Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20021101

Dossier : A-502-01

Référence neutre : 2002 CAF 422

CORAM :       LE JUGE DESJARDINS

LE JUGE NOËL

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                       appelante

                                                                                   et

                                           PRODUITS FORESTIERS DONOHUE INC.

                                                                                                                                                           intimée

                                    Audience tenue à Montréal (Québec), le 24 octobre 2002.

                                    Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 1er novembre 2002.

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :                                                                                    LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                          LE JUGE DESJARDINS

                                                                                                                                  LE JUGE PELLETIER


Date : 20021101

Dossier : A-502-01

Référence neutre : 2002 CAF 422

CORAM :       LE JUGE DESJARDINS

LE JUGE NOËL

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                       appelante

                                                                                   et

                                           PRODUITS FORESTIERS DONOHUE INC.

                                                                                                                                                           intimée

                                                           MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NOËL


[1]                 Il s'agit d'un appel du jugement rendu par le juge Archambault de la Cour canadienne de l'impôt (2000 D.T.C. 586) accueillant l'appel de l'intimée à l'encontre d'une cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi) et remettant l'affaire au ministre du Revenu national (le ministre) pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis que Produits Forestiers Donohue Inc. (préalablement dénommée Donohue St-Félicien Inc. (ci-après DSF ou l'intimée)) a droit, dans le calcul de son revenu imposable, à une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise (PDTPE) de 46 657 499$.

[2]                 La question soulevée par l'appelante relève de l'application de la règle générale anti-évitement (RGAE) que l'on retrouve à l'article 245 de la Loi. L'appelante prétend que l'avantage fiscal obtenu par l'intimée DSF - à partir d'une opération culminant avec la vente des actions qu'elle détenait dans Donohue Matane Inc. (DMI) et la déduction de la PDTPE qui en a résulté - entraîne un abus dans l'application de la Loi lue dans son ensemble. Selon l'appelante, le premier juge a commis une série d'erreurs de droit en tirant de son analyse la conclusion contraire.

[3]                 L'article 245 dans ses aspects pertinents se lit comme suit :

245(1) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article et au paragraphe 152(1.11).

« attribut fiscal » S'agissant des attributs fiscaux d'une personne, revenu, revenu imposable ou revenu imposable gagné au Canada de cette personne, impôt ou autre montant payable par cette personne, ou montant qui lui est remboursable, en application de la présente loi, ainsi que tout montant à prendre en compte pour calculer, en application de la présente loi, le revenu, le revenu imposable, le revenu imposable gagné au Canada de cette personne ou l'impôt ou l'autre montant payable par cette personne ou le montant qui lui est remboursable.

« avantage fiscal » Réduction, évitement ou report d'impôt ou d'un autre montant payable en application de la présente loi ou augmentation d'un remboursement d'impôt ou d'un autre montant visé par la présente loi.

« opération » Une convention, un mécanisme ou un événement sont assimilés à une opération.

245(1) In this section, and in subsection 152(1.11),

"tax benefit" means a reduction, avoidance or deferral of tax or other amount payable under this Act or an increase in a refund of tax or other amount under this Act;

"tax consequences" to a person means the amount of income, taxable income, or taxable income earned in Canada of, tax or other amount payable by or refundable to the person under this Act, or any other amount that is relevant for the purposes of computing that amount;

"transaction" includes an arrangement or event.

(2) Where a transaction is an avoidance transaction, the tax consequences to a person shall be determined as is reasonable in the circumstances in order to deny a tax benefit that, but for this section, would result, directly or indirectly, from that transaction or from a series of transactions that includes that transaction.


(2) En cas d'opération d'évitement, les attributs fiscaux d'une personne doivent être déterminés de façon raisonnable dans les circonstances de sorte à supprimer un avantage fiscal qui, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, de cette opération ou d'une série d'opérations dont cette opération fait partie.

(3) L'opération d'évitement s'entend:

a) soit de l'opération dont, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, un avantage fiscal, sauf s'il est raisonnable de considérer que l'opération est principalement effectuée pour des objets véritables -- l'obtention de l'avantage fiscal n'étant pas considérée comme un objet véritable;

b) soit de l'opération qui fait partie d'une série d'opérations dont, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, un avantage fiscal, sauf s'il est raisonnable de considérer que l'opération est principalement effectuée pour des objets véritables -- l'obtention de l'avantage fiscal n'étant pas considérée comme un objet véritable.

