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Date : 20020003

Dossier : A-443-01

Ottawa (Ontario), le 3 juillet 2002

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                            STEVEN G. MEREDITH

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

                             représentée par le PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                               défenderesse

                                                                        JUGEMENT

La demande de contrôle judiciaire est accueillie avec dépens auprès de la Cour et de la Cour canadienne de l'impôt pour une somme forfaitaire de 8 000 $ comprenant les déboursés. La décision de la Cour canadienne de l'impôt est annulée et la cotisation est renvoyée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément aux présents motifs.

        « Robert Décary »         

Juge                

Traduction certifiée conforme

Pierre St-Laurent, LL.M., Trad. a.


Date : 20020703

Dossier : A-443-01

Référence neutre : 2002 CAF 258

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE MALONE

ENTRE :

STEVEN G. MEREDITH

demandeur

et

SA MAJESTÉ LA REINE

représentée par le PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défenderesse

Audience tenue à Calgary (Alberta), le 28 mai 2002.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 3 juillet 2002.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                       LE JUGE MALONE

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                                   LE JUGE DÉCARY

LE JUGE ROTHSTEIN


Date : 20020703

Dossier : A-443-01

Référence neutre : 2002 CAF 258

CORAM :       LE JUGE DÉCARY

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE MALONE

ENTRE :

STEVEN G. MEREDITH

demandeur

et

SA MAJESTÉ LA REINE

représentée par le PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défenderesse

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE MALONE

[1]        Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'un jugement rendu le 6 juillet 2001 par


un juge de la Cour canadienne de l'impôt (le juge) sous la référence [2001] A.C.I. no 591 (QL). Le juge a confirmé le refus du ministre d'accorder à Steven Meredith (le demandeur) un crédit d'impôt pour emploi à l'étranger (CIEÉ) quant à l'année d'imposition 1997. Le ministre a fondé son refus sur sa conclusion que le demandeur n'a pas respecté les critères de l'article 122.3 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi) parce qu'il était un entrepreneur indépendant, et non pas un employé de Stem Applications Inc. (Stem). Stem était une société que Meredith avait incorporée en 1993 à des fins commerciales.

[2]         Les principales questions en litige dans la présente demande sont les suivantes :

a.         Le juge a-t-il commis une erreur en ne tenant pas compte des rapports contractuels et juridiques entre Meredith, Stem et les tiers n'ayant aucun lien de dépendance lorsqu'il a conclu que Stem [Traduction] « n'est pas une entité distincte [du demandeur] » ;

b.         Le juge a-t-il commis une erreur en concluant que Meredith était un entrepreneur indépendant plutôt qu'un employé de Stem pour les fins du CIEÉ?

[3]        Le demandeur est un ingénieur très spécialisé possédant de l'expertise dans l'installation

et l'entretien des ordinateurs et des machines connexes utilisés dans la fabrication de boîtes de conserve et de canettes. Au fil des ans, le demandeur a acquis la réputation d'être très qualifié dans ce domaine étroit.

[4]        En 1997, Stem a fait une offre de services à deux compagnies américaines, Roeslein and

Associates Inc. et Ball Corporation, et elle a conclu des contrats avec les deux. Les services prévus par ces contrats devaient être rendus aux États-Unis. Le demandeur a rendu ces services et, ce faisant, a vécu à l'extérieur du Canada pendant plus de six mois. Stem a facturé ces tiers et a été payée pour les services que Meredith a fournis.


[5]         Les résidants du Canada sont généralement imposés sur leurs revenus mondiaux. Pourvu

que les conditions prescrites aux alinéas 122.3(1)a) et b) de la Loi soient respectées, les personnes qui exercent des fonctions dans un pays étranger en tant qu'employées de sociétés canadiennes peuvent bénéficier d'un CIEÉ. En vertu du régime de CIEÉ, une personne peut gagner jusqu'à 80 000 $ sans être assujettie à l'impôt canadien.

[6]         Pour les fins de la présente demande, voici les parties pertinentes du

paragraphe 122.3(1) :



122.3 (1) Where an individual is resident in Canada in a taxation year and, throughout any period of more than 6 consecutive months that commenced before the end of the year and included any part of the year (in this subsection referred to as the "qualifying period")                                          

(a) was employed by a person who was a specified employer, other than for the performance of services under a prescribed international development assistance program of the Government of Canada, and

(b) performed all or substantially all the duties of the individual's employment outside Canada

(i) in connection with a contract under which the specified employer carried on business outside Canada with respect to

...

