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Date : 19990113


Dossier : A-291-97


OTTAWA (ONTARIO), LE MERCREDI 13 JANVIER 1999

DEVANT :      LE JUGE STRAYER

         LE JUGE LÉTOURNEAU
         LE JUGE ROBERTSON

ENTRE


LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL,


appelant

(intimé),


et


MATTEL CANADA INC.,


intimée

(appelante).


JUGEMENT

         L"appel est accueilli en partie avec dépens, la décision du Tribunal de ne pas inclure les paiements versés aux concédants de licences maîtresses dans la valeur en douane des marchandises importées est infirmée et la décision que le sous-ministre a prise à l"égard de ces paiements est confirmée. L"appel incident est rejeté avec dépens.


(Sign.) " B.L. Strayer "

J.C.A.

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.



Date : 19990113


Dossier : A-291-97

CORAM :      LE JUGE STRAYER
         LE JUGE LÉTOURNEAU
         LE JUGE ROBERTSON

ENTRE


LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL,


appelant

(intimé),


et


MATTEL CANADA INC.,


intimée

(appelante).


Audience tenue à Ottawa (Ontario), les mardi et mercredi 8 et 9 décembre 1998.


Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le mercredi 13 janvier 1999.

MOTIFS DU JUGEMENT :                      LE JUGE LÉTOURNEAU
Y ONT SOUSCRIT :                          LE JUGE STRAYER
                                     LE JUGE ROBERTSON

Date : 19990113


Dossier : A-291-97

CORAM :      LE JUGE STRAYER
         LE JUGE LÉTOURNEAU
         LE JUGE ROBERTSON

ENTRE


LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL,


appelant

(intimé),


et


MATTEL CANADA INC.,


intimée

(appelante).


MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LÉTOURNEAU

[1]      L"instance découle d"un appel interjeté par le sous-ministre du Revenu national (le SMRN) conformément à l"article 68 de la Loi sur les douanes (la Loi) et d"un appel incident interjeté par l"intimée, Mattel Canada Inc., contre une décision que le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a rendue en partie en faveur de cette dernière le 15 janvier 1997.

[2]      En ce qui concerne l"appel, cette cour doit déterminer :

a)      si le Tribunal a appliqué correctement le sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi en statuant que les montants que l"intimée avait versés au concédant de licence X, conformément à des ententes relatives aux redevances, n"étaient pas des redevances au sens de cette disposition et qu"ils n"avaient donc pas à être ajoutés à la valeur transactionnelle des marchandises vendues pour exportation au Canada;
b)      si le Tribunal a commis une erreur dans son interprétation des sous-alinéas 48(5)a)(iv) et (v) de la Loi en décidant que le remboursement par l"intimée à sa société mère, Mattel Inc., des redevances que la société mère était tenue de verser aux concédants de licences maîtresses à l"égard de la vente de marchandises au Canada qui portaient la marque de commerce de ces derniers n"avait pas à être inclus dans la valeur transactionnelle de ces marchandises que ce soit à titre de redevances ou de droits de licence ou subsidiairement à titre de produit subséquent de la revente des marchandises au Canada.

[3]      Dans le cadre de l"appel incident, il faut déterminer, dans le cas de ventes multiples de marchandises pour exportation au Canada, quelle vente devrait servir de base d"appréciation de la valeur transactionnelle. À cet égard, l"intimée remet en question la conclusion du Tribunal selon laquelle, en l"espèce, il n"y a eu qu"une seule vente à plusieurs niveaux de marchandises plutôt que trois ventes distinctes comme elle l"allègue.

[4]      L"appel et l"appel incident soulèvent des questions de droit importantes qui prêtent à controverse et sur lesquelles le Tribunal a statué dans un certain nombre d"autres cas qui sont maintenant en instance devant cette cour ou sur le point de l"être.

[5]      En vertu de la Loi, des droits sont imposés sur les marchandises selon un certain pourcentage, ces droits étant calculés par l"application du taux à une valeur déterminée conformément aux articles 45 à 55. La valeur en douane des marchandises se fonde sur leur valeur transactionnelle. Cette valeur transactionnelle est le prix payé ou à payer pour les marchandises vendues pour exportation au Canada, ledit prix étant ajusté de la façon mentionnée au paragraphe 48(5). Je reproduis ici les dispositions pertinentes, dans les deux langues officielles, de façon qu"il soit possible de mieux comprendre le fonctionnement de la Loi et les prétentions des parties à l"instance.

     PART III

     CALCULATION OF DUTY

     Duties Based on Percentage Rates

     Valuation for Duty

     PARTIE III

     CALCUL DES DROITS

     Droits basés sur un pourcentage

     Valeur en douane

44. Where duties, other than duties or taxes levied under the Excise Tax Act or the Excise Act, are imposed on goods at a percentage rate, such duties shall be calculated by applying the rate to a value determined in accordance with sections 45 to 55.

44. Les droits, autres que les droits ou taxes prévus par la Loi sur la taxe d'accise ou la Loi sur l'accise, qui sont imposés sur des marchandises selon un certain pourcentage se calculent par l'application du taux à une valeur déterminée conformément aux articles 45 à 55.

     Interpretation

45. (1) In this section and sections 46 to 55,

     Définitions et champ d'application

45. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article et aux articles 46 à 55.

"price paid or payable", in respect of the sale of goods for export to Canada, means the aggregate of all payments made or to be made, directly or indirectly, in respect of the goods by the purchaser to or for the benefit of the vendor;

"prix payé ou à payer" En cas de vente de marchandises pour exportation au Canada, la somme de tous les versements effectués ou à effectuer par l'acheteur directement ou indirectement au vendeur ou à son profit, en paiement des marchandises.

