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Date : 20020128

Dossier : A-635-00

Référence neutre : 2002 CAF 38

CORAM :       LE JUGE STRAYER

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

ENTRE :                                                                                                                

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                       appelante

                                                                                   et

                                                                 JOHN FRANKLIN

                                                                                                                                                            intimé

                                      Audience tenue à Toronto (Ontario), le 17 janvier 2002.

                                      Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 28 janvier 2002.

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :                                                                        LE JUGE ROTHSTEIN

Y A SOUSCRIT :                                                                                                         LE JUGE SEXTON

MOTIFS DISSIDENTS :                                                                                           LE JUGE STRAYER


Date : 20020128

Dossier : A-635-00

Référence neutre : 2002 CAF 38

CORAM :       LE JUGE STRAYER

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                       appelante

et

JOHN FRANKLIN

                                                                                                                                                            intimé

                                                           MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE ROTHSTEIN

[1]                 Il s'agit d'un appel d'une décision du 13 septembre 2000 rendue par le juge Beaubier de la Cour canadienne de l'impôt accueillant l'appel de l'intimé à l'encontre d'une cotisation établie par le ministre du Revenu national aux termes du paragraphe 15(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu.


[2]                 L'intimé et sa conjointe sont propriétaires de Homeguard Video Systems Ltd. (HVSL). En mars 1991, HVSL a acheté une unité condominiale en Floride. Tous les fonds nécessaires à l'acquisition du condominium provenaient des ressources personnelles de l'intimé et ont été inscrites à titre de prêt dû à un actionnaire dans les livres de HVSL. Peu après l'acquisition de l'unité, la moitié d'un intérêt indivis a été vendue pour la somme de 59 423,50 $CAN. L'intimé a été le bénéficiaire de cette somme. La vente de cette moitié d'intérêt n'a pas été inscrite dans les livres de HVSL, et le compte du prêt dû à l'actionnaire de l'intimé n'a pas non plus été réduit pour tenir compte du fait que l'intimé avait touché le produit de la vente, jusqu'à ce que l'erreur soit découverte quelque temps après au cours d'une vérification des déclarations de revenus de l'intimé et de HVSL effectuée par le ministre.

[3]                 Au lieu de conserver le produit de la vente, l'intimé a utilisé les fonds pour acheter des automobiles pour HVSL. Quand les véhicules ont été achetés par l'intimé pour HVSL, leur coût a été ajouté à l'actif de la compagnie et au solde du prêt dû à l'actionnaire de l'intimé dans les livres de la compagnie.

[4]                 Parce que le produit de la vente de la moitié du condominium a été versé à l'intimé, le ministre a établi une cotisation en vertu du paragraphe 15(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu qui stipule en partie ce qui suit :

La valeur de l'avantage qu'une société confère, à un moment donné d'une année d'imposition, à un actionnaire [...] est incluse dans le calcul du revenu de l'actionnaire pour l'année [...].

[5]                 Le juge Beaubier de la CCI a conclu que l'intimé n'avait pas reçu un avantage et a accueilli son appel. Au paragraphe 13 de ses motifs, il déclare ceci :


Toutefois, si la vente à M. Yates avait été correctement inscrite par HVSL, la valeur de ses actifs aurait diminué d'un montant correspondant à la moitié de la valeur du condominium, tout comme l'aurait fait le prêt de l'actionnaire accordé par M. Franklin. Par conséquent, l'intérêt total que détient M. Franklin dans ses actions et son prêt accordé à HVSL n'auraient pas changé. En outre, la position correcte relative aux prêts nets de M. Franklin au sein de HVSL n'a jamais connu de déficit au cours des années en litige. En conséquence, ce qui s'est produit est une série d'erreurs de tenue de livres dans les états de HVSL qui ont été provoquées par M. Franklin, qu'elles aient été volontaires ou non. Toutefois, aucune d'entre elles ne lui a procuré un avantage selon la preuve. Il n'a pas retiré de montant d'argent de HVSL dépassant son solde de prêt correct au cours des années en litige. Il n'y a pas été prouvé non plus qu'il a utilisé les états financiers incorrects afin d'obtenir un avantage ailleurs pour lui-même. M. Franklin n'a reçu aucun avantage.

[6]                 Normalement, c'est au juge des faits qu'il appartient de déterminer si un avantage est conféré pour les fins du paragraphe 15(1) (voir Smith c. S.M.R., 99 D.T.C. 5724, aux paragraphes 5 et 6 (C.A.F.)). Le juge Beaubier de la CCI a conclu qu'une série d'erreurs de tenue de livres s'était produite, mais que l'intimé n'avait reçu aucun avantage. Je ne peux trouver d'erreur manifeste et dominante dans son évaluation des faits qui puisse justifier l'intervention de la présente Cour.

[7]                 Le problème en l'espèce, c'est que les livres de la compagnie ne reflètent pas les faits. Les faits sont les suivants : l'intimé a touché le produit de la vente de la moitié de l'intérêt dans l'unité condominiale qui a été achetée et vendue par HVSL. Le compte d'actif et le compte de prêt dû à un actionnaire de HVSL ne reflétaient pas avec exactitude ces opérations. Toutefois, cela ne signifie pas qu'il faut ignorer le fait qu'aucun avantage n'a été accordé à l'intimé ni établir une cotisation d'impôt en s'appuyant sur des états financiers erronés.

