Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20040914

Dossier : A-651-02

Référence : 2004 CAF 291

CORAM :       LA JUGE DESJARDINS

LE JUGE NADON

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

                                                     JAMES ANDREW PICCOTT

                                                                                                                                                  intimé

                       Audience tenue à St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador), le 22 juin 2004.

                                 Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 14 septembre 2004.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                              LE JUGE PELLETIER

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                    LA JUGE DESJARDINS

                                                                                                                              LE JUGE NADON


Date : 20040914

Dossier : A-651-02

Référence : 2004 CAF 291

CORAM :       LA JUGE DESJARDINS

LE JUGE NADON

LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

                                                     JAMES ANDREW PICCOTT

                                                                                                                                                  intimé

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE PELLETIER


[1]                L'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) a tenté de recouvrer des sommes dues par l'intimé, M. Piccott, en enregistrant à la Cour fédérale des certificats délivrés en vertu de l'article 223 de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) et de l'article 316 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, ch. E-15. En application de la Judgment Enforcement Act, S.N.L. 1996, ch. J-1.1, des copies de ces certificats ont ensuite été remises au High Sheriff de Terre-Neuve-et-Labrador (le shérif) pour qu'il procède à la saisie et à la vente d'autant de biens appartenant à M. Piccott que nécessaire pour recouvrer les sommes dues en vertu des certificats. Le shériff a fait son devoir. M. Piccott a contesté la saisie et la vente devant la Cour fédérale. La juge Heneghan, dans une décision publiée à [2002] A.C.F. no 1500, 2002 CFPI 1116, a annulé la saisie et la vente parce qu'aucun bref d'exécution n'avait été délivré. A-t-elle eu raison d'agir ainsi?

[2]                Les présents motifs traitent des questions soulevées en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu; de brefs motifs supplémentaires seront prononcés dans le dossier connexe se rapportant aux questions relevant de la Loi sur la taxe d'accise.

LES FAITS


[3]                James Andrew Piccott, qui est décrit comme « un résident de Paradise dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador » , est un vendeur de voitures d'occasion. Il est un contribuable assujetti aux dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu. Avec le temps, M. Piccott s'est malheureusement trouvé en retard dans le paiement de ses dettes fiscales. Le 27 novembre 2001, le ministre du Revenu national, par l'intermédiaire d'un fonctionnaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC), a attesté, par certificat, en vertu de l'article 223 de la Loi de l'impôt sur le revenu, que M. Piccott devait une somme de 4 447,95 $, augmentée des intérêts courus, composés quotidiennement, jusqu'à la date du paiement. Ce certificat, qui a été enregistré à la Cour fédérale du Canada (la Cour), devenait ainsi exécutoire au même titre qu'un jugement de la Cour.

[4]                Le 6 décembre 2001 ou vers cette date, le shérif a reçu avis de l'enregistrement du certificat à la Cour. La façon dont cela a été fait est au coeur du présent appel. J'y reviendrai plus loin. Conformément à la Judgment Enforcement Act, un avis de jugement, exposant les détails du certificat, a été enregistré. M. Piccott prétend n'avoir jamais été informé que le ministre avait délivré un certificat à l'égard de son endettement.

[5]                Le 16 avril 2002 ou vers cette date, l'ADRC, agissant à titre de créancier donneur d'instruction en vertu de la Judgment Enforcement Act, a donné instruction au shérif de saisir et de vendre certains des biens appartenant à M. Piccott. Sur la foi de ces instructions, le shérif a saisi un certain nombre de véhicules se trouvant sur les lieux d'exploitation de l'entreprise de M. Piccott afin de régler les dettes attestées par les certificats qui lui avaient été remis. Il va sans dire que cet événement a suscité certains troubles à Paradise. M. Piccott a immédiatement pris des mesures pour contester les certificats et la saisie effectuée en vertu de ceux-ci. Différentes procédures ont ensuite été engagées devant la Cour suprême de Terre-Neuve, ainsi que devant la Cour, procédures qui ont mené à l'audience tenue devant la juge Heneghan en octobre 2002.


LA DÉCISION PORTÉE EN APPEL

[6]                La juge des requêtes a examiné les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu, de la Loi sur la taxe d'accise, de la Loi sur la Cour fédérale et de la Judgment Enforcement Act avant d'arriver à la conclusion que la saisie des biens de M. Piccott était irrégulière et devait être annulée. Elle s'est dite convaincue que selon la législation applicable, une saisie ne pouvait être effectuée que sur la foi d'un moyen de contrainte émanant de la Cour. La Cour a conclu que pour pouvoir procéder à l'exécution, l'ADRC devait faire en sorte qu'un bref d'exécution soit délivré par la Cour et remis au shérif. Puisque cela n'avait pas été fait, les saisies étaient irrégulières et ont été annulées. La juge des requêtes a également estimé que les dispositions relatives à l'exécution contenues dans la Loi de l'impôt sur le revenu ne pouvaient servir de fondement à la saisie puisque celles-ci exigeaient que le document faisant preuve du contenu du jugement visé par l'exécution soit délivré par la Cour. Ne trouvant aucune preuve de la délivrance d'un tel document, la juge des requêtes a conclu que la saisie avait été faite sans autorisation.