     Determination of Value for Duty

46. The value for duty of imported goods shall be determined in accordance with sections 47 to 55.

     Détermination de la valeur en douane

46. La valeur en douane des marchandises importées est déterminée conformément aux articles 47 à 55.

     Order of Consideration of Methods of Valuation

47. (1) The value for duty of goods shall be appraised on the basis of the transaction value of the goods in accordance with the conditions set out in section 48.

     Ordre d'application des méthodes d'appréciation

47. (1) La valeur en douane des marchandises est déterminée d'après leur valeur transactionnelle dans les conditions prévues à l'article 48.

     Transaction Value of the Goods

48. (1) Subject to subsection (6), the value for duty of goods is the transaction value of the goods if the goods are sold for export to Canada and the price paid or payable for the goods can be determined and if

     Valeur transactionnelle des marchandises

48. (1) Sous réserve du paragraphe (6), la valeur en douane des marchandises est leur valeur transactionnelle si elles sont vendues pour exportation au Canada, si le prix payé ou à payer est déterminable et si les conditions suivantes sont réunies:

     (a) there are no restrictions respecting the disposition or use of the goods by the purchaser thereof, other than restrictions that
a) il n'existe pas de restriction concernant la cession ou l'utilisation des marchandises par l'acheteur, autre qu'une restriction qui:
         (i) are imposed by law,
         (ii) limit the geographical area in which the goods may be resold, or
         (iii) do not substantially affect the value of the goods;
(i) soit est imposée par la loi,
(ii) soit limite la zone où les marchandises peuvent êtres revendues,
(iii) soit n'a pas d'effet notable sur la valeur des marchandises;
     (b) the sale of the goods by the vendor to the purchaser or the price paid or payable for the goods is not subject to some condition or consideration, with respect to the goods, in respect of which a value cannot be determined;
b) la vente des marchandises ou le prix payé ou à payer pour celles-ci n'est pas subordonné à des conditions ou à des prestations dont la valeur

n'est pas déterminable en ce qui concerne les marchandises;

     (c) where any part of the proceeds of any subsequent resale, disposal or use of the goods by the purchaser thereof is to accrue, directly or indirectly, to the vendor, the price paid or payable for the goods includes the value of that part of the proceeds or such price is adjusted in accordance with subparagraph (5)(a)(v); and
c) aucune partie du produit de toute revente, cession ou utilisation ultérieure des marchandises par l'acheteur ne revient directement ou indirectement au vendeur, sauf s'il a été tenu compte de cette ristourne dans le prix payé ou à payer ou si ce prix est ajusté conformément au sous-alinéa (5)a)(v);
     (d) the purchaser and the vendor of the goods are not related to each other at the time the goods are sold for export or, where the purchaser and the vendor are related to each other at that time,
d) l'acheteur et le vendeur ne sont pas liés au moment de la vente des marchandises pour exportation ou, s'ils le sont:
         (i) their relationship did not influence the price paid or payable for the goods, or
(i) ou bien le lien qui les unit n'a pas influé sur le prix payé ou à payer,
         (ii) the importer of the goods demonstrates that the transaction value of the goods meets the requirement set out in subsection (3).
(ii) ou bien l'importateur démontre que la valeur transactionnelle des marchandises à apprécier répond aux exigences visées au paragraphe (3).

(2) In the application of paragraph (1)(d), where the purchaser and the vendor of goods being appraised are related to each other at the time the goods are sold for export and the officer who is appraising the value for duty of the goods has grounds to believe that the requirement set out in subparagraph (1)(d)(i) is not met, the officer shall notify the importer of the goods of such grounds and, on the written request of the importer, the notification shall be in writing.

(2) Pour l'application de l'alinéa (1)d), lorsque l'acheteur et le vendeur des marchandises à apprécier sont liés au moment de la vente des marchandises pour exportation, l'agent qui apprécie la valeur en douane des marchandises, ayant des motifs de croire qu'il n'est pas satisfait aux exigences visées au sous-alinéa (1)d)(i), avise l'importateur des marchandises de ces motifs et, sur demande écrite de celui-ci, il doit l'aviser par écrit.

(3) For the purposes of subparagraph (1)(d)(ii), the transaction value of goods being appraised shall, taking into consideration any relevant factors including, without limiting the generality of the foregoing, such factors and differences as may be prescribed, closely approximate one of the following values that is in respect of identical goods or similar goods exported at the same or substantially the same time as the goods being appraised and is the value for duty of the goods to which it relates:

(3) Pour l'application du sous-alinéa (1)d)(ii), la valeur transactionnelle des marchandises à apprécier doit, compte tenu des facteurs pertinents, notamment des facteurs et différences réglementaires, être très proche de l'une des valeurs ci-après prise comme valeur en douane d'autres marchandises identiques ou semblables qui ont été exportées au même moment ou à peu près au même moment que les marchandises à apprécier:

     (a) the transaction value of identical goods or similar goods in a sale of those goods for export to Canada between a vendor and purchaser who are not related to each other at the time of the sale;
a) la valeur transactionnelle de marchandises identiques ou semblables vendues pour l'exportation au Canada par un vendeur à un acheteur avec qui il n'est pas lié au moment de la vente;
     (b) the deductive value of identical goods or similar goods; or
b) la valeur de référence de marchandises identiques ou semblables;
     (c) the computed value of identical goods or similar goods.
c) la valeur reconstituée de marchandises identiques ou semblables.

(4) The transaction value of goods shall be determined by ascertaining the price paid or payable for the goods when the goods are sold for export to Canada and adjusting the price paid or payable in accordance with subsection (5).

(4) Dans le cas d'une vente de marchandises pour exportation au Canada, la valeur transactionnelle est le prix payé ou à payer, ajusté conformément au paragraphe (5).

