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     Date : 19991021

     Dossier : A-397-97


CORAM :      LE JUGE LINDEN

         LE JUGE ISAAC

         LE JUGE ROTHSTEIN



(Affaire intéressant la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985),

ch. F-7, et ses modifications)


ENTRE :

     SMC PNEUMATICS (CANADA) LTD.

     appelante

     - et -


     LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

     DOUANES ET ACCISE

     intimé


     MOTIFS DU JUGEMENT

     (Prononcés à l'audience à Ottawa (Ontario),

     le jeudi 21 octobre 1999)


LE JUGE ISAAC

[1]      Le présent appel concerne une ordonnance d'un juge des requêtes de la Section de première instance rendue le 7 mai 1997. L'ordonnance rejetait la demande de contrôle judiciaire d'une décision de l'intimé par laquelle ce dernier avait rejeté la demande présentée par l'appelante, à titre de cessionnaire, concernant le remboursement de certains droits aux termes de l'article 77 de la Loi sur le tarif des douanes.

[2]      L'appelante soulève plusieurs objections concernant le jugement en appel, mais le juge Linden et moi-même sommes incapables de les accueillir parce que nous sommes tous deux d'avis que le juge des requêtes a eu raison de rejeter la demande de contrôle judiciaire de l'appelante pour les motifs qu'il a donnés. Nous sommes essentiellement d'accord avec ces motifs et nous sommes d'avis de rejeter l'appel avec dépens. Le juge Rothstein, qui diffère d'opinion, rendra des motifs distincts.

             " Julius A. Isaac "

     Juge




Traduction certifiée conforme


Laurier Parenteau, LL.L.




     Date : 19991021

     Dossier : A-397-97


CORAM :      LE JUGE LINDEN

         LE JUGE ISAAC

         LE JUGE ROTHSTEIN


     (Affaire intéressant la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985),

     ch. F-7, et ses modifications)


ENTRE :

     SMC PNEUMATICS (CANADA) LTD.

     appelante

     - et -


     LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

     DOUANES ET ACCISE

     intimé



Audience tenue à Ottawa (Ontario), le jeudi 21 octobre 1999.

Jugement prononcé à l'audience le jeudi 21 octobre 1999.




MOTIFS DU JUGEMENT PAR :      LE JUGE ISAAC

SOUSCRIT À CES MOTIFS :      LE JUGE LINDEN

MOTIFS DISSIDENTS PAR :      LE JUGE ROTHSTEIN



     Date : 19991021

     Dossier : A-397-97


CORAM :      LE JUGE LINDEN

         LE JUGE ISAAC

         LE JUGE ROTHSTEIN


     (Affaire intéressant la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985),

     ch. F-7, et ses modifications)


ENTRE :

     SMC PNEUMATICS (CANADA) LTD.

     appelante

     - et -


     LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

     DOUANES ET ACCISE

     intimé

     MOTIFS DU JUGEMENT

     (Prononcés à l'audience à Ottawa (Ontario),

     le jeudi 21 octobre 1999)


LE JUGE ROTHSTEIN

[1]      Je ne peux souscrire à l'avis de mes collègues dans le présent appel. Je suis d'avis que le ministre n'avait pas, en l'espèce, le pouvoir discrétionnaire de refuser à l'appelante sa demande de remboursement présentée aux termes du paragraphe 77(1) de la Loi sur le tarif des douanes1.

[2]      La loi en question prévoit la remise des droits de douane quand les machines et appareils ne sont pas produits au Canada. La loi prévoit que le ministre peut établir une liste de machines et d'appareils qui sont exonérés des droits de douane. Si certaines machines et certains appareils ne figurent pas sur la liste, un demandeur peut réclamer une remise, et si le ministre est convaincu que les machines et appareils ne sont pas produits au Canada, il peut rembourser les droits de douane payés à l'importation. Le pouvoir de remise est accordé pour une période de temps précise au cours de laquelle les remboursements de droits de douane payés à l'importation peuvent être réclamés.

