Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

     Date : 19980220

     No du greffe : A-389-97

CORAM :      LE JUGE EN CHEF

         LE JUGE LINDEN

         LE JUGE McDONALD     

ENTRE :

    

     NU-PHARM INC.,

     appelante

     (requérante),

     et

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et

     LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL,

     intimés

     (intimés),

     et

     MERCK & CO., INC. et MERCK FROSST CANADA INC.,

     intervenantes.

    

    

     Audience tenue à Toronto (Ontario), le vendredi 20 février 1998.

         Motifs du jugement prononcés à l'audience à

     Toronto (Ontario), le vendredi 20 février 1998.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :      LE JUGE McDONALD

     Date : 19980220

     No du greffe : A-389-97

CORAM :      LE JUGE EN CHEF

         LE JUGE LINDEN

         LE JUGE McDONALD     

ENTRE :

    

     NU-PHARM INC.,

     appelante

     (requérante),

     et

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et

     LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL,

     intimés

     (intimés),

     et

     MERCK & CO., INC. et MERCK FROSST CANADA INC.,

     intervenantes.

    

     MOTIFS DU JUGEMENT

     (Prononcés à l'audience à Toronto (Ontario),

     le vendredi 20 février 1998.)

LE JUGE McDONALD

[1]      La question en litige dans le cadre du présent appel consiste à établir si le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social a eu raison de décider qu'un avis de conformité ne pouvait être délivré à l'appelante Nu-Pharm Inc. relativement à sa présentation de drogue nouvelle parce qu'elle n'a pas respecté le paragraphe 5(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). Voici le texte de cette disposition ainsi que du paragraphe 7(1) :

5. (1) Lorsqu'une personne dépose ou, avant la date d'entrée en vigueur du présent règlement, a déposé une demande d'avis de conformité à l'égard d'une drogue et souhaite comparer cette drogue à une drogue qui a été commercialisée au Canada aux termes d'un avis de conformité délivré à la première personne et à l'égard duquel une liste de brevets a été soumise ou qu'elle souhaite faire un renvoi à la drogue citée en second lieu, elle doit indiquer sur sa demande, à l'égard de chaque brevet énuméré dans la liste :

a) soit une déclaration portant qu'elle accepte que l'avis de conformité ne sera pas délivré avant l'expiration du brevet;

b) soit une allégation portant que, selon le cas :

     (i) la déclaration faite par la première personne aux termes de l'alinéa 4(2)b) est fausse,
     (ii) le brevet est expiré,
     (iii) le brevet n'est pas valide,
     (iv) aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l'utilisation du médicament ne seraient contrefaites advenant l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente par elle de la drogue faisant l'objet de la demande d'avis de conformité.     

7. (1) Le ministre ne peut délivrer un avis de conformité à la seconde personne avant la plus tardive des dates suivantes :

[...]

b) la date à laquelle la seconde personne se conforme à l'article 5.

[2]      Les présentations de drogue nouvelle de Nu-Pharm renvoient à d'autres drogues et s'appuient expressément sur l'information et les pièces antérieurement présentées par un autre fabricant de médicaments génériques qui a lui-même déposé une présentation de drogue nouvelle abrégée exposant les résultats obtenus à la suite des épreuves effectuées par le breveté initial de la drogue.

[3]      Le Ministre a conclu que les présentations de drogue nouvelle de Nu-Pharm concernant la drogue X et la drogue Y comparaient celles-ci ou renvoyaient à des drogues commercialisées au Canada à la suite d'avis de conformité délivrés à une première personne, à l'égard desquelles une liste de brevets a été soumise aux termes des articles 4 et 5 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). Par conséquent, Nu-Pharm a été avisée du fait qu'aucun avis de conformité ne serait délivré relativement à ces présentations de drogue nouvelle tant que les exigences prévues par ce texte réglementaire ne seraient pas respectées.