(5) The price paid or payable in the sale of goods for export to Canada shall be adjusted

(5) Dans le cas d'une vente de marchandises pour exportation au Canada, le prix payé ou à payer est ajusté:

     (a) by adding thereto amounts, to the extent that each such amount is not already included in the price paid or payable for the goods, equal to
a) par addition, dans la mesure où ils n'y ont pas déjà été inclus, des montants représentant:
         (i) commissions and brokerage in respect of the goods incurred by the purchaser thereof, other than fees paid or payable by the purchaser to his agent for the service of representing the purchaser abroad in respect of the sale,
(i) les commissions et les frais de courtage relatifs aux marchandises et supportés par l'acheteur, à l'exclusion des honoraires versés ou à verser par celui-ci à son mandataire à l'étranger à l'occasion de la vente,
         (ii) the packing costs and charges incurred by the purchaser in respect of the goods, including the cost of cartons, cases and other containers and coverings that are treated for customs purposes as being part of the imported goods and all expenses of packing incident to placing the goods in the condition in which they are shipped to Canada,
(ii) les coûts et frais d'emballage relatifs aux marchandises et supportés par l'acheteur, y compris le prix des cartons, caisses et autres emballages considérés à des fins douanières comme faisant partie des marchandises importées, et les frais accessoires deconditionnement de celles-ci en vue de leur expédition au Canada,
         (iii) the value of any of the following goods and services, determined in the manner prescribed, that are supplied, directly or indirectly, by the purchaser of the goods free of charge or at a reduced cost for use in connection with the production and sale for export of the imported goods, apportioned to the imported goods in a reasonable manner and in accordance with generally accepted accounting principles:
             (A) materials, components, parts and other goods incorporated in the imported goods,
(iii) la valeur, déterminée de façon réglementaire et imputée d'une manière raisonnable et conforme aux principes de comptabilité généralement acceptés aux marchandises importées, des marchandises et services ci-après, fournis directement ou indirectement par l'acheteur des marchandises, sans frais ou à coût réduit, et utilisés lors de la production et de la vente pour exportation des marchandises importées:
(A) matières, composants, pièces et autres marchandises incorporés dans les marchandises importées,
             (B) tools, dies, moulds and other goods utilized in the production of the imported goods,
(B) outils, matrices, moules et autres marchandises utilisés pour la production des marchandises importées,
             (C) any materials consumed in the production of the imported goods, and
(C) matières consommées dans la production des marchandises importées,
             (D) engineering, development work, art work, design work, plans and sketches undertaken elsewhere than in Canada and necessary for the production of the imported goods,
(D) travaux d'ingénierie, d'étude, d'art, d'esthétique industrielle, plans et croquis exécutés à l'extérieur du Canada et nécessaires pour la production des marchandises importées,
         (iv) royalties and licence fees, including payments for patents, trade-marks and copyrights, in respect of the goods that the purchaser of the goods must pay, directly or indirectly, as a condition of the sale of the goods for export to Canada, exclusive of charges for the right to reproduce the goods in Canada,
(iv) les redevances et les droits de licence relatifs aux marchandises, y compris les paiements afférents aux brevets d'invention, marques de commerce et droits d'auteur, que l'acheteur est tenu d'acquitter directement ou indirectement en tant que condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada, à l'exclusion des frais afférents au droit de reproduction de ces marchandises au Canada,
         (v) the value of any part of the proceeds of any subsequent resale, disposal or use of the goods by the purchaser thereof that accrues or is to accrue, directly or indirectly, to the vendor, and
(v) la valeur de toute partie du produit de toute revente, cession ou utilisation ultérieure par l'acheteur des marchandises, qui revient ou doit revenir, directement ou indirectement, au vendeur,
         (vi) the cost of transportation of, the loading, unloading and handling charges and other charges and expenses associated with the transportation of, and the cost of insurance relating to the transportation of, the goods to the place within the country of export from which the goods are shipped directly to Canada;
(vi) les coûts de transport des marchandises jusqu'au lieu du pays d'exportation d'où elles sont expédiées directement au Canada, les frais de chargement, de déchargement, de manutention et autres frais, ainsi que les coûts d'assurance, relatifs à ce transport;

Les faits

[6]      L"intimée est une société canadienne qui fait partie du groupe Mattel. Il s"agit d"une filiale en propriété exclusive de Mattel Holdings, Ltd., qui est de son côté une filiale en propriété exclusive de la société mère américaine, Mattel Inc. Mattel Inc. est également propriétaire des sociétés Mattel Trading Company Limited (Mattel Trading) et Mattel International Trading, qui sont toutes les deux établies à Hong Kong, ainsi que de plusieurs usines de fabrication établies en Asie et au Mexique. Mattel Trading Vendor Operations Hong Kong est également une filiale du groupe Mattel, qui appartient à Mattel Inc. Elle aide Mattel Trading lorsque des marchandises vendues pour exportation sont achetées auprès de fabricants non liés. Toutes ces filiales sont des entités juridiques distinctes indépendantes.

[7]      L"intimée acquiert les marchandises au moyen d"un système de commandes, le Système de planification de la demande et de gestion des disponibilités (le SPDGD) qui est contrôlé par la société mère américaine, cette dernière contrôlant également la sélection de marchandises disponibles et les prix de ces marchandises. Lorsque les marchandises commandées par l"intimée sont prêtes à être expédiées au Canada, Mattel Trading, de Hong Kong, est initialement facturée à leur égard. Puis, Mattel Trading facture la société mère américaine, qui de son côté facture l"intimée. Mattel Trading et la société mère américaine acquièrent toutes les deux le titre relatif aux marchandises avant que ce titre soit transféré à l"intimée. Toutefois, les marchandises sont expédiées directement à l"intimée, qui les assure à compter du moment où elles quittent l"usine. Le montant facturé par Mattel Trading et par la société mère américaine comprend une majoration à l"égard des services ainsi qu"un profit par rapport à la facture initiale du fabricant.

