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     Date : 19990518

     Dossiers : A-460-98

     A-461-98

CORAM :      LE JUGE STRAYER

         LE JUGE DÉCARY

         LE JUGE ROBERTSON


     A-460-98

ENTRE :

     MARGARET AMOS,

     appelante,

     et

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée.


     A-461-98

ET ENTRE

     SOLOMON MARK,

     appelant,

     et

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée.


Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le lundi 17 mai 1999.

Jugement rendu à

     Vancouver (Colombie-Britannique), le lundi 17 mai 1999.

MOTIFS DU JUGEMENT PAR:      LE JUGE STRAYER



     Date : 19990518

     Dossiers : A-460-98

     A-461-98

CORAM :      LE JUGE STRAYER

         LE JUGE DÉCARY

         LE JUGE ROBERTSON

     A-460-98

ENTRE :

     MARGARET AMOS,

     appelante,

     et

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée.

     A-461-98

ET ENTRE

     SOLOMON MARK,

     appelant,

     et

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée.

     MOTIFS DU JUGEMENT

     (Prononcés à l'audience à

     Vancouver (Colombie-Britannique) le 17 mai 1999)

LE JUGE STRAYER

[1]      Le présent appel met en cause deux membres de la bande indienne Nootka qui étaient des employés d'une usine de pâte à papier exploitée par la Compagnie Tahsis Ltd., devenue plus tard la Canadian Pacific Forest Products Ltd. et, aujourd'hui, Avenor Inc. (la Compagnie). L'usine fonctionnait en partie sur un terrain donné à bail par la bande Nootka. Les deux appelants voulaient être soustraits à l'impôt sur le revenu au regard de leur revenu d'emploi, prétextant que celui-ci faisait partie des " biens meubles d'un Indien... situés sur une réserve " lesquels sont soustraits à l'impôt aux termes de l'alinéa 87(1)b ) de la Loi sur les Indiens et en application de l'alinéa 81(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Le Ministre a jugé que ce revenu était imposable et la Cour canadienne de l'impôt a rejeté les appels interjetés par les intéressés. Ces deux affaires ont été plaidées conjointement en appel devant la présente Cour.

[2]      Tout en reconnaissant les difficultés auxquelles la Cour canadienne de l'impôt a fait face pour tenir compte des divers facteurs qu'on dit être pertinents, compte tenu des précédents, pour déterminer le situs du revenu aux fins de l'article 87, nous avons conclu qu'à la lumière de la jurisprudence, y compris la plus récente1, le revenu dont il est question ici devrait être considéré comme situé sur la réserve.

[3]      Il est nécessaire de relater brièvement l'historique de l'usine en question en ce qui se rapporte à la réserve. C'est la compagnie qui, aux alentours de 1959, a pressenti l'agent indien de son intention d'acheter ou de louer la réserve pour y installer une usine de pâte à papier. La bande indienne a finalement consenti à s'en départir par voie de bail à la compagnie tout en demandant que cette location offre aux membres de la bande des possibilités d'emploi à l'usine. Aux termes du bail négocié entre la Couronne et la compagnie, celle-ci acceptait de donner la préférence d'emploi aux membres de la bande [TRADUCTION] " pour ses opérations sur les lieux ". Une superficie de 28,8 acres sur les 39 acres que comptait la réserve fut donnée en location à la Compagnie. Les membres de la bande vivaient dans des logements contigus à la propriété louée. L'activité de l'usine avait lieu en partie sur les 28,8 acres de la réserve et, en partie, sur un terrain de 488 acres propriété de la compagnie. L'usine proprement dite était construite sur le terrain de la compagnie alors que la superficie de la réserve donnée à bail servait à l'entreposage du carburant et des copeaux de bois destinés à l'usine. En fait, les appelants n'ont jamais travaillé sur le terrain donné à bail par la bande; cependant, ils demeuraient tous deux sur la réserve.