(4) Il est entendu que l'opération dont il est raisonnable de considérer qu'elle n'entraîne pas, directement ou indirectement, d'abus dans l'application des dispositions de la présente loi lue dans son ensemble -- abstraction faite du présent article -- n'est pas visée par le paragraphe(2).

(3) An avoidance transaction means any transaction

(a) that, but for this section, would result, directly or indirectly, in a tax benefit, unless the transaction may reasonably be considered to have been undertaken or arranged primarily for bona fide purposes other than to obtain the tax benefit; or

(b) that is part of a series of transactions, which series, but for this section, would result, directly or indirectly, in a tax benefit, unless the transaction may reasonably be considered to have been undertaken or arranged primarily for bona fide purposes other than to obtain the tax benefit.

(4) For greater certainty, subsection(2) does not apply to a transaction where it may reasonably be considered that the transaction would not result directly or indirectly in a misuse of the provisions of this Act or an abuse having regard to the provisions of this Act, other than this section, read as a whole.

[4]                 Les faits sont relatés de façon minutieuse par le premier juge (motifs, paragraphes 1 à 45) et n'ont pas à être répétés. Il suffit pour les fins de l'appel de rappeler ce qui suit.

[5]                 DSF faisait partie d'un groupe de sociétés (Groupe Donohue) contrôlées par Donohue Inc. (Donohue). Le Groupe Donohue a investi à partir de 1988 des sommes considérables dans DMI pour financer la construction d'une usine de pâte à papier, les améliorations apportées à quatre scieries et les opérations de ces usines. Les quatre scieries étaient celles de Marsoui et Grande-vallée (scieries du littoral) et Lac-au-Saumon et St-Léon-Le-Grand (scieries de la vallée).


[6]                 Pour ce projet, Donohue s'est associé à la Société de récupération, d'exploitation et de développement forestier du Québec (Rexfor) et chacun des associés détenait 50% des actions ordinaires de DMI. La quote-part de Donohue était constituée de 62 150 000 actions reflétant un investissement de 62 150 000$.

[7]                 Toutes les opérations de production de pâte et celles des scieries ont dû être interrompues suite à la dégringolade du prix de la pâte à papier. À la fin de 1991, le placement de Donohue dans DMI n'avait plus aucune valeur alors que le prix de base rajusté des actions qu'elle détenait se situait à 62 210 000$.

[8]                 Afin de réaliser la perte économique résultant de ce placement, Donohue, avec la collaboration de Rexfor a procédé à une restructuration de son placement dans DMI. Après que Donohue ait dans un premier temps cédé à DSF son placement dans DMI et qu'il y eût radiation comptable de ce placement, la restructuration s'effectua comme suit :

            i)      Le 12 novembre 1993, une nouvelle compagnie, Donohue Matane (1993) Inc. (DMI 1993), fut créée, dans laquelle DMI souscrivit une action ordinaire. Les statuts de DMI 1993 permettaient l'émission d'actions ayant des caractéristiques similaires à celles des actions du capital-actions de DMI;


            ii)     Le 15 novembre 1993, DMI transféra à DMI 1993 la presque totalité de l'actif et du passif de DMI, à savoir essentiellement l'usine de pâte de Matane, les deux scieries du littoral et le centre de préparation du bois, valant au total 165 124 833$, et un passif pour un montant équivalent. Il ne restait dans DMI que les deux scieries de la vallée valant 2.5 millions $ et une dette envers la Société de développement industriel du Québec (la SDI) de 2.5 millions $;

            iii)    Le 17 novembre 1993, le capital versé des actions ordinaires de DMI fut réduit à 1$. À la même date, DSF et Rexfor, actionnaires à 50% chacune de DMI, devenaient également actionnaires à 50% chacune de DMI 1993, et les actionnaires qui étaient détenteurs d'actions privilégiées de DMI (Rexfor et la SDI) devenaient les actionnaires privilégiés de DMI 1993;

            iv)    Le 22 décembre 1993, les actions ordinaires de DMI furent vendues à Cédrico Inc. (tiers non lié) par DSF et par Rexfor, pour 2$, ce qui eût pour effet de matérialiser entre les mains de l'intimée la diminution de valeur inhérente aux actions qu'elle détenait dans DMI;

            v)     DSF fut en mesure de déduire la PDTPE résultant de cette vente à l'encontre de ses revenus pour l'année d'imposition 1990.