(B) any construction, installation, agricultural or engineering activity,

...

there may be deducted, from the amount that would, but for this section, be the individual's tax payable under this Part for the year, an amount equal to that proportion of the tax otherwise payable under this Part for the year by the individual that the lesser of

(c) an amount equal to that proportion of $80,000 that the number of days

122.3 (1) Lorsqu'un particulier réside au Canada au cours d'une année d'imposition et que, tout au long d'une période de plus de 6 mois consécutifs ayant commencé avant la fin de l'année et comprenant une fraction de l'année (appelée la « _période admissible_ » au présent paragraphe)_:                                            

a) d'une part, il a été employé par une personne qui était un employeur déterminé, dans un but autre que celui de fournir des services en vertu d'un programme, visé par règlement, d'aide au développement international du gouvernement du Canada;

b) d'autre part, il a exercé la totalité, ou presque, des fonctions de son emploi à l'étranger_:

(i) dans le cadre d'un contrat en vertu duquel l'employeur déterminé exploitait une entreprise à l'étranger se rapportant à, selon le cas_:

...         

(B) un projet de construction ou d'installation, ou un projet agricole ou d'ingénierie,

...

peut être déduite du montant qui serait, sans le présent article, l'impôt à payer par le contribuable pour l'année en vertu de la présente partie une somme égale à la fraction de l'impôt qu'il est par ailleurs tenu de payer pour l'année en vertu de la présente partie que représente le moindre des éléments suivants_:

c) la fraction de 80_000_$ que représente par rapport à 365 le nombre de jours_:

(i) in that portion of the qualifying period that is in the year, and

(ii) on which the individual was resident in Canada

is of 365

...        

(i) d'une part, compris dans la partie de la période admissible qui est au cours de l'année,

(ii) d'autre part, au cours desquels le particulier résidait au Canada;

...

[7]         Meredith a été payé 47 560 $ par Stem, et, dans sa déclaration de revenus pour

l'année 1997, il a réclamé un CIEÉ au montant de 6 239,30 $. Invoquant l'article 122.3, le ministre a refusé cette réclamation.

[8]         Au procès, les actes de procédure ont donné lieu à une irrégularité procédurale. La


cotisation du ministre ne faisait pas état de la présomption que Meredith n'était pas un employé de Stem. Dans sa réponse à l'avis d'appel, le ministre a cependant plaidé cette présomption. Le ministre avait initialement cotisé le demandeur sur le fondement que le revenu constituait un « revenu exclu » aux termes du paragraphe 122.3(1.1) de la Loi, disposition qui, de l'aveu du ministre à l'audience de la Cour de l'impôt, ne s'appliquait pas au demandeur. Par conséquent, devant la Cour de l'impôt, le ministre s'est retrouvé dans la situation inhabituelle de devoir accepter le fardeau de prouver que Meredith n'était pas un employé de Stem.

[9]         Après avoir entendu les parties, le juge a conclu que le contribuable avait [Traduction]

« entremêl[é] la compagnie et lui-même, soulignant qu'il les traite comme ne faisant qu'un. [Stem] n'est pas une entité distincte de [Meredith] [...] C'était l'entreprise [du demandeur] et le [demandeur] ne peut pas être considéré comme un employé de [Stem] pendant l'année d'imposition 1997. »

[10]       Le demandeur sollicite maintenant le contrôle judiciaire de cette conclusion.

ANALYSE

[11]       D'après mon analyse, le juge a commis plusieurs erreurs lorsqu'il a statué sur la présente


affaire. Premièrement, le juge a « percé le voile corporatif » dans la mesure où il est passé outre à l'entité corporative elle-même pour évaluer les actes du demandeur. Les motifs de son jugement regorgent d'exemples en ce sens. Ainsi, il a conclu que, malgré l'existence d'un lien contractuel entre les tiers et Stem, il était [Traduction] « évident que Roeslein and Ball faisait appel à l'expertise [de Meredith], et non pas aux services de la compagnie en soi puisque celle-ci n'employait personne d'autre » . Il a également déclaré [Traduction] « [qu']il est clair que [Meredith] contrôle la compagnie et l'utilise à son propre avantage de temps à autre, lorsque cela est pratique. La compagnie ne l'utilise pas. » En outre, le juge a aussi parlé des méthodes par lesquelles Meredith était payé par Stem de même que des ententes que Stem avait avec sa banque, y compris les garanties personnelles fournies par Meredith.

[12]       La levée du voile corporatif est contraire aux principes établis depuis longtemps en droit

corporatif. En l'absence d'allégation selon laquelle la société constitue un « trompe-l'oeil » ou un véhicule permettant à des actionnaires putatifs de commettre des fautes et en l'absence d'autorisation légale, les tribunaux doivent respecter les rapports juridiques créés par un contribuable (voir Salomon v. Salomon & Co., [1897] A.C. 22; Kosmopoulos c. Constitution Insurance Co. of Canada, [1987] 1 R.C.S. 2). Les tribunaux ne peuvent pas qualifier autrement les véritables rapports en fonction de ce qu'ils jugent être la réalité économique qui les sous-tend (voir Continental Bank Leasing Corp. c. La Reine, [1998] 2 R.C.S. 298;Shell Canada Ltd. c. La Reine, [1999] 3 R.C.S. 622 ; Ludco Enterprises Limited c. La Reine, 2001 CSC 62, au par. 51). Il s'ensuit donc que le juge de première instance a commis une erreur de droit lorsqu'il s'est penché sur la réalité économique du rapport entre Stem et Meredith, alors que ni la loi ni la common law ne l'autorisaient à le faire.

