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Federal Court of Appeal

Cour d'appel fédérale

Date : 19991115

Dossier : A-249-96

 

CORAM :      LE JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

 

DANS L’AFFAIRE de la Loi de l’impôt sur le revenu

ENTRE :

CONSTRUCTION BÉROU INC.

(anciennement FORTIN & MOREAU INC.)

Appelante

(défenderesse et demanderesse reconventionnelle)

et

SA MAJESTÉ LA REINE

Intimée

(demanderesse et défenderesse reconventionnelle)

 

 

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le jeudi 13 mai 1999

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le lundi 15 novembre 1999

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :                                                     LE JUGE DESJARDINS

MOTIFS CONCORDANTS PAR :                                                LE JUGE LÉTOURNEAU

 

MOTIFS DISSIDENTS PAR :                                                                         LE JUGE NOËL

 



Federal Court of Appeal

Cour d'appel fédérale

Date : 19991115

Dossier : A-249-96

 

CORAM :      LE JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

 

DANS L’AFFAIRE de la Loi de l’impôt sur le revenu

ENTRE :

CONSTRUCTION BÉROU INC.

(anciennement FORTIN & MOREAU INC.)

Appelante

(défenderesse et demanderesse reconventionnelle)

et

SA MAJESTÉ LA REINE

Intimée

(demanderesse et défenderesse reconventionnelle)

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE DESJARDINS

 

[1]               La question que nous sommes appelés à décider est celle de savoir si l’appelante, durant l’année d’imposition 1982, avait ou non fait "l’acquisition" de camions à bennes au sens des alinéas 13(21)b), 20(1)c) et 127(10.1)d) de la Loi de l’impôt sur le revenu ("la Loi") lorsqu’elle signa des contrats de crédit-bail avec deux sociétés de financement, soit la Compagnie de Location C.A.C. et RoyLease Ltée.

 

[2]               Les détails de ces contrats et les faits qui sont à l’origine du présent débat ont été longuement expliqués par mon collègue le juge Noël.  Je n’ai donc pas à les reprendre.  Je note seulement qu’en plus d’avoir la possession et l’usage des camions à bennes, les risques inhérents à l’achat et à la possession de ces camions étaient assumés par l’appelante et que les contrats contenaient des options d’achat.  Les contrats de crédit-bail étaient de plus conformes à la description que l’on retrouve dans les Bulletins d’interprétation IT-233 du 14 juillet 1975 et
IT-233R du 11 février 1983, notamment aux alinéas c) et d) du paragraphe 3. Ils rencontraient les exigences qui permettent de conclure que, suifant ces bulletins, ces contrats constituaient des ventes et non des locations aux fins de l’amortissement, de l’allocation de coût en capital et du crédit d’impôt à l’investissement.

 

[3]               La Loi contenait, à l’époque pertinente, deux dispositions capitales pour ce dossier : soit le sous-alinéa 54c)(v) et le paragraphe 248(3).  Ces dispositions ont été adoptées suite au Rapport de la Commission royale d’enquête sur la fiscalité (la "Commission Carter")[1] laquelle avait recommandé l’imposition d’une taxe sur le profit de capital.  La Commission Carter recommandait que les mots "disposition de biens" aient un sens large de façon à couvrir de multiples situations.[2]  Sur plusieurs points, le Livre blanc sur la réforme fiscale n’alla pas aussi loin que les recommandations du Rapport Carter.[3]  Le principe d’une taxe sur le profit de capital fut cependant reconnu. Il fallut donc arrêter avec le plus de précision possible le concept de "disposition de biens" donnant ouverture au profit de capital.  Le Parlement canadien adoptait le 23 décembre 1971 le sous-alinéa 54c)(v) de la Loi qui se lit comme suit :

 

54c)  "disposition de biens" comprend, sauf dispositions contraires expresses,

 

(i)  toute opération ou tout événement donnant droit au contribuable au produit de la disposition de biens,

[...]

mais, pour plus de précision, ne comprend pas

[...]

(v)  tout transfert de biens, lorsqu’il y a un changement dans le legal ownership du bien sans changement dans le beneficial ownership de ce bien.

 

54(c)  "disposition" of any property, except as expressly otherwise provided, includes

 

(i)  any transaction or event entitling a taxpayer to proceeds of disposition of property,

[...]

but, for greater certainty, does not include

[...]

(v)  any transfer of property by virtue of which there is a change in the legal ownership of the property without any change in the beneficial ownership thereof.

 

 

[4]               Et comme il devait n’y avoir qu’une seule notion de l’expression "disposition de biens" applicable à travers le Canada, le paragraphe 248(3) de la Loi fut adopté spécialement pour son application en droit civil.

248. (3)  Aux fins de l’application de la présent loi dans la province de Québec, l’expression "droit de jouissance" à l’égard d’un bien signifie le droit de la personne qui a ou avait la pleine propriété d’un bien, même si ce bien et grevé d’une servitude, le droit détenu par un usufruitier, un preneur dans un bail emphytéotique, un grevé dans un substitution ou un bénéficiaire dans une fiducie.

 

248. (3)  In its application in relation to the Province of Quebec, a reference in this Act to any property that is or was beneficially owned by any person shall be read as including a reference to property in relation to which any person has or had the full ownership whether or not the property is or was subject to a servitude, or has or had a right as a usufructuary, a lessee in an emphyteutic lease, an institute in a substitution or a beneficiary in a trust; and a reference in this Act to the beneficial owner of any property shall be read as including a reference to a person who has or had, accordingly as the context requires, such ownership as a right in relation to that property.                                      [Je souligne]

 

 

[5]               La version française du paragraphe 248(3) fut améliorée par la Loi de 1985[4] pour se lire :

 

248(3)  Pour l’application de la présente loi dans la province de Québec, "propriété effective", à l’égard d’un bien, s’entend notamment du droit de la personne qui a ou avait la pleine propriété d’un bien, même si ce bien est grevé d’une servitude, du droit détenu par un usufruitier, un preneur dans le cas d’un bail emphytéotique, un grevé dans le cas d’une substitution ou un bénéficiaire dans le cas d’une fiducie.

 

[Je souligne]

 

 

[6]               Le Parlement canadien a ainsi taillé, pour des fins fiscales et pour l’ensemble du Canada, un concept commun couvrant les notions de "disposition de biens" ("disposition") et de "propriété effective" ("beneficial ownership"), autant en droit civil qu’en common law; le corollaire de ces dispositions étant que lorsqu’il y a "disposition de biens" pour une partie à un contrat, l’autre partie en fait l’"acquisition"[5] ou en obtient la "propriété effective".

 

[7]               Comme le relate mon collègue le juge Noël au paragraphe 65 de ses motifs, les parties ont reconnu que l’effet de l’alinéa 54c)(v) est d’incorporer à la Loi la règle de common law selon laquelle un bien est assujetti à une disposition lorsqu’il y a transfert du "beneficial ownership", même si le "legal ownership" demeure inchangé, et que la règle énoncée au sous-alinéa 54c)(v) s’applique autant au système d’imposition du gain en capital qu’au mécanisme d’amortissement.

 

[8]               Ceci étant dit, dans la mesure où les contrats de crédit-bail en l’espèce sont assimilables à des contrats reconnaissant une "propriété effective" à la manière des contrats mentionnés à titre d’exemple au paragraphe 248(3) de la Loi, la propriété effective des camions à bennes a été acquise par l’appelante lors de la passation des contrats en 1982.  Le fait que l’opération de crédit-bail comporte la vente par un fabricant ou un distributeur à une société de financement d’une chose choisie par le client pour son propre usage, et le louage de cette même chose par la société de financement au client,[6] ne change rien à la proposition que je viens d’énoncer.  Puisque l’appelante avait la possession et l’usage des camions à bennes, en plus d’en assumer les risques et les obligations,[7] elle a obtenu la "propriété effective" de ces biens en 1982.

 

[9]               Mon collègue, le juge Noël, conclut cependant qu’il ne peut en être ainsi.  Selon lui, les contrats en cause ne peuvent être assimilés à des ventes à tempérament, par exemple, parce que l’intention des parties fut autre.  Il cite à l’appui les clauses d’option des contrats, qui prévoyaient que le transfert du titre et de la propriété des camions n’aurait lieu qu’au moment où l’option serait levée et le prix de l’option acquitté,[8] pour conclure que les parties ont voulu écarter l’application du paragraphe 248(3) de la Loi puisque la vente de camions à bennes ne devait opérer qu’à une date ultérieure.

 

[10]           Je ne crois pas qu’il faille ainsi interpréter ces clauses et leur donner l’effet que suggère le juge Noël.

 

[11]           Il est vrai que la clause 20, par exemple, déclare qu’au moment où l’appelante (le locataire) exercera l’option d’achat, elle "ne recevra le titre et droit de propriété de l’équipement loué qu’après avoir payé en espèces au locateur le prix de l’option d’achat..."[9] [Je souligne].

 

[12]           Je ne vois cependant pas là une clause qui fasse échec à l’application du paragraphe 248(3) de la Loi.  Il s’agit d’une clause type qui reflétait l’état du droit civil applicable à l’époque, selon lequel le locataire n’obtenait un droit réel sur la chose louée qu’à l’étape de l’option.  Le professeur Jobin, dans Traité de droit civil – Le louage de choses[10] explique d’ailleurs à la page 71 :

 

                On trouve dans certaines conventions une option d’achat en faveur du client, mais ce n’est pas une clause standard.  Certes, il se peut qu’il devienne propriétaire de la chose à la fin du contrat, mais c’est là une simple possibilité, qui d’ailleurs n’entraîne aucun droit réel avant cette étape ultime.  Et même quand il y a une option d’achat, on remarquera que l’essence du crédit-bail, au Québec, n’implique pas de transfert de propriété.  Ce contrat ne confère pas de droit réel au client, mais uniquement un jus ad rem.                                                                                                       [Je souligne]

 

 

[13]           Cependant, en 1982, lorsque les contrats de crédit-bail furent signés, le paragraphe 248(3) de la Loi était déjà en place et déclarait, pour des fins fiscales, que certains contrats étaient facteurs de transmission de la "propriété effective".  À titre de comparaison et afin de clarifier ma pensée, j’ajoute que, par exemple, même si l’usufruitier n’est pas le propriétaire d’un bien en droit civil, il peut, dans les faits, en avoir la "propriété effective" au sens du paragraphe 248(3) de la Loi puisque ce paragraphe crée ses propres notions de "propriété effective".

 

[14]           En l’espèce, malgré la clause 20 des contrats qui régissait le droit des parties en droit civil, le droit fiscal, par le jeu du paragraphe 248(3) de la Loi, reconnaissait que l’appelante avait acquis la propriété effective des camions à bennes puisqu’elle rencontrait les trois facteurs : possession, usage et risques, reconnus par la jurisprudence.

 

[15]           Je ne vois aucunement dans la clause 20 la preuve de l’intention des parties de s’écarter du paragraphe 248(3) de la Loi  Au contraire, les parties ont agi conformément au droit civil parce que c’était le régime juridique qui les régissait.  Elles ont agi également conformément aux bulletins d’interprétation, ce qui indique qu’elles voulaient rencontrer les exigences du paragraphe 248(3) de la Loi.

 

[16]           Je conclus que, pour l’année fiscale 1982, l’appelante a droit à l’amortissement des biens selon l’alinéa 13(21)b) de la Loi.  Ce faisant, à cette même date, elle a "acquis" ces mêmes biens au sens des alinéas 20(1)c) et 127(10.1)d) de la Loi et a, par conséquent, également droit à la déduction des intérêts et au crédit d’impôt à l’amortissement.

 

[17]           Je disposerais de cette affaire tel que le suggère mon collègue le juge Létourneau.

 

"Alice Desjardins"

j.c.a.

 


Cour d’appel fédérale

Federal Court of appeal

 

Date : 19991115

Dossier : A-249-96

 

CORAM :       LE JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

 

ENTRE :

CONSTRUCTION BÉROU INC.

(Anciennement Fortin & Moreau Inc.)

Appelante

 

ET :

SA MAJESTÉ LA REINE

Intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE LÉTOURNEAU

 

[1]               J’ai eu le bénéfice de lire les motifs de mon collègue, le juge Noël, et je ne peux être d’accord avec ses conclusions et certains des motifs qu’il exprime.

 

[2]               Je suis toutefois d’accord avec lui que le paragraphe 248(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu (Loi) représente un effort du législateur d’assimiler le "beneficial ownership" d’un bien à diverses formes de propriété propres au droit civil québécois dans le but évident de faire bénéficier les contribuables québécois des mêmes avantages que cette notion permet d’octroyer aux contribuables des provinces de common law.  La tâche n’était pas facile à l’époque car les concepts de propriété étaient différents dans les deux systèmes de droit, et les démembrements du droit de propriété, plus limités en droit civil québécois qu’en common law, ne correspondaient pas nécessairement à ceux de common law au niveau conceptuel.  Malgré tout, l’effort d’harmonisation par le législateur, dans une perspective de traitement équitable et uniforme de tous les contribuables canadiens, m’apparaît indiscutable.  D’où la nécessité d’une interprétation judiciaire qui permette la mise en œuvre de cette intention législative.

 

[3]               En outre, le paragraphe 248(3) de la Loi procure, à mon avis, un fondement législatif au Bulletin d’interprétation IT-233R quant à son application au Québec.  Ce paragraphe confirme et justifie la conclusion à laquelle j’en suis venu en vertu de la Loi quant au concept d’acquisition d’un bien aux fins d’allocation du coût en capital.

 

[4]               Avant d’exposer les motifs de ma décision, je m’empresse de signaler que la problématique soulevée par le présent appel qui nous reporte à l’année 1982 n’est plus susceptible de se poser, du moins avec autant d’acuité, d’une manière contemporaine car, comme mon collègue l’a fait remarquer, les parties à un crédit-bail peuvent, depuis 1990, déterminer entre elles celle qui bénéficiera des déductions relatives à l’allocation du coût en capital et aux intérêts.  Ceci dit, il ne faut pas de ce fait sous-estimer l’importance de ce litige pour la partie appelante ainsi que pour les contribuables qui peuvent avoir des causes analogues pendantes.  En outre, il faut bien se garder d’évaluer et de juger, avec les yeux d’un juriste éclairé par la purification subséquente de la nature juridique du contrat de crédit-bail, les décisions prises en 1982, de bonne foi, par des commerçants en fonction de l’incertitude juridique chronique entourant le crédit-bail et des engagements pris par Revenu Canada pour remédier au plan fiscal à cette incertitude et ainsi favoriser le développement économique.

 

[5]               Je m’en remets pour les données factuelles à l’énoncé qu’en a fait mon collègue et, plus particulièrement à ces faits qui établissent que l’appelante avait sur les biens obtenus les attributs normaux du droit de propriété, i.e., la possession, l’usage et les risques de perte ainsi que les obligations qui découlent de ces attributs.

 

Droit de l’appelante à l’amortissement du coût en capital des biens acquis ainsi qu’à la déduction des intérêts payés pour l’acquisition de ces biens

 

[6]               À mon avis, les biens acquis par l’appelante en 1982 par voie de crédit-bail étaient des biens amortissables au sens de l’alinéa 13(21)b) de la Loi qui définissait ainsi de tels biens :

 

Art. 13(21)b)  "biens amortissables".  Les "biens amortissables" d’un contribuable à toute date de l’année d’imposition sont les biens acquis par le contribuable pour lesquels il est permis au contribuable ou pour lesquels le contribuable aurait le droit, s’il était propriétaire de ces biens à la fin de l’année, d’effectuer une déduction, en vertu des règlements établis en application de l’alinéa 20(1)a), lors du calcul de son revenu pour cette année ou pour une année d’imposition antérieure;

 

[le souligné est le mien]

 

 

[7]               De fait, dans l’arrêt The Minister of National Revenue and Wardean Drilling Limited[11], il fut reconnu qu’il y avait eu acquisition d’un bien aux fins de l’allocation du coût en capital lorsqu’avaient été transférés soit la propriété du bien, soit tous les attributs dudit droit de propriété à l’exception du titre légal retenu par le vendeur comme garantie de paiement du prix de vente selon la pratique commerciale en cours.

 

[8]               Aux pages 172 et 173, le juge Cattanach écrivait :

 

In my opinion, the proper test as to when property is acquired must relate to the title to the property in question or to the normal incidents of title, either actual or constructive, such as possession, use and risk...

 

As I have indicated above, it is my opinion that a purchaser has acquired assets of a class in Schedule B when title has passed, assuming that the assets exist at that time, or when the purchaser has all the incidents of title, such as possession, use and risk, although legal title may remain in the vendor as security for the purchase price as is the commercial practice under conditional sales agreements.