[7]                La juge des requêtes a commencé son analyse par un examen des dispositions pertinentes de la Loi de l'impôt sur le revenu, notamment le paragraphe 223(3), qui permet au ministre d'enregistrer à la Cour un certificat indiquant la somme due par le contribuable. Une fois enregistré, ce certificat a le même effet que s'il s'agissait d'un jugement rendu par la Cour, et « toutes les procédures peuvent être engagées à la faveur du[dit] certificat » .



223. (2) Le ministre peut, par certificat, attester qu'un montant ou une partie de montant payable par une personne -- appelée "débiteur" au présent article -- mais qui est impayé est un montant payable par elle.

(3) Sur production à la Cour fédérale, un certificat fait en application du paragraphe (2) à l'égard d'un débiteur est enregistré à cette cour. Il a alors le même effet que s'il s'agissait d'un jugement rendu par cette cour contre le débiteur pour une dette du montant attesté dans le certificat, augmenté des intérêts courus jusqu'à la date du paiement comme le prévoit les lois visées au paragraphe (1) en application desquelles le montant est payable, et toutes les procédures peuvent être engagées à la faveur du certificat comme s'il s'agissait d'un tel jugement. Dans le cadre de ces procédures, le certificat

est réputé être un jugement exécutoire rendu par cette cour contre le débiteur pour une dette envers Sa Majesté du montant attesté dans le certificat, augmenté des intérêts courus jusqu'à la date du paiement comme le prévoit ces lois.

223. (2) An amount payable by a person (in this section referred to as a "debtor") that has not been paid or any part of an amount payable by the debtor that has not been paid may be certified by the Minister as an amount payable by the debtor.

(3) On production to the Federal Court, a certificate made under subsection 223(2) in respect of a debtor shall be registered in the Court and when so registered has the same effect, and all proceedings may be taken thereon, as if the certificate were a judgment obtained in the Court against the debtor for a debt in the amount certified plus interest thereon to the day of payment as provided by the statute or statutes referred to in subsection 223(1) under which the amount is payable and, for the purpose of any such proceedings, the certificate shall be deemed to be a judgment of the

Court against the debtor for a debt due to Her Majesty, enforceable in the amount certified plus interest thereon to the day of payment as provided by that statute or statutes.


[8]                Tout en reconnaissant que les certificats avaient le même effet qu'un jugement, la juge des requêtes a conclu que les certificats ne constituaient pas vraiment des jugements de la Cour. Sa conclusion sur ce point était étayée par les décisions rendues dans les affaires Marcel Grand Cirque Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.) (1995), 107 F.T.R. 18, Olympia Interiors Limited c Canada (1998), 98 D.T.C 6306 (C.F. 1re inst.) et Glenn Alexander Ross c. Canada, 2002 D.T.C. 6884, conf. par (2002), 301 N.R. 23 (C.A.F.). Elle était toutefois d'avis que puisque les certificats étaient exécutoires au même titre que des jugements de la Cour, les procédures d'exécution se rapportant aux certificats devaient être conduites conformément à la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7 et aux Règles de la Cour fédérale (1998) (les Règles).


[9]                Cela l'a amenée à examiner l'article 56 de la Loi sur la Cour fédérale, qui traite de l'exécution des jugements de la Cour :


56. (1) Outre les brefs de saisie-exécution ou autres moyens de contrainte prescrits par les règles pour l'exécution des jugements ou ordonnances de la Cour, celle-ci peut délivrer des moyens de contrainte visant la personne ou les biens d'une partie et ayant la même teneur et le même effet que ceux émanant d'une cour supérieure de la province dans laquelle le jugement ou l'ordonnance doivent être exécutés. Si, selon le droit de la province, le moyen de contrainte que doit

délivrer la Cour nécessite l'ordonnance d'un juge, un juge de la Cour peut rendre une telle ordonnance.

...

(3) Sauf disposition contraire des règles, les brefs de saisie-exécution ou autres moyens de contrainte visant des biens - qu'ils soient prescrits par les règles ou autorisés aux termes du paragraphe (1) - sont, quant aux catégories de biens saisissables et au mode de saisie et de vente, exécutés autant que possible de la manière fixée, pour des moyens de contrainte semblables émanant d'une cour supérieure provinciale, par le droit de la province où sont situés les biens à saisir. Ils ont les mêmes effets que ces derniers, quant aux biens en question et aux droits des adjudicataires.

(4) Sauf disposition contraire des règles, l'instruction et le jugement de toute contestation en matière de saisie effectuée en vertu d'un moyen de contrainte de la Cour, ou de toute prétention sur le produit des biens saisis, suivent autant que possible la procédure applicable aux revendications semblables concernant des biens saisis en vertu de moyens de contrainte similaires émanant des tribunaux provinciaux.

56. (1) In addition to any writs of execution or other process that are prescribed by the Rules for enforcement of its judgments or orders, the Court may issue process against the person or the property of any party, of the same tenor and effect as those that may be issued out of any of the superior courts of the province in which any judgment or order is to be executed, and where, by the law of that province, an order of a judge is required for the issue of any process, a judge of the Court may make a similar

order with respect to like process to issue out of the Court.

...             