[4]      En cherchant à appliquer les facteurs pertinents pour déterminer le situs du revenu en question, nous avons conclu que le distingué juge de première instance n'a pas, du point de vue juridique, accordé dans les circonstances le poids qu'il fallait à l'objectif visé par l'exemption fiscale prescrite par l'article 87 de la Loi sur les Indiens, lequel consiste

     " à préserver les droits des Indiens sur leurs terres réservées et à assurer que la capacité des gouvernements d'imposer des taxes..., ne porte pas atteinte à l'utilisation de leurs biens situés sur leurs terres réservées. "2

[5]      Dans une optique plus large, il est possible d'inférer, en l'espèce, que la Compagnie a voulu louer le terrain en question en raison de l'importance qu'il présentait à ses yeux pour les activités de la future usine de pâte à papier et que la bande indienne a consenti à lui céder en location la réserve étant entendu, entre autres, que cette location favoriserait l'embauche de membres de la bande comme le bail le prévoyait d'ailleurs. C'est ainsi que les appelants ont été employés par la Compagnie et, bien que nous n'ayons aucune preuve que leur embauche soit directement attribuable à la condition énoncée dans le bail, on peut déduire, à juste titre, que les intéressés ont profité des possibilités d'emploi conséquentes au droit d'accès à la réserve obtenu par la Compagnie.

[6]      Le fait que les deux appelants n'aient pas effectivement travaillé sur le terrain de la réserve durant leur période de service à la compagnie soulève un point délicat. Toutefois, les parties ont reconnu que les usages auxquels la Compagnie a affecté la partie de la réserve cédée en location [TRADUCTION] " avaient trait à la production de pâte à papier "3, fonction à laquelle les appelants étaient affectés. Il nous semblerait trop arbitraire de priver les employés d'un secteur opérationnel de l'usine des avantages prévus à l'article 87 tout en les accordant à ceux qui travaillent dans un autre secteur contigu. Il faut en déduire que l'utilisation du terrain de la réserve faisait intégralement partie de l'exploitation de l'usine de pâte à papier, sinon la Compagnie ne l'aurait pas loué avant de s'y établir. Dans l'optique des membres de la bande, la cession de la réserve visait en partie l'accès aux emplois qui naîtraient suite à l'établissement de l'usine sur leur terrain et sur des terres attenantes aux leurs.

[7]      Nous concluons donc que les emplois en question étaient directement liés à la réalisation par la bande et ses membres de leurs droits fonciers sur les terres de la réserve; partant, le gouvernement, en conformité avec l'objectif visé par l'exemption fiscale de l'article 87, ne devrait pas être en mesure de porter atteinte, par le biais de l'impôt, au revenu tiré directement ou indirectement d'une pareille utilisation de leur terre, comme il ressort de ce cas d'espèce.







[8]      L'appel sera donc accueilli avec dépens, les questions en litige seront renvoyées au Ministre pour qu"il établisse de nouvelles cotisations conformes aux présents motifs


                                 (Signé) " B. L. Strayer

     Juge


Vancouver (Colombie-Britannique)

18 mai 1999


Traduction certifiée conforme


Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

     Date : 19990518

     Dossiers : A-460-98

     A-461-98


     A-460-98

ENTRE :

     MARGARET AMOS,

     appelante,

     et

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée.


     A-461-98

ET ENTRE

     SOLOMON MARK,

     appelant,

     et

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée.

    

     MOTIFS DU JUGEMENT

    



     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER



Nos DU GREFFE :                  A-460-98 et A-461-98


                 INTITULÉ DES CAUSES :          A-460-98

              Margaret Amos c. SA MAJESTÉ LA REINE

                         et

             A-461-98

              Solomon Mark c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :              Vancouver (Colombie-Britannique)


DATE DE L'AUDIENCE :              17 mai 1999


MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR PAR M. LE JUGE STRAYER


Y ONT SOUSCRIT :                  LE JUGE DÉCARY

                         LE JUGE ROBERTSON

EN DATE DU                      18 mai 1999


ONT COMPARU :

J.M. Janes,                      pour l'appelante (A-460-98)

Pat Hutchings,                      pour l'appelant (A-461-98)

Tom Torrie,                      pour l'intimée (A-460-98)

Wendy Yoshida,                  pour l'intimée (A-461-98)


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Woodward et Co.                  pour les appelants

Victoria (C.-B.)

Morris Rosenberg                  pour l'intimée

Sous-procureur général du Canada



__________________

1      Voir p. ex. Recalma c. Canada, [1998] 3 C.N.L.R. 279 (C.A.F.).

2      Williams c. Sa Majesté la Reine, [1992] 1 R.C.S. 877, p. 885, cité dans Mitchell c. Peguis Indian Band, [1990] 2 R.C.S. 85, p. 130 et 131.

3      Exposé convenu des faits, paragraphe 18, Cahier d'appel, p. 16 (appel Amos); paragraphe 20, Cahier d'appel, p. 14 (appel Mark).

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