 

[le souligné est le mien]

 

 

[9]               En d’autres termes, il y avait acquisition d’un bien au sens de l’alinéa 13(21)b) de la Loi lorsque celui qui l’obtenait détenait soit le titre légal de propriété (legal ownerhip), soit la propriété effective du bien (beneficial ownership).

 

[10]           En droit civil québécois, le droit de propriété n’était pas susceptible du même démembrement qu’en common law.  Graduellement et par nécessité, le droit civil québécois s’est, au fil du temps, adapté à certaines des réalités commerciales et aux démembrements particuliers du droit de propriété que la common law avait conçus pour répondre aux exigences de ces réalités. Par exemple, le Code civil du Québec reconnaît maintenant l’hypothèque mobilière avec ou sans dépossession[12] et, dès le début des années 80, le législateur québécois a importé le concept de l’emprunt sur les biens en inventaire que l’on retrouvait déjà aux articles 178 et suivants de la Loi sur les banques et qui impliquait, en faveur du cessionnaire, i.e., l’institution de crédit prêteuse, un transfert de propriété sui generis jusque là inconnu du droit civil québécois et impensable dans la conception civiliste traditionaliste[13].

 

[11]           En 1980, dans Olympia and York Developments Ltd. c. La Reine[14], le juge Addy de la Division de première instance, tout en reconnaissant le particularisme du droit civil québécois et le fait qu’il n’y avait pas eu de vente sur le strict plan juridique car il était convenu entre les parties que la vente n’aurait lieu qu’au parfait paiement du prix de vente, conclut tout de même qu’il y avait eu disposition des biens au sens de l’alinéa 20(5)b) de la Loi aux fins d’allocation du coût en capital. Le juge Addy en est venu à cette conclusion en faisant sienne l’interprétation donnée au terme "acquis" par le juge Cattanach dans l’affaire Wardean Drilling Limited, supra.

 

[12]           Cette conclusion m’apparaît non seulement raisonnable, mais inévitable car l’acquisition est le pendant de la disposition et il était admis qu’en vertu du sous-alinéa 54c)(v) applicable à l’époque, il y avait disposition d’un bien lorsqu’il y avait transfert de la propriété effective (beneficial ownership), même s’il s’opérait chez le vendeur une réserve du titre légal (legal ownership) :

 

Art. 54

 

c)  "disposition de biens". - "disposition de biens" comprend, sauf dispositions contraires expresses,

 

[...]

 

 

mais, pour plus de précision, ne comprend pas

(v)  tout transfert de biens, à la suite duquel il y a un changement dans le legal ownership du bien sans changement dans le beneficial ownership de ce bien, autre qu’un transfert par une fiducie résidant au Canada à une fiducie ne résidant pas au Canada et un transfert à une fiducie régie par

(A)  un régime enregistré d’épargne retraite,

(B)  un régime de participation différée aux bénéfices,

(C)  un régime de participation aux bénéfices des employés,

(D)  un régime enregistré d’épargne logement, ou

(E)  un fonds enregistré de revenu de retraite

par une personne qui est, immédiatement après le transfert, un bénéficiaire en vertu du régime ou du fonds, ou un transfert effectué par une telle fiducie régie par un régime ou un fonds à un bénéficiaire en vertu de ce régime ou de ce fonds,

 

 

[13]           Il y avait donc corrélation entre les deux concepts (disposition et acquisition) puisque le vendeur d’un bien qui s’en réservait le titre légal en était le propriétaire légale (legal ownership) et l’acquéreur qui l’obtenait sans le titre légal en devenait le propriétaire effectif ou le propriétaire acquéreur (beneficial ownership).

 

[14]           En somme, au terme de ces deux arrêts il y a, en vertu de la Loi, disposition ou acquisition d’un bien aux fins d’allocation du coût en capital lorsque les attributs ou accessoires normaux du titre, tels la possession, l’usage et le risque, sont transférés. Je suis d’accord avec cette interprétation légale donnée à des fins fiscales au terme "acquis" que l’on retrouve dans la définition de "biens amortissables".  Sur le plan pratique, cette interprétation a le mérite de reconnaître, pour une législation fiscale d’application pancanadienne, une réalité commerciale transfrontalière et d’éviter de s’enferrer dans un légalisme indû, sectoriel et par surcroît stérile et inéquitable à une époque où le droit civil tend à se rapprocher de la common law.  Il est tout de même significatif que le législateur, qui modifie annuellement la Loi pour, entre autres motifs, changer une disposition législative lorsque l’interprétation qui lui a été donnée ne permet pas de rencontrer les objectifs poursuivis, n’ait pas cru bon de répudier cette interprétation vieille de 30 ans.  En outre, cette interprétation est conforme à l’intention législative exprimée au paragraphe 248(3) de la Loi, laquelle vise, comme je l’ai déjà mentionné, à assimiler le "beneficial ownership" d’un bien à diverses formes de propriété propres au droit civil du Québec.

 

[15]           C’est dans ce contexte historique que se situe, au plan fiscal, l’arrivée en droit civil québécois du crédit-bail ici sous étude et qu’il faut, en conséquence, lire et interpréter le Bulletin d’interprétation IT-233R du 11 février 1983 émis par Revenu Canada.

 

[16]           Comme mon collègue l’a mentionné, le crédit-bail était un contrat innommé, mais un contrat qui, au plan juridique et particulièrement en droit civil québécois, soulevait controverse et interrogations du fait qu’il ne cadrait pas avec les principes du droit civil français et québécois. C’est en ces termes que C. Gilbert décrit en 1988 la situation[15] :

 

Instrument de crédit inventé par les commerçants pour leur usage, le crédit-bail est déconcertant du point de vue juridique.  Son utilisation répandue va de pair avec la méconnaissance de ses principes exacts; on va jusqu’à parler d’un mystère à ce sujet.  Magistrats et auteurs usent des formules les plus imagées pour faire ressortir sa particularité.

 

 

[17]           Pour E. De Cannart D’Hamale[16] :

 

La complexité de l’opération ne suffit pas à expliquer cette controverse.  Celle-ci s’apparente en réalité au phénomène naturel de rejet des greffes imparfaites.  Les concepts juridiques mis en œuvre, inspirés du droit anglo-saxon, s’adaptent mal aux nôtres.

 

[18]           En France, la convention de crédit-bail, même si elle empruntait certains éléments d’autres contrats, fut, dès 1975, reconnue comme une opération financière tendant à l’acquisition de la propriété par l’utilisateur, l’option d’achat étant le critère décisif pour déterminer s’il s’agissait d’une location ou d’une acquisition[17].  En l’absence d’une telle stipulation, la transaction était une simple location, quels que soient les autres indices.

 

[19]           Introduit au Code civil du Bas Canada en 1973 dans le chapitre du louage de choses, par l’article 1603, aux seules fins d’être exclu de l’application des normes prévues à ce chapitre, le crédit-bail a donné lieu au Québec à une incertitude jurisprudentielle quant aux critères de distinction entre le bail ordinaire et ce contrat innomé.  Le ministre de la Justice de l’époque rappelait que le crédit-bail est d’origine commerciale et non législative et que le droit a fait office d’épiphénomène en venant apporter au plan juridique de l’ordre dans un état de fait engendré par les milieux d’affaires et financiers[18].

 

[20]           Le professeur Godin décrit le crédit-bail comme une forme de contrat de finance qui s’est développé en marges des sûretés traditionnelles (privilèges et hypothèques) prévues au Code civil du Bas-Canada.  Plus précisément écrit-il[19] :

 

Comme le contrat de vente conditionnelle en matière mobilière, et la clause de dation en paiement et la clause résolutoire en matière immobilière, le crédit-bail constitue non pas une sûreté à proprement parler mais bien une technique juridique qui repose essentiellement sur une manipulation du droit de propriété lui-même.

 

[le souligné est le mien]

 

 

[21]           Une opération de crédit-bail traditionnelle comportait généralement deux contrats : une vente par un fabricant ou un distributeur à un prêteur d’un bien choisi par un client et le louage de ce bien audit client par le prêteur.

 

[22]           À cause de sa structure juridique floue et des intempéries commerciaux, le crédit-bail s’est transformé au fil du temps par l’addition de diverses clauses d’option d’achat consenties par le prêteur au client.  Ce qui entre le prêteur et le client était initialement un contrat de location est éventuellement devenu un contrat de location-vente où le prêteur demeurait cependant à la fois propriétaire et responsable des risques.  En d’autres termes, il gardait et le titre légal de propriété et certains attributs importants du doit de propriété.

 

[23]           Toutefois, il arrivait souvent que la clause d’option d’achat était dans sa teneur telle qu’au plan juridique, il ne s’agissait plus d’une location-vente, mais plutôt, comme les tribunaux l’ont reconnu, d’une vente à tempérament avec réserve de propriété[20] où tous les attributs normaux du droit de propriété (benefical ownership) étaient transférés à l’acheteur.  D’ailleurs, dans la réforme du droit civil québécois, le nouveau Code abandonne la qualification de louage qui, selon les commentaires du ministre de la Justice parrainant le projet de loi, ne traduisait pas la réalité de l’opération et parce que les caractéristiques du louage se trouvaient profondément modifiées par un ensemble de clauses dérogatoires au droit commun[21].  Au plan économique toutefois, comme l’avait reconnue la Cour d’appel du Québec, le client du prêteur était assimilé sous le Code civil du Bas-Canada à un propriétaire-acquéreur, bien que, strictement parlant, il ne détenait pas de droit réel[22]. C’est ainsi, par exemple, que comme acquéreur de ces biens, il avait un recours légal direct contre le fabricant pour l’exercice des garanties légales habituelles, dont celle contre les vices cachés.  La Cour d’appel reconnaissait donc que le client du prêteur avait acquis le bien lorsqu’il avait obtenu la propriété effective de ce bien (beneficial ownership), même en l’absence droit réel conféré par le titre légal (legal ownership).

 

[24]           Je me suis livré à cette analyse d’époque du contrat de crédit-bail parce qu’elle révèle la situation difficile dans laquelle s’est retrouvé Revenu Canada, particulièrement à la période qui nous concerne, soit l’année 1982.  Le Bulletin d’interprétation émis par Revenu Canada visait, à cause de l’incertitude juridique entourant la notion de crédit-bail, à apporter en matière fiscale une sécurité salutaire et nécessaire au développement économique résultant de ces transactions financières et commerciales.  Il permettait aussi à Revenu Canada, au plan opérationnel, de planifier et d’adopter une approche uniforme et équitable à l’échelle nationale en ce qui a trait à de telles transactions, quelles que puissent être au plan du droit privé les disparités engendrées par le particularisme d’un système de droit par rapport à un autre.  Je signale en passant qu’il est intéressant de noter que dans le dossier d’appel Sa Majesté la Reine et Mont-Sutton Inc.[23], lequel appel fut entendu par cette Cour le 16 juin 1999, l’appelante admettait que la notion de licence qui existe en common law[24] n’existe pas en droit civil québécois.  Or, aux fins de refuser une déduction à un contribuable, l’intimée plaidait qu’il était nécessaire de "favoriser une application juste et équitable de la Loi sur l’ensemble du territoire canadien" et que même si la notion de licence ne fait pas partie du droit civil québécois, "les dispositions de la Loi doivent s’appliquer de façon uniforme, dans la mesure du possible, à tous et ce peu importe le régime de droit"[25].  On ne peut que s’étonner que, dans le présent appel, l’intimée invoque le particularisme du droit civil québécois pour refuser à l’appelante une déduction par ailleurs accordée aux contribuables et hommes d’affaires soumis au régime de la common law.

 

[25]           Le bulletin d’information identifiait donc, pour la période de l’année 1982 en litige, quatre sortes de location-acquisition qui, faites dans le cadre d’une opération de crédit-bail, seraient, à des fins fiscales, assimilées à des ventes ou réputées constituer une vente :

 

a)         le locataire acquiert automatiquement la propriété du bien après avoir payé un montant précis sous forme de loyer;

 

b)         le locataire est tenu d’acheter le bien du bailleur pendant le bail ou à son expiration, ou de lui offrir la garantie que lui ou un tiers lui versera la totalité du prix d’option;

 

c)         le locataire a le droit, pendant le bail ou à son expiration, d’acquérir le bien à un prix qui, au début du bail, est très inférieur à la juste valeur marchande probable du bien à la date où l’acquisition par le locataire est permise; et

 

d)         le locataire a le droit, pendant le bail ou à son expiration, d’acquérir le bien à un prix tel, ou en vertu de modalités ou de conditions telles, que, au début du bail, personne n’hésiterait à exercer ladite option.

 

[26]           L’intimée admet que la transaction à laquelle l’appelante s’est livrée se qualifie à double titre comme vente selon les critères c) et d) énoncés dans le Bulletin d’interprétation.

 

[27]           À mon avis, nous serions bien mal venus 17 ans plus tard, comme l’intimée nous invite à le faire dans le cas présent, d’ignorer ou de répudier la teneur dudit Bulletin puisqu’il réflétait bien et correctement l’état du droit législatif et jurisprudentiel applicable à l’époque en matière fiscale aux biens acquis par un contribuable par l’entremise d’une opération de crédit-bail.  Il est possible, et je me garde bien de me prononcer là-dessus, que ce Bulletin d’interprétation, dont la teneur n’a pratiquement pas changé depuis 1975, doive faire l’objet de modifications particulièrement en raison de l’option maintenant offerte aux parties à de tels contrats.  Mais, en 1982, un contribuable telle l’appelante qui s’y conformait, c’est-à-dire qu’il obtenait du prêteur dans une opération de crédit-bail des biens suite à une location-acquisition réputée alors être une vente à des fins fiscales, acquérait lesdits biens aux fins de l’allocation du coût en capital prévue à l’alinéa 13(21)b) de la Loi.

 

[28]           Enfin, compte tenu de l’objectif et de la portée du paragraphe 248(3) de la Loi, je ne peux souscrire à la prétention de l’intimée que l’amendement apporté en 1980 à la définition de "biens amortissables" de l’alinéa 13(21)b) indique l’intention du législateur de ne considérer comme acquéreur d’un tel bien que celui qui en devient propriétaire légal.  Les termes "ou pour lequel il aurait droit à une telle déduction s’il en était propriétaire à la fin de l’année" furent ajoutés à la définition suite à l’ajout, dans la Loi, des paragraphes 13(5.2) et 13(5.3).  Or, même en l’absence du paragraphe 248(3), cette prétention est, à mon avis, sans mérite.

 

[29]           Sans cet amendement à la définition de "biens amortissables" de l’alinéa 13(21)b), le paragraphe 13(5.2) eut été inapplicable lorsque l’acquisition et la disposition d’un bien se faisaient dans la même année parce qu’un tel bien ne pouvait être un bien amortissable pour la bonne raison qu’il n’avait pas fait l’objet de déduction pour amortissement l’année précédente ou pour l’année courante.

 

[30]           Avec respect, je ne puis voir comment le fait pour le législateur d’introduire dans un tel contexte le mot "propriétaire" dans l’alinéa 13(21)b) peut nous amener à exclure du champ d’application de cet alinéa l’acquéreur qui bénéficie des attributs normaux du droit de propriété, à l’exception du titre légal de propriété conservé par le vendeur en garantie du parfait paiement du prix de vente.  Bien sûr, un tel acquéreur ne peut disposer du bien ainsi acquis puisqu’il n’a pas le jus abutendi à moins qu’il ne l’acquiert dans la même année en payant la balance du prix de vente.  Mais il n’en demeure pas moins qu’au terme du premier membre de la définition de "biens amortissables" de l’alinéa 13(21)b), il est un acquéreur qui a droit à la déduction pour amortissement puisqu’il s’agit de "biens acquis par le contribuable pour lesquels il est permis au contribuable d’effectuer une déduction".

 

[31]           En somme, l’amendement de 1980 a fait en sorte que le contribuable qui a acquis un bien et l’a revendu dans la même année puisse également prendre une déduction puisque le bien ainsi acquis et revendu était considéré un bien amortissable.  Il n’avait certes pas pour but, et encore moins pour effet, d’exclure celui qui a acquis un bien et ne l’a pas revendu, soit parce qu’il ne voulait pas le revendre, soit parce qu’il ne pouvait pas le revendre du fait que le titre légal de propriété était encore entre les mains du vendeur comme garantie de paiement.  En d’autres termes, l’alinéa 13(21)b) couvre à la fois le propriétaire légal (legal ownership) et le propriétaire bénéficiaire (beneficial ownership) à qui il ne manque que le titre légal.

