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Date : 20040621

Dossier : A-526-03

Référence : 2004 CAF 240

CORAM :       LE JUGE NOËL

LE JUGE SEXTON

LE JUGE EVANS

ENTRE :

                                           HEWLETT PACKARD (CANADA) LTÉE

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                intimée

                                       Audience tenue à Toronto (Ontario), le 31 mai 2004

                                       Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 21 juin 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                       LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                            LE JUGE SEXTON

                                                                                                                               LE JUGE EVANS


Date : 20040621

Dossier : A-526-03

Référence : 2004 CAF 240

CORAM :       LE JUGE NOËL

LE JUGE SEXTON

LE JUGE EVANS

ENTRE :

                                           HEWLETT PACKARD (CANADA) LTÉE

                                                                                                                                            appelante

                                                                             et

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                intimée

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NOËL

[1]                Il s'agit d'un appel d'une décision du juge Hershfield de la Cour canadienne de l'impôt (2003 DTC 1324) rendue le 16 octobre 2003, confirmant les nouvelles cotisations établies à l'encontre de Hewlett Packard (Canada) Ltée (HP) qui refusaient en partie la déduction pour amortissement (DPA) réclamée à l'égard de son parc de véhicules pour les années d'imposition 1995, 1996 et 1997.


Introduction

[2]                La question en litige dans le présent appel s'articule sur le traitement fiscal résultant de la pratique commerciale de HP qui fournit chaque année à ses employés de nouveaux véhicules qu'ils utilisent dans le cadre de leur emploi. À cette fin, un parc allant jusqu'à 750 véhicules est acheté de Ford et revendu à Ford chaque année.

[3]                Aux termes de l'alinéa 20(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi), un contribuable peut déduire annuellement une partie du coût des biens immobilisés qu'il a acquis et qu'il utilise pour produire un revenu dans la mesure permise par le Règlement de l'impôt sur le revenu (le Règlement). L'alinéa 1100(1)c) du Règlement permet à un contribuable de réclamer une déduction égale à un pourcentage donné de la fraction non amortie du coût en capital (FNACC) d'un bien d'une catégorie prescrite qu'il détient à la fin de chaque année d'imposition.

[4]                La déduction autorisée à l'égard des automobiles (catégorie 10) est fixée à 30 %. Toutefois, en vertu d'une modification qui est entrée en vigueur pendant les années 1980, les biens amortissables nouvellement acquis sont assujettis à la « règle de la demi-année » . En vertu de cette règle, seule la moitié de la DPA qui aurait autrement pu être utilisée peut être réclamée dans l'année d'acquisition, le reste pouvant être réclamé l'année suivante.


[5]                Afin d'atténuer l'effet de la règle de la demi-année et de maximiser la DPA qu'elle pouvait réclamer chaque année, HP s'est entendue avec Ford pour acheter son nouveau parc de véhicules immédiatement avant la fin de son année d'imposition et lui revendre l'ancien parc au début de l'année suivante. De cette façon, HP pouvait réclamer la DPA sur la FNACC calculée en faisant référence à la fois à l'ancien parc et au nouveau parc, même si ceux-ci étaient répartis sur deux ans.

[6]                Les nouvelles cotisations en litige dans le présent appel contestent le droit de HP de réclamer la DPA à l'égard de l'ancien parc. La question à trancher est de savoir si HP peut être réputée avoir aliéné l'ancien parc avant la fin de chacune de ces années d'imposition pour les fins de la Loi, même si elle en était toujours propriétaire à ce moment.

Les faits

[7]                Les fait sont énoncés de façon très détaillée dans la décision qui fait l'objet de l'appel et ne donnent lieu à aucun désaccord. Il suffit pour les fins des présentes d'en donner un bref résumé.

[8]                L'année d'imposition de HP se termine le 31 octobre. En octobre de chaque année, HP a acheté un parc de nouveaux véhicules de Ford pour remplacer les véhicules acquis en octobre de l'année précédente. L'échange des véhicules se fait dans le cours du mois d'octobre de chaque année, de sorte que les employés commencent à se servir de leur nouveau véhicule (et donc cessent d'utiliser l'ancien) avant le 31 octobre.


[9]                Les parties se sont toutefois entendues pour que l'enregistrement du changement de propriété de l'ancien parc se fasse après le 31 octobre de chaque année. Cette mesure avait pour but d'empêcher Ford de vendre l'ancien parc avant cette date et de fournir une preuve de l'entente entre les parties selon laquelle la propriété de l'ancien parc ne reviendrait pas à Ford avant la fin de l'année d'imposition de HP.

[10]            Ford reprenait possession de la plupart des véhicules formant l'ancien parc dans les semaines et les jours précédant le 31 octobre de chaque année. Le paiement par Ford des véhicules revendus se faisait par voie de compensation sur le montant payable par HP pour l'achat du nouveau parc qui était exigible le 15 novembre de chaque année. Le prix auquel Ford rachetait l'ancien parc était calculé en tenant compte du fait que les véhicules avaient été utilisés par HP sur une période de 13 mois.

[11]            Le juge de la Cour de l'impôt a procédé à son analyse en s'appuyant sur le fait que les opérations menant à l'échange de véhicules ont eu lieu dans les provinces respectives où les employés ont remis les anciens véhicules et pris possession des nouveaux (principalement en Ontario et au Québec). La TPS et la taxe de vente provinciale ont été payées sur cette base.

