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Date: 20000217


Dossier: A-710-98

CORAM:      LE JUGE EN CHEF

         LE JUGE LÉTOURNEAU

         LE JUGE NOËL



ENTRE:

     SA MAJESTÉ LA REINE

     Demanderesse

ET:

     THÉRÈSE HUARD

     Défenderesse







     Audience tenue à Montréal (Québec) le jeudi, 17 février 2000



     Jugement prononcé à l'audience à Montréal (Québec) le jeudi, 17 février 2000








MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR PAR:      LE JUGE LÉTOURNEAU



Date: 20000217


Dossier: A-710-98

CORAM:      LE JUGE EN CHEF

         LE JUGE LÉTOURNEAU

         LE JUGE NOËL



ENTRE:

     SA MAJESTÉ LA REINE

     Demanderesse

ET:

     THÉRÈSE HUARD

     Défenderesse




     MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

     (Prononcés à l'audience à Montréal (Québec)

     le jeudi, 17 février 2000)



LE JUGE LÉTOURNEAU



Question en litige




[1]          Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision d'un juge de la Cour canadienne de l'impôt (juge) par laquelle il a accueilli l'appel de Mme Thérèse Huard (défenderesse) et a conclu que les gains versés à cette dernière au cours de la période en litige étaient des gains assurables. La demanderesse soutient devant nous que le juge s'est trompé car la défenderesse détenait, durant cette période, un emploi qui était exclu des emplois assurables par le paragraphe 13(1) du Règlement sur l'assurance-chômage (Règlement)1. Ce paragraphe se lit:

     Emplois exclus des

     emplois assurables

13. (4(3)h))

(1) Sous réserve du paragraphe (2), est exclu des emplois assurables un emploi exercé pour le compte d'un employeur, qui comporte moins de 15 heures de travail par semaine et dont la rémunération hebdomadaire, en espèces est inférieure à 20 pour cent du maximum de la rémunération hebdomadaire assurable.

     Employments Excepted from

     Insurable Employment

13. (4(3)(h))

(1) Subject to subsection (2), the employment with an employer in any week of a person whose cash earnings are less than 20 per cent of the maximum weekly insurable earnings and who is employed for less than 15 hours is excepted from insurable employment.


Il s'agit pour nous de déterminer si le juge avait raison de conclure comme il l'a fait.

Faits



[2]          Les faits qui ont donné naissance au présente litige sont les suivants.



[3]          La défenderesse travaillait comme directrice de soins infirmiers depuis le 4 septembre 1990 à l'Hôpital d'Amqui. En octobre 1990, elle a conclu avec son employeur une entente pour un congé à traitement différé à l'intérieur d'une période d'étalement de cinq ans.



[4]          En vertu de cette entente, la défenderesse a fourni quatre années de prestation de services pour lesquelles elle a accepté que son employeur conserve, pour chacune de ces années, à charge de lui remettre la cinquième année, 20% de sa rémunération annuelle. Au moment de la cinquième année qui est ici la période en litige, la défenderesse a pris un congé sans solde et son employeur lui alors versé les sommes qu'elle avait gagnées et qu'il avait conservées pour elle, en son nom et avec son autorisation. Évidemment, durant la période en litige, la défenderesse n'a fourni aucun service à son employeur.

La décision de la Cour canadienne de l'impôt



[5]          Après avoir établi les principales caractéristiques d'un emploi assurable (i.e., rémunération par le bénéficiaire de la prestation de travail, lien de subordination à l'autorité patronale, existence d'un contrôle de la qualité et de l'efficacité de l'exécution du travail, adéquation entre la rémunération et le travail effectué, etc.), le juge a conclu que toutes ces caractéristiques sont temporairement suspendues durant la période de vacances d'un employé, que l'employé est rémunéré durant les vacances même s'il ne travaille pas et que le fait d'être en vacances, peu importe la durée de celles-ci, ne remet pas en cause ou en question l'assurabilité de l'emploi. De là, il a tiré comme conclusion que l'entente intervenue entre la défenderesse et son employeur n'octroyait tout simplement que des vacances prolongées et que cette conclusion à laquelle il en était venu était d'autant plus raisonnable que la durée de la période de vacances n'est très souvent que pure convention entre les parties.



[6]          Il a aussi distingué la décision de cette Cour dans l'affaire Le Procureur général du Canada et Céline Therrien-Beaupré2 au motif que, dans cette affaire, il s'agissait d'un congé par anticipation et non comme en l'espèce d'un congé ultérieur à une période travaillée. Contrairement à l'affaire Therrien-Beaupré, il fut d'avis que le bénéfice reçu par la défenderesse au cours de la période en litige était un bénéfice accumulé à même sa rémunération acquise pour un travail exécuté et que ce bénéfice avait les mêmes attributs qu'une paye de vacances.

Analyse de la décision



[7]          Avec respect, nous croyons que le juge s'est mépris sur la nature et l'effet de l'entente signée par la défenderesse et qu'il a ignoré les dispositions du paragraphe 13(1) du Règlement.