 

[32]           Il est clair que la modification apportée en 1980 à la définition de "biens amortissables" de l’alinéa 13(21)b) visait seulement à donner effet aux paragraphes 13(5.2) et 13(5.3) nouvellement ajoutés et non pas à modifier le concept d’acquisition développé par la jurisprudence à l’époque.  Affirmer y voir et y trouver autre chose que cela, c’est faire violence au texte et à l’intention législative au point de réécrire pour ensuite prétendre qu’il dit ce qu’on voudrait y voir et y trouver.

 

[33]           De même, il m’apparaît évident que l’appelante a aussi acquis les biens aux fins de la déduction des intérêts prévue à l’alinéa 20(1)c) de la Loi puisque la dépense d’intérêts encourue par l’appelante a été contractée pour faire l’acquisition de biens dans le but de tirer un revenu d’entreprise.

 

[34]           Il me reste donc à déterminer le droit de l’appelante à l’obtention du crédit d’impôt à l’investissement.

 

Droit de l’appelante à l’obtention du crédit d’impôt à l’investissement

 

[35]           Le droit de l’appelante au crédit d’impôt à l’investissement est régi par la définition de "matériel de transport admissible" prévue à l’alinéa 127(10.1)d) de la Loi qui se lit[26] :

d) "matériel de transport admissible" d’un contribuable désigne le matériel prescrit qu’il a acquis après le 16 novembre 1978 et qui n’a pas été utilisé, ou qui a été acquis pour être utilisé ou loué, à quelque fin que ce soit avant son acquisition par le contribuable et

 

(i)  qu’il doit utiliser principalement afin de transporter des passagers, des biens, ou des passagers et des biens, au Canada ou en provenance ou à destination du Canada, dans le cours ordinaire de l’exploitation d’une entreprise au Canada autre qu’une entreprise [...], ou

 

(ii)  qu’il doit donner en location, si

(A) le matériel est donné en location par le contribuable dans le cours ordinaire de l’exploitation d’une entreprise au Canada [...] à un locataire dont on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’il utilise le matériel principalement à des fins et dans des circonstances visées au sous-alinéa (i), et

(B) dont le revenu n’est pas inclus dans son revenu ou, dans le cas est une entreprise visée à l’une quelconque des dispositions 127(10)d)(i)(A) à (E) ou une combinaison de celles-ci, ou est un contribuable dont l’entreprise principale est le transport de passagers, de biens, ou de passagers et de biens; et

 

(d) "qualified transportation equipment"of a taxpayer means prescribed equipment acquired by him after November 16, 1978 that has not been used, or acquired for use or lease, for any purpose whatever before it was acquired by the taxpayer and that is

 

(i)  to be used by him principally for the purpose of transporting passengers, property or passengers and property in Canada or to and from Canada, in the ordinary course of carrying on a business in Canada [...], or

 

 

(ii) to be leased by taxpayer, if

(A) the equipment is leased by the taxpayer in the ordinary course of carrying on a business in Canada [...] to a lessee who can reasonably be expected to use the equipment principally for the purposes and under circumstances referred to in subparagraph (i), and

 

(B) the taxpayer is a corporation whose principal business is a business described in any of clauses 127(10(d)(i)(A) to (E), or any combination thereof, or is a taxpayer whose principal business is passenger, property or passenger and property transport;

[le souligné est le mien]

 

[36]           En se fondant sur cette disposition, l’intimée soumet que l’appelante n’a pas droit au crédit d’impôt à l’investissement puisque, dans une situation de crédit-bail, c’est le bailleur de fonds et non le locataire qui peut recevoir le crédit.  Elle tire cette conclusion du sous-alinéa (ii) qui, selon elle, établit clairement que le crédit va au contribuable qui acquiert du matériel de transport pour le donner en location.

 

[37]           Je suis d’accord avec l’intimée que, dans le cas d’une simple location résultant d’un crédit-bail, les dispositions du sous-alinéa 127(10.1)d)(ii) de la Loi octroient ce crédit au bailleur.  Mais nous sommes ici en présence de deux ventes successives opérées par la même transaction : une première par le fournisseur Labrie Équipement à la Compagnie de location C.A.C. pour les six camions qui font l’objet de la réclamation et une deuxième vente présumée ou réputée par C.A.C. à l’appelante selon les termes du crédit-bail.  Comme la compagnie C.A.C. n’a pas acheté ces biens pour les utiliser ou les louer, mais plutôt pour les revendre, l’appelante est alors celle qui les a acquis pour les utiliser et, en conséquence, elle a droit au crédit d’impôt à l’investissement.

 

[38]           C’est ainsi qu’il faut lire et comprendre le paragraphe 7 du Bulletin d’interprétation de Revenu Canada que mon collègue a cité dans ses motifs, mais que je reproduis également au bénéfice du lecteur :

 

Lorsqu’il est déterminé qu’une convention de bail est, en substance, un contrat de vente dans les circonstances exposées en 3 et 4 ci-dessus, le preneur devra comptabiliser la transaction comme une acquisition de bien et devra reconnaître une dette à la date d’entrée en vigueur du bail.  Le bailleur devra aussi comptabiliser la transaction comme une vente de bien et devra établir un compte débiteur.  Dans ces circonstances, ce sera le preneur-acheteur plutôt que le bailleur-vendeur qui aura droit à la déduction pour amortissement en vertu de l’alinéa 20(1)a) et à tout crédit d’impôt à l’investissement prévu au paragraphe 127(9).

 

 

[39]           Pour ces motifs, je suis d’avis d’accueillir l’appel avec dépens devant cette Cour et la Division de première instance.  En conséquence, je référerais la cotisation au ministre du Revenu national pour qu’il émette une nouvelle cotisation en tenant pour acquis que l’appelante a droit, pour l’année d’imposition 1982, au crédit d’impôt à l’investissement de 21 729 $, à la déduction pour amortissement de 84 219 $ et à la déduction des intérêts au montant de 48 931 $.

 

"Gilles Létourneau"

j.c.a.


Federal Court of Appeal

Cour d'appel fédérale

 

 

Date : 19991115

Dossier : A-249-96

 

CORAM :      LE JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

 

ENTRE :

CONSTRUCTION BÉROU INC.,

(Anciennement Fortin & Moreau Inc.)

Appelante

 

ET :

SA MAJESTÉ LA REINE,

Intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE NOËL

 

[1]               Il s’agit d’un appel à l’encontre d’une décision de la juge Tremblay-Lamer accueillant l’appel de Sa Majesté et rejetant la demande reconventionnelle de Construction Bérou Inc. [« l’appelante »] à l’égard de la nouvelle cotisation établie pour son année d’imposition 1982[27].

 

Les faits

[2]               Lors de la préparation de sa déclaration d’impôt pour l’année en question, l’appelante prit la position qu’elle avait, en vertu de contrats de crédit-bail, fait l’acquisition au cours de l’année de six camions neufs et deux camions usagés destinés à être utilisés dans la collecte et le transport d’ordures ménagères[28], et réclamait à ce titre :

 

-          84 219,00 $ à titre d’allocation du coût en capital en vertu de l’alinéa 13(21)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu[29] (la « Loi »);

 

-          21 729,00 $ à titre de crédit d’impôt à l’investissement selon le paragraphe 127(5) de la Loi;

 

-          48 931,00 $ à titre d’intérêts payés en vertu de l’alinéa 20(1)c) de la Loi.

 

[3]               Par nouvelle cotisation émise en date du 2 août 1984, le ministre du Revenu national refusa chacune de ces déductions au motif que l’appelante n’avait pas fait l’acquisition des dits biens pendant son année d’imposition 1982.  Par contre, le ministre reconnaissait par cette même cotisation que l’appelante avait encouru une dépense de location de 65 109,00 $.  Suite à un premier appel, la Cour canadienne de l’impôt, sous la plume du juge en chef Couture, décida que l’appelante avait acquis les biens en question aux fins du paragraphe 127(5) et de l’alinéa 20(1)c) mais que le libellé de l’alinéa 13(21)b) ne lui permettait pas de conclure de même façon à l’égard de l’allocation du coût en capital[30].

 

[4]               Un appel fut alors logé par Sa Majesté devant la Cour fédérale, Section de première instance, lequel fut suivi par le dépôt d’une demande reconventionnelle.  En date du 23 février 1996, la juge Tremblay-Lamer rendait une décision confirmant la cotisation en litige sous tous ses aspects, et rejetait du même geste la demande reconventionnelle.

 

[5]               À l’époque, le crédit-bail était un contrat innomé qui était expressément exclu des règles régissant le louage de choses par l’article 1603 du Code civil du Bas-Canada[31] :

 

Art. 1603.  Les dispositions du présent chapitre ne s’appliquent pas au crédit-bail consenti par une personne qui fait le commerce de prêter ou de consentir du crédit et qui, à la demande du locataire, a acquis d’un tiers la propriété du bien qui fait l’objet du contrat pourvu que

1.  le crédit-bail soit consenti pour des fins commerciales, industrielles, professionnelles ou artisanales;

2.  le crédit-bail porte sur un bien meuble;

3.  le locataire ait procédé lui-même au choix du bien;

4.  le locateur cède expressément au locataire les garanties qui lui résultent de la vente intervenue avec le tiers; et que

5.  la cession des garanties soit acceptée sans réserve par le tiers.

 

 

[6]               Les contrats ici en cause qui furent négociés avec deux sociétés distinctes respectaient en tout point les prescriptions de cet article.  Dans chacun des cas, les sociétés de finance ont fait l’acquisition auprès d’un fournisseur du matériel roulant désigné par l’appelante.  Les garanties furent cédées par les sociétés de finance avec le consentement du fournisseur sans réserve de sa part et les biens furent mis à la disposition de l’appelante moyennant un dépôt initial ainsi qu’une série de paiements mensuels.

 

[7]               Les contrats avaient une durée de soixante-cinq mois et le total des paiements prévus représentait le coût d’acquisition des camions et bennes majoré d’un taux d’intérêt prédéterminé.  Par ailleurs, les contrats reflétaient une clause d’option d’achat qui pouvait être exercée au soixantième mois à un prix légèrement moindre que le total des mensualités non courues.

 

[8]               Les risques inhérents aux biens assujettis aux contrats étaient assumés par l’appelante qui avait l’obligation d’indemniser les sociétés de finance pour toute perte résultant de l’opération des camions.  De plus, les contrats prévoyaient que l’appelante demeurait redevable des mensualités même si elle cessait d’avoir l’utilisation des biens pour quelque cause que ce soit, incluant leur destruction par force majeure.  Finalement, l’appelante ne pouvait vendre, sous-louer ou autrement disposer des biens assujettis aux contrats sans le consentement des sociétés de finance, ni les utiliser à l’extérieur de l’Amérique du Nord.

 

[9]               Les parties mirent fin de façon prématurée aux contrats de crédit-bail en 1983 en concluant des contrats de vente de sorte que dans les faits les options d’achat prévues aux contrats de crédit-bail ne furent jamais exercées.  La transaction fut reflétée dans les états financiers des sociétés de finance sous la rubrique « Receivables Under Financial Lease Contracts » .  Les états financiers de l’appelante reflétèrent la transaction sous la rubrique « Immobilisations »[32]. La preuve révèle que tout comme l’appelante, les sociétés de finance ont aussi réclamé l’allocation du coût en capital et le crédit d’impôt à l’investissement à l’égard des biens assujettis aux contrats.

 

Questions en litige

[10]           L’appelante prétend avoir « acquis » les biens en question au sens des alinéas 13(21)b), 20(1)c) et 127(10.1)d) au cours de son année d’imposition 1982, soit suite à la signature des contrats de crédit-bail.  Elle reconnaît que la caractéristique même de ces contrats est que les sociétés de finance conservent le droit de propriété mais souligne que dans les faits, pratiquement tous les attributs du droit de propriété lui furent transmis.  Elle reconnaît aussi que les contrats prévoyaient expressément qu’elle devait exercer une option afin de devenir propriétaire, mais fait valoir qu’il ne s’agissait, dans les circonstances, que d’une formalité.  Somme toute, l’appelante prétend que la juge de première instance a erré en droit en refusant de conclure que les contrats en litige équivalaient à des ventes en droit.

 

[11]           Dans un deuxième temps, l’appelante prétend que même si elle n’était pas propriétaire des biens en question selon le droit civil, elle les avait néanmoins acquis pour fins fiscales.  Selon l’appelante, la juge de première instance a eu tort d’arrêter son analyse aux effets juridiques issus du droit privé et d’en conclure qu’elle n’avait pas fait l’acquisition des biens en question pour fins fiscales.

 

Décision de la Section de première instance

[12]           Quant au premier motif d’appel, la juge de première instance, dans une analyse claire et limpide portant sur des questions qui se veulent souvent complexes et ardues, a bien cerné l’état du droit québécois en la matière.[33]  Elle a dégagé de la doctrine et de la jurisprudence les distinctions fondamentales entre la vente à tempérament, la vente sous condition suspensive et a conclu, de façon très apte selon moi, que les contrats ici en cause n’étaient pas translatifs de propriété tant et aussi longtemps que les options d’achat qu’ils prévoyaient n’étaient pas levées.  Sous cet aspect, j’endosse les motifs de la juge de première instance sans sentir le besoin d’en dire plus.

 

[13]           Quant au deuxième motif d’appel, la juge Tremblay-Lamer s’est contentée de dire que le droit civil était décisoire sur le plan fiscal en ces termes :

 

            Je ne peux acquiescer à la jurisprudence qui accorde sur le plan fiscal un effet juridique qui ne tient pas compte des obligations créées par le droit privé applicable, c’est-à-dire dans notre cas le droit civil.

 

Comme l’exprimait le juge Décary dans R. c. Lagueux et Frères Inc. :

 

[Traduction]  Le Droit fiscal, à mon avis, est un droit accessoire qui n’existe qu’au niveau des effets découlant des contrats.  Une fois la nature des contrats déterminée par le Droit civil, la Loi de l’impôt intervient, mai[sic] seulement alors, pour imposer des conséquences fiscales à ces contrats.

 

Sans contrat, sans droit et sans obligation il ne peut y avoir d’incidence fiscale.  L’application de la Loi de l’impôt est soumise à un diagnostic civil que ce diagnostic soit de Droit civil ou de Droit commun. [sic]

 

 

[14]           Il est vrai que lorsque le législateur fédéral fait reposer la Loi sur des notions de droit privé sans les définir ou sans autrement leur attribuer un sens particulier, il adopte par la force des choses le droit des provinces.  La question en est une d’intention; il s’agit de voir à la lumière des dispositions en cause si le législateur en attribuant des conséquences fiscales à l’égard de biens « acquis » s’en remettait au concept de propriété tel qu’il existe selon le droit des provinces ou à une notion distincte et particulière à la Loi comme le prétend l’appelante.

 

Dispositions pertinentes

Amortissement

13(21)b) – les “biens amortissables” d’un contribuable à toute date de l’année d’imposition sont les biens acquis par le contribuable pour lesquels il est permis au contribuable ou pour lesquels le contribuable aurait le droit, s’il était propriétaire de ces biens à la fin de l’année, d’effectuer une déduction, en vertu des règlements établis en application de l’alinéa 20(1)(a), lors du calcul de son revenu pour cette année ou pour une année d’imposition antérieure;

 

13(21)b) “depreciable property” of a taxpayer as of any time in a taxation year means property acquired by the taxpayer in respect of which he has been allowed, or if he owned the property at the end of the year, would be entitled to, a deduction under regulations made under paragraph 20(1)(a) in computing income for that year or a previous taxation year;

 

Déduction d’intérêts

20(1)  Nonobstant les dispositions de l’alinéa 18(1)a) ..., peuvent être déduites ...

 

(c)  une somme payée dans l’année ou payable pour l’année (suivant la méthode habituellement utilisée par le contribuable dans le calcul de son revenu), en exécution d’une obligation légale de verser des intérêts sur

 

...

 

(ii)  une somme payable pour des biens acquis en vue d’en tirer un revenu ou de tirer un revenu d’une entreprise ou de faire produire un revenu par ces biens ou cette entreprise ...

 

20(1)  Notwithstanding paragraphs 18(1)a) ..., there may be deducted ...

 

(c)  an amount paid in the year or payable in respect of the year (depending upon the method regularly followed by the taxpayer in computing his income), pursuant to a legal obligation to pay interest on

 

...

 

(ii)  an amount payable for property acquired for the purpose of gaining or producing income from a business ...

 

Crédit d’impôt à l’investissement

127(10.1)d)  “matériel de transport admissible” d’un contribuable désigne le matériel prescrit qu’il a acquis après le 16 novembre 1978 et qui n’a pas été utilisé, ou qui a été acquis pour être utilisé ou loué, à quelque fin que ce soit avant son acquisition par le contribuable et [...]

 

127(10.1)d)  “qualified transportation equipment” of a taxpayer means prescribed equipment acquired by him after November 16, 1978 that has not been used, or acquired for use or lease, for any purpose whatever before it was acquired by the taxpayer and this is ...