[12]            En s'appuyant sur la propriété de l'ancien et du nouveau parcs à la fin des années d'imposition en question, HP a réclamé la DPA sur la FNACC se rapportant aux deux parcs. [La définition réelle de la FNACC se fonde sur une formule compliquée énoncée au paragraphe 13(21). Ce qui est pertinent pour les fins des présentes, c'est que la DPA peut être réclamée sur la FNACC d'une catégorie de biens détenus par le contribuable à la fin d'une année d'imposition.]


[13]            Le ministre a établi de nouvelles cotisations dans lesquelles il a refusé la DPA réclamée à l'égard de l'ancien parc, au motif que la procédure d'échange des parcs de véhicules chaque année entraînait une modification de l'utilisation de l'ancien parc avant la fin de l'année d'imposition, ce qui donnait donc lieu à une disposition présumée de l'ancien parc aux termes de l'alinéa 13(7)a) de la Loi :

13(7)    Sous réserve du paragraphe 70(13), les règles suivantes s'appliquent dans le cadre des alinéas 8(1)j) et p), du présent article, de l'article 20 et des dispositions réglementaires prises pour l'application de l'alinéa 20(1)a) :

13(7)    Subject to subsection 70(13), for the purposes of paragraphs 8(1)(j) and 8(1)(p), this section, section 20 and any regulations made for the purpose of paragraph 20(1)(a),

a) le contribuable ayant acquis un bien en vue d'en tirer un revenu et qui commence, à un moment postérieur, à l'utiliser à une autre fin est réputé en avoir disposé à ce moment postérieur pour un produit de disposition égal à sa juste valeur marchande à ce même moment et l'avoir acquis de nouveau immédiatement après à un coût égal à cette juste valeur marchande;

[...]

(a) where a taxpayer, having acquired property for the purpose of gaining or producing income, has begun at a later time to use it for some other purpose, the taxpayer shall be deemed to have disposed of it at that later time for proceeds of disposition equal to its fair market value at that time and to have reacquired it immediately thereafter at a cost equal to that fair market value;

...

[14]            Les nouvelles cotisations ont été confirmées par la Cour canadienne de l'impôt, bien que ce soit pour des motifs différents, et le présent appel a été formé.

La décision faisant l'objet de l'appel

[15]            Le juge de la Cour de l'impôt n'a pas accepté que l'ancien parc avait fait l'objet d'un changement d'utilisation, au motif qu'il n'avait pas été démontré que l'ancien parc avait commencé à être utilisé à « une autre fin » avant l'expiration des années en cause, comme le prévoit l'alinéa 13(7)a).


[16]            Après une longue analyse, le juge de la Cour de l'impôt a conclu que l'ancien parc demeurait la propriété de HP jusqu'à minuit le 31 octobre de chacune des années d'imposition pertinentes en vertu du droit privé des provinces de common law.

[17]            Bien que la possession de l'ancien parc ait été transférée à Ford le ou avant le 31 octobre de chaque année, les véhicules ne faisaient pas partie du stock de Ford avant le 1er novembre. Quant au transfert du risque, le juge de la Cour de l'impôt a qualifié la preuve de « quelque peu trouble » , mais il a noté que, sur le plan juridique, le risque suit la propriété.

[18]            Le juge de la Cour de l'impôt a conclu que les parties avaient véritablement eu l'intention de faire en sorte que HP conserve le titre de l'ancien parc pendant toutes les années d'imposition respectives et que leurs gestes, de même que les clauses du contrat, n'étaient pas incompatibles avec cette intention. S'appuyant sur le paragraphe 18(1) de la Loi sur la vente d'objets de l'Ontario et les dispositions équivalentes de la Sale of Goods Act d'autres provinces (qui stipulent essentiellement que le titre est transféré au moment où les parties ont l'intention que ce transfert s'accomplisse), il a statué que HP était propriétaire de l'ancien parc à la fin de chaque année.


[19]            Il s'est ensuite demandé si le transfert de propriété en vertu du droit privé applicable est un fondement adéquat pour déterminer si le bien amortissable a fait l'objet d'une disposition en vertu de la Loi. Dans son raisonnement, le juge de la Cour de l'impôt s'est dit d'avis que s'appuyer sur le droit privé des provinces, aux termes duquel le transfert de titre de propriété est fonction de l'intention, pouvait donner lieu à des abus.

[20]            Le juge de la Cour de l'impôt a reconnu qu'il y a disposition en vertu de la Loi lorsqu'il y a un transfert de propriété conformément au droit privé applicable. Toutefois, il s'est appuyé sur la définition ouverte de l'expression « disposition de biens » donnée au paragraphe 13(21) pour conclure qu'il peut également y avoir disposition pour les fins de la Loi quand le vendeur acquiert le droit au produit de la disposition, même si la propriété n'est pas transférée aux termes du droit privé applicable :

13(21) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

[...]

« disposition de biens » Sont compris dans la disposition de biens une opération ou un événement donnant droit au contribuable au produit de dispositions de biens.

[...]

13(21) In this section,

...

"disposition of property" includes any transaction or event entitling a taxpayer to proceeds of disposition of property;

...