[3]      Les faits seront brièvement énoncés. En 1989, W.C.I. Manufacturing a présenté une demande en vertu du paragraphe 76(1) de la Loi sur le tarif des douanes afin d'obtenir une remise des droits de douane dans le but d'importer des valves électromagnétiques et d'autres pièces pour la fabrication de machines à laver. Le paragraphe 76(1) est rédigé dans les termes suivants :

     76.(1) Sur demande présentée conformément au paragraphe (4), le ministre peut, s'il juge, compte tenu des critères prévus au paragraphe 75(3) que les machines et appareils qui font l'objet de la demande ne sont pas produits au Canada, remettre sur ces machines ou appareils :
         a) les droits de douane qui, sans le présent paragraphe, seraient payables sur les machines et appareils ;
         b) la fraction des taxes d'accise qui, sans le présent paragraphe, seraient payables sur les machines et appareils d'un montant égal à la différence entre le montant des taxes d'accise payable sur les machines et appareils et le montant des taxes d'accise qui serait payable sur ceux-ci, si la valeur à l'acquitté utilisée pour le calcul des taxes d'accises ainsi payables était la valeur en douane utilisée pour le calcul des droits de douane payables.
     Malgré la partie 1 et la Loi sur la taxe d'accise, les montants des droits de douane et des taxes d'accise payables sur les machines et appareils sont réduits conformément aux alinéas a) et b).

[4]      Le 22 février 1990, le ministre du Revenu national a accordé le pouvoir de remise demandé pour la période du 1er mai 1989 au 28 février 1995. L'avis de remise était rédigé dans les termes suivants :

     [TRADUCTION]
     La remise des droits perçus sur les marchandises décrites dans la présente demande et les documents à l'appui, a été autorisée pour toute quantité de celles-ci, sous réserve de certaines restrictions décrites aux présentes ou autrement précisées concernant la présente demande, en vertu du pouvoir mentionné au cours de la période indiquée, et pour les pièces de rechange importées au cours de la période commençant à la date d'effet dudit pouvoir et se terminant 10 ans après la date d'expiration. Les droits sont payables sur la première tranche de 500 $ de la valeur globale. Le pouvoir ainsi accordé prend fin si des marchandises raisonnablement équivalentes sont produites au Canada.

[5]      Le 24 février 1995, W.C.I. a cédé le pouvoir de remise à l'appelante SMC Pneumatics (Canada) Ltd. Le 27 février 1995, l'appelante a demandé un remboursement des droits de douane en se servant du pouvoir de remise qui lui avait été cédé par W.C.I.

[6]      La demande de remboursement a été rejetée par le ministre. Au 1er janvier 1994, le ministre avait émis la note de service D8-5-1 prévoyant, notamment, que les demandeurs pouvaient céder leurs droits d'obtenir un remboursement se rapportant à une demande de remise déjà approuvée. Toutefois, la note de service imposait des restrictions à la cession, notamment l'interdiction de céder les pièces de fabrication visées dans les demandes approuvées. Aucune explication n'a été fournie à la Cour pour justifier cette restriction. Le refus du ministre de reconnaître la cession dans ce cas était fondé sur le fait que les marchandises étaient des pièces de fabrication.

[7      La question essentielle à résoudre dans le présent appel est de savoir si le ministre avait le pouvoir discrétionnaire de rejeter la demande de remboursement en l'espèce parce qu'elle a été présentée par le cessionnaire de la compagnie qui avait initialement demandé la remise.

[8      Je n'ai aucune difficulté à accepter la proposition selon laquelle le ministre peut assortir les pouvoirs de remise prévus au paragraphe 76(1) de certaines conditions. Le paragraphe 76(1) confère au ministre un large pouvoir discrétionnaire par l'emploi des mots " [...] le ministre peut [...] remettre [...] ". Le ministre peut choisir de limiter le pouvoir de remise aux demandeurs initiaux relativement à des marchandises particulières, comme en fait foi la note de service D8-5-1. En outre, je pense que les restrictions imposées à la cession peuvent également faire partie des conditions prévues au paragraphe 76(2) qui dispose comme suit :

     (2) Sous réserve du paragraphe (3), les remises prévues au paragraphe (1) peuvent être conditionnelles ou absolues et peuvent, sous réserve du paragraphe (3), être accordées indépendamment de l'obligation de payer les droits dans un cas particulier.