 

[le souligne est le mien]

 

 

Objections soulevées par l’appelante

[15]           Le mot « acquis » n’est pas défini dans la Loi mais est en soi évocateur de propriété[34].  Par contre, le sens à attribuer à ce mot est aussi fonction du contexte législatif.  Selon l’appelante, une série de décisions dont les affaires Olympia and York c. R.[35], M.R.N. c. Wardean Drilling Limited[36], R. c. Henuset Bros. Ltd. [N°. 1][37], W.C. Gartry c. R.[38] et Robert Bédard Auto Ltée c. M.N.R.[39] ont attribué au mot “acquis” un sens qui est propre à la Loi et distinct de la notion de propriété.  Reconnaissant qu’il y a une longue liste de décisions qui vont dans le sens contraire, l’appelante fait état à tout le moins d’une ambiguïté quant au sens à donner au mot « acquis » pour fins fiscales, et porte à l’attention de la Cour les bulletins d’interprétation IT-233 et IT-233R à titre d’outils d’interprétation.

 

 

 

Les bulletins d’interprétation IT-233 et IT-233R

[16]           Il y a lieu de se pencher immédiatement sur ces bulletins. Ils reflètent, en principe, le point de vue du Ministère, et comme l’indique l’appelante, même s’ils n’ont pas force de loi, ils peuvent en cas d’ambiguïté servir à déceler l’intention législative[40].

 

[17]           Le bulletin IT-233 date du 14 juillet 1975.  Il fut révisé le 11 février 1983 et remplacé par le bulletin IT-233R.  Ce dernier, comme son prédécesseur a pour objet les conventions de bail avec options de vente et de relocation.  Les paragraphes 1 à 7 sont d’intérêt :

 

1.  Dans le cas des conventions de bail, il faut déterminer si les paiements applicables à ces conventions sont, en substance, soit des paiements de loyer, soit des paiements à valoir sur le prix d’achat d’un bien ou, dans le cas des conventions de vente et de relocation, des paiements en remboursement d’un emprunt.  Étant donné que la Loi de l’impôt sur le revenu ne renferme pas de dispositions spéciales pour ces conventions, la détermination s’effectue d’après les dispositions de la convention et les circonstances entourant sa rédaction et son exécution.

 

2.  Les cas particuliers seront traités selon les observations générales énoncées dans le présent bulletin.

 

Conventions de bail avec option

 

3.  Le premier souci du Ministère quant aux conventions de bail avec option est de s’assurer que les sommes importantes versées pour l’achat d’un bien ne sont pas déduites du revenu à titre de loyer, mais qu’elles sont comptabilisées de façon à permettre, s’il y a lieu, le calcul de la déduction pour amortissement et de la récupération d’amortissement éventuelle.  L’adoption du paragraphe 13(5.2) (voir 10 ci-dessous) a réglé en partie le problème du Ministère à ce chapitre, mais il reste encore à déterminer si, à l’origine, la transaction a ou non pour objet de transférer la propriété du bien du bailleur (locateur) au preneur (locataire).  Par conséquent, les transactions effectuées dans des conditions semblables à celles qui suivent sont tenues pour des ventes plutôt que des baux :

a)  le locataire acquiert automatiquement la propriété du bien après avoir payé un montant précis sous forme de loyer,

b)  le locataire est tenu d’acheter le bien du bailleur, pendant le bail ou à l’expiration de celui-ci, ou d’offrir au bailleur la garantie que lui ou un tiers lui versera la totalité du prix d’option (sauf lorsque cette garantie ne vise que l’usure exagérée causée par le locataire),

c)  le locataire a le droit, pendant le bail ou à l’expiration de celui-ci, d’acquérir le bien à un prix qui, au début du bail, est très inférieur à la juste valeur marchande probable du bien à une date ou à des dates où l’acquisition par le locataire est permise.  Il peut y avoir une option d’achat semblable advenant qu’elle puisse être exercée en-deçà d’une période beaucoup moins longue que la durée utile du bien et que les paiements de location effectués au cours de cette période représentent une partie importante de la juste valeur marchande du bien au moment de la signature du bail, ou

d)  le locataire a le droit, pendant le bail ou à l’expiration de celui-ci, d’acquérir le bien à un prix tel ou en vertu de modalités et de conditions telles que, au début du bail, personne n’hésiterait à exercer ladite option.

 

4.  L’option d’achat peut faire partie de la convention de bail ou en être distincte; il peut aussi s’agir d’une entente ou d’un engagement verbal.  Lorsque, même si la convention n’en parle pas, il devient évident – par exemple, à la suite de transactions antérieures semblables effectuées par les parties en cause – qu’il était entendu que le locataire pourrait acquérir le bien à l‚expiration du bail pour un montant inférieur à sa juste valeur marchande probable, la transaction est tenue pour une vente.

 

5.  Le Ministère sait que de nombreux contrats de bail sont des « baux financiers » où le bailleur ne constitue qu’un intermédiaire financier.  Le locataire doit alors assumer certains frais ou obligations notamment les taxes, les assurances, l’entretien et autres obligations, tenus d’ordinaire pour inhérents au titre de propriété.  Pour le Ministère, la prise en charge de ces obligations par le locataire ou toute clause du bail pouvant indiquer une vente ne constitue pas, en soi, un facteur décisif permettant d’établir si la transaction est, en substance, une vente.  Ces facteurs ne viennent que corroborer l’opinion suivant laquelle une transaction peut être tenue pour une vente conformément aux situations déjà mentionnées au numéro 3.

 

6.  En ce qui concerne les facteurs exposés ci-dessus, l’enregistrement de la transaction comme contrat conditionnel de vente ne constitue pas non plus un facteur décisif.

 

7.  Lorsqu’il est déterminé qu’une convention de bail est, en substance, un contrat de vente dans les circonstances exposées en 3 et 4 ci-dessus, le preneur devra comptabiliser la transaction comme une acquisition de bien et devra reconnaître une dette à la date d’entrée en vigueur du bail.  Le bailleur devra aussi comptabiliser la transaction comme une vente de bien et devra établir un compte débiteur.  Dans ces circonstances, ce sera le preneur-acheteur plutôt que le bailleur-vendeur qui aura droit à la déduction pour amortissement en vertu de l’alinéa 20(1)a) et à tout crédit d’impôt à l’investissement prévu au paragraphe 127(9).

[le souligné est le mien]

 

 

[18]           Les alinéas c) et d) du paragraphe 3 font état de deux situations qui, lorsqu’elles se retrouvent dans un contrat de bail avec option, font en sorte que la convention sera tenue pour une vente plutôt qu’une location.  En l’occurrence, la preuve devant la section de première instance révèle que les options ici en cause rencontraient l’une et l’autre de ces exigences.

[19]           En effet, la preuve révèle que les parties se sont entendues sur un montant global qui comprenait le coût d’acquisition de l’équipement auprès du fournisseur ainsi que les frais de financement, lequel montant était payable selon une cédule de paiements de 65 mensualités.  Le coût de l’option était établi à 10% de la valeur à l’achat des biens et pouvait être exercé après 5 ans soit au soixantième mois.  Puisque le prix d’exercice de l’option au moment prévu pour son exercice était légèrement en deçà des 5 mensualités non courues[41], il y avait lieu de croire que l’appelante n’aurait pas hésité à la lever comme l’entend le paragraphe 3d) du bulletin d’interprétation surtout si l’on considère la valeur « probable » des biens au sens du paragraphe 3c).

 

[20]           À cet égard, la preuve a établi avec le recul des années, que les camions de marque Internationale avaient de fait une valeur marchande variant entre 38 000 $ et 49 000 $ l’unité après cinq ans d’utilisation[42].  En ce qui a trait à la valeur « probable » de l’équipement telle qu’elle pouvait être estimée au moment de la signature des contrats, M. Victor Fortin, le président de l’appelante a témoigné comme suit :

 

Écoutez, on estimait à l’époque, je peux pas dire de pensée, mais dans mon esprit à moi, madame la juge, ça vaut un camion, en autant qu’il est bien entretenu, cinq (5) ans c’est pas sa vie, c’est pas ça.  La vraie vie, là, c’est... Si on n’est pas capables de faire durer un camion entre sept (7) et dix (10) ans, on n’est pas une entreprise.

Alors dans mon esprit à moi, il valait encore demi-prix, minimum, après cinq (5) ans.[43]

 

 

Pour sa part, le concessionnaire qui a fourni l’équipement à l’appelante, a indiqué que sa durée utile était d’au moins 10 ans[44].  Puisque le prix d’exercice de l’option avait été établi à 10% du coût de l’équipement à l’achat[45], et que cet équipement avait une durée approximative de 10 ans, il aurait normalement dû avoir une valeur à peu près égale à 50% de son coût original après 5 ans d’utilisation.  Il va donc de soi que le prix de l’option semblait « très inférieur à la juste valeur marchande probable du bien » au moment prévu pour son exercice au sens de l’alinéa c) du paragraphe 3 du bulletin d’interprétation.  Vu autrement, l’option pouvait être « exercée en-deçà d’une période beaucoup moins longue que la durée utile du bien » au sens de ce même alinéa.

 

[21]           Au-delà du fait que les contrats de crédit-bail comportaient les éléments corroborants dont mention est faite au paragraphe 5 du bulletin d’interprétation, ils rencontraient aussi les critères décisifs des alinéas c) et d) du paragraphe 3 qui devaient faire en sorte qu’ils soient tenus pour des ventes plutôt que des locations.  Dans ces circonstances, la Cour lors de l’audition s’est quelque peu insurgée contre le comportement du ministre qui semble avoir émis une cotisation qui va à l’encontre de sa propre politique.  Par contre, je dois constater que l’appelante n’a soulevé aucun argument à cet égard si ce n’est que pour insister sur le fait que dans les circonstances, le bulletin devrait constituer un outil d’interprétation d’autant plus probant.

 

[22]           Il faut dire que le bulletin IT-233R vogue dans l’incertitude depuis 1986[46]. En 1988, les représentants du Ministère confirmèrent que le bulletin était sous étude tout en apportant quelques précisions[47].  En 1990, les représentants du Ministère indiquèrent que la politique demeurerait la même que celle énoncée en 1988[48].  Ce message fut répété en 1991[49].  De fait, la situation demeura inchangée jusqu’en 1995 lorsque Revenu Canada a déclaré s’en remettre aux tribunaux pour régler la question :

 

Lors de la conférence de l’Association canadienne d’études fiscales de 1991 et, plus récemment, à l’occasion du congrès de l’Association de planification fiscale et financière de 1993, Revenu Canada a fait savoir que le bulletin d’interprétation IT-233R, Conventions de bail avec option; conventions de vente et de relocation, serait révisé.  Cependant, étant donné que plusieurs causes actuellement devant les tribunaux ont trait à des questions visées par ce bulletin, nous avons reporté la révision jusqu’à la conclusion de ces causes.  Entre-temps, les lignes directrices exposées dans le bulletin constituent toujours notre position en ce qui concerne les circonstances dans lesquelles une transaction organisée comme une convention de bail peut être traitée comme l’acquisition puis la disposition d’un tiers[50]. [le souligné est le mien]

 

 

[23]           Le bulletin IT-233R demeure jusqu’à maintenant inchangé.  Il faut préciser cependant que le problème entourant le traitement fiscal du crédit-bail ou du contrat de location avec option d’achat fut en partie réglé à compter de l’année 1990 par l’introduction de l’article 16.1 qui, aux fins des alinéas 13(21)b) et 20(1)c), permet aux parties à un tel contrat de déterminer d’un commun accord laquelle d’entre elles aura droit à ces déductions[51].

[24]           L’appelante fait valoir que la politique énoncée par le bulletin d’interprétation IT-233R est conforme à la Loi et reflète l’intention du législateur.  Selon elle, c’est la réalité économique et commerciale des transactions qui doit guider l’application de la Loi.  Elle cite à cet égard le dictum du juge en chef Dickson dans l’arrêt Bronfman Trust c. La Reine :

 

Je reconnais toutefois que, tout comme il y a eu tendance dernièrement à s’éloigner d’une interprétation stricte des lois fiscales (voir Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536, aux pp. 573 à 579 et La Reine c. Golden, [1986] 1 R.C.S. 209, aux pp. 214 et 215), de même, la jurisprudence récente en matière fiscale a tendance à essayer de déterminer la véritable nature commerciale et pratique des opérations du contribuable.  En effet, au Canada et ailleurs, les critères fondés sur la forme des opérations sont laissé de côté en faveur de critères fondés sur ce que lord Pearce a appelé une [TRADUCTION] « appréciation saine de toutes les caractéristiques directrices » des événements en question :  B.P. Australia Ltd. v. Commissioner of Taxation of Australia, [1966] A.C. 224 (P.C.), à la p. 264.  Voir aussi F.H. JonesTobacco Sales Co., [1973] C.F. 825 (D.P.I.), à la p. 834, [1973] C.T.C. 784, à la p. 790, le juge en chef adjoint Noël; Hallstroms Pty. Ltd. v. Federal Commissioner of Taxation (1946), 8 A.T.D. 190 (High Ct.), à la p. 196, le juge Dixon; et Cochrane (Succession) c. Ministre du Revenu national, 76 D.T.C. 1154 (C.R.I.), Me A.W. Prociuk, c.r.

 

Il s’agit là, je crois, d’une tendance louable, pourvu qu’elle soit compatible avec le texte et l’objet de la loi fiscale.  Si, en appréciant les opérations des contribuables, on a présent à l’esprit les réalités commerciales et économiques plutôt que quelque critère juridique formel, cela aidera peut-être à éviter que l’assujettissement à l’impôt dépende, ce qui serait injuste, de l’habileté avec laquelle le contribuable peut se servir d’une série d’événements pour créer une illusion de conformité avec les conditions apparentes d’admissibilité à une déduction d’impôt[52].  [le souligné est le mien]

 

 

[25]           Le bulletin d’interprétation est effectivement axé sur une certaine réalité économique.  En particulier, les alinéas c) et d) du paragraphes 3 permettent d’anticiper dès l’année initiale d’un contrat de location avec option, à la lumière de critères commerciaux objectifs, s’il est plus probable que non que l’option sera exercée et de traiter le contrat en conséquence dès le moment de sa signature sujet, je présume, à ce que ce traitement soit renversé par voie de nouvelle cotisation si l’option n’était pas levée.

 

[26]           Par contre, je ne crois pas que les conclusions de la juge de première instance quant à la nature et aux effets des contrats en cause selon le droit québécois soient fonction de « quelque critère juridique formel » dans le sens où l’entendait le juge en chef Dickson dans Bronfman Trust.  En effet, la transmission du droit de propriété est, en droit civil, fonction de la volonté contractuelle ou de l’intention des parties. Il s’ensuit que les parties à un contrat peuvent validement stipuler que le titre de propriété demeure entre les mains du vendeur même si les attributs du droit de propriété sont par ailleurs transmis à l’acheteur.  Comme l’explique la juge de première instance dans ses motifs, même une vente à tempérament n’équivaut pas à vente puisque la condition du passage du titre reliée au plein paiement du prix de vente est intrinsèque au contrat et donc n’a pas la faculté d’opérer rétroactivement lorsqu’elle se réalise[53].  Lorsque le titre est conservé par un vendeur uniquement pour garantir le paiement, la réserve du droit de propriété demeure significative puisqu’elle prive l’acheteur du jus abutendi soit du droit de disposer de la chose ou d’en faire un usage définitif, l’un des trois attributs du droit de propriété[54].  Le fait qu’en l’espèce le droit civil situe la propriété des camions entre les mains des sociétés de finance n’est pas tributaire de formalisme juridique : il s’agit plutôt d’une réalité juridique qui s’impose selon le droit québécois dans la mesure où, évidemment, il est applicable.

 

Analyse et décision

[27]           La question est donc de savoir si le législateur, en vertu de la Loi, aurait écarté cette réalité juridique issue du droit privé pour lui préférer la démarche énoncée par le bulletin d’interprétation.  Avant de trancher, il y a lieu de considérer brièvement la nature juridique du contrat de crédit-bail et de revoir la jurisprudence qui a suscité cette controverse.

 

Le crédit-bail

[28]           Comme nous l’avons vu, le contrat de crédit-bail était en 1982 un contrat innomé en ce qu’il n’était assujetti à aucune règle particulière.  L’article 1603 du Code civil du Bas-Canada ne faisait qu’établir les conditions préalables à sa création, tout en l’excluant expressément des règles régissant le louage dans la mesure où ces conditions étaient remplies[55].