" produit de disposition" Le produit de disposition de biens comprend :

"proceeds of disposition" of property includes

a)    le prix de vente de biens qui ont été vendus;

(a) the sale price of property that has been sold,

b)    les indemnités pour biens pris illégalement;

(b) compensation for property unlawfully taken,

c)    les indemnités afférentes à la destruction de biens et les sommes payables en vertu d'une police d'assurance du fait de la perte ou de la destruction de biens;

(c) compensation for property destroyed and any amount payable under a policy of insurance in respect of loss or destruction of property,

d)    les indemnités afférentes aux biens pris en vertu d'une loi ou le prix de vente de biens vendus à une personne ayant donné un avis de son intention de les prendre en vertu d'une loi;

(d) compensation for property taken under statutory authority or the sale price of property sold to a person by whom notice of an intention to take it under statutory authority was given,

e)    les indemnités afférentes aux biens ayant subi un préjudice, légalement ou illégalement, ou en vertu d'une loi ou de toute autre façon;

(e) compensation for property injuriously affected, whether lawfully or unlawfully or under statutory authority or otherwise,

f)     les indemnités afférentes aux dommages causés aux biens et les sommes payables en vertu d'une police d'assurance au titre des dommages causés à des biens, sauf dans la mesure où ces indemnités ou sommes, selon le cas, ont, dans un délai raisonnable après que les dommages ont été subis, été dépensées pour la réparation des dommages;

(f) compensation for property damaged and any amount payable under a policy of insurance in respect of damage to property, except to the extent that the compensation or amount, as the case may be, has within a reasonable time after the damage been expended on repairing the damage,

g)    le montant de la réduction de la dette dont un contribuable est débiteur envers un créancier hypothécaire découlant de la vente du bien hypothéqué en vertu d'une clause du contrat d'hypothèque, plus la partie du produit d'une telle vente reçue par le contribuable;

(g) an amount by which the liability of a taxpayer to a mortgagee is reduced as a result of the sale of mortgaged property under a provision of the mortgage, plus any amount received by the taxpayer out of the proceeds of the sale, and

h)    les sommes incluses, par l'effet de l'article 79, dans le calcul du produit de disposition de biens pour un contribuable.

(h) any amount included because of section 79 in computing a taxpayer's proceeds of disposition of the property;

(Non souligné dans l'original.)

[21]            Le juge de la Cour de l'impôt a dit ceci au paragraphe 47 de ses motifs :

La Loi, à mon avis, fait en sorte qu'une disposition se produise au moment déterminé par les principes établis du droit commercial ou au moment où il y a un droit absolu applicable d'être payé, selon le premier événement à survenir[...] » .

[22]            Mettant l'accent sur cette dernière question, le juge de la Cour de l'impôt a estimé que HP avait un « droit absolu applicable d'être [payée] » pour l'ancien parc le ou avant le 31 octobre de chaque année (motifs, paragraphe 47). Il a donc conclu que HP avait disposé de l'ancien parc avant la fin de chacune des trois années d'imposition, même si elle en était toujours propriétaire à ce moment. Il conclut ainsi dans ses motifs (paragraphe 49) :


Je comprends qu'il peut sembler curieux que ma décision fasse en sorte qu'il puisse y avoir un droit absolu au produit de la vente avant qu'une « vente » ou un transfert de propriété survienne. Bien que cela puisse sembler curieux, cela n'indique pas à mon avis qu'il y ait une erreur dans mon raisonnement. Le fait que le droit reconnaît que la date de transfert sera la date qu'ont convenu les parties ne suggère pas que les parties ne peuvent pas avoir, avant ce moment, un contrat obligatoire et exécutoire à l'égard du produit qui crée pour le vendeur un droit au produit de disposition à ce moment antérieur. Dans un tel cas, le moment antérieur correspondrait au moment où il y a disposition au sens de l'article 13 de la Loi.

[23]            Ayant conclu qu'aux termes du droit privé applicable la propriété n'était pas l'élément déterminant, le juge de la Cour de l'impôt n'a pas jugé nécessaire de décider si HP était également demeurée propriétaire aux termes du droit québécois.

Erreurs alléguées dans la décision faisant l'objet de l'appel

[24]            L'appelante et l'intimée ont toutes deux contesté les motifs formulés par le juge de la Cour de l'impôt à l'appui de sa décision. La Couronne fait valoir que le juge de la Cour de l'impôt a commis une erreur de droit en statuant qu'il n'y avait pas eu changement d'utilisation de l'ancien parc avant la fin des années d'imposition pertinentes aux termes de l'alinéa 13(7)a). Selon la Couronne, c'est la fin particulière de l'utilisation à laquelle est affecté un bien (par exemple, pour en tirer un revenu) qui détermine s'il y a eu un changement d'utilisation, et il est clair d'après les faits de l'espèce que l'ancien parc n'était plus utilisé pour tirer un revenu dans les semaines et les jours précédant le 31 octobre de chaque année.

[25]            Pour sa part, HP allègue que le juge de la Cour de l'impôt a commis une erreur de droit en statuant qu'en vertu du paragraphe 13(21) un contribuable peut avoir droit au « produit de disposition » relativement à des biens qui n'ont pas encore été « vendus » . Selon HP, le juge de la Cour de l'impôt, après avoir conclu que HP était toujours propriétaire de l'ancien parc à la fin de chaque année, était tenu de conclure que HP avait le droit de réclamer la DPA à l'égard de l'ancien parc.


Analyse et décision

[26]            La question ayant trait au changement d'utilisation peut être réglée assez rapidement. Le juge de la Cour de l'impôt a tiré la conclusion de fait suivante : la formalité utilisée pour transférer l'ancien parc à Ford en échange du nouveau parc équivalait à un recyclage raisonnable de biens amortissables excédentaires dans le cours ordinaire des affaires. Cette constatation n'a pas été contestée en appel.

