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Date : 20030926

Dossier : A-649-00

Référence : 2003 CAF 351

CORAM :       Le juge Desjardins

Le juge Létourneau

Le juge Noël

ENTRE :

                                                               JEAN-ROCK MASSÉ

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                                             LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                                                      défendeur

                                   Audience tenue à Québec (Québec), le 16 septembre 2003.

                                   Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 26 septembre 2003.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                            LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                          LE JUGE DESJARDINS

LE JUGE LÉTOURNEAU


Date : 20030926

Dossier : A-649-00

Référence : 2003 CAF 351

CORAM :       Le juge Desjardins

Le juge Létourneau

Le juge Noël

ENTRE :

                                                               JEAN-ROCK MASSÉ

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                                             LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                                                      défendeur

                                                           MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NOËL

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'un jugement rendu par le juge Tardif de la Cour canadienne de l'impôt (2002 D.T.C. 6823; [2002] 3 C.T.C. 431), rejetant l'appel du demandeur à l'encontre de cotisations émises pour les années d'imposition 1994, 1995, 1996 et 1997.


[2]                 La question en litige porte sur la déduction de pertes locatives encourues par le demandeur à l'égard d'un condominium situé en Floride.

Contexte procédural

[3]                 C'est la deuxième fois que cette demande de contrôle judiciaire se présente devant nous. Elle fut rejetée une première fois le 28 février 2002. Les motifs rendus au soutien de cette décision précisent que la Cour n'était pas en mesure de distinguer la présente affaire de la décision de notre Cour dans Stewart c. Canada, 2000 D.T.C. 6163 qui était alors pendante devant la Cour suprême.

[4]                 Le demandeur logea une demande d'autorisation d'en appeler afin de protéger ses droits jusqu'à ce que la Cour suprême se prononce dans l'affaire Stewart. L'appel fut éventuellement accueilli (Stewart c. Canada, 2002 D.T.C. 6969).

[5]                 Conséquemment, la Cour suprême ordonnait que la présente affaire soit renvoyée devant notre Cour pour qu'elle soit décidée à nouveau à la lumière de sa décision dans Stewart. C'est ainsi que la Cour est appelée à se pencher une deuxième fois sur la demande de contrôle judiciaire logée par le demandeur.


Faits

[6]                 Le demandeur, un homme d'affaire de Québec, a acquis, en mars 1992, un condominium en Floride. La majeure partie du coût d'acquisition qui se chiffrait à 113 485 $ (Can.) fut financée par voie d'hypothèque.

[7]                 Au moment de l'acquisition, le promoteur immobilier faisait valoir qu'un service de location était disponible pour louer les unités acquises. Le demandeur prétend avoir acheté son unité avec l'intention de se prévaloir de ce service.

[8]                 Les revenus générés par la location du condominium s'avérèrent très décevants. En 1995, le demandeur décida de mandater une voisine, propriétaire d'un condo sur le même site, pour s'occuper de la location de son unité.

[9]                 Le juge de la Cour de l'impôt a retenu du témoignage du demandeur qu'il n'a pas été en mesure d'indiquer ou de décrire les démarches effectuées par cette voisine pour louer son condo si ce n'est qu'il croyait qu'elle faisait paraître de petites annonces à différents endroits.

[10]            Selon les informations fournies par le demandeur, le condominium a été loué 4 semaines en 1993, 4 semaines en 1994, 5 semaines en 1995, 4 semaines en 1996 et 4 semaines en 1997.


[11]            Le demandeur a utilisé son condominium à des fins personnelles pendant deux à quatre semaines au cours de chacune des années en litige. D'ailleurs pour l'année d'imposition 1996, le revenu de location déclaré provient de lui-même pour deux des quatre semaines de location.

[12]            Enfin, la preuve a aussi révélé qu'un certain nombre de locataires était soit des amis ou des relations d'affaires.

[13]            L'appelant a déclaré les revenus bruts et les pertes nettes qui suivent :

Années

1993

1994

1995

1996

1997

Revenus bruts

5 250

2 926

3 569

2 454

3 252

Pertes nettes

(11 654)

(10 719)

(10 793)

(9 813)

(6 973)

[14]            Les pertes nettes découlent pour la majeure partie de frais de financement lesquels s'établissaient à 8 340 $, 8 001 $, 7 603 $ et 7 400 $ pour les années 1994, 1995, 1996 et 1997 respectivement.

[15]            Par voie de nouvelles cotisations émises en date du 5 janvier 1998, le ministre a refusé les pertes de location réclamées par le demandeur.