 

[29]           Les notes explicatives accompagnant le projet de loi qui mena à l’adoption de l’article 1603 disaient de ce contrat :

Comme il s’agit d’un véritable mode de financement qui prend l’apparence d’un bail, on ne saurait qualifier ce contrat que de convention innomée qui obéit « à ses propres règles »[56].

 

 

C’est donc que malgré la nomenclature utilisée à l’article 1603 [locateur/locataire], le législateur québécois n’a clairement pas voulu donner une coloration particulière au contrat de crédit-bail.  Ce message fut d’ailleurs réitéré lors de l’introduction du nouveau Code :

 

[...] le crédit-bail n’étant pas un louage, il a paru souhaitable de remplacer les expressions locateur et locataire par celles de crédit-bailleur et de crédit-preneur, mais de conserver l’expression crédit-bail déjà bien établie.  On trouve d’ailleurs ces expressions dans la Convention d’Unidroit sur le crédit-bail international[57].

 

 

Le commentaire suivant fut ajouté à la même occasion :

 

Considérant que le crédit-bail est d’abord un mécanisme visant à financer l’usage d’un bien et non son acquisition, le nouveau code laisse aux parties le soin de stipuler ou non une option d’achat à la fin du contrat de crédit-bail[58].

 

 

[30]           Il ressort de ceci qu’un crédit-bail est avant tout une opération financière visant à financer l’usage d’un bien.  Par contre, lorsqu’il est jumelé avec une option d’achat et que l’option est éventuellement exercée, ce mécanisme aura aussi servi à financer l’acquisition du bien.  La difficulté soulevée par le présent litige se situe au niveau de la caractérisation d’un crédit-bail avec option durant la période qui précède l’exercice du choix que comporte l’option.

 

 

 

 

 

Quant un bien est-il « acquis » selon la jurisprudence?[59]

[31]           Dans l’affaire Olympia and York[60], il s’agissait de décider si, pour fins fiscales, il y avait eu vente d’un immeuble situé au Québec suite à une transaction qui avait comme effet de transmettre à l’acheteur tous les attributs du droit de propriété sauf le titre qui demeurait entre les mains du vendeur pour garantir le paiement du prix de vente.

 

[32]           Le juge Addy, après une revue exhaustive du droit civil, en vint à la conclusion qu’il n’y avait pas eu vente selon le Code civil du Bas-Canada puisque le titre de propriété demeurait entre les mains du vendeur.  Il annula la cotisation du ministre, dans la mesure où elle prélevait un impôt suite à la vente de l’immeuble en ces termes :

 

  Il est évident que les droits des parties au contrat ainsi que toutes les questions relatives aux diverses conventions et aux rapports juridiques tenant aux actes des parties à ces conventions doivent être déterminés conformément à la loi de la province de Québec.

  Les droits des parties prenant leur source dans le contrat déposé à titre de pièce 1, il convient d’en examiner les termes avec la plus grande attention.  Puisque la Loi de l’impôt sur le revenu ne définit le mot « vente » ni ne lui accorde aucun sens spécial, ce mot doit être envisagé à la lumière des lois de la province de Québec telles qu’elles s’appliquent aux rapports nés de ce contrat[61].  [le souligné est le mien]

 

 

[33]           Malgré le fait qu’il n’y avait pas eu vente, le juge Addy s’est tout de même demandé si la récupération de l’amortissement sur les bâtiments pouvait être exigible.  Ses motifs à cet égard méritent d’être cités au complet :

  Comme je l'ai déjà dit, le second point litigieux à trancher porte sur la question de savoir si en août 1969, il y a eu "disposition" au sens de l'article 20(5)b) de la Loi antérieure, laquelle « disposition » rendrait applicables les dispositions 20(1)a) et 20(5)e)(ii)(A) et (B). (Ces dispositions portent maintenant les numéros 13(21)c), 13(1)a) et 13(21)f)(ii)(A) et (B) dans la Loi nouvelle.) Voici ce qu'elles prévoient:

 

  20.(1) Lorsque, dans une année d'imposition, il a été disposé de biens d'un contribuable, susceptibles de dépréciation et appartenant à une catégorie prescrite, et que le produit de la disposition excède le coût en capital non déprécié, pour lui, des biens susceptibles de dépréciation de cette catégorie, immédiatement avant leur aliénation, le moindre

 

a)  du montant de l'excédent, ou

...

 

  doit être inclus dans le calcul de son revenu pour l'année.

 

...

 

(5) Dans le présent article et dans les règlements établis en exécution de l'alinéa a) du paragraphe (1) de l'article 11, l'expression

 

...

 

  b)  « disposition de biens » comprend toute opération ou tout événement donnant droit au contribuable au produit d'une disposition de biens;

 

...

 

  e)  « le coût en capital non déprécié, pour un contribuable, de biens susceptibles de dépréciation » d'une catégorie prescrite, à une époque quelconque, signifie le coût en capital, pour le contribuable, de biens susceptibles de dépréciation de cette catégorie dont l'acquisition est antérieure à cette époque, moins l'ensemble

 

...

 

(ii)  pour chaque disposition, avant cette époque, de biens du contribuable appartenant à cette catégorie, du moindre

 

(A)  du produit de la disposition desdits biens,

(B)  du coût en capital, pour lui, desdits biens, ou

 

  Selon l'article 20(5)c), « disposition » s'entend de la vente et de plusieurs autres types de paiement tels que: indemnité pour les biens endommagés, montants payables en vertu d'une police d'assurance, etc., mais il ne s'agit pas là d'une définition exhaustive des termes « disposition de biens » qui figure à l'article 20(5)b) cité plus haut.  En fait, l'article 20(5)b) lui-même, où figure le terme « includes » (comprend), n'est pas non plus une définition exhaustive ou limitative. À cet égard, le juge Pratte s'est prononcé en ces termes à la page 876 de l'arrêt La Reine c. Compagnie Immobilière BCN Limitée de la Cour suprême du Canada:

 

Les définitions des substantifs « disposition of property » (disposition de biens) et « proceeds of disposition » (produit d'une disposition) aux al. 20(5)b) et c) indiquent clairement que le verbe « disposed of » est employé dans son sens le plus large.

 

  Le terme « acquired » (acquis) figurant à l'article 20(5)e) est de toute évidence l'antonyme direct de « disposed » (disposé) (ou disposition) employé dans la même disposition et implique en gros pour la personne qui acquiert le bien, les mêmes éléments que pour celle qui en dispose. Dans Le ministre du Revenu national c. Wardean Drilling Limited, mon collègue le juge Cattanach, s'attachant au sens du mot « acquired », tel qu'il figure à l'article 20(5), s'est prononcé en ces termes à la page 172:

 

[TRADUCTION] Sauf le respect que je lui dois, je ne peux souscrire à cette thèse.

 

 À mon avis, le critère applicable pour déterminer le moment où le bien est acquis se rapporte au titre de propriété sur le bien en question ou aux accessoires normaux du titre, naturels ou déduits par interprétation, tels que la possession, l'usage et le risque.

 

  et encore, à la page 173:

 

 [TRADUCTION] Comme je l'ai indiqué, je suis d'avis qu'un acheteur a acquis des biens d'une catégorie de l'annexe B lorsque le titre est transmis, en supposant que ces biens existent à ce moment, ou lorsque l'acheteur a réuni tous les accessoires du titre, tels que la possession, l'utilisation et le risque, bien que le titre légal reste au vendeur en garantie du prix d'achat comme le veut la pratique commerciale dans les cas de contrats de vente conditionnelle. Selon moi, le critère susdit est celui qu'il faut appliquer pour déterminer s'il y a acquisition de l'un des biens décrits à l'annexe B des Règlements de l'impôt sur le revenu.

 

  Le juge suppléant Bastin a souscrit à cette conclusion dans La Reine c. Henuset Bros. Ltd. [No. 1], où il s'est prononcé en ces termes à la page 5170:

 

 [TRADUCTION] Il s'ensuit que l'acheteur a acquis, le 30 décembre 1971, tous les accessoires du droit de propriété autres que le titre légal (réservé par le vendeur en vertu des accords de vente conditionnelle) tels que la possession, le risque et le droit de se servir des tracteurs. À mon avis, le fait que le vendeur s'est réservé le titre de propriété de ces derniers comme garantie équivaut à la situation où cette garantie aurait été prise sous forme d'hypothèque mobilière. Cette opinion est fondée sur la décision rendue par le savant juge Cattanach dans M.R.N. c. Wardean Drilling Limited [69 D.T.C. 5194], (1969) C.T.C. 265.

 

  En l'espèce, la demanderesse, en signant le contrat et en transmettant le bien-fonds à First General, en septembre 1969, s'est déchargée de toutes les obligations, responsabilités et charges attachées à la propriété, en même temps qu'elle a renoncé à tous les avantages, bénéfices et privilèges de la propriété à l'exception du titre formel. Elle s'était engagée absolument et irrévocablement à signer et à remettre à l'acheteur un titre incontestable dès paiement du solde du prix de vente. Tous les droits complémentaires auxquels elle avait droit en vertu du contrat visaient exclusivement à garantir le paiement de ce solde; ce sont des droits qui reviennent normalement au créancier hypothécaire pour protéger sa garantie.

 

  Eu égard à l'interprétation donnée par la Cour suprême du Canada dans La Reine c. Compagnie Immobilière BCN Limitée, op. cit. supra, des notions de « disposition de biens » et de « produit d'une disposition » et compte tenu des conclusions du juge Cattanach dans Le ministre du Revenu national c. Wardean Drilling Limited, op. cit. supra (auxquelles je souscris pleinement), je conclus qu'en l'espèce, il y a eu en septembre 1969, « disposition » par la demanderesse de l'ensemble de la Place Crémazie au sens de l'article 20 de la Loi antérieure (article 13 de la Loi nouvelle)[62].  [le souligné est le mien]

 

 

[34]           Comme on peut le constater, le juge Addy s’est inspiré du sens large du mot « disposition » pour rendre sa décision, mais c’est la règle énoncée dans Wardean Drilling qui l’a mené à conclure à l’existence d’une « disposition » sur le plan fiscal même s’il n’y avait pas eu vente selon le droit civil[63].  La juge de première instance a d’ailleurs qualifié Wardean Drilling d’arrêt charnière en la matière.  Le juge Addy a conclu que le deuxième volet de la règle d’acquisition énoncée par le juge Cattanach l’autorisait à écarter le droit québécois.  L’affaire Wardean Drilling mérite donc qu’on s’y attarde.

 

[35]           Il s’agissait dans cette affaire d’identifier le moment à compter duquel le contribuable pouvait réclamer l’allocation du coût en capital à l’égard de deux foreuses qu’il disait avoir acquises pendant son année d’imposition 1963.  La transaction était assujettie aux lois de l’Alberta, et c’est conformément au Sale of Goods Act[64] de cette province que le juge Cattanach a tranché cette question.

 

[36]           La décision de la Commission de Révision de l’impôt dont était appel donnait effet à l’argument selon lequel un bien était acquis pour fins fiscales dès le moment où un contrat d’achat-vente était signé, que la propriété des biens assujettis au contrat ai été transmise ou non.  Cet argument était fondé sur la définition élargie du terme « property » que l’on retrouvait à l’article 139(1)ag) de la Loi :

« biens »  signifie des biens de toute nature, qu’ils soient réels ou personnels, corporels ou incorporels, et, sans restreindre la généralité de ce qui précède, comprend un droit de quelque nature que ce soit, une action ou un droit incorporel;

 

"property" means property of any kind whatsoever whether real or personal or corporeal or incorporeal and, without restricting the generality of the foregoing, includes a right of any kind whatsoever, a share or chose in action;

 

[le souligné est le mien]

 

[37]           Voici comment le juge Cattanach aborda la question :

 

  The decision in this appeal turns on the question as to when the rig and substructure were "acquired" by the respondent.  The submission on behalf of the respondent was, as I understood it, that goods are acquired by a purchaser thereof when the vendor and the purchaser have entered into a binding and enforceable contract of sale and purchase.  The test and concept of a contract was that adopted by the Tax Appeal Board in the decision now under appeal[65].  [le souligné est le mien]

 

 

[38]           Le juge Cattanach rejeta cette approche en ces termes:

 

  On the facts in the present appeal there is no question whatsoever that the contracts for the purchase and sale of the rig and substructure were completed prior to December 31, 1963.  Accordingly there is no question that as at the end of the respondent’s 1963 taxation year it had rights under these contracts.  Such rights are "property" within the meaning of section 139(1)(ag) of the Income Tax Act but Schedule B to the Income Tax Regulations does not include a class of property which is subject to capital cost allowance such as properties which are contractual rights under the contracts here in question.  In order to fall within any of the specified classes in Schedule B there must be a right in the property itself rather than rights in a contract relating to the property which is the subject matter of the contract.[66]  [le souligné est le mien]

 

 

[39]           Il a réitéré la règle d’acquisition qu’il avait énoncé précédemment:

 

  As I have indicated above, it is my opinion that a purchaser has acquired assets of a class in Schedule B when title has passed, assuming that the assets exist at that time, or when the purchaser has all the incidents of title, such as possession, use and risk, although legal title may remain in the vendor as security for the purchase price as is the commercial practice under conditional sales agreements.  In my view the foregoing is the proper test to determine the acquisition of property described in Schedule B to the Income Tax Regulations.[67]  [le souligné est le mien]

 

 

[40]           Le juge Cattanach a ensuire rendu jugement selon le droit albertain:

 

  Property in the rig could have passed forthwith had the parties so intended.  But the parties did not so intent.  It was agreed, as evidenced by the note on page 5 of the invoice (Exhibit R-5) that "Title to pass and notes issued as of date shipment".  Delivery or shipment was not until February 18, 1964 and accordingly property in the rig did not pass to the respondent until that date.

 

  It is my opinion that neither Rule I nor Rule II set forth in section 21 of the Sale of Goods Act is applicable to the circumstances of this particular contract but rather that the intention of the parties as to when property in the rig was to pass is determined by the terms of the contract in accordance with section 20 of the Sale of Goods Act[68].  [le souligné est le mien]

 

 

[41]           Comme on peut le constater, le juge Cattanach a refusé d’attribuer au mot « acquisition » un sens particulier selon la Loi, écartant ainsi la décision qu’avait rendue la Commission de Révision de l’Impôt, et a jugé qu’il n’y avait pas eu « acquisition » à la lumière du droit albertain.  C’est dans ce contexte qu’il faut lire la règle d’acquisition énoncée par le juge Cattanach.  En énonçant cette règle, le juge Cattanach n’avait pas à l’esprit l’idée d’écarter le droit privé applicable puisque le jugement qu’il a rendu est précisément à l’effet contraire.  Comme l’a expliqué le juge en chef Couture dans la présente affaire, le juge Cattanach en énonçant cette règle :

 

confirme simplement cette distinction qui existe [selon la common law] entre le propriétaire en titre [legal owner] et le propriétaire bénéficiaire des biens [beneficial owner], c’est-à-dire celui à qui le droit de propriété appartient suite à une transaction, mais dont le titre de propriété lui sera dévolu à une date ultérieure[69].

 

 

[42]           Le juge en chef Couture a, à cette occasion, ajouté le commentaire suivant auquel nous reviendrons plus tard :

 

Le [Code civil du Bas-Canada] par ailleurs ne reconnaît pas ce genre de démembrement du droit de propriété.  Ce droit est absolu de par sa définition.

 

Il définit propriété comme suit à l’article 406 :

 

La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou les règlements.

 

 

Devant cette définition, il est évident que ce droit est indivisible puisqu’il est impossible que plus d’une personne puisse posséder une telle autorité vis-à-vis un bien.  Un bien peut être la propriété de deux ou plusieurs personnes, mais ces personnes cumulent entre elles à titre de co-propriétaires tous les droits attachés au titre de propriété de ce bien.  Le démembrement du droit de propriété est permis en autant que le Code le prévoit et ce démembrement est régi par des dispositions très spécifiques.  L’exemple typique est celui de la servitude qui accorde la jouissance d’un bien ou d’une partie de ce bien à quelqu’un qui n’est pas propriétaire.[70]

 

 

[43]           L’affaire Henuset[71], dont l’extrait pertinent est cité par le juge Addy dans Olympia and York[72], traite aussi d’une transaction qui était assujettie aux lois de l’Alberta.  La question était de savoir si la société Henuset pouvait réclamer l’amortissement sur le coût d’acquisition de tracteurs qu’elle disait avoir acquis pendant son année d’imposition 1970.  Le juge suppléant Bastin, s’en remettant à la règle d’acquisition alternative énoncée par le juge Cattanach dans Wardean Drilling, en vint à la conclusion que la vente fut parachevée le ou avant le 30 décembre 1970 selon des « conditional sales agreements » et que les tracteurs avaient donc été « acquis » pour fins fiscales.  Les motifs ne font pas état de conflit entre cette conclusion et le droit albertain.