[4]      Saisi d'une demande fondée sur l'article 18, le juge des requêtes a rejeté celle-ci et conclu que les présentations de drogue de Nu-Pharm s'appuyaient explicitement sur le fait que ses produits sont précisément les mêmes que ceux de Générique 1 et sur l'information fournie par ce dernier. Les avis de conformité délivrés à Générique 1 l'ont été à la lumière de ses comparaisons aux drogues apparaissant sur les listes de brevets présentées par les brevetés. Le juge des requêtes a donc estimé qu'il y avait une comparaison entre les présentations avec renvoi de Nu-Pharm, par l'intermédiaire des présentations sous forme abrégée de Générique 1, et les drogues mentionnées sur les listes de brevets soumises par les brevetés. Par conséquent, selon le juge des requêtes, "[...] les présentations de Nu-Pharm comparent les drogues de celle-ci ou renvoient à une drogue déjà commercialisée au Canada aux termes d'un avis de conformité délivré à une première personne, et à l'égard de laquelle une liste de brevets a été soumise". Il a conclu que "[l]e Ministre n'a pas l'obligation ni le droit de délivrer des avis de conformité à l'égard de ces présentations de drogue nouvelle tant que les exigences prévues à l'article 5 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) ne sont pas remplies".

[5]      Le juge des requêtes a également établi une distinction entre la présente affaire et la décision Merck Frosst1 dans laquelle on a énoncé le principe suivant : selon l'article 5 du Règlement, les fabricants de produits génériques sont autorisés à choisir la drogue approuvée à l'égard de laquelle ils souhaitent établir une comparaison ou effectuer un renvoi, et le paragraphe 5(1) ne peut être interprété comme l'exigence qu'un avis d'allégation soit signifié à toutes les premières personnes qui ont soumis une liste de brevets concernant la drogue en cause. Le juge des requêtes a affirmé que tel n'était pas le cas en l'espèce. En effet, il a déclaré que "Générique 1 n'a pas déposé une liste de brevets et n'est pas une première personne au sens du paragraphe 4(1) [...]. Cependant, une comparaison est établie dans les présentations avec renvoi déposées par Nu-Pharm comme dans les présentations abrégées de Générique 1 avec les drogues figurant dans la liste de brevets soumis par les Inventeurs 1 et 2".

[6]      Malgré les arguments convaincants formulés par M. Radomski selon lesquels Nu-Pharm a choisi de comparer ses produits à ceux de Générique et du breveté, nous estimons que le juge des requêtes a décidé, avec raison, que Nu-Pharm doit satisfaire aux exigences fixées à l'article 5 du Règlement avant que le Ministre puisse délivrer un avis de conformité. Permettre à Nu-Pharm de se soustraire à ces exigences réglementaires parce qu'elle fait renvoi, dans sa présentation de drogue nouvelle, à un autre fabricant de drogues génériques (Générique 1) qui a déposé une présentation de drogue nouvelle abrégée fondée sur des études réalisées par le breveté (la première personne) qui a lui-même soumis une liste de brevets serait contraire à l'objet de la Loi. En effet, le Règlement sur les médicaments brevetés vise à protéger les initiatives de recherche et de développement engagées par les entreprises pharmaceutiques innovatrices2. Suivant l'article 5, lorsqu'une personne dépose une demande d'avis de conformité qui compare ou renvoie à une drogue déjà commercialisée et qu'une liste de brevets a été soumise, cette demande doit comporter :

a)      soit une déclaration portant qu'elle accepte que l'avis de conformité ne sera pas délivré avant l'expiration du brevet;
b)      soit une allégation portant que, selon le cas :
     (i) la déclaration faite par la première personne aux termes de l'alinéa 4(2)b) est fausse,
     (ii) le brevet est expiré,
     (iii) le brevet n'est pas valide,
     (iv) aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l'utilisation du médicament ne seraient contrefaites advenant l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente par elle de la drogue faisant l'objet de la demande d'avis de conformité.

[7]      L'article 5 a donc pour effet d'aviser le breveté qu'une entreprise générique commercialise une drogue identique ou semblable à la sienne. Cette disposition permet aux brevetés de protéger leurs intérêts juridiques, économiques et propriétaux : elle veille à ce que ces intérêts ne soient pas touchés avant que l'avis de conformité ait expiré ou, si on a porté atteinte à ceux-ci, qu'un avis soit signifié à cet effet. Voici le texte du paragraphe (3) :

Lorsqu'une personne fait une allégation visée à l'alinéa (1)b) ou au paragraphe (2), elle doit :

     a) fournir un énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels elle se fonde;
     b) signifier un avis d'allégation à la première personne et une preuve de cette signification au ministre.

