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Date : 19981022


Dossier : A-155-96

CORAM      LE JUGE EN CHEF

         LE JUGE LINDEN

         LE JUGE SEXTON

ENTRE

     NORTHWOOD PULP AND TIMBER LIMITED,

     appelante,

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée.

Audience tenue à Toronto (Ontario), le mardi 20 octobre 1998.

Jugement prononcé à l"audience à Toronto (Ontario), le jeudi 22 octobre 1998.

MOTIFS DU JUGEMENT :      LE JUGE SEXTON


Date : 19981022


Dossier : A-155-96

CORAM :      LE JUGE EN CHEF

         LE JUGE LINDEN

         LE JUGE SEXTON

ENTRE :

     NORTHWOOD PULP AND TIMBER LIMITED,

     appelante,

     - et -

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée.

     MOTIFS DU JUGEMENT

     [Prononcés à l"audience à Toronto (Ontario)

     le jeudi 22 octobre 1998]

LE JUGE SEXTON

[1]      Nous sommes tous d"avis de rejeter l"appel et de confirmer le jugement rendu par la Cour canadienne de l"impôt, le 19 janvier 1996. Dans cette décision, le juge Margeson a rejeté l"appel interjeté par l"appelante à l"égard d"une nouvelle cotisation établie pour son année d"imposition 1987, concluant que les frais de reboisement qu"elle avait engagés constituaient des frais ou dépenses non incorporables et que l"alinéa 18(1)a ) de la Loi de l"impôt sur le revenu interdisait de déduire les frais estimatifs de reboisement. Tous les faits de l"affaire, sur lesquels les parties se sont entendues au procès, sont exposés par le juge Margeson dans son jugement. J'en signalerai brièvement les points saillants.

[2]      L"appelante exploite une entreprise de récolte de grumes et de fabrication de bois d"oeuvre et d"autres produits finis dans la province de la Colombie-Britannique. À cette fin, elle doit obtenir un permis prévu par la Forest Act, R.S.B.C. 1989, ch. 40. Ce permis prévoit, entre autres conditions, que l"appelante est tenue de procéder au reboisement du secteur où elle récolte des grumes, et ce, à ses frais.

[3]      L"appelante a inclus, tant à des fins comptables que fiscales, les frais estimatifs de reboisement, qu"elle est tenue de faire, dans le coût des stocks de l"année de la récolte, malgré que la plus grande partie du reboisement ne sera effectué qu"au cours d"une année postérieure. Le ministre du Revenu national a refusé la déduction du montant des frais estimatifs de reboisement et n"a admis que les frais de reboisement réellement engagés.

[4]      La question en litige en l"espèce est de savoir si l"appelante avait raison d"inclure les frais de reboisement dans le coût des stocks pour calculer son bénéfice selon la Loi de l"impôt sur le revenu. L"appelante prétend, en premier lieu, qu"elle a traité les frais de reboisement d"une manière qui s"accorde avec les principes comptables et la pratique commerciale généralement reconnus; en deuxième lieu, elle soutient qu"aucune disposition de la Loi de l"impôt sur le revenu ni principe de common law n"interdit d"accorder un tel traitement à ces frais. L"intimée affirme que le juge du procès a eu raison de décider que les frais de reboisement représentaient des frais non incorporables plutôt que le coût des stocks et qu"ils n"étaient donc déductibles du revenu que dans la mesure où ils avaient été réellement engagés.

[5]      Le juge de la Cour de l"impôt a entendu la preuve comptable contradictoire qu"ont présentée les experts appelés par les deux parties. Il lui a fallu apprécier cette preuve en fonction des faits convenus. Il a conclu, à juste titre, en se fondant sur la preuve comptable qui lui a été soumise, que les dépenses de sylviculture étaient des frais non incorporables ou des dépenses courantes plutôt que des frais à ajouter au coût des stocks et que de tels frais devaient donc être déduits seulement quand ils sont réellement engagés. En concluant ainsi, la Cour de l"impôt n"a commis aucune erreur manifeste ou dominante susceptible de justifier l"intervention de la présente Cour. Nous estimons que ces coûts représentent effectivement des frais non incorporables plutôt que le coût des stocks parce que la dépense réelle ne sera engagée que dans l"avenir. En fait, il peut bien arriver que les frais soient plus ou moins élevés que ceux prévus par le contribuable, parce que celui-ci n"exerce aucun contrôle sur le renouvellement naturel ou la destruction d"un nouveau peuplement forestier. Ils peuvent bien se révéler sans rapport avec ses prévisions.