[8]          L'entente prévoit un régime de congé à traitement différé pour les Directeurs généraux, les Cadres supérieurs et les Cadres intermédiaires du Secteur de la santé et des services sociaux au Québec. Selon cette entente, la période de congé de l'employé peut être prise au début de l'entente comme dans l'affaire Therrien-Beaupré, en cours d'entente ou dans la dernière année de celle-ci comme en l'espèce. C'est ce qui ressort de la définition de "congé à traitement différé" prévue à l'article 1, laquelle stipule qu'il s'agit d'un "congé d'une durée déterminée pris à l'intérieur d'une période d'étalement de la rémunération". Qui plus est, et il s'agit là d'un élément déterminant, la définition établit clairement qu'il s'agit d'un congé sans solde ou sans rémunération.



[9]          À notre avis, le juge a commis une première erreur en comparant le congé sans solde de la défenderesse à une période de vacances rémunérées. D'ailleurs, l'alinéa 4c) de l'entente établit une nette distinction entre les vacances annuelles, i.e., le congé rémunéré prévu par la loi, et le congé à traitement différé. C'est aussi cette distinction que Madame le juge Desjardins avait faite dans l'affaire Therrien-Beaupré.



[10]          Il est aussi inexact de conclure, comme l'a fait le juge, que la rétribution ou le bénéfice reçu par la défenderesse avait les mêmes attributs qu'une paye de vacances. Ce que la défenderesse a reçu au cours de la période en litige, ce n'est pas une paye de vacances ou une rémunération pour du travail effectué au cours de cette période. Il s'agit plutôt d'un montant qui, comme l'entente le dit, est du traitement gagné pour des périodes de travail antérieures à la période en litige, mais dont le paiement à la défenderesse a été différé pour partie. Le report d'une partie du traitement ainsi gagné par la défenderesse au cours des quatre premières années de l'entente, et pendant lesquelles la prestation de travail a été fournie, n'a pas pour effet de transformer le congé sans solde de la cinquième année en une année de travail rémunérée ou, comme le juge a semblé le croire, en un congé payé.



[11]          Enfin, le juge a, à notre avis, commis une autre erreur en ne suivant pas le principe dégagé par cette Cour dans l'affaire Therrien-Beaupré. De fait, il serait aberrant que l'année dans laquelle le congé à traitement différé est pris ne soit pas une année d'un emploi assurable si ce congé est pris au début de la période d'étalement de la rémunération, mais qu'elle le soit si ce congé est pris à la fin de ladite période alors que, dans un cas comme dans l'autre, il s'agit d'un congé sans solde pour lequel, dans l'année où il est pris, aucune prestation de travail n'est fournie et aucune rémunération n'est en conséquence payée par l'employeur.



[12]          Le paragraphe 13(1) du Règlement stipule qu'un emploi est exclu de la catégorie des emplois assurables si l'une et l'autre des conditions suivantes sont satisfaites: la prestation de service fournie totalise moins de 15 heures de travail par semaine et la rémunération hebdomadaire en espèces est inférieure à 20% du maximum de la rémunération hebdomadaire assurable. C'est précisément le cas dans la présente affaire car la défenderesse était en congé sans solde et n'a fourni aucune prestation de travail. Le montant que la défenderesse a touché durant la période en litige n'était rien d'autre qu'une somme qu'elle avait acquise antérieurement à cette période et qui, à sa demande, avait été retenue en vue d'un paiement différé.



[13]          Pour ces motifs, nous sommes d'avis d'accueillir avec dépens la demande de contrôle judiciaire, d'annuler la décision de la Cour canadienne de l'impôt et de lui retourner le dossier pour qu'elle rende une nouvelle décision en tenant pour acquis qu'était bien fondée la détermination faite par le ministre du Revenu national que la défenderesse n'occupait pas un emploi assurable durant la période où elle a bénéficié de son congé à traitement différé.



     Gilles Létourneau

     j.c.a.

    

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     DIVISION D"APPEL



Date : 20000217


Dossier : A-710-98

Entre :

     SA MAJESTÉ LA REINE

     Demanderesse

     ET

     THÉRÈSE HUARD

     Défenderesse



    



     MOTIFS DU JUGEMENT


    

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION APPEL

     NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


NO DE LA COUR :      A-710-98

INTITULÉ :      SA MAJESTÉ LA REINE

     Demanderesse

     ET

     THÉRÈSE HUARD

     Défenderesse

LIEU DE L'AUDIENCE :      Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :      17 février 2000

MOTIFS DU JUGEMENT DE L"HONORABLE JUGE LÉTOURNEAU

EN DATE DU      17 février 2000


COMPARUTIONS :

Me Valérie Tardif/     

Me Mounes Ayadi      pour la Partie demanderesse


Me Gilbert Nadon      pour la Partie défenderesse

    



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg

Sous procureur général

du Canada     

Ottawa (Ontario)      pour la Partie demanderesse

CAMPEAU, OUELLET & ASSOCIÉS

Montréal (Québec)      pour la Partie défenderesse

    

__________________

     1      C.R.C., vol. XVIII, c. 1576.

     2      A-414-92, 19 mai 1994 (C.A.F.).

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