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Date : 20020529

Dossier : A-353-01

OTTAWA (ONTARIO), LE MERCREDI 29 MAI 2002

CORAM :       LE JUGE STONE

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

- et -

PHILIP GAULEY

défendeur

                                                                        JUGEMENT

La demande est accueillie, la décision du juge-arbitre datée du 25 avril 2001 est annulée et l'affaire est renvoyée au juge-arbitre en chef ou à un juge-arbitre désigné par lui pour nouvelle instruction et nouvelle décision, étant entendu que le conseil arbitral n'était pas habilité à réduire à zéro le montant des pénalités.

                                                                                                                                            « A.J. STONE »          

                                                                                                                                                                 Juge                   

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


Date : 20020529

Dossier : A-353-01

Référence neutre : 2002 CAF 219

CORAM :       LE JUGE STONE

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

- et -

PHILIP GAULEY

défendeur

Audience tenue à Toronto (Ontario), le mercredi 15 mai 2002.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le mercredi 29 mai 2002.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                           LE JUGE STONE

Y SOUSCRIVENT :                                                                                            LE JUGE ROTHSTEIN

                                                                                                                                       LE JUGE SEXTON


Date : 20020529

Dossier : A-353-01

Référence neutre : 2002 CAF 219

CORAM :       LE JUGE STONE

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

- et -

PHILIP GAULEY

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE STONE

[1]                 Le procureur général du Canada demande le contrôle et l'annulation de la décision d'un juge-arbitre rendue le 25 avril 2001 conformément à la Loi sur l'assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23, qui rejetait un appel dirigé contre la décision d'un conseil arbitral de réduire à zéro les pénalités imposées par la Commission conformément au paragraphe 38(1) de la Loi.


[2]                 Le 8 novembre 1998, le défendeur déposait auprès de la Commission une demande de prestations d'assurance-emploi. Entre le 24 mars 1999 et le 3 juillet 1999, alors que le défendeur recevait des prestations, il a travaillé pour deux différents employeurs, gagnant 1 121,90 $ pour le premier emploi et 6 075 $ pour le second. La Commission a attribué les gains aux périodes travaillées, ce qui entraînait un versement excédentaire de prestations qui totalisait 1 122 $ pour la période allant du 24 mars 1999 au 13 avril 1999 et 4 104 $ pour la période allant du 14 avril 1999 au 3 juillet 1999. Après doublement du montant de chaque versement excédentaire, on arrivait à des pénalités totales de 10 452 $.

[3]                 Le 17 novembre 2000, le défendeur faisait appel des pénalités au conseil arbitral conformément au paragraphe 114(1) de la Loi. Dans sa décision du 14 décembre 2000, le conseil arbitral s'est exprimé en partie ainsi :

[Traduction] Dans cette affaire, le prestataire reconnaît d'emblée avoir fait sciemment des déclarations fausses ou trompeuses, c'est-à-dire qu'il n'a pas déclaré ses activités et ses gains alors qu'il percevait des prestations.

[...]


Le conseil croit que la Commission n'a pas exercé judicieusement son pouvoir d'appréciation parce qu'elle n'a pas tenu compte de tous les facteurs pertinents lorsqu'elle s'est prononcée sur le quantum de la pénalité. Nous sommes d'accord pour dire que la Commission n'a pas tenu compte de toutes les circonstances pénibles auxquelles faisait face à l'époque le prestataire dans sa vie personnelle, ce qui expliquerait probablement sa situation difficile et sa réaction ou son inaction à l'époque. Nous nous référons à la décision CUB 37871A, où il est fait état de la décision Line Morin du 27 mai 1997 (A-681-96), à la page 2 du premier paragraphe. Dans cette affaire, la Commission avait simplement utilisé une formule mathématique pour fixer la pénalité, en bref pour ne pas exercer comme il convenait son pouvoir discrétionnaire. Dans la présente affaire, il semble qu'il y avait des circonstances atténuantes qui n'ont pas été prises en compte, c'est-à-dire que le prestataire ne nie pas son erreur, mais sa situation financière extrêmement difficile le place à la merci de la Commission. Le prestataire occupe des emplois saisonniers, il gagne un salaire inférieur au seuil de pauvreté, il a un prêt pour études à rembourser, ainsi qu'un prêt à rembourser sur sa voiture, et il s'apprête à se marier. Ce serait aller à l'encontre du but recherché que d'accentuer encore ses engagements financiers. Nous croyons qu'il est plus avantageux de remettre cette personne sur la bonne voie.

[...]

Le conseil souscrit à la décision de réclamer les deux versements excédentaires, mais annule les pénalités. L'appel est par conséquent accueilli.