[6]      Ce n"est pas parce que le contribuable a traité les frais de reboisement d"une manière généralement acceptable du point de vue comptable qu"il y a nécessairement lieu de leur accorder le même traitement du point de vue fiscal. Dans l"arrêt Canderel Limited c. La Reine , [1998] 1 R.C.S. 147, le juge Iacobucci précise :

             De plus, la comptabilité générale vise habituellement à fournir un image comparative du bénéfice d"une année à l"autre et tend donc à respecter une uniformité méthodologique pour le bénéfice de ceux à qui sont destinés les états financiers: notamment les actionnaires, les investisseurs, les prêteurs, les organismes de réglementation. Par contre, le calcul de l"impôt vise seulement à produire, pour le bénéfice du contribuable et du percepteur d"impôts, une image fidèle du revenu pour chaque année d"imposition.             

Le juge en chef adjoint Noël a tenu des propos au même effet dans l"arrêt J.L Guay Limitée 71 D.T.C. 5423, confirmé par 73 D.T.C. 5373 (C.A.F.).

[7]      Nous estimons que la décision prononcée par cette Cour dans l"affaire La Reine c. Burnco Industries Ltd 84 D.T.C. (C.A.F.) est riche en enseignements. Dans cette affaire, l"exploitant d"une gravière voulait déduire les frais prévus pour les travaux de remblai que son contrat l"obligeait à effectuer après l"excavation. Les travaux de remblai n"avaient pas eu lieu au cours de la même période, mais le contribuable prétendait que le principe comptable du rattachement lui permettait de déduire ces frais dans l"année précédente. Se prononçant au nom de cette Cour, le juge Pratte indique :

             Selon nous, une dépense au sens de l"alinéa 18(1)a ) de la Loi de l"impôt sur le revenu est une obligation de payer une somme d"argent. On ne peut pas dire qu"un contribuable a engagé une dépense s"il n"est pas tenu de verser une somme d"argent à quelqu"un. Contrairement à ce qu"a décidé le juge de la Division de première instance, une obligation de faire qui pourrait impliquer dans le futur le versement d"une somme d"argent ne constitue pas une dépense.             

[8]      Le récent arrêt de la Cour suprême du Canada prononcé dans l"affaire Canderel Limited c. La Reine n"appuie pas la thèse de l"appelante en l"espèce. La Cour a dit ceci au paragraphe 53 :

             [d]ans la détermination du bénéfice, le contribuable est libre d"adopter toute méthode qui n"est pas incompatible avec [- entre autres -] les principes dégagés de la jurisprudence.             

[9]      En l"espèce, la thèse de l"appelante est incompatible avec les " les principes dégagés de la jurisprudence ". La Cour souscrit aux propos tenus par le juge du procès dans la présente affaire :

             Les décisions citées par les deux avocats montrent essentiellement que, pour le calcul des bénéfices imposables, les tribunaux ont uniformément rejeté aux fins de l"impôt sur le revenu, les montant qui sont des estimations provisoires et qui sont conditionnels, éventuels ou incertains. Tel (sic ) était certes la nature des estimations que le ministre a rejetées dans la présente affaire.             

[10]      Par conséquent, l"appel est rejeté avec dépens et le jugement de la Cour canadienne de l"impôt est confirmé.

                                 " J. Edgar Sexton "

             Juge

Toronto (Ontario)

le 22 octobre 1998

Traduction certifiée conforme

C. Bélanger, LL.L.

             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et avocats inscrits au dossier

DOSSIER :                              A-155-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :                  NORTHWOOD PULP AND TIMBER LIMITED

                                 - et -

                                 SA MAJESTÉ LA REINE

            

DATE DE L"AUDIENCE :                      LE MARDI 20 OCTOBRE 1998

LIEU DE L"AUDIENCE :                      TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR LE JUGE SEXTON, le jeudi 22 octobre 1998 à Toronto (Ontario)

ONT COMPARU :                 

                                 Warren J.A. Mitchell, c.r.

                                 Karen Sharlow

                                 Paul S. Carenza

                                     pour l"appelante

                                 Roger Taylor

                                 John Shipley

                                     pour l"intimée

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :             

                                 Thorsteinssons

                                 Avocats

                                 Boîte 611, Place Bell Canada

                                 36 e étage, 161, rue Bay
                                 Toronto (Ontario)

                                 M5J 2S1

                                     pour l"appelante

    

                                 Morris Rosenberg

                                 Sous-procureur général

                                 du Canada     

                                     pour l"intimée

                         COUR D"APPEL FÉDÉRALE

Date : 19981022


Dossier : A-155-96

                         ENTRE
                         NORTHWOOD PULP AND TIMBER LIMITED,

     appelante,

                         - et -
                         SA MAJESTÉ LA REINE,

     intimée.

                        
                             MOTIFS DU JUGEMENT
                        
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