 

[44]           Dans l’affaire Gartry[73], le juge Bowman devait décider si un bateau avait été « acquis » par M. Gartry au sens de l’alinéa 13(21)b).  Selon la preuve, le vendeur s’était réservé le droit de propriété du bateau pour garantir le paiement du prix de vente.  M. Gartry avait par ailleurs tous les attributs du droit de propriété; il avait aussi engagé des dépenses importantes afin de rendre le bateau conforme à l’utilisation qu’il voulait en faire.  Même si la décision n’en fait aucune mention, les droits de M. Gartry à l’égard du bateau étaient vraisemblablement fonction du droit maritime canadien.

 

[45]           Voici comment le juge Bowman a tranché la question :

 

  The rights of Mr. Gartry in shis case are significant.  He undertook an exhaustive search for this particular ship.  He made substantial expenditures on the ship including the purchase of new equipment and the vendor carried out his detailed instructions in making the modifications and installing the equipment.  The ship had attained a uniqueness that would in my view have entitled him to an order for specific performance of the contract in a court of competent jurisdiction.  His interest in the property had gone far beyond that arising from a merecontract [sic] of purchase and sale of the type considered in Wardean Drilling Ltd., supra.

 

  The matter is susceptible of a different analysis that leads to the same result.  Let us assume for a moment, first, that my conclusion is wrong that the extensive rights which the appellant acquired in the ship itself as modified did not amount to an acquisition or ownership of the boat within the meaning of paragraph 13(21)(b), and second, as contended by the respondent that, the expenses are on capital account on the basis that the appellant acquired an asset for the enduring benefit of the business.  If that asset is not the ship as modified the asset must be the new equipment that was installed and that, for the purpose of determining the ownership of depreciable property, exists independently of the ship.

 

......

 

  It follows therefore that even if the expense of the modifications is not on revenue account and even if the appellant had not "acquired" the boat before it sank, he did acquire such of the assets used in making the modifications that were capital assets.  The cost of these assets is the cost to him of depreciable property falling within Class 7 of Schedule II to the Regulations made pursuant to the Income Tax Act[74].  [le souligne est le mien]

 

 

[46]           L’on constate que la conclusion à l’effet que le bateau avait été « acquis » par M. Gartry n’est que l’une de deux conclusions distinctes et indépendantes sur lesquelles le juge Bowman a fondé sa décision.  On peu aussi constater que les droits de M. Gartry ne se limitaient pas à de simples droits contractuels.  Le juge Bowman était évidemment d’avis que le droit que déteniat M. Gartry d’exiger l’exécution des termes du contrat selon la common law [specific performance] lui conférait des droits sur le bateau comme tel soi, pour emprunter les mots du juge Cattanach, des droits « in the property itself rather than rights relating to the property which is the subject matter of the contract ».[75]

 

[47]           Finalement, l’appelante s’en remet à la cause Bédard Auto Ltée[76] où la Cour de l’impôt devait décider si la location d’un immeuble avec obligation de la part du locateur de procéder à son achat pour un prix arrêté, comprenant les loyers accumulés, constituait une vente.  Le juge Tremblay, après avoir conclu que le contrat n’était pas translatif de propriété selon le droit civil, a tout de même décidé qu’il y avait eu vente pour fins fiscales.  Il a constaté que malgré la réserve du droit de propriété, le locataire avait la possession, l’utilisation et assumait les risques inhérents à l’immeuble loué.  S’appuyant sur la décision Olympia and York, le juge Tremblay a conclu qu’il y avait eu "disposition" sur le plan fiscal même s’il n’y avait pas vente en droit québécois.

 

[48]           Les décisions soutenant la thèse contraire sont nombreuses.  Dans R. c. Lagueux et Frères Inc.[77], la Cour fédérale, Section de première instance, fut appelée à analyser cinq contrats de crédit-bail dont quatre comprenaient des options d’achat[78].  Selon ces contrats, le total des mensualités équivalait au coût d’acquisition des biens loués, majoré par le taux d’intérêt applicable sur la portion impayée.  Par ailleurs, tous les risques inhérents aux biens loués étaient supportés par le locataire.

 

[49]           Le juge Raymond Décary, disant se fonder sur les règles régissant le droit privé applicable en la matière, en vint à la conclusion que les contrats, malgré leur appellation, constituaient des ventes.  Il précisa que seul le droit privé, notamment le Code civil du Bas-Canada, pouvait servir à déterminer s’il y avait eu acquisition pour fins fiscales[79].

 

[50]           Dans l’affaire Dumais et Fils c. M.R.N.[80], le juge Garon de la Cour de l’impôt (tel qu’il l’était), s’est aussi prononcé sur l’effet pour fins fiscales d’un contrat de crédit-bail régi par l’article 1603 du Code civil du Bas-Canada.  Se fondant uniquement sur le droit civil, le juge Garon a conclu que la compagnie de finance, à titre de bailleur, demeurait propriétaire des biens assujettis au contrat, et donc que le contribuable avait droit ni à l’allocation du coût en capital ni au crédit d’impôt à l’investissement.

 

[51]           Dans l’affaire Gaétan Lévesque Inc. c. M.R.N.[81], la Cour de l’impôt fit encore l’analyse de contrats de crédit-bail régis par le droit du Québec.  Les contrats avaient comme particularité que le bailleur s’était, selon les termes du contrat, réservé le droit de réclamer l’allocation du coût en capital.  Malgré cette clause, le locataire tenta de déduire l’amortissement sur les biens en question.  Madame la juge Lamarre-Proulx a analysé la question à la lumière du droit civil et a conclu que le bailleur était propriétaire des biens assujettis aux contrats.  Le locataire se vit donc refuser l’allocation du coût en capital.  La juge Lamarre-Proulx en était arrivée à une conclusion semblable dans l’affaire André Laliberté c. M.R.N.[82] à l’égard d’une cotisation qui refusait à un locataire le crédit d’impôt à l’investissement.

 

[52]           Enfin, le juge Tremblay dans l’affaire Laurent Goulet et Fils Inc. c. M.N.R. [83] a aussi conclu qu’un contrat de crédit-bail assujetti à l’article 1603 du Code civil du Bas-Canada et comprenant une option d’achat n’était pas translatif de propriété.  Le juge Tremblay a traité cette conclusion basée exclusivement sur le droit civil comme étant déterminative sur le plan fiscal.  Ce faisant, il semble avoir délaissé sans explication la décision qu’il avait rendue quelques années auparavant dans l’affaire Bédard Auto Ltée.

 

[53]           Avant de conclure cette revue, il y a lieu de commenter brièvement deux décisions de la Cour fédérale, section de première instance.

 

[54]           Dans l’affaire Kirch Construction Ltd. c. La Reine[84], le contribuable prétendait avoir fait l’acquisition pour fins fiscales de matériel de construction routière lors du dernier jour de son année d’imposition et cherchait à réclamer l’allocation du coût en capital à l’égard de cette acquisition.  Le juge Strayer (tel qu’il l’était) se référant aux arrêts Wardean Drilling et Henuset dit :

 

I has been held that property is "acquired" for the purposes of capital cost allowance when title has either passed to the taxpayer or the taxpayer had obtained all the incidents of title such as possession, use and risk.[85]

[55]           Après avoir fait l’analyse de la question sous chacun de ces aspects, le juge Strayer en vint à la conclusion que le contribuable avait au moment pertinent ni le titre de propriété à l’égard des biens en cause, ni les attributs afférents au droit de propriété.

 

[56]           Dans Borstad Welding Supplies[86], le ministre s’en était remis à la règle énoncée dans Wardean Drilling pour prétendre que le contribuable avait disposé de certains biens mobiliers pendant son année d’imposition 1985.  Madame la juge Reed aborda le problème comme suit :

 

The Wardean case dealt with the acquisition of oil drilling equipment.  Even though the equipment had been ordered and invoices received therefor in one fiscal year, it was held that acquisition did not take place until the equipment was delivered to the purchaser. Property did not pass to the purchaser under the Alberta Sale of Goods Act, until that time.  The quotation in that decision upon which the Minister relies, in making his argument, in this case is:

 

 

 

... a purchaser has acquired assets of a class in Schedule B when title has passed, assuming that the assets exist at that time, or when the purchaser has all the incidents of title, such as possession, use and risk, although legal title may remain in the vendor as security for the purchase price as is the commercial practice under conditional sales agreements.[87]  [italique dans l’original]

 

 

[57]           Elle ajouta un peu plus loin:

 

Counsel for the Minister agrees that the determination of when title passed in this case is governed by the Sale of Goods Act, R.S.A. 1985, c. S-2.  There is no dispute that property did not pass on June 1, 1985.  Thus, the question becomes whether a disposition occurred because of the second branch which has been developed in the jurisprudence:  whether the purchaser had acquired all the incidentals of title ... although legal title might remain in the vendor.[88]  [le souligné est le mien]

[58]           Elle s’engagea par la suite dans une analyse méticuleuse du contrat avant de conclure comme suit:

 

The parties thought they were entering into an agreement for the rental of the cylinders until such time as they were purchased, one-fifth of the total number of cylinders to be purchased in each of five consecutive years.  I cannot characterize their agreement as other than what it purports to be.  I cannot conclude that a disposition occurred on June 1, 1985[89].

 

 

[59]           Il ressort de cette revue de la jurisprudence que l’arrêt Olympia and York, dans la mesure où il autorise les tribunaux à ignorer les effets du droit québécois dans les litiges issus du Québec, n’a pas été suivi.  Seul le juge Tremblay s’est inspiré de cette décision dans l’affaire Bédard Auto Ltée pour conclure qu’il y avait vente pour fins fiscales, malgré le fait que le droit civil dictait le résultat contraire.  Il s’est par la suite ralié au droit civil dans l’affaire Goulet.  Selon moi, la juge de première instance, et les juges de la Cour d’impôt avant elle ont eu raison d’ignorer l’arrêt Olympia and York puisque la Loi n’écarte pas le droit privé.  Le mot « acquis » que l’on retrouve dans chacune des dispositions en cause doit être compris dans son sens normal soit comme évoquant l’acquisition de la propriété d’un bien[90] et en l’absence d’indication contraire, la propriété d’un bien ne peut s’acquérir autrement que selon le droit privé applicable.

 

[60]           Par ailleurs, cette revue jurisprudentielle démontre aussi que la règle d’acquisition énoncée par le juge Cattanach dans Wardean Drilling a été suivie fidèlement dans les litiges issus des provinces de common law.  Cette règle, comme en font foi les extraits que j’ai cités, veut qu’un bien soit acquis à compter du moment où la propriété est transmise à l’acheteur ou lorsqu’un acquéreur a la possession, l’utilisation et assume les risques inhérents au bien en question, même si le « legal title » demeure entre les mains du vendeur afin de garantir le paiement du prix de vente.

 

[61]           Le juge suppléant Bastin a donné effet au deuxième volet de cette règle dans Henuset, et le juge Bowman a fait de même dans Gartry.  La juge Reed a appliqué ce test dans l’affaire Borstad ainsi que le juge Strayer dans l’affaire Kirch.  Je souligne le fait qu’aucune de ces décisions ne laisse entendre que la règle d’acquisition proposée par le juge Cattanach se démarquait du droit privé applicable[91].  Comme l’a fait remarquer le juge ne chef Couture dans la présente affaire[92], le juge Cattanach dans Wardean Drilling faisait tout simplement allusion à la division du droit de propriété selon la common law et à la règle selon laquelle il y a disposition d’un bien lorsqu’il y a changement dans le « beneficial ownership » même si le « legal ownership » demeure inchangé.

 

Intégration de la notion de « beneficial ownership » dans la Loi

[62]           D’ailleurs, depuis la réforme de 1972, la Loi reflète cette particularité de la common law.  En effet, sous-alinéa 54(c)(v) reconnaît, a contrario, qu’il y a disposition d’un bien lorsqu’il y a changement dans son « beneficial ownership » même si le vendeur retient le « legal ownership » :

 

54(c) « disposition de biens » comprend, sauf dispositions contraires expresses,

(i)           toute opération ou tout événement donnant droit au contribuable au produit de la disposition de biens,

[...]

mais, pour plus de précision, ne comprend pas

[...]

(v)         tout transfert de biens, à la suite duquel il y a un changement dans le legal ownership du bien sans changement dans le beneficial ownership de ce bien, [...]

 

54(c) “disposition” of any property, except as expressly otherwise provided, includes

(i)         any transaction or event entitling a taxpayer to proceeds of disposition of property,

...

but, for greater certainty, does not include

...

(v)       any transfer of property by virtue of which there is a change in the legal ownership of the property without any change in the benefical ownership thereof, ...

 

[le souligné est le mien]

 

[63]           De toute évidence, cette disposition fait appel à un démembrement du droit de propriété qui n’a pas d’application en droit civil.  Cependant, le paragraphe 248(3), et sa version anglaise, en particulier, démontre que le législateur s’est penché sur cette question et a créé par voie législative des équivalences à la notion de « beneficial ownerhip » aux fins de son application au Québec :

 

248(3)  Aux fins de l’application de la présente loi dans la province de Québec, l’expression "droit de jouissance" à l’égard d’un bien signifie le droit de la personne qui a ou avait la pleine propriété d’un bien, même si ce bien est grevé d’une servitude, le droit détenu par un usufruitier, un preneur dans un bail emphytéotique, un grevé dans une substitution ou un bénéficiaire dans une fiducie.

 

248(3)  In its application in relation to the Province of Quebec, a reference in this Act to any property that is or was beneficially owned by any person shall be read as including a reference to property in relation to which any person has or had the full ownership whether or not the property is or was subject to a servitude, or has or had a right as a unsufructuary, a lessee in an emphyteutic lease, an institute in a substitution or a beneficiary in a trust; and a reference in this Act to the beneficial owner of any property shall be read as including a reference to a person who has or had, accordingly as the context requires, such ownership as a right in relation to that property.

 

 

Ce paragraphe demeura en vigueur pendant 20 ans, soit à compter de la réforme de 1972 jusqu’à la fin de 1991, lorsqu’il fut assujetti à une importante modification[93].  Dans l’intervalle, seul le texte français fut amendé par la substitution de l’expression « droit de jouissance » par « propriété effective » et par le remplacement des mots « signifie le » à la troisième ligne par les mots « s’entend notamment du »[94].

 

[64]           L’alinéa 54(c)(v) et le paragraphe 248(3) n’ayant pas été soulevés ou discutés au cours de l’appel, la Cour a, suite à l’audition, invité les parties à faire valoir leur point de vue quant à l’utilité que pourraient avoir ces dispositions dans le dénouement du présent litige.  Les parties ont toutes deux répondu à l’invitation de la Cour.

 

[65]           Il ressort des représentations écrites produites par les parties qu’elle reconnaissent que l’effet de sous-alinéa 54(c)(v) est d’incorporer à la Loi la règle de common law selon laquelle un bien est assujetti à une disposition lorsqu’il y a transfert du « beneficial ownerhip » même si le « legal ownership » demeure inchangé.  Les parties reconnaissent aussi que bien que la règle énoncée au sous-alinéa 54(c)(v) ne s’applique de façon expresse qu’au système d’imposition du gain en capital, elle est aussi applicable au mécanisme d’allocation du coût en capital[95].

 

[66]           Ceci étant dit, quel est l’effet du paragraphe 248(3)?  Cette disposition, aussi boiteuse puisse-t-elle sembler, a pour but évident d’assimiler le « beneficial ownership » d’un bien à diverses formes de propriété propre au droit civil aux fins de son application au Québec.  Ainsi, il ressort du paragraphe 248(3) que le législateur assimile de façon successive un « beneficial owner » au plein propriétaire d’un bien qu’il soit ou non grevé d’une servitude, à un usufruitier, au preneur dans un bail emphytéotique, au grevé dans une substitution ainsi qu’au bénéficiaire dans une fiducie[96].

 

[67]           C’est donc qu’aux fins de l’application de la Loi au Québec, le législateur a donné à la notion de « beneficial ownership » un sens large en l’assimilant selon le contexte et de façon non-limitative à plusieurs formes de propriété propres au droit civil allant de la pleine propriété à l’usufruit.  J’ai cru que le paragraphe 248(3) aurait pu être utile au dénouement du présent ligige dans la mesure où la transaction entre l’appelante et les sociétés de finance était assimilable sur le plan juridique à une vente à tempérament selon le droit civil ou un « conditional sale » dans une perspective de la common law[97]Mais après mûre réflexion, il me semble clair que les contrats ici en cause n’ont pas l’effet d’une vente, quelqu’en soit la nature, selon l’un ou l’autre de nos deux systèmes de droit privé.