[4]                 Comme le prévoit l'article 115 de la Loi, la Commission a fait appel devant le juge-arbitre de la décision du conseil arbitral d'annuler les pénalités. Dans ses conclusions écrites adressées au juge-arbitre, la Commission se déclarait disposée à recalculer les pénalités pour un total de 2 613 $, eu égard au fait que la Commission avait négligé d'informer le conseil arbitral qu'il s'agissait là de la deuxième infraction du défendeur, et en reconnaissance des circonstances atténuantes exposées devant le conseil arbitral. Le juge-arbitre a rejeté l'appel et confirmé la décision du conseil arbitral au motif qu'elle s'accordait avec la jurisprudence de la Cour fédérale pour qui, selon les mots du juge-arbitre, le conseil arbitral avait le pouvoir « d'annuler la décision de la Commission sur le quantum de la pénalité s'il estimait que des facteurs pertinents ont été ignorés » et, par conséquent, de réduire à zéro les pénalités eu égard aux circonstances atténuantes révélées par la preuve.


[5]                 Aucun argument n'a été exposé devant la Cour sur la norme que doit appliquer la Cour fédérale dans le contrôle de la décision du juge-arbitre de ne pas modifier celle du conseil arbitral. Comme je l'ai indiqué, en décidant comme il l'a fait, le juge-arbitre concluait que le conseil arbitral avait, de par son mandat officiel, le pouvoir discrétionnaire de réduire les pénalités à zéro. Par conséquent, puisque la question posée à l'arbitre faisait intervenir l'interprétation de la Loi, la norme de contrôle à appliquer ici est celle de la décision correcte : Black c. Canada (Commission de l'assurance-emploi), 2001 CAF 255, au paragraphe 27, Canada (Procureur général) c. Sveinson, 2001 CAF 315, aux paragraphes 13 et 14.

[6]                 Les paragraphes 38(1) et (2) de la Loi sont formulés en partie ainsi :

38. (1) Lorsqu'elle prend connaissance de faits qui, à son avis, démontrent que le prestataire ou une personne agissant pour son compte a perpétré l'un des actes délictueux suivants, la Commission peut lui infliger une pénalité pour chacun de ces actes :

...

(c) omettre sciemment de déclarer à la Commission tout ou partie de la rémunération reçue à l'égard de la période déterminée conformément aux règlements pour laquelle il a demandé des prestations;

...

(2) La pénalité que la Commission peut infliger pour chaque acte délictueux ne dépasse pas :

...

38. (1) The Commission may impose on a claimant, or any other person acting for a claimant, a penalty for each of the following acts or omissions if the Commission

becomes aware of facts that in its opinion establish that the claimant or other person has

...

(c) knowingly failed to declare to the Commission all or some of the claimant's earnings for a period determined under the regulations for which the claimant claimed benefits;

...

(2) The Commission may set the amount of the penalty for each act or omission at not more than

...

[7]                 Comme on l'a noté, le paragraphe 38(1) de la Loi confère à la Commission le pouvoir discrétionnaire d'infliger une pénalité dans un cas donné et de fixer le montant de cette pénalité conformément au paragraphe 38(2).


[8]                 Les pouvoirs du conseil arbitral sont exposés en termes généraux au paragraphe 114(1) de la Loi, c'est-à-dire juger un appel interjeté contre une décision de la Commission à l'égard d'une demande de prestations selon la Loi. L'étendue des pouvoirs du conseil arbitral selon le paragraphe 114(1) n'est pas expressément limitée par le texte législatif. Cependant, selon des décisions relativement récentes de la Cour fédérale concernant l'imposition d'une pénalité par la Commission en application de l'article 38 ou des dispositions qui l'ont précédé, le conseil arbitral est compétent pour s'interposer dans une telle décision discrétionnaire et pour rendre la décision que la Commission aurait dû rendre (Morin c. Procureur général du Canada (1996), 134 D.L.R. (4th) 724 (C.A.F.)), lorsque le conseil juge que la Commission a tenu compte d'un facteur hors de propos ou a ignoré un facteur pertinent (Procureur général du Canada c. Dunham, [1997] 1 C.F. 462 (C.A.)). Dans cette dernière affaire, la Cour a aussi précisé que, lorsqu'il rend sa décision, le conseil arbitral peut considérer non seulement la preuve qui était devant la Commission, mais également toute preuve additionnelle déposée comme preuve nouvelle devant le conseil arbitral. Dans l'affaire Dunham, le conseil arbitral avait décidé de réduire la pénalité en ne se fondant que sur la preuve qui était devant la Commission elle-même. La Cour a considéré qu'il s'agissait là d'une erreur et a renvoyé l'affaire au conseil arbitral en lui demandant de dire « si le quantum de la pénalité a été déterminé par la Commission sans tenir compte de quelque considération pertinente » , eu égard à la preuve nouvelle produite devant le conseil arbitral.