[9]                 L'aspect fiscal à retenir de cette opération est qu'elle fut structurée afin de maintenir à    62 210 000$ le prix de base rajusté des actions de DMI et de produire entre les mains de l'intimée une PDTPE de l'ordre de 46 675 499$ (75% de la perte enregistrée) qu'elle était en mesure d'utiliser pleinement à l'encontre de ses revenus de l'année 1990. L'opération faisait aussi en sorte que mis à part les deux scieries de la vallée, les actifs préalablement détenus par DMI demeuraient sous le contrôle de DSF et de Rexfor en tant qu'actionnaires de DMI 1993.


[10]            La cotisation en litige tient pour acquis que l'opération décrite ci-haut est en tout point conforme à la lettre de la Loi et produit tous les effets escomptés par l'intimée, sous réserve de l'application de l'article 245.

[11]            Le procureur de l'intimée a concédé devant le premier juge que l'opération en question en est une d'évitement au sens du paragraphe 245(3) et qu'elle a procuré à l'intimée un avantage fiscal au sens du paragraphe 245(1) (15 millions si l'on tient compte de l'impôt fédéral et provincial et 10 millions si l'on tient compte de l'impôt fédéral seulement). Il a cependant réussi à convaincre le premier juge que cette opération n'entraînait pas, directement ou indirectement, d'abus dans l'application des dispositions de la Loi lue dans son ensemble de sorte que l'application de la RGAE devait être écartée (voir le paragraphe 245(4)).

[12]            L'appelante prétend que le premier juge ne pouvait conclure à l'absence d'un abus de la Loi lue dans son ensemble. Elle lui reproche:

i)         d'avoir fait abstraction du contexte d'adoption de la règle générale anti-évitement édicté à l'article 245 de la Loi de l'impôt sur le revenu;

ii)        d'avoir mal compris le paragraphe 254(4) de la Loi et d'avoir fait reposer entièrement sur le Ministre le fardeau de démontrer qu'il y avait abus;

iii)       de ne pas avoir retenu le principe de base de la Loi lue dans son ensemble, selon lequel seules les pertes véritables sont déductibles;

iv)       d'avoir fait abstraction du résultat pratique des opérations d'évitement effectuées, à savoir l'obtention d'une perte tout en conservant le bien (l'usine de pâte) auquel la perte était attribuable;

v)        de ne pas avoir reconnu que la déduction de la perte attribuable au bien conservé allait à l'encontre du principe de base mentionné en iii) (mémoire de l'appelante, paragraphe 38).


[13]            L'essentiel de la thèse de l'appelante est que la perte réalisée lors de la vente des actions de DMI est attribuable à la diminution de la valeur des actifs de DMI et la réalisation de cette perte, alors que l'intimée conserve par le biais de DMI 1993 la majeure partie des actifs en question, procure un résultat qui va à l'encontre d'un "principe de base" qui sous-tend la Loi (mémoire de l'appelante, paragraphes 69 à 71 et 76 à 78). Selon ce principe, la Loi lue dans son ensemble envisagerait une forme d'appariement entre la valeur des biens d'une société et la valeur des actions de cette société de sorte que la transaction entre DSF et Cédrico Inc. n'aurait pas donné lieu à une "disposition réelle" ou à une perte "réalisée réellement" (mémoire de l'appelante, paragraphes 58 et 60).

[14]            C'est à bon droit selon moi que le premier juge a refusé de reconnaître l'existence du "principe de base" énoncé par l'appelante dans sa plaidoirie et a conclu que, partant, il n'aurait pu y avoir abus de la Loi. Dans l'affaire OSFC Holdings Ltd. c. La Reine, 2001 CAF 260, la Cour d'appel fédérale a indiqué que le paragraphe 245(4) comportait une analyse à deux étapes. Il s'agit dans un premier temps d'identifier le principe de base ou la politique générale sur lequel se fonde le ministre et ensuite de se demander si l'opération d'évitement constitue un abus, compte tenu de ce principe ou de cette politique (OSFC, paragraphe 67).