[8]      Les produits importés par l"intimée comprennent des marchandises portant les marques de commerce du concédant de licence X ainsi que les marques de commerce d"un groupe désigné sous le nom de concédants de licences maîtresses. Pour avoir le droit de fabriquer ou de faire fabriquer, de distribuer et de vendre les produits fondés sur certaines marques de commerce ou sur du matériel visé par une licence, l"intimée est tenue de verser des redevances au concédant de licence X. Les redevances correspondent à un pourcentage déterminé de la valeur nette facturée par l"intimée pour les marchandises vendues à des clients au Canada.

[9]      De plus, conformément aux ententes conclues avec les concédants de licences maîtresses en vue d"obtenir la concession de licences pour divers produits, Mattel Inc. verse des droits de licence aux concédants de licences maîtresses. L"intimée rembourse ces droits à Mattel Inc. au moyen de paiements périodiques.

[10]      En déterminant la valeur transactionnelle des articles importés au Canada et, par conséquent, le montant du droit à payer, le SMRN a pris la position selon laquelle les sommes versées au concédant de licence X étaient des redevances qui devaient être ajoutées au prix payé ou à payer pour les marchandises étant donné qu"elles étaient acquittées par l"intimée directement ou indirectement en tant que condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada. En ce qui concerne le remboursement des droits de licence effectué par Mattel Inc. aux concédants de licences maîtresses, le SMRN s"est fondé sur la dernière vente conclue entre Mattel Inc. et l"intimée pour déterminer la valeur transactionnelle.

Les redevances versées au concédant de licence X sont-elles des redevances au sens du sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi?

[11]      Le sous-alinéa 48(5)a)(iv) fait partie d"une série de dispositions relatives à l"évaluation en douane, figurant dans la partie III de la Loi . Ces dispositions ont été édictées par le législateur fédéral en 1985 par suite de l"engagement que le gouvernement avait pris en 1979 à l"égard des obligations conventionnelles qui lui incombaient en vertu du Code de la valeur en douane du GATT . La nécessité d"avoir un système équitable, uniforme et neutre d"évaluation des marchandises à des fins douanières empêchant l"utilisation de valeurs en douane arbitraires ou fictives a été reconnue à l"échelle internationale et a mené à l"élaboration du Code; le Canada, à titre de partie contractante, y a adhéré. Le sous-alinéa 48(5)a )(iv) est fondé sur l"alinéa 8.1c ) du Code, dont le libellé est analogue à la disposition canadienne :

         Pour déterminer la valeur en douane par application des dispositions de l"article premier, on ajoutera au prix effectivement payé ou à payer pour les marchandises importées         
         [...]         
         c)      les redevances et les droits de licence relatifs aux marchandises à évaluer, que l"acheteur est tenu d"acquitter, soit directement soit indirectement, en tant que condition de la vente des marchandises à évaluer, dans la mesure où ces redevances et droits de licence n"ont pas été inclus dans le prix effectivement payé ou à payer.         

[12]      La lecture du sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi montre qu"il faut satisfaire à trois critères pour que les paiements versés aux concédants de licences puissent et doivent être ajoutés au prix payé ou à payer par l"acheteur au moment de la vente de marchandises pour exportation au Canada : ces paiements doivent être des redevances ou des droits de licence; ils doivent être relatifs ( " in respect of " dans la version anglaise) aux marchandises ainsi exportées; ils doivent être acquittés directement ou indirectement en tant que condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada.

[13]      Les parties à l"instance ne contestent pas que les montants versés au concédant de licence X sont des redevances ou des droits de licence. De plus, le Tribunal a conclu avec raison que les redevances se rapportaient à des marchandises vendues pour exportation au Canada. À mon avis, le lien qui existe entre le paiement des redevances et les marchandises vendues pour exportation au Canada est évident et clair. Comme la Cour suprême du Canada l"a dit dans l"arrêt Norwegijick c. La Reine1, " [p]armi toutes les expressions qui servent à exprimer un lien quelconque entre deux sujets connexes, c"est probablement l"expression " quant à " [ " in respect of " dans la version anglaise du jugement, soit l"expression qui est également utilisée dans la version anglaise de la Loi ] qui est la plus large ".

[14]      La seule question qui prête réellement à controverse se rapporte au troisième critère, c"est-à-dire à la question de savoir si les redevances ont été acquittées en tant que condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada.

[15]      Avant d"examiner les arguments de l"appelant, j"aimerais me prononcer sur la prétention de l"intimée selon laquelle le sous-alinéa 48(5)a )(iv) exige que l"acheteur verse les redevances au vendeur. Étant donné qu"en l"espèce, le paiement versé au concédant de licence X n"a pas été versé au vendeur, mais à un tiers, il s"ensuit, selon l"intimée, que les redevances ne sont pas passibles de droits de douane en vertu de la Loi.

[16]      À mon avis, le sous-alinéa 48(5)a)(iv) n"exige pas que les redevances soient versées au vendeur. De fait, lorsque les dispositions du sous-alinéa 48(5)a )(iv) sont lues en liaison avec la définition de " prix payé ou à payer " figurant à l"article 45, il devient évident que les ajustements prévus au sous-alinéa 48(5)a )(iv) ne se limitent pas aux paiements versés au vendeur.

[17]      Le prix payé ou à payer pour les marchandises à exporter comprend déjà tous les versements effectués directement ou indirectement au vendeur ou à son profit. Par conséquent, les paiements additionnels qui sont acquittés en vertu du sous-alinéa 48(5)a)(iv) doivent nécessairement se rapporter à des paiements versés à d"autres personnes. C"est ce que confirme le début de cette disposition, qui dit que les redevances doivent être ajoutées " dans la mesure où ils [les montants] n"y ont pas déjà été inclus ", les montants en question étant, comme il en a déjà été fait mention, versés au vendeur ou à son profit.

[18]      Enfin, les montants qui doivent être ajoutés au prix de vente en vertu des sous-alinéas 48(5)a)(iv) (commissions et frais de courtage), (ii) (coûts et frais d"emballage) et (vi) (frais de transport, de chargement, de déchargement et de manutention) montrent sans aucun doute que les paiements versés à des tiers font partie de la valeur transactionnelle.

