels en l'espèce. Toutes deux souhaitaient ardemment que les tribunaux se prononcent;... » , pourrait également s'appliquer à différents types de litige présentés au fil des années en matière de propriété intellectuelle. Cependant, je ne crois pas que la Règle 420 visait au départ à permettre à une partie d'échapper à ses conséquences en raison de facteurs de cette nature ou qu'elle devrait être interprétée de cette façon. Tout en admettant qu'une partie importante de la formulation ou de l'analyse d'une offre de règlement consiste à jauger, aux fins des chances de succès, non seulement ses propres forces et faiblesses, mais celles de son adversaire, je ne crois pas que la Règle 420, sous sa forme actuelle, devrait être interprétée de manière générale comme une règle interdisant l'application de ses conséquences à une partie dont la position est ferme au point d'empêcher toute possibilité de compromis. En soi, le facteur du double des dépens n'incitera peut-être pas des parties comme l'appelante et l'intimée à accepter ou à présenter des offres de règlement, mais la Règle 420 devrait-elle être interprétée d'une façon qui en empêche l'application à une certaine catégorie d'offres de règlement, c'est-à-dire celles qui suscitent de sérieux doutes quant à leur motif? Si la Règle 420 doit être un mécanisme neutre émanant de la volonté d'un tribunal de gérer les instances de manière à favoriser une issue rapide, est-il logique ou souhaitable de permettre une exception générale à son application, laquelle exception proviendrait, non pas de l'orientation de la Cour en matière de gestion des instances, mais plutôt de la position rigide d'une partie, qui pourrait de cette manière échapper aux conséquences de cette Règle?

[36]            D'un point de vue différent, une partie comme l'appelante en l'espèce ne devrait pas renoncer à exercer son droit de soumettre aux tribunaux des questions qu'elle estime être sérieuses parce qu'elle redoute des conséquences néfastes extraordinaires et non voulues au plan des dépens en raison des règles visant à promouvoir le règlement des litiges. Toutefois, dans les circonstances de la présente affaire, l'intimée aurait-elle dû savoir que l'appelante, représentée par un avocat expérimenté et spécialisé en matière de propriété intellectuelle, était à ce point résolue à poursuivre l'appel que toute offre de règlement était futile, si bien que l'intimée ne pourrait en aucun cas obtenir le double des dépens même si elle respectait à prime abord les exigences de la Règle 420? En toute déférence, je ne suis pas convaincu qu'un élément de compromis constitue dans tous les cas une condition absolue des offres de règlement.


[37]            L'intimée a droit au double des dépens. Cependant, l'appelante a raison en ce qui concerne les articles 25 et 26. Le doublement ne s'appliquera pas à ces articles, parce que chacun concerne un événement distinct survenu après le dernier événement visé par le paragraphe 420(2) des Règles, c'est-à-dire le jugement final. Je souligne également que l'intimée a admis dans ses documents que le 4 février 2003, la date du jugement aux présentes, constitue la date limite pour le doublement des dépens. Il n'était pas nécessaire que j'examine l'argument de l'intimée concernant l'attribution d'un facteur 1,5 ou 1,33 pour les dépens, mais je souligne que la compétence sur ce point est réservée à la Cour et que cette question outrepasse de ce fait ma compétence.

[38]            Le mémoire de dépens de l'intimée, présenté au montant de 11 571,15 $, est taxé au montant de 6 081,40 $.

           « Charles E. Stinson »    

   Officier taxateur

Vancouver (C.-B.)

Le 12 juillet 2004

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                             COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                A-668-01

INTITULÉ :               ASTRAZENECA AB

c. NOVOPHARM LIMITED et al.

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Toronto (Ont.)

DATE DE L'AUDIENCE :                            le 17 mars 2004

MOTIFS DE LA TAXATION

DES DÉPENS :         CHARLES E. STINSON

DATE DES MOTIFS :                                   le 12 juillet 2004

COMPARUTIONS :

Nancy P. Pei                                                                                         POUR L'APPELANTE

Paula Bremner                                                                           POUR L'INTIMÉE

NOVOPHARM LIMITED

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Smart & Biggar                                                                                     POUR L'APPELANTE

Toronto (Ont.)

Hitchman & Sprigings                                                                POUR L'INTIMÉE

Toronto (Ont.)                                                                           NOVOPHARM LIMITED


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