[27]            Le juge de la Cour de l'impôt a ensuite poursuivi en donnant ce qui constitue, à mon avis, une réponse complète à la prétention de la Couronne (paragraphe 41) :

Selon le principal argument de [la Couronne], il y a eu changement de l'utilisation de l'ancienne flotte lorsque la nouvelle flotte a été utilisée. Comme il est suggéré dans les présents motifs, il est déraisonnable à mon avis de penser qu'un actif en voie de remplacement n'est pas toujours utilisé dans le cadre de l'entreprise qui le détient en vue de sa disposition. On ne peut pas considérer changée l'utilisation d'un actif utilisé dans le cadre d'une entreprise et qui est régulièrement remplacé simplement parce qu'il a cessé d'être utilisé en raison de son remplacement. Une partie des activités de l'entreprise vise la vente de ces actifs amortissables « à court terme » . Dans la mesure où leur utilisation ne vise que leur détention en vue de la revente, on ne peut affirmer, à mon avis, qu'ils sont détenus pour une fin autre que d'en tirer un revenu, malgré qu'ils sont excédentaires après le remplacement. Cesser d'utiliser ces actifs est compatible avec la liquidation requise de ces actifs et y est en fait presque essentiel. La liquidation d'actifs amortissables à court terme est compatible avec l'objectif original de production de revenu pour lequel ils étaient utilisés. Il n'y a pas commencement d'une autre utilisation lorsqu'un actif excédentaire est détenu pour la vente.

[28]            Je souscris au raisonnement du juge de la Cour de l'impôt. Il semble clair qu'un changement d'utilisation aux termes de l'alinéa 13(7)a) exige que le bien en question soit utilisé à « une autre fin » , et en l'espèce, il n'y a pas de preuve de cette autre fin.


[29]            J'aborde maintenant la question de savoir si le fait que HP était propriétaire de l'ancien parc à la fin des trois années d'imposition en question lui donne droit de réclamer la DPA.

[30]            Pour commencer, je note que, pour réclamer la DPA à l'égard de l'ancien parc, il ne suffisait pas que HP en conserve la propriété légale, si la propriété effective avait été transférée à Ford. Comme on le verra dans un moment, la Loi n'adjoint pas de conséquences au seul titre légal.

[31]            À cet égard, il découle clairement du dossier que les parties ont compris que, pour que HP ait le droit de réclamer la DPA à l'égard de l'ancien parc, elle devait en conserver à la fois le titre légal et la propriété effective jusqu'à minuit le 31 octobre de chaque année. Le juge de la Cour de l'impôt a statué, en fait, que les parties avaient l'intention véritable de laisser à HP l'entière propriété et, comme leurs gestes et les clauses du contrat ne sont pas incompatibles avec cette intention, il en a reconnu la validité. Cette conclusion n'a pas été contestée en appel.

[32]            Avant la décision qui fait l'objet de l'appel, on croyait que la propriété d'un bien amortissable à la fin de l'année, selon les prescriptions du droit privé applicable, était nécessairement accompagnée du droit de réclamer la DPA. L'autorité sur cette question est la décision de la Cour de l'Échiquier dans M.N.R. c. Wardean Drilling Limited, 69 DTC 5194.


[33]            La question en litige dans cette affaire était de savoir si le contribuable avait le droit de réclamer la DPA à l'égard d'une structure réputée avoir été acquise peu avant la fin de son année d'imposition 1963. La Commission d'appel de l'impôt, s'appuyant sur la définition large du terme « biens » donnée à l'alinéa 139(1)ag) de la Loi (maintenant le paragraphe 248(1)) avait statué que, une fois qu'un contrat obligatoire et exécutoire avait été signé, le bien était acquis pour les fins fiscales, que la propriété du bien ait été transférée ou non :

139(1)ag)"biens" signifie des biens de toute nature, qu'ils soient réels ou personnels, corporels ou incorporels, et, sans restreindre la généralité de ce qui précède, comprend un droit de quelque nature que ce soit, une action ou un droit incorporel ...

139(1)(ag) "property" means property of any kindwhatsoever whether real or personal orcorporeal or incorporeal and, withoutrestricting the generality of the foregoing, includes a right of any kind whatsoever, a share or chose in action ...

(Non souligné dans l'original.)

[34]            La décision de la Commission d'appel de l'impôt a été renversée en appel. Le juge Cattanach a abordé la question sous l'angle suivant (page 5197) :

[traduction]

La décision dans le présent appel s'articule sur la question de savoir à quel moment la structure et la sous-structure ont été « acquises » par le défendeur. La prétention présentée au nom du défendeur était, d'après mon interprétation, que les biens sont acquis par un acheteur quand le fournisseur et l'acheteur ont conclu un contrat de vente obligatoire et exécutoire. Le critère et le concept d'un contrat sont ceux qui ont été adoptés par la Commission d'appel de l'impôt dans la décision qui fait maintenant l'objet de l'appel. (Non souligné dans l'original.)