 

Effet de la transaction sur le plan juridique

[68]           Malgré le fait que le droit civil et la common law comportent des différences fondamentales[98], nos deux systèmes de droit privé sont remarquables surtout à cause des nombreux principes qu’ils partagent.  L’un de ces principes est axé sur l’effet déterminant de l’intention des parties dans l’interprétation du contrat qui les lie.  À l’instar du Code civil, l’effet de tout contrat de vente de biens mobiliers dans les provinces de common law et dans les Territoires est avant tout fonction de l’intention contractuelle[99].

 

[69]           Or ici, les parties se sont penchées sur la question de la propriété des biens et on convenu que la propriété demeurerait entre les mains des sociétés de finance jusqu’au moment prévu pour l’exercice de l’option et que « le titre et droit de propriété »[100] serait transmis à l’appelante à ce moment, sujet à ce qu’elle choisisse de lever l’option et d’en payer le prix.  Dans la mesure où l’effet d’un contrat est fonction de l’intention des parties, je ne vois pas comment la propriété des biens [« legal » ou « beneficial » dans une perspective de common law] pourrait avoir été transmise à l’appelante avant que l’option ne soit exercée[101].

 

[70]           Il n’est pas question ici de simulacre ou de trompe-l’œil.  L’appelante et les sociétés de finance ne se sont engagées dans aucune connivence ou subterfuge dirigé à l’encontre du régime fiscal.  L’option a été insérée parmi les termes contractuels d’un commun accord.  Le prix de l’option et le moment de son exercice furent négociés dans le contexte des autres termes contractuels[102].  Le prix d’exercice de l’option, qui se situait à 10% de la valeur des biens à l’achat[103] après une période d’utilisation de cinq ans, ne peut être considéré comme étant symbolique, « nominal » [dans le sens anglais du mot] ou dérisoire au point qu’un tribunal puisse s’autoriser de l’ignorer[104].

 

[71]           Autant il était probable, sinon très probable, au moment de la signature des contrats que l’option serait levée[105], autant son exercice ne pouvait être tenu pour acquis.  Cinq ans est une longue période de temps et les parties n’étant pas des oracles ne pouvaient au moment de la signature des contrats penser avoir à l’esprit tous les facteurs suceptibles d’influencer la décision de l’appelante d’exercer ou non le choix que le contrat lui réservait.  Au delà du fait que la valeur « probable » des biens était une valeur estimative, et donc en soi incertaine, les parties ne pouvaient exclure que des facteurs extrinsèques puisse venir affecter la valeur des biens et l’intérêt de l’appelante d’en faire l’acquisition le temps venu[106].

 

[72]           Je ne crois donc pas que l’appelante puisse renier les contrats qu’elle a signés et prétendre qu’elle a acquis la propriété des biens alors qu’elle a expressément reconnu que les contrats n’avaient pas cet effet.  En l’absence de simulacre ou trompe-l’œil, il n’appartient pas aux tribunaux en matière fiscale de réécrire une entente librement négociée entre deux parties au motif que l’une d’entre elles prétend, après le fait, avoir conclu une entente contraire au contrat qu’elle a signé.  J’ai déjà mentionné que les sociétés de finance pour leur part ont réclamé l’allocation du coût en capital et le crédit d’impôt à l’investissement conformément au droit de la propriété que les contrats leurs reconnaissaient en attente de l’exercice de l’option.

 

[73]           Je dois préciser avant de conclure que le fait que les sociétés de finance n’aient pas reflété les biens assujettis aux contrats comme actif dans leurs états financiers et que l’appelante les ait « immobilisés » ne contredit pas l’effet des contrats sur le plan juridique.  Les états financiers ont comme seule fonction d’identifier la situation financière de l’entreprise visée pour le bénéfice de ses actionnaires, et n’ont rien à voir avec la question de savoir si les contrats ont ou non donné lieu à une vente sur le plan juridique.  En l’absence de preuve quant aux principes applicables, la seule conclusion que l’on peut tirer de ces états financiers est que, sur le plan comptable, la situation financière des entreprises respectives était mieux reflétée par le droit au paiement de la dette à long terme dans le cas des sociétés de finance et par la valeur comptable des biens dans le cas de l’appelante[107].

 

[74]           Somme toute, j’en viens à la conclusion que le bulletin IT-233R[108], dans la mesure où il cherche à anticiper l’avenir et édicte la règle voulant qu’un bien loué dans le cadre d’un contrat de location avec option soit vendu dès la signature du contrat si le coût d’exercice de l’option est « très inférieur » à la valeur « probable » du bien loué ou si au moment de la signature du contrat « personne hésiterait à exercer l’option », est dénudé de fondement juridique.

 

[75]           Sur le plan juridique rien n’empêche les parties à un contrat de validement stipuler que la propriété du bien loué demeure entre les mains du locateur même si le coût d’exercice de l’option en rapport avec la valeur « probable » de l’objet loué peut sembler « très inférieur » au moment de la signature du contrat.  L’on doit tenir compte du fait que la valeur projetée du bien tient du domaine du probable et non de la certitude, et que la liberté contractuelle fait en sorte que les parties à un contrat ont le loisir de décider pour elles-mêmes que la propriété du bien loué demeure entre les mains du locateur jusqu’à l’exercice de l’option, et ce même si la levée de l’option semble probable ou très probable au moment de la signature du contrat.  On n’a qu’à penser à la situation où malgré cette probabilité, le détenteur de l’option exerce le droit que le contrat lui réserve de ne pas lever l’option pour constater que cet aspect du bulletin est dénudé de fondement juridique[109].

 

[76]           Au delà du fait que la règle préconisée par le bulletin n’est pas autorisée par la Loi, elle donne lieu à une grande incertitude et invite l’arbitraire.  Quel est par exemple l’étendue de la différence entre le prix de l’option et la valeur probable du bien visé au moment prévu pour son exercice qui doit faire en sorte qu’il y a vente plutôt que location[110]?  Le bulletin stipule que le montant doit être « très inférieur »[111].  Est-ce qu’un prix d’option qui se situe à 10% de la valeur du bien à l’achat alors que la valeur « probable » du bien se situe à 50% du prix à l’achat est « très inférieur »?  Cette différence devrait-elle être plus grande ou moins grande?  À partir de quel point peut-on écarter les termes d’un contrat librement négocié entre parties consentantes et décréter qu’il y a vente plutôt que location?  Il s’agit là d’impondérables qui ne mènent à aucune conclusion certaine.

 

[77]           En terminant, je constate que lorsque le législateur désire contrer ou modifier les effets juridiques d’un contrat de location avec option, il le fait de façon expresse.  C’est ce qui fut fait en 1990 lors de l’introduction de l’article 16.1 qui transforme un contrat de location avec option en un contrat d’achat vente dans la mesure où les parties en font le choix[112] et c’est ce qui avait été fait à l’égard des conventions de bail avec option selon ce qui était à l’époque le paragraphe 18(1) de la Loi[113].  C’est aussi depuis 1980 l’effet du paragraphe 13(5.2), qui transforme en amortissement la différence entre la juste valeur marchande et le coût d’acquisition d’un bien loué dans le cadre d’un contrat de location avec option d’achat lorsque l’option est exercée à un prix moindre que sa juste valeur marchande[114].  Chacune de ces dispositions prend acte de la nature et des effets juridiques des contrats de location avec option selon le droit privé et les transforme pour fins fiscales par le biais de règles particulières.  En l’absence de dérogation de ce genre, il incombe aux tribunaux de donner à une convention de location avec option les effets juridiques qui s’imposent selon le droit privé.

[78]           Pour ces motifs, j’en viens à la conclusion que l’appelante n’a pas fait l’acquisition des biens en question en vertu des contrats de crédit-bail pendant son année d’imposition 1982.  Je propose donc que l’appel soit rejeté avec dépens.

 

“Marc Noël”

j.c.a.

 


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION D’APPEL

 

NOM DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

NO DE LA COUR :                        A-249-96

 

INTITULÉ                                       CONSTRUCTION BÉROU INC.

                                                         (anciennement FORTIN & MOREAU INC.)

                                                         -et-

                                                         SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :             MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :            LE 13 MAI 1999

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR (PAR DESJARDINS J.C.F., CONCORDANTS PAR LÉTOURNEAU J.C.F. ET DISSIDENTS PAR NOËL J.C.F.)

 

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Claude P. Desaulniers

Et Me Patrick-James Blaine                                                    Pour l’appelante

 

Me Chantal Jacquier                                                               Pour l’intimée

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

McCarthy Tétrault

Montréal (Québec)                                                                  Pour l’appelante

 

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                                         Pour l’intimée



[1]   K. Le M. Carter, président (Ottawa : Imprimeur de la Reine, 1966-67).

 

[2]   J.G. McDonald, "Canadian Royal Commission on Taxation : Capital Gains and Losses" (Toronto: Butterworths, 1968) à la p. 9.

 

[3]   "Analysis of the White Paper on Tax Reform" (Don Mills, Ontario : CCH Canadian Limited, 1969).

[4]   L.R.C. 1985 (5e supp) c. 1, par. 248(3).  Cette disposition fut abrogée par S.C. 1991, c. 49, par. 192(5).

 

[5]  Olympia and York Developments Ltd. c. La Reine, [1981] 1 C.F. 691 à la p. 709.

[6]   P.-G. Jobin, Traité de droit civil – Le louage de choses, Montréal, Yvon Blais, 1988-89 à la p. 69.

 

[7] Minister of National Revenue c. Wardean Drilling Ltd., [1969] 2 R.C. de l’É. 166 à la p. 172.

 

[8] Ce sont les clauses 20 et 28 des contrats que l’on retrouve au dossier d’appel, vol. II, aux pp. 93, 97, 101, 105, 109, 113 et 190.

[9] D.A., vol. II à la p. 93.

 

[10] Montréal, Yvon Blais, 1988-89.  Les parties au contrat civil devaient donc prévoir un transfert de propriété et une passation du titre au moment où l’option d’achat serait complétée.

 

[11] [1969] 2 R.C. de l’É. 166.

[12] Art. 2665.

[13] Loi sur les connaissements, les reçus et les cessions de biens en stock, L.Q. 1982, c. 55.  Voir Caisse populaire de Daveluyville (Aro (1984) Inc.) et Sa Majesté la Reine, C.A.F. no. A-316-94, jugement du 29 octobre 1998.

 

[14] [1981] 1 C.F. 691.

[15] Claude Gilbert, La nature et l’intérêt du crédit-bail en informatique, (1988) 29 Les Cahiers de Droit, 815, à la p. 818.

 

[16] E. De Cannart D’Hamale, G. Vanderberghe, Le contrat de leasing et l’informatique dans Le Droit des contrats informatiques : principes-applications, Bruxelles, Ferdinand Larcier, 1983, p. 473, à la p. 476.

 

[17] Claude Gilbert, supra, note 5, aux pp. 819-820 citant diverses sources françaises dont la Cour d’appel de Chambery, 13 octobre 1975 : Recueil Dalloz Sirey 1976, p. 25; A. Blondeau, Jurisprudence française 1968-1976, vol. 2, Paris, Éd. Techniques, 1978, p. 1199; Cour de Cassation, 3e ch. civ., 10 juin 1980 : Receuil Dalloz Sirey 1980; Cour d’appel de Bordeaux, 28 novembre 1967 : Gaz. Pal. 1968, pp. 1 et 233.

 

[18] Journal des Débats (commissions parlementaires), 30e Législature, 1ère session, P.L. no. 2 – Loi concernant le louage de choses, 21 décembre 1973, no. 12, pp. B-215, B-219 et B-221.

 

[19] Robert P. Godin, Le crédit-bail, La Réforme du Code civil, Obligations, contrats nommés, Les Presses de l’Université Laval, Sainte-Foy, 1993, p. 681.

[20] Henri, Léon et Jean Mazeaud, Leçons de droit civil, tome 3, Sûretés, Publicité foncière et Principaux contrats, 2e ed., Éditions Montchrestien, Paris, p. 754.

[21] Commentaires du ministre de la Justice, Le Code civil du Québec, tome II, Les Publications du Québec, Québec, 1993, p. 1156.

 

[22] Pierre Gabriel Jobin, Le Louage, Traité de droit civil, 2e éd., Les Éditions Yvon Blais Inc., Cowansville, 1996, p. 55, citant Nashua Canada Ltée c. Genest, [1990] R.J.Q. 737 (C.A.); Cie d’expertise en sinistres Casualty Ltéee c. Auto Hamer 1979 Ltd., [1988] R.J.Q. 241 (C.A.).

 

[23] Dossier no. A-764-95.

 

[24] Cette notion de common law réfère à l’acquisition d’un droit d’usage qui n’est pas exclusif à l’acquéreur et se distingue de la notion de bail qui confère un usage exclusif.  En d’autres termes, l’utilisation d’un bien sous licence n’est pas une location au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

[25] Le souligné est le mien.  Dans l’affaire du Mont-Sutton Inc., cette position prise par Sa Majesté se retrouve aux paragraphes 35 et 38 de son Mémoire des faits et du droit sur l’appel incident.

[26] La partie soulignée de la version française de cette disposition comportait une erreur de traduction qui a été corrigée par des amendements de 1985 que l’on retrouve à S.C. 1985, ch. 45, par. 72(5) afin de la rendre conforme à la version anglaise.

[27]  La décision est rapportée à 96 D.T.C. 6177.

 

[28]  Les camions neufs étaient de marque Internationale et étaient équipés d’un compacteur de type « Shu-Pak » à chargement latéral.  Les camions usagés étaient de marque Mack avec benne à déchets neuve de type « Dempster » à compaction hydraulique.

 

[29]  S.C. 1970-71-72, c. 63.

[30]  Cette décision est rapportée à (1990) 44 D.T.C. 1436 sous l’intitulé de cause Fortin & Moreau Inc. c. M.R.N.

 

[31] Sous le nouveau Code, le crédit-bail est un contrat nommé assujetti à certaines règles particulières.  Voir les articles 1842 à 1850 du Code civil du Québec sous le chapitre troisième « du crédit-bail ».

[32]  Dossier d’appel, Volume II aux pp. 225 et 216 respectivement.

 

[33]  Supra note 1 à la p. 6184.

[34]  Acquérir : 1o  Devenir propriétaire de (un bien, un droit), par achat, échange ou succession. (Le Petit Robert)

   Acquisition : 1o  Fait, pour une personne, de devenir propriétaire d’une chose ou titulaire d’un droit. Par exemple, l’article 583 du Code civil énumère les modes d’acquisition du droit de propriété (Le Dictionnaire du droit privé, Centre de recherche en droit privé et comparé du Québec).

 

[35]  [1981] 1 C.F. 691 (première instance) [ci-après Olympia and York].

 

[36]  [1969] 2 R.C. de l’É. 166 [ci-après Wardean Drilling].

 

[37]  77 D.T.C. 5169 [ci-après Henuset].

 

[38]  [1994] 2 C.T.C. 2021 [ci-après Gartry].

 

[39]  [1985] 2 C.T.C. 2354 [ci-après Bédard Auto Ltée].

 

[40] Harel c. Sous-ministre du Revenu du Québec, [1977] C.T.C. 441, aux pp. 447 et 448 et Mattabi Mines Ltd c. Ontario (Ministre du Revenu), [1988] 2 R.C.S. 175.

[41]  La différence était de 166,65 $.

 

[42]  Voir les factures de vente de 4 des camions en question, Dossier d’appel, Volume II aux pp. 209, 210, 211 et 212.  La preuve a par ailleurs révélé que l’un des camions de marque Mack a été vendu en 1992 et que l’autre était toujours utilisé pour des travaux sommaires dans la cour en 1995.  Volume I des notes sténographiques à la p. 26.

 

[43]  Volume I des notes sténographiques à la p. 27.

 

[44]  Témoignage de M. Claude Boivin, Président d’Équipement Labrie Limitée, Volume I des notes sténographiques aux pp. 85, 86, 87 et 88.

 

[45] Soit 7 300 $ dans le cas des camions de marque Internationale et 9 703,20 $ dans le cas des camions de marque Mack.

 

[46]  Wallace M. Howick, « Leasing » in Income Tax Considerations in Corporate Financing, 1986 Corporate Management Tax Conference (Toronto:  Canadian Tax Foundation, 1986), pp. 254-94 à la p. 261.

[47]  Report of the Proceedings of the Fortieth Tax Conference, Vancouver, Canadian Tax Foundation, 1988, p. 53:104.

 

[48]  Report of the Proceedings of the Forty-Second Tax Conference, Montréal, Canadian Tax Foundation, 1990, p. 50:43.

 

[49]  Report of the Proceedings of the Forty-Third Tax Conference, Toronto, Canadian Tax Foundation, 1991, p. 50:74.