[9]                 En l'espèce, il est demandé à la Cour de dire que les pouvoirs, bien que généreux, du conseil arbitral dans un appel selon le paragraphe 114(1) de la Loi ne comprennent pas le pouvoir d'effacer complètement une pénalité infligée par la Commission conformément au paragraphe 38(1) lorsque, comme c'est le cas ici, la décision de la Commission d'infliger les pénalités n'est pas mise en doute. On n'a pas donné à entendre que la Commission aurait dû exercer le pouvoir qu'elle détient en vertu du paragraphe 41.1(1), au lieu d'imposer des pénalités monétaires. Il s'agit donc uniquement de savoir si, compte tenu de la preuve de circonstances atténuantes, le conseil arbitral a commis une erreur lorsqu'il a réduit à zéro les pénalités fixées par la Commission.

[10]            L'idée même de l'imposition d'une « pénalité » selon ce que prévoit le paragraphe 38(1) donne à entendre qu'un chiffre supérieur à zéro était envisagé, le mot pénalité évoquant l'imposition d'une sanction monétaire au prestataire. Selon les dictionnaires, une pénalité ou sanction ou peine monétaire « s'entend d'une somme recouvrable en vertu d'une loi imposant un paiement pour réprimer un acte » . Il y a aussi la définition suivante : condamnation, amende, imposée pour la contravention d'une loi, d'un contrat, etc.; désavantage, perte, etc., subi en conséquence d'actes répréhensibles » . Ainsi, une pénalité nulle semble être un oxymoron. Il convient de noter, à la lecture du paragraphe 38(2) de la Loi, que le montant de la pénalité peut être fixé par la Commission. Selon les dictionnaires, un « montant » s'entend d'une quantité, en particulier le total d'une chose ou de choses, en nombre, en taille, en valeur, en étendue, etc. Lorsque nous parlons d'un montant nul, nous avons à l'esprit le chiffre zéro ou le mot « néant » . Le mot zéro est ainsi défini dans les mêmes dictionnaires, qui mentionnent aussi l'expression « absence de quantité ou de nombre; néant » .


[11]            Comme on l'a vu, la Loi prévoit deux recours pour certaines actions ou omissions délibérées des prestataires, une peine monétaire (paragraphe 38.1(1)) ou un avertissement non monétaire (paragraphe 41.1(1)). En réduisant à zéro les peines monétaires, le conseil arbitral a annulé intégralement les montants que la Commission a fixés dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. Dans un cas comme celui-ci, où le pouvoir de la Commission d'infliger les pénalités monétaires n'est pas contesté, la réduction des pénalités à zéro aurait pour effet d'invalider complètement l'exercice de ce pouvoir conféré par le paragraphe 38(1). À mon avis, la jurisprudence n'étend pas aussi loin les pouvoirs du conseil arbitral, mais elle dit seulement que le conseil peut modifier le quantum d'une pénalité à la lumière des circonstances atténuantes qu'il juge pertinentes. Une pénalité qui est infligée par la Commission et qui est réduite à zéro par le conseil arbitral équivaut à une absence de pénalité et, dans les faits, il s'agit de l'usurpation d'un pouvoir qui appartient exclusivement à la Commission en vertu du paragraphe 38(1). Lorsque, cependant, le conseil arbitral juge qu'il y a des circonstances atténuantes, alors il peut réduire le quantum de la pénalité en le ramenant à un montant qu'il juge en rapport avec lesdites circonstances. Voir par exemple l'arrêt Turgeon c. Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada (1997), 212 N.R. 247 (C.A.F.).


[12]            Par conséquent, je suis d'avis que le juge-arbitre a commis une erreur en conférant au conseil arbitral le pouvoir de réduire à zéro les pénalités. J'accueillerais donc la demande, j'annulerais la décision du juge-arbitre et je renverrais l'affaire au juge-arbitre en chef ou à un juge-arbitre désigné par lui, pour nouvelle instruction et nouvelle décision, étant entendu que le conseil arbitral n'a pas le pouvoir de réduire à zéro le montant des pénalités.

  

                                                                                        « A.J. STONE »          

                                                                                                             Juge                   

« Je souscris aux présents motifs

    Marshall Rothstein »

« Je souscris aux présents motifs

    J. Edgar Sexton »

  

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                       SECTION D'APPEL

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

DOSSIER :                                                     A-353-01

INTITULÉ :                                                     Procureur général du Canada c. Philip Gauley

  

DATE DE L'AUDIENCE :                           le 15 mai 2002

LIEU DE L'AUDIENCE :                           Toronto (Ontario)

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE STONE

Y ONT SOUSCRIT :                                     LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

  

COMPARUTIONS :

Janice Rodger                                                                     pour le demandeur

Néant                                                                                  pour le défendeur

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                                                              pour le demandeur

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Tour de la Bourse

130, rue King ouest

Bureau 3400, casier 36

Toronto (Ontario)

Tél. :         (416) 952-7893

Télécop. : (416) 952-8346

Néant                                                                                  pour le défendeur

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