[35]            Il poursuit ainsi (à la page 5197) :

[traduction]

D'après les faits du présent appel, il ne fait absolument aucun doute que les contrats d'achat et de vente de la structure et de la sous-structure ont été signés avant le 31 décembre 1963. Par conséquent, il ne fait aucun doute qu'à la fin de l'année d'imposition 1963, le défendeur avait des droits en vertu de ces contrats. Ces droits sont des « biens » au sens de l'alinéa 139(1)ag) de la Loi de l'impôt sur le revenu, mais l'Annexe B du Règlement de l'impôt sur le revenu n'inclut aucune catégorie de biens qui est assujettie à la déduction pour amortissement, comme les biens qui sont des droits contractuels en vertu des contrats dont il est question en l'espèce. Pour être visé par l'une des catégories précisées à l'Annexe B, il doit y avoir un droit dans le bien lui-même, plutôt que des droits découlant d'un contrat ayant trait au bien qui fait l'objet du contrat. (Non souligné dans l'original.)


[36]            Il a ensuite mis l'accent sur la Sale of Goods Act, R.S.A., 1955, ch. 295, l'Alberta étant l'endroit où le contrat avait été signé, et il a formulé ce qui est maintenant devenu le critère classique de l'acquisition (page 5198) :

[traduction]

[...] je suis d'avis qu'un acheteur a acquis des biens d'une catégorie prévue à l'Annexe B quand le titre est transféré, en supposant que les biens existent à ce moment, ou lorsque l'acheteur détient tous les attributs du titre de propriété, c'est-à-dire la possession, l'usage et le risque, même si le fournisseur conserve le titre légal à titre de garantie pour le prix d'achat comme le veut la pratique commerciale en matière de contrats de vente conditionnelle. À mon avis, c'est là le véritable critère pour déterminer s'il y a eu acquisition d'un bien décrit à l'Annexe B du Règlement de l'impôt sur le revenu.

[37]            Appliquant les dispositions pertinentes de la Sale of Goods Act de l'Alberta, le juge Cattanach a ensuite statué que la propriété de la structure n'avait pas été transférée (page 5198) :

[traduction]

Le droit de propriété de la structure aurait pu être transféré immédiatement si les parties en avaient eu l'intention. Mais telle n'était pas leur intention. Elles avaient convenu, comme en fait foi la note à la page 5 de la facture (Pièce R-5) que le 'titre serait transféré et les billets émis à la date d'expédition'. La livraison ou l'envoi n'a pas eu lieu avant le 18 février 1964 et, par conséquent, la propriété de la structure n'a pas été transférée au défendeur avant cette date.

À mon avis [...] l'intention des parties concernant la date à laquelle le droit de propriété de la structure devait être transféré est déterminé par les clauses du contrat aux termes de l'article 20 de la Sale of Goods Act.


[38]            L'article 20, tel qu'il était alors rédigé, stipulait que la propriété de biens déterminés ou certains est transférée au moment où les parties ont l'intention d'effectuer le transfert. Comme le notait le juge de la Cour de l'impôt en l'espèce, la même règle continue de s'appliquer dans toutes les provinces de common law (voir Fridman, Sale of Goods in Canada, 4e éd. (Scarborough : Carswell, 1995), au paragraphe 72, où il fait des observations sur l'article 18 de la Loi sur la vente d'objets de l'Ontario et les articles correspondants dans les lois d'autres provinces : Sale of Goods Act, R.S.B.C. 1996, ch. 410, art. 22 (Colombie-Britannique); Loi sur la vente d'objets, L.N.B. 1986, ch. S-1, art. 18 (Nouveau-Brunswick); Loi sur la vente d'objets, L.R.O. 1990, ch. S-1, art. 18 (Ontario); Sale of Goods Act, R.S.S. 1978, ch. S-1, art. 19 (Saskatchewan); Loi sur la vente d'objets, L.R.M. 1987, ch. S-10, art. 19 (Manitoba); Sale of Goods Act, R.S.P.E.I. 1988, ch. S-1, art. 19 (Île-du-Prince-Édouard); Sale of Goods Act, R.S.N.S. 1989, ch. 408, art. 20 (Nouvelle-Écosse); Sale of Goods Act, R.S.N.F. 1990, ch. S-6, art. 19 (Terre-Neuve)).

[39]            Il est intéressant de noter que le langage et le raisonnement utilisés par le juge Cattanach pour élaborer le critère classique sont essentiellement les mêmes que ceux que la Cour d'appel de l'Alberta a utilisés dans l'arrêt Hendrickson c. Mid-City Motors, [1951] 3 D.L.R. 276, qui a statué qu'un contrat de vente conditionnelle donnait lieu à une vente en vertu de la Sale of Goods Act de l'Alberta (article 21), même si le vendeur conservait le titre de propriété à titre de garantie. La Cour dit ceci à la page 284 :

[traduction]

J'estime que le « titre » et la « propriété » sont deux concepts entièrement différents. Une personne peut détenir le seul titre de propriété d'un bien alors que la propriété effective appartient à une autre personne. Une réserve de titre n'implique pas nécessairement qu'aucune forme de propriété ne peut être transférée à l'acheteur [...]

À mon avis, le contrat [...] a pour effet de transférer à l'acheteur la « propriété » des biens en question, tout en réservant au vendeur un privilège et le droit de différer le transfert du « titre » légal du bien jusqu'au paiement intégral.


[40]            Il semble donc clair que le critère classique énoncé par le juge Cattanach dans l'arrêt Wardean Drilling se limite à la simple énonciation de la règle selon laquelle la propriété d'un bien est transféré aux termes de la Sale of Goods Act de l'Alberta (c'est-à-dire que la propriété est transférée au moment où le titre légal l'est, ou s'il y a réserve du titre légal, au moment du transfert de la propriété effective). Il n'est donc pas surprenant que le juge Cattanach ait réglé la question en appliquant la Sale of Goods Act de l'Alberta, étant donné que sa décision dit en substance que seul un droit [traduction] « dans le bien lui-même » peut permettre aux contribuables de réclamer la DPA (Wardean, page 173) et qu'un tel droit ne peut être acquis autrement qu'en vertu du droit privé applicable, en l'espèce, le droit de l'Alberta.

