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                                                          A-437-96


 

 

 

 

CORAM:      LE JUGE STRAYER

            LE JUGE MacGUIGAN

            LE JUGE McDONALD

 

 

 

 

 

Entre :

 

                            BUDDY LEE,

 

                                                          appelant

                                                      (requérant),

 

                                et

 

 

        LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE,

                   LA BRITISH COLUMBIA MARITIME       EMPLOYERS ASSOCIATION,

 

                                                           intimée

                                                        (intimée).

 

 

 

 

 

 

 

 

Audience tenue à Vancouver (C.-B.), les 24 et 25 avril 1997.

 

 

Motifs prononcés à l’audience, à Vancouver (C.-B.),

le vendredi 25 avril 1997.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE MacGUIGAN

 

 


                                                          A-437-96


 

 

CORAM:      LE JUGE STRAYER

            LE JUGE MacGUIGAN

            LE JUGE McDONALD

 

 

Entre :

 

                            BUDDY LEE,

 

                                                          appelant

                                                      (requérant),

 

                                et

 

        LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE,

                   LA BRITISH COLUMBIA MARITIME       EMPLOYERS ASSOCIATION,

 

                                                           intimée

                                                        (intimée).

 

 

                        MOTIFS DU JUGEMENT

           (Prononcés à l’audience, à Vancouver (C.-B.),

                    le vendredi 25 avril 1997.)

 

 

LE JUGE MacGUIGAN

 

      Il s’agit de la quatrième audition de la contestation de l’appelant de la révocation, par son employeur, de son inscription à titre de débardeur.  L’appelant allègue avoir été victime d’une distinction fondée sur une déficience, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la Loi).

 

            L’appelant souffre d’une déficience par suite de blessures qu’il a subies pendant son enfance, soit [TRADUCTION] « un trouble de la parole, une démarche quelque peu maladroite et une atonie des extrémités gauches » (dossier d’appel I, 101) qui ont occasionné plusieurs accidents de travail de 1981 à 1983.  Ces accidents ont soulevé des doutes quant à sa productivité et sa capacité de travailler de façon sécuritaire.

 

            Après un examen minutieux de la preuve, un tribunal des droits de la personne composé d’une seule personne a conclu, en 1989 :[TRADUCTION] La preuve étaye l’analyse de l’employeur selon laquelle Buddy Lee ne pouvait accomplir, de façon sécuritaire ou productive, que très peu de tâches sur le quai.  L’incident survenu à la Casco a démontré qu’il ne pouvait ni charger ni décharger des poches, ce qui constitue l’une des tâches les plus répandues sur le quai.  Il était incapable d’entasser des boîtes contenant des bouteilles de boissons alcooliques, comme il est ressorti de l’incident qui s’est produit chez Empire.  Il était également incapable d’accomplir l’une ou l’autre des tâches aux installations de chargement de blé et il ne pouvait, sans aide, travailler sur un grumier comme calier.

 

          Chose plus importante, plusieurs témoins se sont dit préoccupés par la sécurité de Buddy Lee.  Il ne s’agissait pas d’opinions fondées sur des impressions, mais bien d’avis fondés sur des comptes rendus de témoins oculaires concernant l’inaptitude de Buddy Lee à marcher sur les billes, les faux pas qu’il a faits sur des camions porte-container, le fait qu’il a glissé dans une échelle et qu’il devait ramper sur les mains et les pieds pour déplacer des poches de grain, et son manque d’attention lorsqu’il travaillait près de câbles en mouvement ou de chariots élévateurs à fourches.

 

            Un tribunal d’appel composé de trois personnes a conclu en 1995 que le tribunal initial avait appliqué la bonne définition légale d’une exigence professionnelle justifiée (une EPJ), prévue à l’alinéa 15a) de la Loi, lorsqu’il a conclu que les normes de l’employeur en ce qui concerne la forme physique, en particulier le fait d’être coordonné, constituait une EPJ.