 

[50]  Nouvelles techniques, impôt sur le revenu, publié par Revenu Canada, Direction générale de la politique et de la législation, No. 5, le 28 juillet 1995.

 

[51]  Les alinéas a), b) et c) de l’article 16.1 prévoit que lorsque le choix est exercé en faveur du locataire :

a)  le bail est réputée pas en être un;

b)  le preneur est réputé avoir acquis le bien du bailleur au moment donné à un coût égal à la juste valeur marchande du bien à ce moment;

c)  le preneur est réputé avoir emprunté de l’argent du bailleur au moment donné en vue d’acquérir le bien, et le principal de l’emprunt est réputé correspondre à la juste valeur marchande du bien à ce moment;

 

a)  the lease shall be deemed not to be a lease;

b)  the lessee shall be deemed to have acquired the property from the lessor at the particular time at a cost equal to its fair market value at that time;

c)  the lessee shall be deemed to have borrowed money from the lessor at the particular time, for the purpose of acquiring the property, in a principal amount equal to the fair market value of the property at that time.

 

[le souligné est le mien]

 

[52]  [1987] 1 R.C.S. 32 à la p. 52 [ci-après Bronfman Trust].

 

[53]  Motifs du jugement, supra note 1 aux pp. 6182-6183.

 

[54]  Les autres étant le jus utendi et le jus fruendi.  Voir à cet égard le dictum du juge Pratte exprimant l’opinion unanime de la Cour suprême dans R. c. La Compagnie Immobilière BCN Limitée, [1979] 1 R.C.S. 865 aux pp. 876-877.

 

[55] L’article 1603 est cité au paragraphe 5 ci-haut.  Selon le Professeur Pierre-Gabriel Jobin, la réforme qui a mené à l’adoption de cet article a, en réalité, donné lieu à deux types de crédit-bail : d’une part, un contrat innomé de financement qui bénéficie d’une très grande liberté contractuelle, pourvu que les garanties prévues à l’article 1603 soient données, et d’autre part lorsque les exigences de l’article 1603 ne sont pas toutes respectées, un contrat de louage.  (Pierre-Gabriel Jobin, Le Louage de choses, Montréal, les éditions Yvon Blais Inc., 1989, à la p. 72.)

 

[56]  Notes explicatives accompagnant le projet de loi intitulé « Loi concernant le louage de choses » qui devint le chapitre 74 des Lois de 1973.

 

[57]  Commentaires du ministre de la Justice, Le Code civil du Québec,tome II, p. 1157.

 

[58]  Ibid à la p. 1162.

 

[59]  J’ai omis de cette revue jurisprudentielle les décisions rendues sous les lois des provinces régissant les sûretés en matière de vente de biens mobiliers telles le Personal Property Security Act de l’Ontario.  Ces décisions sont fonction de particularités du texte législatif en vertu desquelles elles sont rendues et sont donc d’une utilité limitée.  Le paragraphe 6 du bulletin IT-233R semble reconnaître que ce type de loi relève d’un contexte qui lui est particulier. [Le bulletin est cité au paragraphe 17.]

 

[60]  Supra note 9.

 

[61]  Ibid à la p. 697.

[62]  Ibid à la p. 708.

 

[63]  La définition du mot « disposition » étant non-limitative donne ouverture au raisonnement du juge Addy, mais la définition comme telle et l’énumération qu’elle comporte ne sont pas utiles pour déterminer si un bien saurait ou non être « acquis » pour fins fiscales sans égard au droit privé applicable.

 

[64]  R.S.A. 1955, c. 285.

 

[65]  Supra note 10 à la p. 172.

 

[66]  Ibid à la p. 173.

 

[67] Ibid.

 

[68] Ibid à la p. 174.  L’article 20 du Sale of Goods Act prévoyait à son alinéa 1:

20. (1)  Where there is a contract for the sale of specific or ascertained goods, the property in them is transferred to the buyer at such time as the parties to the contract intend it to be transferred.

 

[69]  Supra note 4 à la p. 1445.  Voir Black’s Law Dictionary qui définit un « Beneficial owner » comme étant inter alia : "One who does not have title to property but has rights in the property which are the normal incident of owning the property".  On peut présumer sans crainte de se tromper que le deuxième volet de la règle d’acquisition énoncée par le juge Cattanach est issu de la décision de la Cour Suprême de l’Alberta dans Hendrickson v. Mid-City Motors, [1951] 3 D.L.R. 276 où il fut jugé qu’un « conditional sale agreement » donnait lieu à une vente selon la Règle I de l’article 21 du Sale of Goods Act de l’Alberta, malgré le fait que le titre de propriété demeurait entre les mains du vendeur.  La Cour s’était alors exprimée comme suit à la p. 284 :

 

I conceive "title" and "property" to be two entirely different things.  One person may hold bare title to property while the whole beneficial ownership rests in some other person.  A reservation of title does not necessarily imply that no property shall pass to the purchaser ...

...

In my opinion, the whole effect of the agreement ... is to transfer to the purchaser the "property" in the goods in question, while reserving to the vendor a vendor’s lien and the right to defer the conveyance of legal "title" to the property until payment in full.

 

C’est en fonction de l’intention des parties telle que révélée par les termes du contrat que la Cour suprême de l’Alberta en est venu à cette conclusion.  Voir aussi Douglas S. Ewens « When is a « Disposition » », Report of Proceedings of the Twenty-Sixth Tax Conference, November 11-13, 1974, à la p. 538.  Quant à l’application du principe voulant qu’un changement dans le « beneficial ownership » d’un bien donne lieu à une disposition en matière fiscale, voir Grey v. Inland Revenue Commission, [1960] A.C. 1, pp. 12-14.

[70]  Ibid à la p. 1446.  La Cour suprême explique cette différence comme suit dans Laliberté c. Larue, [1931] R.C.S. 7, sous la plume du juge Rinfret à la p. 16 :

Nous n’avons pas à trancher ici une question de possession, mais une question de propriété.

Or, il convient peut-être de souligner que le système de droit de la province de Québec ne comporte pas la conception de la common law qui reconnaît le beneficial ownership dans une personne et le legal title dans une autre.  Dans le Québec, les deux sont invariablement réunis sur la même tête.  La propriété est unique.  L’usufruit, la substitution, la fiducie, le nantissement, le gage, l’hypothèque, le privilège confèrent sur la chose des droits plus ou moins étendus [...] mais ne transfèrent jamais la propriété.

 

[71]  Supra, note 11.

 

[72]  Voir l’extrait cité au para. 33 ci-haut.

 

[73]  Supra note 12.

[74]  Ibid aux pp. 2031-2032.

[75]  Voir le passage cité au paragraphe 38 ci-haut.  La Cour fédérale d’appel a depuis décidé qu’un recours en « specific performance » peu conférer un droit de propriété sur la chose, c’est-à-dire un « beneficial interest ».  La Reine c. Paxton 97 D.T.C. 5012 à la p. 5015.  Voir par contre Douglas S. Ewens « When is a « Disposition » », supra note 43 à la p. 529.

 

[76]  Supra note 13.

 

[77]  74 D.T.C. 6569.

 

[78] Le cinquième contenait une promesse bilatérale d’achat et vente qui était irrévocable, ce qui le distinguait des quatre autres.

 

[79]  Voir l’extrait de ce jugement tel que cité par la juge Tremblay-Lamer au paragraphe 13 ci-haut.

 

[80]  92 D.T.C. 1107, présentement en appel [ci-après Dumais].

 

[81]  91 D.T.C. 1374, [ci-après Gaétan Lévesque], présentement en appel.

[82]  (13 août 1996) Ottawa, 89-247 (IT) (T.C.C.) [ci-après Laliberté], présentement en appel.

 

[83] 92 D.T.C.  1605 [ci-après Goulet], présentement en appel.

 

[84]  88 D.T.C. 6503 [ci-après Kirch].

 

[85]  Ibid à la p. 6504.

 

[86]  93 D.T.C. 5457 [ci-après Borstad].

 

[87]  Ibid à la p. 5460.

 

[88]  Ibid à la p. 5460.

 

[89]  Ibid à la p. 5462.

 

[90]  Le bulletin IT-233R est sans équivoque à cet égard puisque son but est de déterminer si un bail « a ou non pour objet de transférer la propriété du bien au bailleur [locateur] au preneur [locataire] ».  Voir le paragraphe 3 du bulletin, supra para. 17.

[91]  Le contraire aurait été surprenant puisque la ratio de la décision rendue par lejuge Cattanach est à l’effet que seul un droit « in the property itself » permet à un contribuable de réclamer l’allocation du coût en capital, et un tel droit ne peut s’acquérir autrement que selon le droit privé.

 

[92]  Paragraphes 41 et 42.

 

[93]  Voir l’article 15 de la Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu, 1991, ch. 49 sanctionné le 17 décembre 1991.

 

[94]  Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), c.1, art. 248 al. 3.

 

[95]  En effet, la règle énoncée au sous-alinéa 54(c)(v) est prévue que pour plus de précision, puisqu’il est clair selon la common law qu’il n’y a pas de disposition en l’absence de changement dans le « beneficial ownership » d’un bien.  Voir à cet égard : Douglas S. Ewens, « When is a « Disposition » », supra note 43, p. 532, citant Re Tancred’s Settlement, [1903] 1 Ch. 715, Grey v. Inland Revenue Commission, [1960] A.C. 1 et Henty House Property Limited v. Federal Commissioner of Taxation (1953), 88 C.L.R. 141 (Australia); et Jacques de l’Étoile & Michel Saint-Pierre, “La définition statutaire de l’expression « disposition de biens » et son interprétation jurisprudentielle », (1984) 6 Revue de Planification Fiscale et Successorale 325, p. 329-330.  Voir aussi le Bulletin d’interprétation IT-170R du 25 août 1980 qui précise à son paragraphe 4 :

 

Le sous-alinéa 54(c)(v) stipule clairement, aux fins de la sous-section c de la Section B de la Partie 1, que la Loi ne s’intéresse qu’aux dispositions qui constituent un changement dans le beneficial ownership (...).  Le Ministère a aussi la même opinion à l’égard des dispositions de biens amortissables décrites à l’alinéa 13(21)c) et de la vente de biens commerciaux en vertu de l’alinéa 12(1)b). Une transaction qui peut être décrite comme étant une « vente » n’est donc pas considérée aux fins de ce bulletin s’il n’y a aucun changement au même moment dans le beneficial ownership.  [...].

 

[96]  L’interprétation que je fais du paragraphe 248(3) semble rejoindre celle offerte par le ministère du Revenu dans son Bulletin d’interprétation IT-437 portant sur le droit de propriété en matière immobilière.  Voir en particulier le paragraphe 3 de ce Bulletin.

[97]  Nous avons vu qu’un « conditional sale » peut donner lieu selon la common law au transfert du « beneficial ownership », et donc de la propriété au sens de la Loi et que la vente à tempérament, par contre, n’a pas cet effet avant que le prix de vente ne soit entièrement acquitté.

 

[98]  Comme en fait foi le paragraphe 248(3).

[99]  Voir Fridman, Sale of Goods in Canada, 3rd ed. à la p. 70 commentant l’article 18 du Sale of Goods Act de l’Ontario et l’article correspondant des lois des autres provinces et territoires.

Sale of Goods Act, R.S.B.C. 1996, c. 410, s. 22 (Colombie-Britannique)

Sale of Goods Act, S.N.B. 1986, c. S-1, s. 18 (Nouveau-Brunswick)

Sale of Goods Act, R.S.N.W.T. 1988, c. S-2, s. 21 (Territoires du Nord-Ouest)

Sale of Goods Act, R.S.O. 1990, c. S.1, s. 18 (Ontario)

Sale of Goods Act, R.S.S. 1978, c. S-1, s. 19 (Saskatchewan)

Sale of Goods Act, R.S.Y. 1986, c. 154, s. 18 (Yukon)

Sale of Goods Act, R.S.M. 1987, c. S10, s. 19 (Manitoba)

Sale of Goods Act, R.S.P.E.I. 1988, c. S-1, s. 19 (Ile-du-Prince-Édouard)

Sale of Goods Act, R.S.N.S. 1989, c. 408, s. 20 (Nouvelle-Écosse)

Sale of Goods Act, R.S.N.F. 1990, c. S-6, s. 19 (Terre-Neuve).

 

[100]  Il s’agit là du langage utilisé dans la clause d’option portant sur les six camions de marque Internationale.  La clause portant sur les camions Mack évoquait le « droit d’acheter » suite à l’exercice de l’option.  Voir les clauses 20 et 28 des contrats respectifs, Dossier d’Appel, Volume II aux pp. 93, 97, 101, 105, 109, 113 et 190 du Volume II du dossier d’appel.

 

[101]  Une clause d’option d’achat ne confère en principe aucun droit de propriété avant la date de son exercice.  Voir J. Stuart Robertson c. R., 90 D.T.C. 6070, à la p. 6074 (C.F.A.); Mitsui & Co. c. Banque Royale, [1995] 2 R.C.S. 187, à la p. 201; Arthur Pitman c. M.R.N., 50 D.T.C. 295, à la p. 297; J.F. Burns Sand et Gravel Ltd. c. M.R.N., 68 D.T.C. 226, à la p. 229.

 

[102]  Alors que les contrats étaient des contrats types imprimés par les sociétés de finance, le prix de l’option et le moment de son exercice furent insérés à la dactylo, ce qui indique que les parties se sont penchées expressément sur cet aspect fondamental de leur entente, et se sont entendues sur le prix et le moment d’exercice de l’option.

 

[103]  Soit 7 300 $ dans le cas des camions de marque Internationale et 9 703,20 $ dans le cas des camions Mack.

 

[104]  Il n’appartient pas aux tribunaux de modifier une entente librement négociée entre les parties au motif qu’une certaine réalité économique semble suggérer un effet contractuel différent de celui envisagé par les parties.  Voir Shell Canada Ltd. c. Canada, [1999] A.C.S. no. 30 (C.S.C.), aux paragraphes 38-42, en ligne : QL (ACS) inédit.  Comparer A.R. Williams Machinery & Supply Company c. Dave Morin, [1933] R.C.S. 570; Chibougamau Lumber Limitée c. M.R.N., [1973] C.T.C. 2174.

 

[105]  Si l’on se fie au fait que l’option dont le prix représentait 10% du coût des biens à l’achat devait être exercée à un moment où la valeur « probable » des biens devait se situer à approximativement 50% du coût à l’achat.

 

[106]  On peut imaginer par exemple des changements dans les méthodes de collecte d’ordures ou dans la technologie utilisée à cette fin.

[107]  Comparer Canderel Limited c. La Reine, 98 D.T.C. 6100 à la p. 6106 (S.C.C.), Harold N. Moore c. La Reine [1986] 2 C.T.C. 22 (C.F.A.).

 

[108]   Plus précisément, les alinéas c) et d) du paragraphe 3.

[109]  Ce disant, j’exclu expressément de mon raisonnement, par souci d’être bien compris, le trompe l’œil, le simulacre, le subterfuge et toute forme de transaction où les parties camouflent la vraie nature de leur entente dans un but d’évitement fiscal.

 

[110]  Ou l’étendue de la différence entre la durée utile du bien et la période en-deçà de cette durée durant laquelle l’option peut être exercée comme l’entend la deuxième hypothèse énoncée à l’alinéa c) du paragraphe 3 du bulletin d’interprétation.

 

[111]  Ou une période « beaucoup moins longue » selon la deuxième hypothèse énoncée à l’alinéa c) du paragraphe 3 du bulletin d’interprétation.

 

[112]  L’article 16.1 est cité à la note 25.

 

[113]  18.(1)  Une convention de bail avec option, une convention de location-vente ou autre contrat ou arrangement en vue de donner à bail ou de louer des biens, [...], portant que ceux-ci peuvent, dès qu’il a été satisfait à une condition, être attribués au locataire [...] est réputé, aux fins de calculer le revenu du locataire [...] une convention pour la vente des biens, et le loyer [...] est censée [payé] au titre du prix des biens et non pour leur usage; S.R.C. 1952, ch. 148, art. 18, modifié par S.C. 1953-54, ch. 57, art. 4 et abrogé par S.C. 1963, ch. 21, art. 4.

 

[114]  Critère qui indique une vente selon le bulletin IT-233R lorsque cette différence est prononcée mais que la Loi de toute évidence ne retient pas.  Le paragraphe 13(5.2) est une mesure anti-évitement qui a pour effet d’assujettir la différence entre le prix d’exercice de l’option et la juste valeur marchande du bien acquis à la récupération plutôt qu’au traitement de gain en capital dans l’éventualité ou le bien est par la suite vendu.

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