[41]            L'arrêt Wardean Drilling a été suivi de façon constante pour ce qui a trait aux opérations régies par les lois des provinces de common law (voir par exemple The Queen c. Henuset Bros. Ltd. No. 1, 77 DTC 5169 (C.F.); Kirch Construction Ltd. c. La Reine, 88 DTC 6503 (C.F.); Borstad Welding Supplies c. La Reine, 93 DTC 5457 (C.F.); La Reine c. Browning Harvey Limited, [1990] 1 C.T.C. 161 (C.F.)). En fait, depuis 1972, la Loi reconnaît la distinction entre la propriété légale et la propriété effective, et stipule expressément qu'il ne peut y avoir disposition d'un bien que lorsqu'il y a changement de propriété effective :

54 "disposition de biens" Sont compris dans la disposition de biens, sauf dispositions contraires expresses :

54 "disposition" of any property, except as expressly otherwise provided, includes

a) toute opération ou tout événement donnant droit au contribuable au produit de la disposition de biens,

[...]

(a) any transaction or event entitling a taxpayer to proceeds of disposition of property,

...

il demeure toutefois entendu que le terme ne vise pas :

[...]

e) un transfert de biens à la suite duquel il y a un changement dans la propriété légale du bien sans changement dans la propriété effective de ce bien, [...]

but, for greater certainty, does not include

...

(e) any transfer of property by virtue of which there is a change in the legal ownership of the property without any change in the beneficial ownership thereof, ...

[42]            Bien que cette disposition se trouve dans la sous-section C traitant des gains en capital, elle s'applique également à la DPA et plus spécifiquement à l'alinéa 13(21)c), la disposition qui nous occupe en l'espèce. Le ministre expose l'avis suivant dans le bulletin d'interprétation IT-170R qui stipule ce qui suit :

4. Le sous-alinéa 54c)(v) stipule clairement, aux fins de la sous-section c de la Section B de la Partie 1, que la Loi ne s'intéresse qu'aux dispositions qui constituent un changement dans le benefical ownership (la propriété de fait) (sauf indications contraires expresses). Le Ministère a aussi la même opinion à l'égard des dispositions de biens amortissables décrites à l'alinéa 13(21)c) et de la vente de biens commerciaux en vertu de l'alinéa 12(1)b). Une transaction qui peut être décrite comme étant une « vente » n'est donc pas considérée aux fins de ce bulletin s'il n'y a aucun changement au même moment dans le beneficial ownership.

[43]            À mon avis, le fait que la règle énoncée à l'article 54 précise qu'_ il demeure toutefois entendu _ indique clairement que, à moins de dispositions contraires, la Loi suit la common law, en ce sens qu'il n'y a pas de « disposition » à moins qu'il y ait un changement dans la propriété effective du bien en question (voir sur cette question Douglas S. Ewens, « When is a 'Disposition' » , Report of Proceedings of the Twenty Sixth Tax Conference, 1974, à la page 532, citant Re Tancred's Settlement (1903), 1 Ch. 715, Grey c. Inland Revenue Commission, [1960] A.C. 1 et Henty House Property Limited c. Federal Commissioner of Taxation (1953), 88 C.L.R. 141 (Australie)).


[44]            Dans ses motifs, le juge de la Cour de l'impôt reconnaît qu'il y a « disposition de biens » au sens du paragraphe 13(21) quand un bien est vendu conformément aux lois de la province dans laquelle l'opération a lieu. Il faut donc qu'il ait accepté l'envers de cette médaille, c'est-à-dire que le bien est acquis quand la propriété est transférée aux termes de ces lois (Wardean Drilling, précité).

[45]            Toutefois, en s'appuyant sur la définition large de l'expression « disposition de biens » donnée au paragraphe 13(21), le juge de la Cour de l'impôt a statué qu'il peut également y avoir disposition de biens quand le droit au produit de disposition devient absolu, même si la propriété n'a pas encore été transférée. Selon la règle nouvelle qu'il a adoptée, il y a disposition soit quand la propriété du bien est transférée à l'acheteur, soit quand le droit à la contrepartie devient absolu (motifs, paragraphe 47), selon la première éventualité qui se réalise.


[46]            J'ai de la difficulté à concevoir comment, d'après les faits de l'espèce, HP peut être considérée comme ayant eu un droit absolu d'être payée le 31 octobre de chaque année, si la propriété de l'ancien parc demeurait entre ses mains à cette date. Par exemple, que serait-il arrivé si une voiture faisant partie de l'ancien parc avait été détruite par un acte fortuit vers la fin du 31 octobre d'une année donnée? Puisque le risque est un attribut du titre de propriété en vertu des lois provinciales sur la vente d'objets, il en découlerait que HP aurait assumé la perte. Après avoir analysé la preuve, le juge de la Cour de l'impôt a été incapable de conclure que le risque pouvait être assumé par quelqu'un d'autre. Dans les circonstances, je ne vois pas comment le droit de HP au produit de l'ancien parc soit devenu absolu avant le transfert du titre.