[8]      Ces alinéas obligent donc la personne qui souhaite obtenir un avis de conformité relativement à une drogue à déposer une allégation, fournir un énoncé détaillé des faits et du droit sur lesquels elle se fonde, et signifier un avis d'allégation si elle veut comparer cette drogue ou faire un renvoi à une drogue à l'égard de laquelle une liste de brevets a été soumise. Nu-Pharm ne peut lier sa revendication au fabricant de drogues génériques qui s'appuie surles épreuves réalisées par le breveté puis déclarer qu'elle n'a pas à se conformer à la Loi parce qu'aucune liste de brevets n'a été déposée par l'entreprise générique. Il n'empêche que Nu-Pharm, même si elle n'est pas tout à fait rendue à cette étape, se fonde sur les épreuves et les autres travaux effectués par les brevetés sur lesquels s'est appuyée l'entreprise générique. Bien que Nu-Pharm soutienne qu'elle compare sa drogue à celle de Générique 1, il n'en demeure pas moins que, pour l'essentiel, elle compare sa drogue à celle du breveté initial, puisque Générique 1 a comparé sa drogue à la drogue de ce dernier. Il s'agit d'une question d'interprétation qui oblige la Cour à analyser les termes dans leur contexte si elle veut respecter l'objet de la Loi. Par conséquent, nous sommes d'avis que Nu-Pharm ne peut se soustraire aux dispositions réglementaires en renvoyant, dans sa demande, à un produit générique qui fait l'objet d'une présentation de drogue nouvelle abrégée.

[9]      Quant à l'argument selon lequel l'affaire Merck Frosst3 reçoit application en l'espèce parce que, comme Nu-Pharm a choisi d'uniquement comparer sa drogue au produit générique, Générique 1 est la première personne et que, comme cette dernière n'a pas déposé de liste de brevets, Nu-Pharm ne serait pas tenue de se conformer aux dispositions de l'article 5, nous sommes tous d'accord pour conclure que ce moyen ne peut réussir. Les faits de la décision Merck étaient très inhabituels en ce sens que Merck avait conclu une entente avec Zeneca pour la concession d'une licence relative à la drogue visée et que les sociétés étaient donc toutes deux devenues des premières personnes. En outre, dans cette affaire, le juge des requêtes n'était saisi ni de présentations abrégées ni de présentations avec renvoi. Par ailleurs, en l'espèce, Générique 1 n'est pas une première personne au sens du paragraphe 4(1).


[10]      Comme l'ordonnance demandée relève du pouvoir discrétionnaire de la Cour, nous sommes convaincus que le juge des requêtes bénéficiait d'éléments de preuve amplement suffisants pour décider comme il l'a fait et nous n'avons constaté aucune erreur susceptible de justifier l'intervention de la présente Cour. L'appel est donc rejeté avec dépens.

     "F.J. McDonald"

     Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.

     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

     Date : 19980220

     No du greffe : A-389-97

CORAM :      LE JUGE EN CHEF

         LE JUGE LINDEN

         LE JUGE McDONALD     

ENTRE :

    

     NU-PHARM INC.,

     appelante

     (requérante),

     et

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE

ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL,

     intimés

     (intimés),

     et


MERCK & CO., INC. et MERCK FROSST CANADA INC.,

     intervenantes.

    


MOTIFS DU JUGEMENT

     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                          A-389-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :                  Nu-Pharm Inc. c. P.G.C. et al.

LIEU DE L'AUDIENCE :                      Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                  Les 19 et 20 février 1998

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR LE JUGE McDONALD LE 20 FÉVRIER 1998.

ONT COMPARU :

M. H.B. Radomski                          Pour l'appelante

M. F.B. Woyiwada

Mme Joanne Fox                          Pour les intimés

M. William Richardson                      Pour les intervenantes

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Goodman, Phillips & Vineburg

Toronto (Ontario)                          Pour l'appelante

M. George Thomson

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                          Pour les intimés

McCarthy Tétrault

Barristers & Solicitors

Toronto (Ontario)                          Pour les intervenantes

__________________

1      Merck Frosst Canada Inc. c. Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social et al. (1996), 171 C.P.R. (3d) 156.

2      Voir l"affaire Eli Lilly & Co. c. Novopharm Ltd. (1995), 60 C.P.R. (3d) 163 (C.F. 1re inst.)

3      Merck Frosst Canada Inc. c. Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social et al. (1996), 71 C.P.R. (3d) 156.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.