(3) All writs of execution or other process against property, whether prescribed by the Rules or authorized by subsection (1), shall, unless otherwise provided by the Rules, be executed, with respect to the property liable to execution and the mode of seizure and sale, as nearly as possible in the same manner as similar writs or process, issued out of the superior courts of the province in which the property to be seized is situated, are, by the law of that province, required to be executed, and the writs or other process issued by the Court shall bind property in the same manner as similar writs or process issued by the provincial superior courts, and the rights of purchasers thereunder are the same as those of purchasers under those similar writs or process.

(4) Every claim made by any person to property seized under a writ of execution or other process issued out of the Court, or to the proceeds of the sale of that property, shall, unless otherwise provided by the Rules, be heard and disposed of as nearly as may be according to the procedure applicable to like claims to property seized under similar writs or process issued out of the courts of the province.



[10]            Le fait que les certificats délivrés en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu soient réputés constituer des jugements de la Cour à des fins d'exécution a amené la juge des requêtes à conclure que les dispositions de l'article 56 de la Loi sur la Cour fédérale s'appliquaient, ce qui a ensuite conduit à la conclusion que les dispositions relatives à l'exécution contenues dans la Loi sur la Cour fédérale et les Règles s'appliquaient également. Puisque les Règles exigent qu'un bref d'exécution soit délivré avant que l'exécution puisse être engagée (voir l'article 433 et suivants), l'ADRC devait obtenir un bref d'exécution. La juge a donc conclu que l'ADRC devait avoir remis le bref d'exécution au shérif avant de demander à celui-ci de saisir des biens afin de recouvrer les dettes attestées dans les certificats.

[11]               La juge des requêtes a rejeté l'argument fondé sur le paragraphe 223(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu selon lequel l'enregistrement d'un certificat à la Cour était suffisant pour engager des procédures d'exécution.



223. (5) Un document délivré par la Cour fédérale et faisant preuve du contenu d'un certificat enregistré à l'égard d'un débiteur en application du paragraphe (3), un bref de cette cour délivré au titre du certificat ou toute notification du document ou du bref (ce document ou bref ou cette notification étant appelé "extrait" au présent article) peut être produit, enregistré ou autrement inscrit en vue de grever d'une sûreté, d'une priorité ou d'une autre charge un bien du débiteur situé dans une province, ou un droit sur un tel bien, de la même manière qui peut l'être, au titre ou en application de la loi provinciale, un document faisant preuve:

a) soit du contenu d'un jugement rendu par la cour supérieure de la province contre une personne pour une dette de celle-ci;

b) soit d'un montant payable ou à remettre par une personne dans la province au titre d'une créance de Sa Majesté du chef de la province.

223. (5) A document issued by the Federal Court evidencing a certificate in respect of a debtor registered under subsection 223(3), a writ of that Court issued pursuant to the certificate or any notification of the document or writ (such document, writ or notification in this section referred to as a "memorial") may be filed, registered or otherwise recorded for the purpose of creating a charge, lien or priority on, or a binding interest in, property in a province, or any interest in such property, held by the debtor in the same manner as a document evidencing

(a) a judgment of the superior court of the province against a person for a debt owing by the person, or

(b) an amount payable or required to be remitted by a person in the province in respect of a debt owing to Her Majesty in right of the province

may be filed, registered or otherwise recorded in accordance with or pursuant to the law of the province to create a charge, lien or priority on, or a binding interest in, the property or interest.


[12]            La juge des requêtes, estimant que la copie certifiée d'un certificat ne constituait pas un extrait au sens du paragraphe 223(5), ne pouvait donc autoriser la saisie et la vente des biens d'un débiteur fiscal. La juge des requêtes a conclu qu'un extrait devait consister soit en un document délivré par la Cour, soit en un bref délivré par la Cour ou en un document faisant preuve de la délivrance d'un document ou d'un bref par la Cour. Le terme « délivré » est défini de la façon suivante dans les Règles :


« _délivré_ »

a) Dans le cas d'un acte introductif d'instance, se dit de celui qui est daté, signé et scellé du sceau de la Cour par l'administrateur et qui porte le numéro du dossier de la Cour que celui-ci lui a attribué;

b) dans le cas de tout autre document, se dit de celui qui est daté, signé et scellé du sceau de la Cour par l'administrateur.

"issued" means

(a) in respect of an originating document, dated, signed, sealed with the seal of the Court and assigned a Court file number by the Administrator; and

(b) in respect of any other document, dated, signed and sealed with the seal of the Court by the Administrator.



[13]            La juge des requêtes a reconnu que les certificats avaient été produits à la Cour, mais n'a pu trouver aucun élément indiquant qu'un document ou un moyen de contrainte avait été délivré par la Cour. Le seul document approprié en l'espèce était un bref d'exécution. Aucun bref d'exécution n'ayant été délivré, la saisie était illégale et a été annulée.

LES POSITIONS DES PARTIES

[14]            Devant la Cour, l'avocat de M. Piccot a apporté son appui au jugement de la juge des requêtes en signalant l'article 423 des Règles :


423. Toute question concernant l'exécution forcée d'une ordonnance relève de la Section de première instance.

423. All matters relating to the enforcement of orders shall be brought before the Trial Division.


L'avocat a fait valoir que cette règle signifiait que la délivrance d'une ordonnance ou d'un bref par la Section de première instance de la Cour constituait une étape nécessaire à l'exécution du certificat.