[47]            Mais même si HP pouvait être considérée comme ayant eu un droit inconditionnel au produit de la disposition avant le transfert du titre, je ne crois pas que la règle proposée par le juge de la Cour de l'impôt puisse être justifiée, et cela pour une simple question d'interprétation législative.

[48]            Le juge de la Cour de l'impôt a statué que, en adoptant une définition inclusive de l'expression « disposition de biens » , le législateur avait l'intention de donner une « directive expresse » selon laquelle le moment de la disposition ne pouvait être laissé à la discrétion des parties (motifs, paragraphe 47). Le fait que le « produit de la disposition » d'un bien soit défini à l'égard d'une vente comme étant « le prix de vente du bien qui a été vendu » (non souligné dans l'original) n'est pas un obstacle parce que la définition de l'expression « disposition de biens » ne fait pas référence à la « date de la vente » (motifs, paragraphe 48).

[49]            En toute déférence, je ne peux déceler la « directive expresse » sur laquelle s'appuie l'interprétation du juge de la Cour de l'impôt. Le législateur a défini l'expression « disposition de biens » d'une manière inclusive avec l'intention évidente de ne pas limiter la catégorie d'opérations susceptibles de donner lieu à une disposition. Toutefois, pour ce qui a trait à une opération de vente, le législateur a précisé à l'alinéa 13(21)a) le droit auquel donne lieu une disposition.


[50]            Dans le contexte de la Loi, les mots utilisés pour définir ce droit ( « le prix de vente du bien qui a été vendu » ) sont présumés avoir leur sens légal (Will-Kare Paving Contracting Limited c. La Reine, 2000 DTC 6467, au paragraphe 33), et pour ce qui a trait à la définition susmentionnée qui est donnée à l'article 54, il ne fait aucun doute que le législateur a adopté le concept d'une vente tel qu'il est connu en droit.

[51]            En agissant ainsi, le législateur s'est assuré que la date de la disposition d'un bien correspond à la date de son acquisition, un résultat qui est non seulement souhaitable, mais essentiel à la bonne application de la Loi. À cet égard, je note que, selon l'analyse du juge de la Cour de l'impôt, personne n'aurait été propriétaire de l'ancien parc pour des fins fiscales le 31 octobre, puisque HP en aurait eu disposé à cette date, mais que Ford ne l'aurait acquis que le lendemain.

[52]            Avant de clore sur ce point, j'estime utile de formuler deux autres observations. Le juge de la Cour de l'impôt a élaboré sa nouvelle règle parce qu'il s'est préoccupé des possibilités d'évitement qui pourraient découler de l'application de la notion juridique d'une vente. Selon son raisonnement, faire de l'intention des parties le critère principal pour déterminer à quel moment s'opère un transfert de propriété pourrait donner lieu à de la connivence et à des abus.


[53]            Toutefois, il semblerait que si les parties à un contrat de vente peuvent, d'un commun accord, décider à quel moment le titre est transféré, elles peuvent également décider, d'un commun accord, à quel moment le produit de la disposition devient exigible. Je ne vois pas comment la règle proposée par le juge de la Cour de l'impôt traite de la préoccupation qu'il a exprimée.

[54]            J'ai également de la difficulté à voir les abus que tentait d'éviter le juge de la Cour de l'impôt. Il semble avoir été d'avis que le programme de remplacement du parc de HP a eu pour résultat « de doubler ses demandes de DPA au cours de la première année où il s'est appliqué » (motifs, paragraphe 6). Je ne crois pas que cela reflète avec exactitude ce qui s'est passé.

[55]            HP a réclamé la DPA sur l'ancien parc au cours de la première année parce qu'elle l'a utilisé pendant toute l'année. Par ailleurs, le nouveau parc a été acquis et fait l'objet d'une utilisation donnant droit à la déduction avant la fin de l'année (voir le paragraphe 13(26)) de sorte que son coût faisait également partie de la FNACC à la fin de l'année d'acquisition.

[56]            Pour ce qui est de la règle de la demi-année, il est manifeste que le législateur était convaincu que la DPA pouvait être réclamée à raison de 50 % du coût des biens nouvellement acquis dans l'année d'acquisition, tant et aussi longtemps que ces biens étaient utilisés à une fin ouvrant droit à la déduction dans l'année. C'est précisément ce qui s'est produit en l'espèce. Je ne peux trouver aucun « effet de doublement » dans le résultat qui a été obtenu en l'espèce.


[57]            À la fin, l'intimée a correctement affirmé que le droit demeure précisément ce qu'il était il y a quelque 40 ans quand il a été énoncé par la Cour de l'Échiquier dans Victory Hotels Ltd. c. M.N.R., 62 DTC 1378 (page 1386) :

[traduction]

Nous avons vu que l'alinéa 20(5)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu [maintenant le paragraphe 13(21)] stipule que la « disposition de biens » inclut toute opération ou tout événement donnant à un contribuable le droit au « produit de disposition des biens » et que l'alinéa 20(5)c) [maintenant l'alinéa 13(21)a)] stipule que le « 'produit de disposition' » comprend (i) le prix de vente de biens qui ont été vendus » . Ces articles ne définissent pas l'opération (par exemple une vente) qui donne au contribuable droit au produit de disposition, c'est-à-dire au prix de vente des biens vendus, mais font simplement inclure cette opération comme une disposition de biens. Il semblerait en effet que le sens de l'expression « disposition de biens » ait été quelque peu restreint par la Loi quand la disposition d'un bien a lieu par voie de vente; en pareil cas, il y a disposition d'un bien dès que le contribuable a droit au prix de vente du bien vendu. (Non souligné dans l'original.)