[15]            Le juge Rothstein précisa la portée de la première étape en ces termes :


[68] La détermination de la politique générale pertinente est une question d'interprétation. Dès lors, il incombe en fin de compte à la Cour de le faire. À cette étape de l'analyse, aucun fardeau ne pèse sur l'une ou l'autre des parties. Toutefois, dans une perspective pratique, le ministre doit faire beaucoup plus que de citer simplement le texte du paragraphe 245(4), et d'alléguer qu'il y a eu abus. Le ministre doit énoncer la politique générale en mentionnant les dispositions de la Loi ou les moyens extrinsèques sur lesquels il s'appuie. Si non, il place le contribuable et la Cour dans la position difficile d'essayer de deviner la politique pertinente en cause. Tenter de déterminer la politique générale qui sous-tend une disposition particulière ou une loi lue, dans son ensemble, dans le cas d'une loi aussi complexe que la Loi de l'impôt sur le revenu est une tâche difficile, surtout lorsque l'opération en question est conforme à la lettre de la Loi. Par conséquent, la Cour a besoin de l'aide des parties pour lui permettre de tirer la bonne conclusion. Néanmoins, avec ou sans cette aide, la Cour doit tenter de déterminer la politique générale pertinente.

[16]            Il a par la suite ajouté le commentaire suivant lequel fut récemment repris dans Water's Edge Village Estates (Phase II) c. La Reine, 2002 CAF 291 (paragraphe 52) :

[69] Il est également nécessaire de garder à l'esprit le contexte dans lequel est effectuée l'analyse relative à l'abus. L'opération d'évitement a respecté la lettre des dispositions applicables de la Loi. Néanmoins, l'avantage fiscal sera refusé s'il y a eu abus. Il n'est pas question d'essayer de deviner l'intention du Parlement en utilisant une analyse téléologique lorsque les mots utilisés dans une loi sont ambigus. Il s'agit plutôt d'invoquer une politique générale pour déroger aux mots que le législateur a utilisés. J'estime donc que pour refuser un avantage fiscal, alors que la Loi a été rigoureusement respectée, pour le motif que l'opération d'évitement constitue un abus, il faut que la politique générale pertinente soit claire et non ambiguë. La Cour fera preuve de prudence en se déchargeant de la tâche inhabituelle qui lui est imposée par le paragraphe 254(4). Elle doit être certaine que, même si les mots utilisés par le législateur autorisent l'opération d'évitement, la politique générale qui sous-tend les dispositions pertinentes ou la Loi lue dans son ensemble est suffisamment claire pour permettre à la Cour de conclure sans danger que l'application de la disposition ou des dispositions par le contribuable constituait un abus.

[17]            L'approche du premier juge est tout à fait conforme à celle préconisée dans les passages qui précèdent. Il a, tout d'abord, tenté de dégager de la Loi le principe de base sur lequel se fonde le ministre. Or, après une analyse exhaustive, il a dû constater que non seulement n'y a-t-il pas de politique claire et non ambiguë mais que le principe sur lequel se fonde le ministre n'existe tout simplement pas.


[18]            Selon le droit des sociétés, les biens d'une société par actions appartiennent à la société et non pas aux actionnaires. La Loi reconnaît cette réalité juridique comme elle reconnaît celle issue du droit privé. Tout le système d'imposition des sociétés et de leurs actionnaires est conçu en fonction de cette réalité juridique. C'est ce qui explique, comme le fait remarquer le premier juge, qu'un gain ou une perte peut être réalisé à un même moment par un actionnaire à l'égard de ses actions et par la société à l'égard de ses propres biens (motifs, paragraphe 76). Il n'existe pas de principe qui permettrait de consolider l'effet de ces transactions en les appariant. Le principe qui sous-tend la Loi, s'il en est un, est contraire à celui invoqué par le ministre.

[19]            Le législateur est évidemment libre de s'éloigner du droit des sociétés et de tenir compte des actifs d'une société aux fins de modifier les conséquences fiscales issues d'une vente d'actions. L'alinéa 40(2)h) est la seule disposition à même toute la Loi qui envisage une forme d'appariement. Elle a pour effet de réduire la perte issue d'une vente d'actions d'une société en soustrayant de la dite perte celle enregistrée à l'égard de certains éléments d'actif sous-jacents de la société. Cette disposition s'applique uniquement s'il s'agit de la vente d'actions d'une société contrôlée et dans certaines circonstances bien précises. De toute évidence, cette mesure ne s'applique pas dans le cas qui nous occupe (motifs, paragraphes 68 et 75) et l'on ne saurait prétendre qu'un principe d'appariement d'application générale puisse s'en dégager.