 

            L’appelant a d’abord interjeté appel de cette conclusion devant le tribunal d’appel, puis devant le juge Muldoon en contrôle judiciaire et devant la présente Cour en appel, au motif que l’EPJ avait été établie sur le fondement d’une preuve impressionniste, même s’il y avait peu, voire une absence totale de preuve scientifique ou médicale.

 

            La seule preuve scientifique ou médicale concernant l’état de santé de l’appelant était un examen médical de routine fait le 11 mai 1979, qui le déclarait apte à accomplir un travail de débardeur.  Cependant, le tribunal initial a conclu que cela était [TRADUCTION] « un examen médical imparfait et superficiel » (dossier d’appel I, 133).  L’appelant a refusé ou omis de se soumettre au deuxième examen médical ordonné par l’employeur.  Par conséquent, la seule preuve fiable dont on disposait était le témoignage des compagnons de travail et des superviseurs de l’appelant.

 

            Bien que le juge McIntyre, dans l’arrêt Commission ontarienne des droits de la personne c. La municipalité d’Etobicoke, [1982] 1 R.C.S. 202 ait louangé la preuve scientifique relative aux EPJ et fait une mise en garde en ce qui concerne les dangers de la preuve impressionniste, il a également dit (212):   Je ne dis absolument pas qu’une «preuve scientifique» sera nécessaire dans tous les cas.

 

La sorte de preuve requise dépend évidemment des circonstances.

 

            Nous sommes tous d’avis que la déclaration suivante du juge Muldoon (dossier d’appel III, 475-476) applique admirablement la loi à l’espèce :

          En l'absence d'une opinion professionnelle servant de preuve scientifique, les observations factuelles des témoins oculaires, non spécialisés, peuvent permettre d'établir les habiletés personnelles du plaignant (Graat c. La Reine, [1982] 2 R.C.S. 819).  En l'occurrence, l'appréciation des habiletés du requérant relativement à l'exécution de ses différentes tâches est une question de fait.  Un témoin factuel non spécialisé, plus particulièrement s'il a beaucoup d'expérience dans des fonctions ou à un poste pertinents, peut donner sur cette question, un témoignage convaincant qui, s'il est crédible, peut s'avérer probant et déterminant.  C'est le cas de la preuve présentée devant le tribunal initial.

 

                   Cette preuve n'est pas «impressionniste» si elle ne s'appuie pas sur des généralités insignifiantes (p. ex., «une affaire de jeune homme»), mais sur des observations précises crédibles sur les méthodes employées et les habiletés manifestées par le plaignant en cause relativement à une ou plusieurs tâches données.  Tel était le cas en l'espèce.

 

            L’appelant a également soutenu que le juge Muldoon a commis une erreur lorsqu’il n’a pas appliqué les ordonnances rendues par la Commission canadienne des droits de la personne aux termes du par. 27(2) de la Loi, lesquelles étaient en vigueur au moment de la révocation de l’inscription de l’appelant.  Nous estimons qu’il n’est pas nécessaire d’examiner la teneur des ordonnances, car nous sommes d’avis que leur révocation en 1988, avant la tenue de la première audition de la présente affaire, était rétroactive.  La Loi prévoit au par. 27(3) que :

(3) Les ordonnances prises en vertu du paragraphe (2) lient, jusqu'à ce qu'elles soient abrogées ou modifiées, la Commission, les tribunaux des droits de la personne [...] et les tribunaux d'appel [...].

 

                                                                                                                           [Non souligné dans l’original.]

            À notre avis, les mots « jusqu’à ce qu’elles soient abrogées » signifient qu’après la révocation, de telles procédures ne sont pas exécutoires, même relativement aux faits antérieurs.

 

            De plus, comme le tribunal d’appel a conclu, il n’était pas loisible à l’appelant de se fonder sur les ordonnances puisqu’il n’a soulevé aucune question portant sur ces dernières dans l’avis d’appel qu’il a remis au Tribunal.