[19]      L"avocat de l"appelant soutient que l"évaluation en douane vise à permettre de déterminer la valeur réelle des marchandises qui entrent au Canada aux fins des droits de douane. Il soutient qu"un article portant une marque de commerce comporte une valeur incorporelle composée de l"achalandage, de la recherche, du développement, de la possibilité de commercialisation et du prestige. Cette valeur incorporelle que les marchandises ont au moment où elles sont importées doit donc toujours être ajoutée au prix payé ou à payer même si la valeur additionnelle de la propriété intellectuelle ne devient évidente qu"au moment où les marchandises sont par la suite vendues au Canada. Il invoque à l"appui la décision que la Section de première instance de cette cour a rendue dans l"affaire Reebok Canada Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l"accise2. De plus, il soutient que l"inclusion des redevances dans le prix payé ou à payer et, par conséquent, dans la valeur des marchandises importées, est fondée sur la réalité commerciale étant donné que l"acheteur n"importerait pas de marchandises au Canada à moins d"avoir l"intention de les revendre au Canada.

[20]      Dans la décision Reebok Canada, la Section de première instance a confirmé la décision du Tribunal, à savoir que les paiements effectués en vertu d"ententes de distribution exclusive étaient des redevances qui devaient être ajoutées à la valeur en douane déclarée des marchandises importées conformément au sous-alinéa 48(5)a )(iv) de la Loi. En arrivant à cette conclusion, le juge de première instance a dit ceci, à la page 108 :

         En l'espèce, bien qu'elles soient payables en conformité avec une entente autre que le contrat de vente des chaussures et que, dans le cas des chaussures Reebok, elles soient payables à une autre personne que le fournisseur des chaussures, les redevances en question étaient payables relativement à chaque vente de chaussures au Canada. Le défaut de payer, même si le paiement avait lieu après l'importation des marchandises, permettrait de toute évidence d'exercer contre la RIL US, aux termes de l'entente Reebok, ou contre la Rockport aux termes de l'entente Rockport, un recours en dommages-intérêts et exposerait la personne tenue au versement des redevances à la perte de son droit, notamment de son droit exclusif, de vendre à l'avenir des chaussures portant les marques de commerce susmentionnées au Canada.         

[21]      Le juge de première instance a également approuvé l"interprétation que le Tribunal avait donnée aux mots " directement ou indirectement " qui, au sous-alinéa 48(5)a )(iv), précèdent les mots " en tant que condition de la vente ". Il a utilisé ces mots pour dire, aux pages 7 et 8, que " même si un droit peut ne pas être exigé conformément aux modalités de l'achat lui-même, il peut être considéré comme une condition de la vente tant qu'il existe un lien entre lui et les marchandises achetées ".

[22]      À mon avis, l"argument de l"appelant a d"une façon générale pour effet de faire du paiement des redevances au moment de la vente des marchandises importées au Canada une condition implicite de la vente de ces marchandises pour exportation au Canada. En d"autres termes, le paiement de redevances relatives aux marchandises importées crée en soi une condition de la vente pour exportation de ces marchandises au Canada. Selon cette approche, toutes les marchandises importées au Canada seraient passibles de droits de douane conformément au sous-alinéa 48(5)a)(iv) lorsque les redevances sont subséquemment payées à l"égard de leur revente au Canada.

[23]      Avec égards, adopter l"argument de l"appelant exige qu"on rédige de nouveau tout le sous-alinéa 48(5)a )(iv), les mots " en tant que condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada " étant supprimés de façon que les redevances soient simplement payées à l"égard des marchandises, ou les mots " pour exportation au " étant remplacés par le mot " au " de façon que les redevances soient simplement payées en tant que condition de la vente des marchandises au Canada. Le sous-alinéa 48(5)a)(iv) devrait alors se lire comme suit :

         (iv)      les redevances et les droits de licence relatifs aux marchandises, y compris les paiements afférents aux brevets d"invention, marques de commerce et droits d"auteur, que l"acheteur est tenu d"acquitter directement ou indirectement en tant que condition de la vente des marchandises au Canada . [Je souligne]         

[24]      De toute évidence, telle n"était pas l"intention du législateur ou des signataires de l"accord international visant à mettre en oeuvre le Code de la valeur en douane du GATT . Le paiement d"une redevance n"est pas toujours passible de droits de douane en vertu de la Loi . La valeur en douane est la valeur transactionnelle des marchandises importées qui, conformément aux articles 45, 47 et 48 de la Loi, est le prix payé ou à payer par l"acheteur, ajusté de façon à y ajouter certains montants. Toutefois, les redevances payées à l"égard des marchandises importées doivent être ajoutées au prix d"achat uniquement lorsque leur paiement est une condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada (je souligne).

[25]      Ces mots, au sous-alinéa 48(5)a)(iv), exigent plus qu"un simple lien entre les redevances et les marchandises importées. Ce lien, comme les mots " relatifs aux marchandises " permettent de le constater, se rapporte en fait au deuxième critère énoncé au sous-alinéa 48(5)a)(iv). Selon ce critère, les redevances doivent être acquittées à l"égard des marchandises importées; comme il en a déjà été fait mention, ce critère est facilement satisfait.