[15]            L'avocat a ensuite fait observer que la copie certifiée du certificat, que l'avocat du ministre a désignée comme étant l'extrait, ne correspondait pas à la définition d'extrait parce que la date et la signature de l'agent du greffe apparaissant sur ladite copie certifiée se rapportaient à la certification de celle-ci, et non à la production du certificat.


[16]            L'avocat a fait valoir que même si la Judgment Enforcement Act de Terre-Neuve n'exige plus la délivrance d'un bref d'exécution, les exigences de la Loi de l'impôt sur le revenu et de la Loi sur la Cour fédérale doivent être satisfaites avant que les dispositions de la Judgment Enforcement Act puissent être invoquées. La Loi sur la Cour fédérale exigeait qu'une autre étape, soit celle de la délivrance d'un bref d'exécution, soit franchie avant que le certificat devienne exécutoire, et en l'absence d'un tel document, la production au sein du système provincial restait sans effet.

[17]            Enfin, l'avocat a soutenu que les dispositions relatives à l'exécution contenues dans la Judgment Enforcement Act exigeaient la production d'un jugement entraînant le paiement d'une somme d'argent, lequel est ainsi défini :

[traduction] « jugement entraînant le paiement d'une somme d'argent » désigne un jugement obligeant une personne à payer une somme d'argent, ou la partie d'un jugement obligeant une personne à payer une somme d'argent, à l'exclusion des sommes d'argent payables en vertu d'une ordonnance pour outrage au tribunal;

Puisque rien dans le certificat n'oblige quiconque à payer quoi que ce soit, le certificat en lui-même ne peut constituer un jugement entraînant le paiement d'une somme d'argent. Quelque chose de plus est donc nécessaire pour transformer le certificat en une ordonnance exécutoire.


[18]            L'avocat de l'appelante a adopté un point de vue différent à l'égard de la portée et de l'effet de la législation. Il a fait valoir que l'article 56 de la Loi sur la Cour fédérale a pour but de permettre l'exécution des ordonnances et des jugements de la Cour fédérale au moyen des mécanismes d'exécution provinciaux. Ce désir d'intégrer les systèmes fédéral et provinciaux trouve son expression dans le libellé du paragraphe 56(3), qui édicte que tous les brefs de saisie-exécution ou autres moyens de contrainte visant des biens « sont, quant aux catégories de biens saisissables et au mode de saisie et de vente, exécutés autant que possible de la manière fixée, pour des moyens de contrainte semblables émanant d'une cour supérieure provinciale, par le droit de la province où sont situés les biens à saisir » . L'avocat de l'appelante a donc soutenu que [traduction] « [l]e bref n'est pas une condition préalable à l'exécution tant que la méthode d'exécution est sanctionnée par le droit de la province » . Par conséquent, si le droit de Terre-Neuve admettait le certificat à des fins d'exécution, aucune disposition de la Loi sur la Cour fédérale n'exigeait la délivrance d'un bref qui n'était pas exigé à Terre-Neuve.

[19]            L'appelante a fait valoir que les dispositions relatives au recouvrement contenues dans la Loi de l'impôt sur le revenu composent un code de mécanismes de recouvrement, exécutoires selon leur libellé.

[20]            Enfin, l'appelante a signalé la définition de « jugement » contenue dans la Judgment Enforcement Act :

[traduction] « jugement » comprend une ordonnance, une décision, un certificat, une obligation ou un droit pouvant faire l'objet d'une exécution comme s'il s'agissait d'un jugement d'un tribunal ou de la même manière que celui-ci, y compris un jugement rendu en vertu de la Small Claims Act et de la Loi sur la Cour fédérale, mais ne comprend pas une ordonnance alimentaire au sens de la Support Orders Enforcement Act, sauf dans la mesure prévue par l'article 3.


Puisque le certificat correspond à la définition de jugement aux fins de la Judgment Enforcement Act, et puisque la Loi de l'impôt sur le revenu lui confère la même force exécutoire qu'un jugement de la Cour, point n'est besoin d'aller plus loin. Le certificat satisfaisant à toutes les autres exigences de la Judgment Enforcement Act en ce qui a trait aux formalités d'exécution, il n'y a aucune raison de ne pas procéder à son exécution suivant son libellé.

ANALYSE

[21]            Avant d'aborder la question de savoir si quelque chose a été délivré par la Cour, il importe de comprendre au juste ce qui a été remis au shérif. Malheureusement, le dossier n'est pas très utile sur ce point. L'examen du dossier de la Cour révèle l'existence d'un certificat délivré par un fonctionnaire de l'ADRC qui atteste le montant de l'endettement de M. Piccott envers la Couronne en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu. Tout ce que l'agent du greffe qui a examiné le certificat semble avoir fait, c'est d'attribuer un numéro de dossier et d'apposer un timbre sur le document au moyen d'un timbre de certification indiquant la date de production (27 novembre 2001) et le nom de l'agent du greffe qui l'a examiné. Les initiales de ce dernier ont été apposées dans le timbre.


[22]            Dans son affidavit établi sous serment le 2 octobre 2002, M. David Taylor, un employé de l'ADRC, affirme qu'un certificat de jugement a été délivré le 27 novembre 2001. Une copie conforme du certificat de jugement est jointe comme pièce D à son affidavit. L'examen de la pièce D révèle que le certificat de jugement n'est qu'une copie certifiée revêtue d'un sceau du certificat produit à la Cour fédérale. Le timbre de certification indique que le [traduction] « documents [sic] ci-dessus est une copie conforme de l'original produit au greffe de la Cour fédérale du Canada, le 27 novembre 2001 » . Le timbre de certification est daté et signé par l'agent du greffe.

