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Date: 19981204


Dossier: A-113-98

Coram:      LE JUGE PRATTE

         LE JUGE DESJARDINS

         LE JUGE DÉCARY

Entre :

     DANIELLE BRUNEAU

     Demanderesse

     - et -

     LA COMMISSION DE L'ASSURANCE-EMPLOI DU CANADA

     - et -

     LE SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     Intimés

     Audiences tenues à Montréal (Québec) le mercredi, 2 décembre 1998

     et le vendredi, 4 décembre 1998.

     Jugement rendu à Montréal (Québec) le vendredi, 4 décembre 1998.

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR PAR:      LE JUGE DÉCARY


Date: 19981204


Dossier: A-113-98

Coram:      LE JUGE PRATTE

         LE JUGE DESJARDINS

         LE JUGE DÉCARY

Entre :

     DANIELLE BRUNEAU

     Demanderesse

     - et -

     LA COMMISSION DE L'ASSURANCE-EMPLOI DU CANADA

     - et -

     LE SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     Intimés

     MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

     (Prononcés à l'audience à Montréal

     le vendredi, 4 décembre 1998)

LE JUGE DÉCARY

[1]      Le dossier de la demanderesse Bruneau a été choisi par la Commission de l'assurance-emploi du Canada et par la Centrale de l'Enseignement du Québec, comme dossier-type aux fins de faire préciser par la Cour quel était le mode de répartition de la rémunération d'un enseignant ou d'une enseignante ayant signé un contrat d'enseignement à temps partiel régi par l'"Entente intervenue entre le Comité patronal de négociation des commissions scolaires pour catholiques et le Syndicat d'Enseignantes et d'Enseignants représentés par la Centrale de l'Enseignement du Québec".

[2]      La question à trancher est simple. Lequel, du paragraphe (3) ou du paragraphe (4) de l'article 58 du Règlement sur l'assurance-chômage (C.R.C. 1978, c. 1576, tel qu'amendé), trouve ici application. Ces dispositions se lisent comme suit:

58. [...]

(3) La rémunération payable au prestataire aux termes d'un contrat de travail en échange des services rendus doit être répartie sur la période pendant laquelle ces services ont été fournis.

(4) La rémunération payable au prestataire aux termes d'un contrat de travail sans que soient fournis des services ou celle payable par l'employeur au prestataire pour qu'il revienne au travail ou commence à exercer un emploi doit être répartie sur la période pour laquelle elle est payable.

58. [...]

(3) Earnings payable to a claimant under a contract of employment for the performance of services shall be allocated to the period in which the services were performed.

(4) Earnings, payable to a claimant under a contract of employment without the performance of services or payable in consideration of a claimant returning to or commencing work with an employer, shall be allocated to the period for which they are payable.

[3]      La convention collective rend applicables à une enseignante à temps partiel, avec les adaptations de circonstances, les dispositions générales qui s'appliquent aux enseignantes à plein temps. Aussi, faut-il analyser le présent dossier dans le contexte suivant: une enseignante est engagée par "contrat annuel"; elle reçoit un "traitement annuel", lequel "comprend les jours de travail, les jours fériés et chômés et les jours de vacances"; "l'année de travail comporte deux cents (200) jours de travail" lesquels, sauf entente au contraire, "sont distribués du 1er septembre au 30 juin suivant"; et le "traitement annuel" est payé "en vingt-quatre versements, selon les modalités suivantes:

         a)      à tous les deux jeudis de l'année de travail l'enseignante ou l'enseignant reçoit le 1/24 des montants annuels applicables en traitement ... le premier jour de travail de la période de paie visée;         
         b)      au moins deux (2) versements sont remis ensemble à l'enseignante ou l'enseignant au moment de son départ pour les vacances d'été;         
         c)      malgré l'alinéa a), les deux (2) derniers versements d'une année scolaire doivent être rajustés de sorte que l'enseignante ou l'enseignant reçoive, pour cette année scolaire, 1/200 de son traitement annuel applicable, de même que de ses suppléments et primes applicables s'il y a lieu, pour chaque jour de travail qu'elle ou il a effectué durant cette année scolaire.         
              [Dossier de la demanderesse à la p. 83]         

[4]      Il s'ensuit qu'une enseignante à temps partiel telle la demanderesse, dont le contrat prenait effet le 24 août 1993 et se terminait le 29 juin 1994, était rémunérée du 24 août 1993 au 29 juin 1994 et que sa rémunération visait aussi bien ses jours de travail que les jours fériés et chômés et les jours de vacances qui survenaient au cours de sa période d'engagement, dont, notamment, les vacances de Noël et les vacances de Pâques.