[26]      Je ne crois pas que le juge de première instance, dans la décision Reebok, ait eu l"intention d"éliminer l"exigence voulant que le paiement de redevances soit une condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada. Je ne crois pas non plus que le juge ait estimé qu"une condition si rigoureuse soit remplie au moyen de la simple revente des marchandises au Canada. À mon avis, le paiement de redevances conformément au sous-alinéa 48(5)a )(iv) est une condition de la vente de marchandises pour exportation en premier lieu si c"est ce qui ressort du contrat de vente conclu entre le vendeur et l"importateur. En second lieu, il s"agit également d"une condition de la vente de ces marchandises pour exportation si le concédant de licence, parce qu"il est propriétaire du vendeur ou qu"il le contrôle, ou le vendeur, lorsqu"il détient les droits afférents aux marques de commerce ou aux droits d"auteur, peut empêcher l"importation des marchandises par l"acheteur ou compromettre sérieusement la capacité de l"acheteur d"acheter les marchandises pour exportation dans les cas où il n"a pas payé les redevances. Le libellé du sous-alinéa 48(5)a )(iv) (en tant que condition de la vente) ne parle pas d"une " condition du contrat de vente " et la disposition en question n"exige donc pas que le paiement de redevances soit expressément stipulé dans le contrat de vente. Comme le juge de première instance l"a dit dans la décision Reebok Canada , je crois que le mot " condition " n"est pas utilisé dans la Loi au sens qui lui est en général attribué dans le droit relatif aux ventes. Ce mot est plutôt utilisé dans son sens ordinaire commun et veut dire que les redevances doivent être acquittées en tant que condition ou en tant qu"exigence de l"exportation des marchandises.

[27]      Dans des décisions antérieures et postérieures à celle qui est ici en cause3, le Tribunal a dit qu"un contrôle devait être exercé sur l"importation des marchandises. Cela n"est pas une façon non appropriée de définir en pratique le sens des mots " condition de la vente des marchandises pour exportation " dans la mesure où il est entendu que ce contrôle doit pouvoir nuire à l"importation. Je m"empresse d"ajouter que le contrôle n"a pas à être réellement exercé pour être une condition de la vente des marchandises pour exportation. La condition est remplie lorsque la possibilité de pareil contrôle existe même si l"on n"y a pas recours pour assurer le paiement des redevances. Autrement dit, une condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada ne cesse pas d"avoir cette qualité parce que son bénéficiaire a décidé de ne pas se prévaloir de la disposition ou des modalités d"application.

[28]      Dans ses plaidoyers, l"avocat de l"appelant s"est fondé sur le passage précité de la décision que le juge de première instance avait rendue dans l"affaire Reebok Canada , à savoir que le paiement de redevances peut néanmoins être considéré comme une condition de cette vente dans la mesure où il existe un lien entre le paiement et les marchandises. J"ai déjà conclu qu"il faut plus que l"existence d"un lien. De plus, cette conclusion est fondée sur le fait que les mots " directement ou indirectement " figurant au sous-alinéa 48(5)a)(iv) se rapportent non au paiement qui est effectué, mais à la condition relative à la vente. Ces mots auraient pour effet d"élargir la portée du mot " condition " en ce sens que la condition de la vente pourrait être directe ou indirecte. Je ne doute pas que les mots " directement ou indirectement " se rapportent au paiement effectué par l"acheteur et soient destinés à s"appliquer aux cas de paiement indirect comme celui où l"acheteur obtient une réduction de prix sur une importation existante comme moyen de payer un montant qu"il doit au vendeur, ou celui où l"acheteur paie en totalité ou en partie un montant dû par le vendeur4.

[29]      L"avocat de l"appelant a soutenu que, si un élément de contrôle est nécessaire pour que le paiement des redevances soit considéré comme une condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada, pareil contrôle existe en l"espèce.

[30]      En premier lieu, selon l"avocat, pareil contrôle pourrait être prévu dans les concessions de licence existant entre le concédant de licence X et l"intimée. En vertu de ces concessions, les redevances sont dues à l"égard du droit non exclusif de reproduire le matériel visé par la licence et d"utiliser les marques de commerce ainsi que de fabriquer, de vendre et de distribuer pour la vente au Canada des marchandises portant les marques de commerce du concédant de licence5. Il est vrai que les concessions accordent au concédant de licence un certain contrôle, mais il s"agit d"un contrôle sur la qualité des produits, qui prend la forme d"approbations préalables à la production et d"une inspection du matériel utilisé ainsi que des installations et procédés de production. En l"espèce, le concédant de licence X n"est pas lié au fabricant et n"exerçait sur celui-ci aucun contrôle lui permettant d"empêcher l"importation des marchandises par l"intimée.

[31]      En second lieu, l"avocat de l"appelant a soutenu qu"il n"est pas nécessaire que le concédant de licence exerce un contrôle sur le vendeur ou le fabricant : il suffit que le contrôle puisse être exercé sur le titulaire de la licence, c"est-à-dire en l"espèce sur l"intimée. Pareil contrôle serait également prévu dans les concessions de licence et confère au concédant de licence le droit de résilier la concession en cas de non-paiement des redevances6. À mon avis, pareil contrôle n"est pas associé à l"importation des marchandises au Canada, mais plutôt à leur revente subséquente au Canada. On ne peut dire que ce droit est une condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada. De fait, la concession se rapporte à la vente des marchandises sur le territoire et par " territoire ", on entend le Canada7. Je souscris à la conclusion du Tribunal, qui figure à la page 7 de sa décision, à savoir que " les paiements ont été davantage liés aux droits, afférents aux marchandises, exercés au Canada et évalués quantitativement par rapport aux reventes au Canada ".

[32]      Pour ces motifs, je conclus que les redevances versées au concédant de licence X n"étaient pas des paiements effectués en tant que condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada au sens du sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi. Je rejetterais donc cette partie de l"appel.

Le remboursement que l"intimée a effectué à Mattel Inc. à l"égard des redevances que cette dernière était tenue de verser aux concédants de licences maîtresses doit-il être inclus dans la valeur transactionnelle des marchandises importées?

[33]      Le Tribunal a conclu que le remboursement à Mattel Inc. des redevances que cette dernière avait versées aux concédants de licences maîtresses était des redevances indirectes au sens du sous-alinéa 48(5)a)(iv). Je souscris entièrement à cette conclusion. Toutefois, le Tribunal a conclu, comme il l"avait fait pour les redevances versées au concédant de licence X, que ces redevances n"avaient été acquittées en tant que condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada.