[23]            À l'audience, l'avocat de l'appelante a produit, mais sans le verser au dossier, l'original du document qui a été remis au shérif. Il semble s'agir de l'original du certificat de jugement revêtu d'un sceau doré auquel a été apposé le sceau de la Cour.

[24]            Dans son affidavit, M. Taylor a également affirmé que le 6 décembre 2001 ou vers cette date, un avis de jugement a été enregistré au bureau du shérif. Une copie de cet avis de jugement est jointe comme pièce E à l'affidavit de M. Taylor. Cela donne à penser que l'avis de jugement a été rédigé par l'appelante et produit au shérif. Dans son argumentation, l'avocat de l'appelante a indiqué que l'avis de jugement était accompagné du certificat de jugement. C'est peut-être vrai, mais il n'y a aucune preuve en ce sens dans le dossier.

[25]            La Judgment Enforcement Act, par contre, s'avère d'une certaine utilité :

[traduction] 38. (1) Une personne qui dispose d'un jugement entraînant le paiement d'une somme d'argent qui est en vigueur peut enregistrer un avis de ce jugement au greffe de la cour conformément à la présente loi.


(2) Comme preuve d'un jugement entraînant le paiement d'une somme d'argent, le shérif doit accepter un jugement entraînant le paiement d'une somme d'argent certifié par un agent de la cour d'où émane ledit jugement, une copie certifiée conforme de ce jugement ou une télécopie de l'un ou de l'autre.

J'en déduis que la partie qui enregistre produit l'avis de jugement et doit fournir au shérif une preuve du jugement. Cette preuve peut consister soit en un jugement entraînant le paiement d'une somme d'argent certifié par un agent de la cour d'où émane ledit jugement, soit en une copie certifiée conforme du jugement entraînant le paiement d'une somme d'argent.

[26]            Je suis convaincu que l'original du certificat de jugement a été produit au shérif comme preuve du jugement. Il reste à savoir si le certificat de jugement constitue un extrait au sens du paragraphe 223(5), et dans l'affirmative, s'il doit être accompagné d'un bref d'exécution.

[27]            Avant d'examiner ces questions, je note que la Judgment Enforcement Act prévoit également qu'un avis de l'enregistrement d'un avis de jugement doit être donné au débiteur :

[traduction] 41. (5) Une déclaration confirmant l'enregistrement d'un avis de jugement doit être signifiée au débiteur et au créancier dans les 30 jours suivant ledit enregistrement.

Il s'agit d'un point important dans la mesure où une partie de la plainte de M. Piccott porte sur le fait que si un bref d'exécution avait été obtenu, il aurait reçu un avis relatif à ce bref avant qu'il soit exécuté et aurait donc pu le contester avant que son inventaire soit saisi.


[28]            Dans ses motifs, la juge Heneghan a suivi deux raisonnements qui l'ont amenée à sa conclusion que le ministre devait obtenir un bref d'exécution avant d'engager des procédures d'exécution en vertu de la Judgment Enforcement Act. Le premier raisonnement est axé sur l'indication, au paragraphe 223(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu, que dès son enregistrement, un certificat est exécutoire au même titre qu'un jugement de la Cour :


(3) Sur production à la Cour fédérale, un certificat fait en application du paragraphe (2) à l'égard d'un débiteur est enregistré à cette cour. Il a alors le même effet que s'il s'agissait d'un jugement rendu par cette cour ... et toutes les procédures peuvent être engagées à la faveur du certificat comme s'il s'agissait d'un tel jugement ... le certificat est réputé être un jugement exécutoire rendu par cette cour contre le débiteur pour une dette envers Sa Majesté...

(3) On production to the Federal Court, a certificate made under subsection 223(2) in respect of a debtor shall be registered in the Court and when so registered has the same effect, and all proceedings may be taken thereon, as if the certificate were a judgment obtained in the Court ...and ... the certificate shall be deemed to be a judgment of the Court against the debtor for a debt due to Her Majesty...


[29]            Le fait que ces certificats soient exécutoires au même titre que des jugements de la Cour entraîne l'application des dispositions de la Loi sur la Cour fédérale se rapportant à l'exécution des jugements, notamment l'article 56 de la Loi sur la Cour fédérale et l'article 423 des Règles cités précédemment dans les présents motifs. La juge des requêtes semble avoir conclu que puisque la procédure relative à l'exécution des jugements de la Cour comprend la délivrance d'un bref d'exécution, l'exécution d'un certificat qui est réputé constituer un jugement de la Cour nécessite également la délivrance d'un bref d'exécution (voir les paragraphes 31 et 32 des motifs de la juge des requêtes).