 

            Enfin, l’appelant a prétendu que le juge Muldoon a commis une erreur lorsqu’il n’a pas conclu que le fait que Mike Cahan, la personne directement responsable de son congédiement, l’ait traité de [TRADUCTION] « inadapté » était discriminatoire.  De fait, dans sa plaidoirie, l’avocat de l’appelant a prétendu que le juge Muldoon avait effectivement traité son client d’inadapté, et il a menacé de se retirer de la pratique du droit dans un délai d’un mois si la Cour ne se rétractait pas.

 

            M. Cahan a fait la déclaration suivante à un enquêteur de la Commission (dossier d’appel I, 73) :[TRADUCTION] « Q                Quel autre employé a perdu son inscription parce qu’il posait un danger pour la sécurité?

 

R             Nous n’avons pas révoqué l’inscription de plusieurs employés, car nos effectifs ne comprennent pas beaucoup d’inadaptés ».

            Il est vrai que cela équivalait à une allégation indirecte que l’appelant était un inadapté, bien que cette allégation n’ait pas été formulée d’une manière insultante en présence de l’appelant et que, en fait, elle ait été formulée après que ce dernier a été embauché.  De plus, elle n’avait rien à voir avec un motif de distinction prévu par la loi, c’est-à-dire, une déficience.  En effet, M. Cahan a témoigné que, pendant toute la durée de l’emploi de l’appelant, période pendant laquelle un congédiement discriminatoire aurait pu se produire, il n’a jamais été au courant de la déficience de ce dernier.  Le mot [TRADUCTION] « inadapté » portait sur les dangers pour la sécurité (comme la question le précise) et non sur la déficience.

 

            Avec égards, nous souscrivons complètement au fond de la déclaration du juge Muldoon (dossier d’appel III, 477-478) :Le choix du terme «inadaptés» n'était pas heureux, mais il ne dénote pas de la part [des employeurs] un préjugé contre M. Buddy Lee, comme l'a fait valoir son avocat [...]. Ce terme [...] se rapporte seulement à l'activité ou à l'habileté à laquelle on le rattache.  En ce qui a trait aux faits et au requérant en cause, il ne peut donner lieu à aucune prétention susceptible de changer l'issue de l'instance.

 

Pour être discriminatoire au sens de la Loi, il aurait fallu que le mot exprime un état d’esprit préjudiciable relativement à la déficience.  En l’espèce, cela ne s’est pas produit étant donné que M. Cahan ignorait que l’appelant avait une déficience et vu le libellé de la question à laquelle ce dernier répondait. 

 

            L’unique mention du juge de première instance que l’appelant était un inadapté doit être interprétée, comme il le dit dans ses propres mots, de la même façon non péjorative dont il se décrit lui-même en tant qu’inadapté, dans certains contextes.

 

            Nous sommes tous d’avis que l’appel ne peut réussir malgré tous les motifs invoqués.


            Étant donné que l’intimée fait grâce des dépens, il n’y a pas lieu à adjudication de dépens.

 

 

 

                                                       (Signé) « Mark MacGuigan »

                                                                      J.C.A.

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                      __________________________

                                                                      Bernard Olivier, LL.B.


               AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :            BUDDY LEE

 

                                                               - c. -

 

 

LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE, LA BRITISH COLUMBIA MARITIME                                   EMPLOYERS ASSOCIATION

 

 

NO DU GREFFE :                               A-437-96

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                      Vancouver (C.-B.)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               les 24 et 25 avril 1997

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE MacGUIGAN

prononcés à l’audience, à Vancouver (C.-B.),

le vendredi 25 avril 1997

 

 

 

ONT COMPARU :

 

            M. Dugald Christie                                                             pour l’appelant

                                                                                                                 (requérant)

 

 

            M. Patrick M. Gilligan-Hackett                                           pour l’intimée

                                                                                                 La British Columbia

                                                                             Maritime Employers Association

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

            M. Dugald Christie                                                             pour l’appelant

Avocat                                                                                                     (requérant)

Vancouver (C.-B.)

 

 

            Alexander Holburn                                                              pour l’intimée

            Vancouver (C.-B.)                                                      La British Columbia

                                                                             Maritime Employers Association

 

 

 

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