[58]            Ce qui nous amène aux échanges de véhicules régis par le droit de la province du Québec sur lequel le juge de la Cour de l'impôt ne s'est pas prononcé. Toutefois, il a laissé entendre que HP n'était peut-être pas demeurée la propriétaire de l'ancien parc si l'on tient compte de l'article 1708 du Code civil du Québec (paragraphe 46, note 30) :

L'exception est le Québec qui prévoit à l'article 1708, du titre deuxième, chapitre premier, section I du Code civil du Québec que la vente est le contrat par lequel le vendeur transfère la propriété d'un bien à l'acheteur, moyennant un prix en argent que ce dernier s'oblige à payer. [...] En conséquence, je me retrouve avec la tâche de déterminer si la loi du Québec exige des considérations différentes. Comme on pourra le constater, ma décision ne repose pas sur le droit provincial, mais il est intéressant de noter que bien que je sois d'avis qu'une recherche puisse révéler que les intentions revêtent une importante dans la détermination du moment où se produit une vente en vertu de la loi du Québec, le Code semble mettre l'accent sur le droit d'être payé, qui se produit lorsque la Loi le décide.


[59]            Bien que les notions de droit civil et de common law relativement à la propriété proviennent de sources différentes, il y a une règle fondamentale qui est commune aux deux systèmes : la propriété est transférée quand les parties ont l'intention d'effectuer le transfert.

[60]            En vertu du Code civil du Québec, l'effet déterminant de l'intention contractuelle découle de l'article 1385, qui stipule que le contrat se forme par le seul échange de consentement entre les parties contractantes. Cela implique que les parties à un contrat sont libres de choisir les conditions qui régiront leurs relations (y compris la date à laquelle la propriété d'un bien vendu est transférée), sous réserve uniquement des limites imposées par l'ordre public (voir Les Obligations, 5e édition, Jean Louis Baudoin, les Éditions Yvon Blais Inc., page 99, paragraphe 75). En parlant du prix à payer pour le bien vendu, l'article 1708 vient simplement confirmer l'obligation correspondante de l'acheteur.

[61]            Si l'on applique les dispositions pertinentes du Code civil du Québec à la lumière des conclusions tirées par le juge de la Cour de l'impôt, il semble évident que l'ancien parc est également demeuré la propriété de HP le 31 octobre de chaque année en vertu du droit québécois.


[62]            Cela dit, je dois signaler que, même si l'application du Code civil du Québec donnait lieu à un résultat différent de celui qui est obtenu dans les provinces de common law, la présente Cour a statué que, par souci d'uniformité, la démarche de common law devrait prévaloir même au Québec (Construction Bérou Inc. c. La Reine, 99 DTC 5869 par le juge Létourneau, au paragraphe 14, par la juge Desjardins, aux paragraphes 6 et 14). Il va donc sans dire que, aux termes de cette démarche, l'ancien parc est demeuré la propriété de HP à la fin de chaque année.

[63]            Pour ces raisons, je suis d'avis d'accueillir l'appel, d'infirmer la décision du juge de la Cour de l'impôt et de renvoyer les nouvelles cotisations au ministre pour qu'il en fasse un nouvel examen et qu'il établisse une nouvelle cotisation en tenant pour acquis que HP avait droit à la DPA relativement aux biens de catégorie 10 comme elle l'a réclamée dans ses déclarations d'impôt sur le revenu pour les années en question. HP aura droit à ses frais devant la présente Cour et devant la Cour de l'impôt.

                                                                                     _ Marc Noël _                

                                                                                                     Juge                       

« Je souscris à ces motifs

     J. Edgar Sexton, juge »

« Je souscris à ces motifs

     John M. Evans, juge »

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                             COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     A-526-03

INTITULÉ :                                                    HEWLETT PACKARD (CANADA) LTÉE et

SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 31 MAI 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                          LE JUGE SEXTON

LE JUGE EVANS

DATE DES MOTIFS :                                   LE 21 JUIN 2004

COMPARUTIONS :

Richard B. Thomas                                           POUR L'APPELANTE

Michael F. Friedman

J.S. Gill                                                             POUR L'INTIMÉE

Carol Calabrese

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Richard B. Thomas                                            POUR L'APPELANTE

Michael F. Friedman

McMillian Binch LLP

Toronto (Ontario) M5J 2T3

Morris Rosenberg                                              POUR L'INTIMÉE

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)


Date : 20040621

Dossier : A-526-03

OTTAWA (ONTARIO), LE 21 JUIN 2004

CORAM :       LE JUGE NOËL

LE JUGE SEXTON

LE JUGE EVANS

ENTRE :

                   HEWLETT PACKARD (CANADA) LTÉE

                                                                                            appelante

                                                     et

                                SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                intimée

                                           JUGEMENT

L'appel est accueilli, la décision du juge de la Cour de l'impôt est infirmée et les nouvelles cotisations sont renvoyées au ministre pour qu'il en fasse un nouvel examen et qu'il établisse une nouvelle cotisation en tenant pour acquis que l'appelante a droit à sa déduction pour amortissement relativement aux biens de catégorie 10 comme elle l'a réclamée dans ses déclarations d'impôt sur le revenu pour les années en question. L'appelante a également droit à ses frais devant la présente Cour et devant le tribunal inférieur.

                                                                                      _ Marc Noël _                

                                                                                                     Juge                       

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


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