[30]            Il est clair que le législateur n'a pas voulu établir un système fédéral d'exécution des jugements distinct et qu'il a plutôt choisi de faire exécuter les ordonnances de la Cour fédérale par l'intermédiaire des systèmes provinciaux d'exécution des jugements. Ce régime a été reconnu par cette Cour dans la décision Forest c. Hancor, [1996] 1 C.F. 725 (C.A.), où le juge Décary a dit ceci :

[22] ... Or, les paragraphes 13(2) et 56(3) de la Loi et la Règle 5... visent ostensiblement à assurer la complémentarité des régimes d'exécution fédéral et provinciaux et à combler toute lacune possible par un recours, le cas échéant, aux régimes provinciaux. Ces dispositions constituent autant d'invitations adressées à la Cour de ne pas faire montre de rigidité et de privilégier l'interprétation qui facilite le plus l'intégration des deux régimes.

...

[23] Les raisons de ce faire s'expliquent aisément. La Cour fédérale est une cour, en quelque sorte, d'exception qui est venue se greffer au réseau existant des cours supérieures. Ses jugements produisent des effets civils importants et il est essentiel, si l'on veut que le justiciable s'y retrouve et qu'il y ait une quelconque uniformité dans ces effets, que les procédures d'exécution ressemblent le plus possible à celles des cours supérieures. Cela s'impose d'autant plus que la Cour se sert, règle générale, des officiers de justice nommés par les autorités provinciales et des mécanismes de saisie et de vente en justice établis par ces dernières. Des raisons, donc, de commodité administrative autant que de stabilité des droits civils ont amené les autorités fédérales à s'en remettre, à toutes fins utiles, aux pratiques provinciales.


[31]            Mais le législateur, s'il est libre de faire exécuter les jugements de la Cour fédérale par l'intermédiaire des systèmes provinciaux, est également libre de prévoir d'autres moyens d'assurer le respect de ses droits d'action. C'est ce qu'il a fait en édictant l'article 223 de la Loi de l'impôt sur le revenu. En plus de tenir les certificats pour exécutoires au même titre que les jugements de la Cour, et ce, dès leur enregistrement, cette disposition prévoit également un mode d'exécution particulier à ces certificats. Si l'article 223 ne faisait que tenir les certificats enregistrés pour exécutoires au même titre que les jugements de la Cour, alors la conclusion de la juge des requêtes serait incontestable. Le ministre serait obligé de parcourir les étapes nécessaires à l'exécution d'un jugement selon la Loi sur la Cour fédérale, y compris la délivrance d'un bref d'exécution. Mais l'article 223 ne s'arrête pas là. Il prévoit également un mode d'exécution particulier à ces certificats. Les extraits ci-dessous montrent la portée et le détail de ces dispositions :



(6) Une fois l'extrait produit, enregistré ou autrement inscrit en application du paragraphe (5), une sûreté, une priorité ou une autre charge grève un bien du débiteur situé dans la province, ou un droit sur un tel bien, de la même manière et dans même la mesure qui si l'extrait était un document faisant preuve du contenu d'un jugement visé à l'alinéa (5)a) ou d'un montant visé à l'alinéa (5)b). Cette sûreté, priorité ou autre charge prend rang après tout autre sûreté, priorité ou charge à l'égard de laquelle les mesures requises pour la rendre opposable aux autres créanciers ont été prises avant la production, l'enregistrement ou autre inscription de l'extrait.

(7) L'extrait produit, enregistré ou autrement inscrit dans une province en application du paragraphe (5) peut, de la même manière et dans la même mesure que s'il s'agissait d'un document faisant preuve du contenu d'un jugement visé à l'alinéa (5)a) ou d'un montant visé à l'alinéa (5)b), faire l'objet dans la province de procédures visant notamment:

a) à exiger le paiement du montant attesté par l'extrait, des intérêts y afférents et des frais et dépens payés ou engagés en vue de la production, de l'enregistrement ou autre inscription de l'extrait ou en vue de l'exécution des procédures de recouvrement du montant;

b) à renouveler ou autrement prolonger l'effet de la production, de l'enregistrement ou autre inscription de l'extrait;

c) à annuler ou à retirer l'extrait dans son ensemble ou uniquement en ce qui concerne un ou plusieurs biens ou droits sur lesquels l'extrait a une incidence;

d) à différer l'effet de la production, de l'enregistrement ou autre inscription de l'extrait en faveur d'un droit, d'une sûreté, d'une priorité ou d'une autre charge qui a été ou qui sera produit, enregistré ou autrement inscrit à l'égard d'un bien ou d'un droit sur lequel l'extrait a une incidence.

Toutefois, dans le cas où la loi provinciale exige -- soit dans le cadre de ces procédures, soit préalablement à leur exécution -- l'obtention d'une ordonnance, d'une décision ou d'un consentement de la cour supérieure de la province ou d'un juge ou d'un fonctionnaire de celle-ci, la Cour fédérale ou un juge ou un fonctionnaire de celle-ci peut rendre une telle ordonnance ou décision ou donner un tel consentement. Cette ordonnance, cette décision ou ce consentement a alors le même effet dans le cadre des procédures que s'il était rendu ou donné par la cour supérieure de la province ou par un juge ou un fonctionnaire de celle-ci.