[20]            L'appelante a aussi porté à l'attention du premier juge et à la nôtre une série de dispositions (dont le paragraphe 85(4), le paragraphe 85(5.1), l'alinéa 40(2)e) et le paragraphe 97(3)) qui ont pour effet de différer ou minimiser la réalisation de pertes dans certaines circonstances. Or, comme le fait remarquer le premier juge, ces dispositions s'appliquent à l'égard de transactions entre personnes liées alors qu'ici, les actions de DMI ont bel et bien été vendues par DSF à Cédrico Inc., une société que DSF ne contrôlait pas et avec laquelle elle n'avait aucun lien de dépendance (motifs, paragraphe 78).

[21]            Le fait que les actions de DMI ont bel et bien été vendues et que cette vente fut définitive répond aussi aux arguments de l'appelante fondés sur le sous-alinéa 40(2)g)(i) et la notion de "perte apparente" qu'on y retrouve (motifs, paragraphe 55). Cette notion qui vise à contrer la manipulation de pertes (lorsqu'il y a vente et réacquisition du bien vendu ou d'un bien identique à l'intérieur de la période prescrite, voir l'article 53(i)), ne soutient d'aucune façon le "principe de base" invoqué par le ministre.

[22]            Comme l'indique le premier juge, rien dans la Loi empêche un contribuable de réaliser une perte sur des titres de société vendus à des tiers (non liés), même si une partie importante des actifs auxquels on pourrait attribuer la perte demeure à l'intérieur du groupe de sociétés (motifs, paragraphe 80). Il suffit pour s'en convaincre d'évoquer le cas d'une liquidation. La Loi permet en effet à une personne détenant moins de 90% des actions d'une société de réaliser une perte sur les actions lors de la liquidation tout en obtenant la propriété de partie des actifs sous-jacents de cette société. L'analyse du premier juge à cet égard n'a pas été remise en question par l'appelante dans le cadre de l'appel.


[23]            En fin d'analyse, dès lors qu'il est reconnu que la vente des actions par DSF à Cédrico Inc. s'est effectuée à distance et qu'elle constate une réelle diminution de valeur, il devient impossible de prétendre que l'opération visée par le ministre comporte un abus quelconque au sens du paragraphe 245(4). En effet, il n'existe aucune disposition législative et aucun facteur extrinsèque à la Loi qui nous permettrait de constater l'existence du "principe de base" invoqué par le ministre à l'égard d'une vente d'actions entre personnes qui traitent à distance.

[24]            À cet égard, l'appelante a maintenu devant le premier juge que Cédrico Inc. avait "accommodé" le Group Donohue. Elle reproche au premier juge de ne pas avoir tenu compte de la preuve qui appuierait "cette conclusion de fait" sur laquelle le ministre se serait fondé (mémoire de l'appelante, paragraphe 32).

[25]            Je dois dire que cet argument m'échappe complètement. La reconnaissance par le ministre de la perte réalisée par DSF (sous réserve de l'article 245) présuppose que DSF et Cédrico Inc. n'avaient entre elles aucun lien de dépendance (voir le sous-alinéa 39(1)c)ii) qui précise qu'une PDTPE n'est disponible qu'à l'égard d'une disposition "en faveur d'une personne avec laquelle [le cédant] n'a aucun lien de dépendance"). C'est donc qu'en alléguant que Cédrico Inc. aurait "accommodé" le Groupe Donohue, l'appelante ne prétend pas que Cédrico Inc. et DSF avaient un lien de dépendance (voir l'alinéa 251(1)b)). Ceci étant, l'allégué de l'appelante emporte aucune conséquence reconnue par la Loi, ce qui explique, sans doute, pourquoi le premier juge ne s'y est pas attardé.


[26]            À tout événement, la preuve révèle sans équivoque qu'en acquérant les actions de DMI les dirigeants de Cédrico Inc. ont obtenu exactement ce qu'ils voulaient. Rien ne permet de suggérer qu'ils se sont subjugués aux intérêts du Groupe Donohue ou qu'ils ont agi autrement que dans le meilleur intérêt de Cédrico Inc. (voir l'affaire Peter Cundill and Associates Ltd. v. Canada, [1991] 1 C.T.C. 197, (C.F. 1er inst.), confirmée [1991] 2 C.T.C. 221 (C.A.F.) et les causes qui y sont citées). Les faits mis en preuve n'établissent pas de lien de dépendance entre Cédrico Inc. et le Groupe Donohue.

[27]            Je rejetterais l'appel, avec dépens.

    

                "Marc Noël"                     

j.c.a.

"Je souscris à ces motifs.

Alice Desjardins j.c.a."

"Je suis d'accord.

J.D. Denis Pelletier j.c.a."

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.