[5]      Pour simplifier les choses, disons qu'en pratique l'enjeu du litige est le suivant: quand vient le temps de répartir le salaire d'une prestataire qui était enseignante à temps partiel pendant sa période de référence, le salaire reçu doit-il être réparti sur chacune des semaines de la période d'engagement, peu importe que l'enseignante ait fourni ou non des services pendant chacune desdites semaines ou le salaire doit-il être réparti sur ces seules semaines pendant lesquelles des services ont été fournis, ce qui exclurait en l'espèce les semaines des vacances de Noël et de Pâques.

[6]      La Commission s'est dite d'avis, sur la base de l'arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans Dick et al c. Sous-procureur général du Canada, [1980] 2 R.C.S. 243, que c'est le paragraphe 58(3) qui trouvait application. Le conseil arbitral s'est dit d'avis que c'était, plutôt, le paragraphe 58(4) qu'il fallait appliquer. Le juge-arbitre s'est rangé du côté de la Commission.

[7]      Il est certain que s'il n'y avait pas l'arrêt Dick, le paragraphe 58(4) s'appliquerait aux semaines des vacances de Noël et de Pâques puisqu'il s'agit là de semaines à l'égard desquelles une rémunération est payable à la prestataire "aux termes d'un contrat de travail sans que soient fournis des services". Ainsi que l'a dit cette Cour dans Canada (Procureur général) c. Sylvain (1991), 137 N.R. 336:

         [...] il est maintenant certain (Procureur général du Canada c. Frénette, A-951-90, décision du 8 novembre 1991, 137 N.R. 330.) que pour répartir la rémunération payée en vertu d'un contrat de louage de services au cours duquel des services n'ont pas toujours été rendus, il faut avoir égard à la période pour laquelle la rémunération était payable plutôt qu'aux dates où l'employé a exécuté ses fonctions.         
              [M. le juge Pratte aux pp. 339-40]         

Or, cette Cour, dans Sylvain et dans Frénette, n'a pas fait état de l'arrêt Dick pourtant rendu quelque dix ans plus tôt.

[8]      L'arrêt Dick, à notre avis, ne fait pas obstacle à l'application du paragraphe 58(4) au présent dossier. Les circonstances et les dispositions de la convention collective y étaient différentes et, surtout, les dispositions réglementaires alors en vigueur n'étaient pas les mêmes qu'aujourd'hui. Pour contrer, en effet, l'application de l'arrêt Dick sauf dans les cas prévus aux articles 18 (prestations de grossesse) et 20 (prestations parentales) de la Loi sur l'assurance-chômage, le gouverneur en conseil a adopté, le 11 juillet 1980, l'article 46.1 du Règlement sur l'assurance-chômage (DORS/80-536). Il s'ensuit, à notre avis, que le raisonnement qu'a suivi la Cour suprême relativement à la question de la répartition dans l'affaire Dick ne doit pas empêcher l'application des dispositions, qui nous paraissent claires, du paragraphe 58(4) à des cas comme celui qui nous occupe.

[9]      Nous sommes en conséquence d'avis que c'est le paragraphe 58(4) qui trouve, ici, application.

[10]      La demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision du juge-arbitre sera annulée et le dossier sera renvoyé au juge-arbitre en chef ou au juge-arbitre qu'il désignera pour qu'il décide l'affaire à nouveau en tenant pour acquis que le conseil arbitral avait eu raison de conclure que le mode de répartition était celui prescrit par le paragraphe 58(4) du Règlement sur l'assurance-chômage.

     "Robert Décary"

     j.c.a.

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