[34]      En outre, en ce qui concerne le sous-alinéa 48(5)a)(iv) de la Loi, le Tribunal a conclu ce qui suit :

         [...] le bénéfice financier ou la valeur des redevances indirectes ont été transmises par Mattel aux concédants de licences maîtresses. Bien que les redevances indirectes ont été versées à partir du produit de ventes au Canada, la valeur de ces paiements n"est pas revenue à Mattel, le vendeur des marchandises.         

[35]      Le Tribunal a donc conclu que les conditions fixées aux sous-alinéas 48(5)a)(iv) et (v) de la Loi n"étaient pas remplies.

[36]      J"ai l"intention d"examiner uniquement la conclusion que le Tribunal a tirée à l"égard du sous-alinéa 48(5)a )(iv) étant donné qu"à mon avis, le Tribunal a commis une erreur tant en interprétant cette disposition qu"en l"appliquant aux faits de l"espèce.

[37]      D"une façon générale, le sous-alinéa 48(5)a )(iv) exige que la valeur du produit d"une revente des marchandises importées qui revient, directement ou indirectement, au vendeur, soit ajoutée au prix payé ou à payer. Il n"est pas contesté que Mattel Inc., qui a reçu les remboursements, avait vendu les marchandises importées à l"intimée.

[38]      Par définition, les redevances reviennent toujours au concédant de la licence, c"est-à-dire au vendeur des droits afférents aux marques de commerce ou aux droits d"auteur, que ce soit au moyen d"un paiement direct ou d"un paiement indirect. Selon le raisonnement que le Tribunal a fait, pareilles redevances ne devraient jamais être ajoutées au prix payé ou à payer pour les marchandises importées à moins que le concédant de la licence n"ait également vendu les marchandises importées. La portée du sous-alinéa 48(5)a )(iv) n"est pas aussi restreinte. Le paiement de pareilles redevances revient au vendeur des marchandises en l"espèce parce que ce n"est pas l"intimée, mais Mattel Inc. qui, en sa qualité de vendeur des marchandises importées, est par contrat la débitrice des concédants de licences maîtresses à l"égard des redevances.

[39]      En fait, Mattel Inc. était légalement tenue de verser les redevances aux concédants de licences. Elle était tenue de verser, et de fait elle a versé, le montant des droits de licence aux concédants de licences maîtresses. Toutefois, à la page 8 de la décision, le Tribunal a conclu qu"en fait Mattel Inc. avait transmis à l"intimée l"obligation de payer les redevances à l"égard des ventes au Canada. Si ce n"avait été du fait que l"intimée a remboursé pareils frais, le revenu ou les actifs de Mattel Inc. auraient nécessairement été réduits de ce montant. Étant donné que l"intimée a remboursé ces montants, le revenu ou les actifs de Mattel Inc. ont augmenté d"autant. Le paiement indirect des redevances par l"intimée aux concédants de licences maîtresses, au moyen de leur remboursement à Mattel Inc., est revenu à Mattel Inc. en ce sens qu"en fin de compte c"est elle qui a acquitté la dette que le vendeur avait envers les concédants de licences maîtresses et qui l"a éteinte.

[40]      Pour ces motifs, je crois que le second moyen d"appel est fondé et l"appel devrait donc être accueilli avec dépens en ce qui concerne les redevances que l"intimée a indirectement versées aux concédants de licences maîtresses.

L"appel incident : Quelle vente aurait-on dû utiliser pour déterminer la valeur transactionnelle des marchandises importées par l"intimée?

[41]      L"intimée, qui a acquis les marchandises importées de Mattel Inc., a soutenu devant le Tribunal que c"est la première des trois ventes qui devrait servir de fondement pour déterminer la valeur transactionnelle des marchandises. La valeur en douane aurait été le prix payé au fabricant par Mattel Trading, de Hong Kong, qui a acquis le titre relatif aux marchandises avant de revendre celles-ci à la société mère américaine, Mattel Inc. À l"appui, l"avocat de l"intimée s"est fondé sur la jurisprudence américaine dans laquelle il a été statué que, si plusieurs ventes sont admissibles pour exportation, c"est la moindre valeur transactionnelle qui s"applique aux fins de l"évaluation8. De plus, il a invoqué par analogie un argument fondé sur les paragraphes 49(5) et 50(2) de la Loi qui, à son avis, montrent que le législateur avait l"intention d"appliquer le prix le moins élevé à la détermination de la valeur transactionnelle.

[42]      En vertu du paragraphe 49(5), lorsqu"il n"est pas possible de déterminer la valeur en douane de marchandises vendues pour exportation conformément aux principes établis à l"article 48, et lorsqu"il existe plusieurs valeurs transactionnelles afférentes à des marchandises identiques, la valeur en douane des marchandises, à condition que certaines exigences soient satisfaites, se fonde sur la moindre de ces valeurs transactionnelles.

[43]      L"article 50 de la Loi se rapporte à la détermination de la valeur en douane de marchandises dans les cas où elle n"est pas déterminée par l"application de l"article 48 ou 49 de la Loi . En pareil cas, la valeur en douane des marchandises est la valeur transactionnelle de marchandises semblables vendues pour exportation au Canada. Ici encore, un certain nombre de conditions rigoureuses doivent être remplies pour que cette règle puisse s"appliquer.

[44]      À la page 6 de sa décision, le Tribunal a conclu avec raison que les paragraphes 49(5) et 50(2) de la Loi ne s"appliquaient pas en l"espèce étant donné qu"il n"y avait pas plusieurs ventes de marchandises identiques ou semblables. Le Tribunal était plutôt d"avis que la vente des marchandises par le fabricant à Mattel Trading, de Hong Kong, et leur revente subséquente à Mattel Inc. puis à l"intimée constituaient " deux niveaux ou plus d"une transaction unique, à plusieurs niveaux, comportant une vente pour exportation ". L"intimée remet en question la conclusion du Tribunal qui, selon elle, n"est pas étayée par la preuve. Elle soutient au contraire que, selon le dossier, il y a eu trois ventes différentes, comportant le transfert du titre relatif aux marchandises pour exportation entre trois entités juridiques distinctes. Je suis prêt à supposer que l"avocat de l"intimée a raison, mais comme nous le verrons, la Loi ne l"aide pas.