[8]                 Je suis d'avis de rejeter l'appel avec dépens. Toutefois, manifestement, ce jugement ne doit pas être interprété comme autorisant les contribuables à faire preuve de négligence dans la tenue de leurs livres ou à omettre sciemment de déclarer des opérations. La Loi de l'impôt sur le revenu accorde au ministre des recours quand les contribuables agissent de cette façon.


                                                                                 « Marshall Rothstein »        

ligne

                                                                                                                                 Juge                          

« Je souscris à ces motifs

J. Edgar Sexton »

   

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.

  

LE JUGE STRAYER (motifs dissidents)

[9]       Je regrette de ne pouvoir accepter l'opinion de mes collègues. À mon avis, l'appel devrait être accueilli.

[10] Je suis convaincu que le juge de la Cour de l'impôt a soit commis une erreur de droit dans son interprétation du mot « avantage » utilisé au paragraphe 15(1), soit commis une erreur de fait manifeste, ou les deux. Il n'a pas conclu que l'intimé avait en fait reçu un avantage sous forme d'une somme de 59 423,50 $, en déposant le produit de la vente d'un bien de la société dans ses propres comptes bancaires ou en les utilisant pour réduire ses dettes personnelles, sans aucune condition. Ce qui s'est produit ou ce qui ne s'est pas produit par la suite n'est pas pertinent pour décider s'il a reçu un avantage.


[11] Au moment où cette somme a été reçue par versements, elle est devenue une partie de l'actif personnel de l'intimé qui pouvait l'utiliser comme il le souhaitait. Il aurait pu l'utiliser pour voyager, pour s'acheter une nouvelle maison ou des voitures pour son propre usage, immatriculées à son propre nom, ou investir à la bourse. Il n'y a pas de preuve objective démontrant que cette somme était réclamée par la compagnie ou par qui que ce soit d'autre. Il n'y avait pas de charge grevant les fonds : il n'y a pas eu de réduction correspondante de la dette de la compagnie envers l'intimé qui était inscrite dans les livres; aucun billet à ordre n'a été signé par l'intimé pour reconnaître que l'argent appartenait à la compagnie, et non à lui; et il n'y a pas eu non plus de résolution de la compagnie autorisant l'octroi d'un prêt à l'intimé pour ce montant. Il pouvait faire ce qu'il voulait de l'argent. Le fait qu'il ait choisi de l' « investir » dans sa compagnie et d'en obtenir du crédit sous forme d'un autre prêt à la compagnie (comme il l'avait déjà fait lorsqu'il avait prêté l'argent à la compagnie pour acheter le condominium en Floride) n'est pas pertinent.

[12] Le juge de la Cour de l'impôt décrit ces événements, au paragraphe 13 de ses motifs, comme étant de simples « erreurs de tenue de livres » . Il est difficile de concilier cette affirmation avec sa conclusion au paragraphe 12 selon laquelle le prêt dû à l'actionnaire inscrit dans les livres de la compagnie demeurait à 59 423,50 $ de plus que ce qu'il aurait dû être quand il a déposé dans ses propres comptes le produit de la vente du bien de la société. Le juge a indiqué ce qui suit :

M. Franklin en avait connaissance et, en tout état de cause, il aurait certainement dû en avoir connaissance. M. Franklin n'a rien fait pour renverser cette situation et ce n'est que lors de la vérification de Revenu Canada que cela a été découvert par quelqu'un d'autre, à savoir Mme White, la vérificatrice. L'ensemble complet des événements est imputable aux actions de M. Franklin, notamment à sa façon de tenir ses registres et de s'occuper des activités de HVSL en son propre nom.

Je ne vois pas cela comme une « erreur de tenue de livres » .

[13] J'ai de la difficulté à comprendre comment on peut prétendre que l' « avantage » de 59 423,50 $ n'a pas été reçu au cours des années d'imposition en question simplement parce qu'un vérificateur de Revenu Canada a par hasard relevé l'omission de l'intimé d'indiquer qu'il avait reçu un actif de la compagnie. Selon le juge de première instance, c'est une omission dont l'intimé était au courant ou aurait dû être au courant à l'époque.


[14] J'autoriserais l'appel avec dépens.

  

                                                                                                                                              « B.L. Strayer »                  

Juge

  

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                         COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

    

DOSSIER :                                           A-635-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :            SA MAJESTÉ LA REINE c. JOHN FRANKLIN

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :              le 17 janvier 2002

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                    le juge Rothstein

Y A SOUSCRIT :                                                                         le juge Sexton

MOTIFS DISSIDENTS :                                                           le juge Strayer

DATE :                                                  le 28 janvier 2002

   

COMPARUTIONS :

Peter Kremer, c.r.                                                                          POUR L'APPELANTE

Ernest Wheeler

Fausto Boniferro                                                                             POUR L'INTIMÉ

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                                                                           POUR L'APPELANTE

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

Siskind, Cromarty, Ivey & Dowler                                                POUR L'INTIMÉ

London (Ontario)

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