(8) L'extrait qui est présenté pour production, enregistrement ou autre inscription en application du paragraphe (5), ou un document concernant l'extrait qui est présenté pour production, enregistrement ou autre inscription dans le cadre des procédures visées au paragraphe (7), à un agent d'un régime d'enregistrement foncier ou des droits sur des biens meubles ou autres droits d'une province est accepté pour production, enregistrement ou autre inscription de la même manière et dans la même mesure que s'il s'agissait d'un document faisant preuve du contenu d'un jugement visé à l'alinéa (5)a) ou d'un montant visé à l'alinéa (5)b) dans le cadre de procédures semblables. Aux fins de la production, de l'enregistrement ou autre inscription de cet extrait ou ce document, l'accès à une personne, à un endroit ou à une chose situé dans une province est donné de la même manière et dans la même mesure que si l'extrait ou le document était un document semblable ainsi délivré ou établi. Lorsque l'extrait ou le document est délivré par la Cour fédérale ou porte la signature ou fait l'objet d'un certificat d'un juge ou d'un fonctionnaire de cette cour, tout affidavit, toute déclaration ou tout autre élément de preuve qui doit, selon la loi provinciale, être fourni avec l'extrait ou le document ou l'accompagner dans le cadre des procédures est réputé avoir été ainsi fourni ou accompagner ainsi l'extrait ou le document.

(9) Malgré les lois fédérales et provinciales, ni le shérif ni une autre personne ne peut, sans le consentement écrit du ministre, vendre un bien ou autrement en disposer ou publier un avis concernant la vente ou la disposition d'un bien ou autrement l'annoncer, par suite de l'émission d'un bref ou de la création d'une sûreté, d'une priorité ou d'une autre charge dans le cadre de procédures de recouvrement d'un montant attesté dans un certificat fait en application du paragraphe (2), des intérêts y afférents et des frais. Toutefois, si ce consentement est obtenu ultérieurement, tout bien sur lequel un tel bref ou une telle sûreté, priorité ou charge aurait une incidence si ce consentement avait été obtenu au moment de l'émission du bref ou de la création de la sûreté, priorité ou charge, selon le cas, est saisi ou autrement grevé comme si le consentement avait été obtenu à ce moment.

(6) If a memorial has been filed, registered or otherwise recorded under subsection 223(5),

(a) a charge, lien or priority is created on, or a binding interest is created in, property in the province, or any interest in such property, held by the debtor, or

(b) such property or interest in the property is otherwise bound,

in the same manner and to the same extent as if the memorial were a document evidencing a judgment referred to in paragraph 223(5)(a) or an amount referred to in paragraph 223(5)(b), and the charge, lien, priority or binding interest created shall be subordinate to any charge, lien, priority or binding interest in respect of which all steps necessary to make it effective against other creditors were taken before the time the memorial was filed, registered or otherwise recorded.

(7) If a memorial is filed, registered or otherwise recorded in a province under subsection 223(5), proceedings may be taken in the province in respect of the memorial, including proceedings

(a) to enforce payment of the amount evidenced by the memorial, interest on the amount and all costs and charges paid or incurred in respect of

(i) the filing, registration or other recording of the memorial, and

(ii) proceedings taken to collect the amount,

(b) to renew or otherwise prolong the effectiveness of the filing, registration or other recording of the memorial,

(c) to cancel or withdraw the memorial wholly or in respect of any of the property or interests affected by the memorial, or

(d) to postpone the effectiveness of the filing, registration or other recording of the memorial in favour of any right, charge, lien or priority that has been or is intended to be filed, registered or otherwise recorded in respect of any property or interest affected by the memorial,

in the same manner and to the same extent as if the memorial were a document evidencing a judgment referred to in paragraph 223(5)(a) or an amount referred to in paragraph 223(5)(b), except that if in any such proceeding or as a condition precedent to any such proceeding any order, consent or ruling is required under the law of the province to be made or given by the superior court of the province or a judge or official of the court, a like order, consent or ruling may be made or given by the Federal Court or a judge or official of the Federal Court and, when so made or given, has the same effect for the purposes of the proceeding as if it were made or given by the superior court of the province or a judge or official of the court.

(8) If

(a) a memorial is presented for filing, registration or other recording under subsection 223(5) or a document relating to the memorial is presented for filing, registration or other recording for the purpose of any proceeding described in subsection 223(7) to any official in the land, personal property or other registry system of a province, it shall be accepted for filing, registration or other recording, or

(b) access is sought to any person, place or thing in a province to make the filing, registration or other recording, the access shall be granted

in the same manner and to the same extent as if the memorial or document relating to the memorial were a document evidencing a judgment referred to in paragraph 223(5)(a) or an amount referred to in paragraph 223(5)(b) for the purpose of a like proceeding, as the case may be, except that, if the memorial or document is issued by the Federal Court or signed or certified by a judge or official of the Court, any affidavit, declaration or other evidence required under the law of the province to be provided with or to accompany the memorial or document in the proceedings is deemed to have been provided with or to have accompanied the memorial or document as so required.

(9) Notwithstanding any law of Canada or of a province, a sheriff or other person shall not, without the written consent of the Minister, sell or otherwise dispose of any property, or publish any notice or otherwise advertise in respect of any sale or other disposition of any property pursuant to any process issued or charge, lien, priority or binding interest created in any proceeding to collect an amount certified in a certificate made under subsection 223(2), interest on the amount and costs, but if that consent is subsequently given, any property that would have been affected by such a process, charge, lien, priority or binding interest if the Minister's consent had been given at the time the process was issued or the charge, lien, priority or binding interest was created, as the case may be, shall be bound, seized, attached, charged or otherwise affected as it would be if that consent had been given at the time the process was issued or the charge, lien, priority or binding interest was created, as the case may be.