Décision attaquée

[16]            Le juge de la Cour de l'impôt en est venu à la conclusion que le demandeur n'avait pas d'espoir raisonnable de profit à l'égard de son condo. Selon lui, la considération principale du demandeur n'était pas la recherche de profit mais plutôt l'avantage personnel de posséder un condo en Floride, dont partie des coûts serait assumée par l'État.

[17]            Le juge de la Cour de l'impôt a fait état du coût élevé de l'hypothèque et a aussi insisté sur le fait que le demandeur n'avait pas de plan d'affaire sérieux. Selon le juge, le demandeur       « n'a consulté personne et n'a fait aucun plan d'affaires ou plan de relance. Il a laissé aller les choses et continué de faire confiance à une formule qui, après plusieurs années, n'a donné que des résultats plus que décevants » (motifs, paragraphe 29).

Analyse et décision

[18]            Comme je le disais précédemment, notre Cour s'est déjà prononcée sur le bien-fondé de la demande de contrôle judiciaire à la lumière de la jurisprudence telle qu'elle existait avant la décision de la Cour suprême dans l'affaire Stewart. La question qui se pose est celle de savoir si la décision de la Cour suprême dans cette affaire peut venir en aide au demandeur.

[19]            Dans l'affaire Stewart, la Cour suprême a jugé que le critère de l'espoir raisonnable de profit pour juger de l'existence d'une source de revenu ne s'applique que dans certaines circonstances (paragraphe 60) :


En résumé, la question de savoir si le contribuable a ou non une source de revenu doit être tranchée en fonction de la commercialité de l'activité en cause. Lorsque l'activité ne comporte aucun aspect personnel et qu'elle est manifestement commerciale, il n'est pas nécessaire de pousser l'examen plus loin. Lorsque l'activité peut être qualifiée de personnelle, il faut alors déterminer si cette activité est ou non exercée d'une manière suffisamment commerciale pour constituer une source de revenu.

[20]            Dorénavant, ce n'est que dans la mesure où l'activité comporte un aspect personnel que la Cour peut considérer les facteurs énumérés dans l'arrêt Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480. Plus précisément, l'existence d'un aspect personnel :

... oblige le contribuable à établir que son intention prédominante était de tirer profit de l'activité et que l'activité a été exercée conformément à des normes objectives de comportement d'homme d'affaires sérieux (Stewart, au para 54).

[21]            En l'occurrence, le juge de la Cour de l'impôt en est venu à la conclusion que ce que recherchait le demandeur d'abord et avant tout était l'avantage de détenir un condominium en Floride à ses fins personnelles. Je suis d'avis que la preuve donnait ouverture à cette conclusion. Ce disant, j'ai à l'esprit, entre autre, les nombreux séjours qu'effectuait le demandeur à son adresse en Floride.


[22]            Le premier juge se devait donc d'appliquer les critères de l'arrêt Moldowan et s'interroger quant à l'espoir raisonnable de profit que pouvait entretenir le demandeur. C'est effectivement ce qu'il fit et son analyse à cet égard est difficilement attaquable. En particulier, le piètre état des revenus de location lorsque considéré à la lumière du coût élevé des frais de financement et de l'absence d'un plan d'affaire sérieux permettait au juge de la Cour de l'impôt de conclure que le demandeur n'avait pas un espoir raisonnable de profit.

[23]            Somme toute, l'analyse du juge de la Cour de l'impôt est conforme à l'approche préconisée par la Cour suprême dans l'affaire Stewart et le résultat auquel il en est arrivé était justifié par la preuve.

[24]            Je rejetterais la demande de contrôle judiciaire avec dépens.

                          "Marc Noël"                                

j.c.a.

"Je souscris à cette opinion.

Alice Desjardins, j.c.a."

"Je suis d'accord.

Gilles Létourneau, j.c.a."


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                       SECTION D'APPEL

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                       A-649-00

INTITULÉ :                      JEAN-ROCH MASSÉ c. MINISTRE DU REVENU NATIONAL

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             QUÉBEC (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           16 SEPTEMBRE 2003

MOTIFS DU JUGEMENT PAR : LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                       LE JUGE DESJARDINS

LE JUGE LÉTOURNEAU

DATE DES MOTIFS :                                     LE 26 SEPTEMBRE 2003

COMPARUTIONS :

Me Richard Binet                                                 POUR LE DEMANDEUR

Me Valérie Tardif                                                 POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :                                             

Binet, Leclerc, Lajoie                                            POUR LE DEMANDEUR

Beauport (Québec)

Morris Rosenberg                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


Ottawa (Ontario)


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