[13]       Je suis également convaincu que le juge a commis une autre erreur en concluant que le


demandeur n'était pas un employé de Stem. Lorsqu'il a appliqué l'analyse de l'arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. MRN, 87 DTC 5025 (CAF) (approuvée dans l'arrêt 671122 Ontario Limited c. Sagaz Industries Canada Inc., 2001 CSC 59), le juge n'a pas tenu compte du principe bien établi selon lequel une société possède sa propre personnalité juridique, distincte de celle de ses actionnaires (voir les arrêts Salomon et Kosmopoulos, précités.). Ce principe s'applique également aux sociétés fermées comme Stem (Salomon, précité).

[14]       Le juge a eu raison de conclure que Stem détenait les outils et l'équipement, et que cela

indiquait l'existence d'un lien d'emploi; il s'est toutefois trompé dans ses conclusions relatives au contrôle, aux chances de profits et aux risques de pertes.

[15]      L'arrêt récemment rendu par la Cour dans Groupe Desmarais Pinsonneault & Avard Inc.

c. Canada (MRN), 2002 CAF 144, est instructif sur la question du contrôle. Dans cet arrêt, le juge Noël, s'exprimant au nom de la Cour, a indiqué qu'il ne s'agissait pas de savoir si la société exerçait ou non le contrôle, mais plutôt de savoir si elle était en position de le faire. Ce qu'il faut déterminer, c'est le pouvoir légal de la société de contrôler les employés, et non pas la question de savoir si les employés se sentent assujettis à ce contrôle. Ce pouvoir existe dans la présente affaire, où Stem a conclu un contrat avec des tiers avec lesquels elle n'avait aucun lien de dépendance. C'est avec Stem, et non pas avec le demandeur, que les tiers ont conclu un contrat pour bénéficier de l'expertise de Meredith, et Stem a le pouvoir légal, en tant que société, de contrôler Meredith. Par conséquent, vu la structure corporative en place, il n'importe pas que Meredith soit le seul actionnaire et directeur de Stem. Compte tenu des arrêts susmentionnés, le juge a commis une erreur en concluant que le demandeur, à titre personnel, jouissait du contrôle.


[16]       De même, quant aux chances de profits et aux risques de pertes, c'est Stem, et non pas le

demandeur, qui récolte les profits et subit les pertes. En tentant de retracer les sommes versées par les tiers au demandeur par l'intermédiaire de Stem, le juge a de nouveau percé le voile corporatif en faisant fi des rapports véritables créés par le contribuable. Par conséquent, le ministre n'a pas relevé le fardeau de la preuve qui lui incombait dans le cadre de la présente demande.

[17]       Finalement, après avoir étudié les observations des parties concernant les dépens, je suis

d'avis d'adjuger au demandeur les dépens auprès de la Cour et de la Cour canadienne de l'impôt pour un montant forfaitaire de 8 000 $ comprenant les déboursés.

[18]       La présente demande de contrôle judiciaire doit être accueillie, la décision de la Cour

canadienne de l'impôt doit être annulée et la cotisation doit être renvoyée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation conformément aux présents motifs. Le demandeur a droit aux dépens auprès de la Cour et de la Cour canadienne de l'impôt pour une somme forfaitaire de 8 000 $ comprenant les déboursés.

                                                                                                                                                 « B. Malone »            

                                                                                                                                                                 Juge

« Je souscris aux présents motifs             

Robert Décary, J.C.A. »

« Je souscris aux présents motifs

Marshall Rothstein, J.C.A. »

Traduction certifiée conforme

Pierre St-Laurent, LL.M., Trad. a.


                                                         COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                                   A-443-01

INTITULÉ :                                                                                  Steven G. Meredith et Sa Majesté la Reine

                                                                                   

LIEU DE L'AUDIENCE :                                                          Calgary (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :                                                        Le 28 mai 2002

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                   LE JUGE MALONE

Y ONT SOUSCRIT :                                                                  LE JUGE DÉCARY

LE JUGE ROTHSTEIN

EN DATE DU :                                                                            3 juillet 2002

ONT COMPARU

M. Jehad Haymour

M. Denny Kwan                                                                             POUR LE DEMANDEUR

M. R. Scott McDougall                                                                 POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Fraser Milner Casgrain LLP                                                           POUR LE DEMANDEUR

Barristers & Solicitors

M. Morris Rosenberg                                                                     POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

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