[32]            Le législateur a édicté des dispositions générales à l'égard du recouvrement des dettes fiscales, et a prévu des modalités d'exécution qui s'écartent du régime habituel. Il est clair que le législateur a compétence pour édicter des dispositions d'exécution particulières en matière de recouvrement de l'impôt dû, même si ces dispositions portent sur ce qui constituerait autrement une question de propriété et de droits civils dans la province (voir TransGas Ltd. c. Mid-Plains Contractors Ltd., [1994] 3 R.C.S. 753, conf. (1993), 105 Sask. R. 211 (C.A.)). Le ministre peut donc se fonder sur ces dispositions particulières, telles qu'elles figurent dans la Loi de l'impôt sur le revenu, même si elles diffèrent des dispositions d'exécution contenues dans la Loi sur la Cour fédérale.

[33]            Le deuxième raisonnement suivi par la juge des requêtes dans ses motifs est axé sur l'interprétation que celle-ci a donnée aux dispositions d'exécution particulières contenues dans la Loi de l'impôt sur le revenu. Elle a indiqué que l'extrait, c.-à-d. un document enregistrable selon les systèmes d'enregistrement provinciaux, sous toutes ses formes, devait être délivré par la Cour fédérale :


223. (5) Un document délivré par la Cour fédérale et faisant preuve du contenu d'un certificat enregistré à l'égard d'un débiteur en application du paragraphe (3), un bref de cette cour délivré au titre du certificat ou toute notification du document ou du bref (ce document ou bref ou cette notification étant appelé "extrait" au présent article) peut être produit, enregistré ou autrement inscrit...

223. (5) A document issued by the Federal Court evidencing a certificate in respect of a debtor registered under subsection 223(3), a writ of that Court issued pursuant to the certificate or any notification of the document or writ (such document, writ or notification in this section referred to as a "memorial") may be filed, registered or otherwise recorded...

may be filed, registered or otherwise recorded in accordance with or pursuant to the law of the province to create a charge, lien or priority on, or a binding interest in, the property or interest.


[34]            La juge des requêtes a mis l'accent sur la notion de document « délivré » par la Cour, et a appliqué la définition du terme « délivré » contenue dans les Règles. Elle n'a pu trouver aucune indication qu'un document avait été délivré, et a conclu qu'il n'existait aucun document susceptible de constituer un extrait. L'avis de jugement était donc invalide puisqu'il n'était fondé sur aucun extrait.


[35]            En supposant, sans l'affirmer, que la définition de « délivré » contenue dans les Règles est déterminante quant au sens de ce terme selon la Loi de l'impôt sur le revenu lorsqu'il se rapporte aux procédures de la Cour fédérale, j'estime qu'un document a été « délivré » aux fins du paragraphe 223(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il s'agit de l'original du certificat de jugement, dont la pièce D est censée être une copie. Le sceau de la Cour avait été apposé sur ce document, et celui-ci s'était vu attribuer un numéro de dossier de la Cour. En outre, il était daté et signé par un agent du greffe. Le fait de prétendre que la date et la signature ne devraient pas être prises en compte parce qu'elles font partie de la certification introduit une exigence qui n'existe pas dans les Règles. Dans la mesure où ce document avait pour but d'établir que le certificat qu'il représentait avait bel et bien été produit à la Cour, on ne pouvait rien faire pour rendre ledit document plus probant ou digne de foi. L'apposition du sceau de la Cour authentifiait le document et la certification confirmait l'enregistrement. Par conséquent, je conclus qu'il s'agissait là d'un document délivré par la Cour qui satisfaisait aux exigences du paragraphe 223(5).

[36]            Si c'est le cas, alors l'avis de jugement et le certificat de jugement ont été dûment produits au shérif et l'exécution effectuée en vertu de cet avis était régulière et appropriée.


[37]            Par conséquent, l'appel devrait être accueilli avec dépens, la décision de la juge des requêtes devrait être annulée et la requête présentée en vertu de l'article 398 des Règles, en vue d'obtenir un sursis à l'exécution du certificat no ITA-12574-01 produit à la Cour fédérale du Canada, et de l'article 399 des Règles, en vue d'obtenir l'annulation ou la modification dudit certificat, devrait être rejetée avec dépens, tant en appel qu'en première instance.

                                                                          « J.D. Denis Pelletier »           

Juge

« Je souscris aux présents motifs

    Alice Desjardins, juge »

« Je souscris aux présents motifs

     M. Nadon, juge »

Traduction certifiée conforme

Diane Provencher, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     A-651-02

INTITULÉ :                                                    SA MAJESTÉ LA REINE c.

JAMES ANDREW PICCOTT

LIEU DE L'AUDIENCE :                              St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador)

DATE DE L'AUDIENCE :                            Le 22 juin 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :                          LE JUGE PELLETIER

Y ONT SOUSCRIT :                                  LA JUGE DESJARDINS

                                                                              LE JUGE NADON

DATE DES MOTIFS :                                   Le 14 septembre 2004

COMPARUTIONS :

Gregory MacIntosh                                                       Pour l'appelante

Olga R. McWilliam Benson                                                 Pour l'intimé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                                                          Pour l'appelante

Barry Heywood

Mount Pearl (Terre-Neuve-et-Labrador)                           Pour l'intimé


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.