[45]      À mon avis, les paragraphes 49(5) et 50(2) de la Loi ne s"appliquent pas directement dans ce cas-ci étant donné que les transactions comportaient la vente et la revente des mêmes marchandises plutôt que des ventes multiples de marchandises semblables. En outre, ces dispositions ne peuvent être utilisées par analogie étant donné le libellé clair et non ambigu des paragraphes 48(4) et 45(1) de la Loi .

[46]      L"examen de la jurisprudence américaine se rapportant à la règle de la moindre valeur transactionnelle montre que [TRADUCTION] " la règle s"applique uniquement s"il est légitimement possible de choisir entre deux valeurs transactionnelles légalement viables " et que [TRADUCTION] " le prix du fabricant constitue une valeur transactionnelle viable si [...] le fabricant et l"intermédiaire n"ont pas entre eux de lien de dépendance, en l"absence d"éléments non associés au marché qui influent sur la légitimité du prix de vente "9.

[47]      L"avocat de l"intimée a soutenu qu"en l"espèce, le SMRN était convaincu, conformément à l"alinéa 48(1)d ) de la Loi, que l"intimée et Mattel Inc. n"étaient pas liées entre elles ou, que si elles l"étaient, le lien n"influait pas sur le prix payé ou à payer pour les marchandises importées. Autrement, le SMRN aurait exigé que l"intimée démontre que la valeur transactionnelle des marchandises répond aux exigences visées au paragraphe 48(3). Cette disposition prévoit une méthode différente d"appréciation de la valeur transactionnelle dans les cas où les ventes sont conclues entre des acheteurs et des vendeurs liés. L"avocat a soutenu que, cela étant, la jurisprudence américaine est convaincante et que le SMRN aurait dû appliquer la règle de la moindre valeur transactionnelle.

[48]      Je crois qu"il est juste de conclure que le SMRN était convaincu que le lien qui existait entre l"intimée et Mattel Inc. n"a pas influé sur le prix payé ou à payer pour les marchandises. Toutefois, cette conclusion n"aide pas l"intimée parce que le législateur a clairement fait savoir, au paragraphe 48(4), que la valeur transactionnelle est le prix payé ou à payer pour les marchandises vendues pour exportation au Canada. En vertu du paragraphe 45(1), l"expression " prix payé ou à payer " est définie comme se rapportant aux versements effectués par l"acheteur au vendeur ou à son profit, en paiement des marchandises. En l"espèce, l"intimée était l"acheteur et Mattel Inc. le vendeur. C"est donc cette vente qui permet de déterminer le prix payé par l"acheteur. La jurisprudence américaine citée par l"intimée, aussi intéressante soit-elle, va à l"encontre de l"intention du législateur canadien telle qu"elle est exprimée dans la Loi . Pour ces motifs, l"appel incident est rejeté avec dépens.

[49]      En conclusion, l"appel est en partie accueilli avec dépens, la décision du Tribunal de ne pas inclure les paiements versés aux concédants de licences maîtresses dans la valeur en douane des marchandises importées est infirmée et la décision que le sous-ministre a prise à l"égard de ces paiements est confirmée. L"appel incident est rejeté avec dépens.


(Sign.) " Gilles Létourneau "

J.C.A.

" Je souscris à cet avis

B.L. Strayer, J.C.A. "

" Je souscris à cet avis

J.T. Robertson, J.C.A. "

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.

COUR D"APPEL FÉDÉRALE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              A-291-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :      LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL c. MATTEL CANADA INC.
LIEU DE L"AUDIENCE :          OTTAWA
DATE DE L"AUDIENCE :          LE 8 DÉCEMBRE 1998

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE LÉTOURNEAU EN DATE DU 13 JANVIER 1999.

ONT COMPARU :

F.B. Woyiwada              POUR L"APPELANT
Darrel H. Pearson              POUR L"INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg              POUR L"APPELANT

Sous-procureur général du Canada

Gottlieb & Pearson              POUR L"INTIMÉE

Toronto (Ontario)


__________________

1      [1983] 1 R.C.S. 29, à la p. 39.

2      (1997) 131 F.T.R. 102.

3      Voir Leeds Neckwear Inc. et Leeds International Inc. c. Le sous-ministre du Revenu national , TCCE, appel no AP-99-182; Style-Kraft Sportswear Limited c. Le sous-ministre du Revenu national et PMI Food Equipment Group, TCCE, appels nos AP-96-096 et AP-96-103.

4      Voir les Statements of Administrative Action américaines à l"égard du Trade Agreements Act of 1979 américain, un projet de loi renfermant une disposition similaire, 96e Congrès, 1re session, House Document No. 96-158, p. 42; voir également la note explicative concernant le sens de " prix payé ou à payer " figurant à l"article premier du Code de valeur en douane, qui dit également clairement que ces mots se rapportent au paiement qui est effectué, p. 185.

5      Voir le dossier d"appel confidentiel, vol. II, p. 333.

6      Idem, aux p. 351-353.

7      Idem, art. 1f) à la p. 330.

8      Voir E.C. McAfee Co. and St. Paul Fire and Marine Insurance Co. v. United States, U.S. Customs Service and Commissioner of Customs , 842 F. 2d, 314, 6 Fed. Cir. (T) 92 (1988); Nissho Iwai American Corp. v. United States, 982 F. 2d 505 (Fed. Cir. 1992).

     9      Idem, à la p. 509.

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