[9]      On a déposé en preuve un pouvoir de remise délivré par le ministre le 3 août 1995 dans une autre affaire, qui renfermait une condition prévoyant que [TRADUCTION] " le pouvoir de remise n'est pas cessible ". J'accepte qu'il s'agit là d'une condition valable assortie à un pouvoir de remise.

[10]      En outre, le ministre peut révoquer un pouvoir de remise si les machines et appareils sont par la suite produits au Canada. En pareil cas, le pouvoir de remise cesse de s'appliquer après la date d'effet de la révocation. Le paragraphe 76(3) stipule en effet ce qui suit :

     (3) Le ministre peut, s'il juge, compte tenu des critères prévus au paragraphe 75(3), que les machines et appareils qui font l'objet d'une remise accordée en vertu du paragraphe (1) sont produits au Canada, annuler celle-ci et, malgré ses modalités, elle cesse de s'appliquer aux machines et appareils déclarés en détail, après la prise d'effet de l'annulation, en application de l'article 32 de la Loi sur les douanes.

Le ministre ne prétendait pas révoquer le pouvoir de remise en l'espèce.

[11]      Toutefois, ce n'est pas le pouvoir de remise qui est contesté en l'espèce. Le ministre a accordé le pouvoir de remise le 22 février 1990, bien avant d'émettre la note de service D8-5-1. Quand le pouvoir de remise a été délivré, il n'était assorti d'aucune restriction concernant la cession. Après avoir accordé ce pouvoir, le ministre avait exercé complètement le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré aux paragraphes 76(1) et (2).

[12]      La question est alors de savoir si le ministre avait le pouvoir discrétionnaire, aux termes de l'article 77, de refuser le remboursement réclamé par l'appelante. L'article 77 est rédigé dans les termes suivants :

     77.(1) Est accordé un remboursement de la fraction des droits de douane ou des taxes d'accise visée aux alinéas 76(1)a) ou b), si, à la fois :
         a) remise de la fraction est accordée en vertu du paragraphe 76(1) ;
         b) la fraction des droits a été payée ;
         c) une demande est présentée conformément au paragraphe (2).
     (2) Pour l'application de l'alinéa (1)c), les demandes sont :
         a) assorties des justificatifs exigés par le ministre ;
         b) présentées selon les modalités réglementaires et établies en la forme, ainsi qu'avec les renseignements, déterminés par le ministre, dans les cinq ans ou, le cas échéant, dans le délai prévu par règlement suivant la déclaration en détail, en application de l'article 32 de la Loi sur les douanes, des machines ou appareils qui en font l'objet.
     (3) Le gouverneur en conseil peut procéder à toute mesure réglementaire mentionnée au paragraphe (2).

Il semble donc que le paragraphe 77(1) soit obligatoire. Le paragraphe s'ouvre sur les mots suivants : " Est accordé un remboursement [...] ". Pourvu que l'article 77 soit respecté, le demandeur a droit à un remboursement et le ministre n'a pas le pouvoir discrétionnaire de le refuser.

[13]      Il n'a pas été suggéré en l'espèce que les alinéas 77(1)a) et b) n'ont pas été respectés. Un pouvoir de remise avait été accordé et la fraction des droits réclamés avait été payée. La seule question est de savoir si, aux termes de l'alinéa 77(1)c), la demande de remboursement a été présentée conformément au paragraphe 77(2).

[14]      Aux termes de l'alinéa 77(2)a), il faut que la demande de remboursement soit appuyée par les justificatifs que le ministre peut exiger. Bien que cet alinéa donne au ministre le pouvoir discrétionnaire de choisir les justificatifs qu'il peut exiger avant de faire le remboursement, cela ne lui confère pas le pouvoir d'exercer de nouveau le pouvoir discrétionnaire qui lui était conféré en vertu des paragraphes 76(1) et (2) et au regard desquels il était functus quand la demande de remboursement a été présentée.

[15]      L'alinéa 77(2)b) prévoit que la demande de remboursement doit être faite selon les modalités réglementaires et selon la forme prescrite renfermant les renseignements exigés. L'avocat de l'appelante a fait valoir qu'aucun règlement n'était prescrit concernant l'application de l'alinéa 77(2)b) à l'époque pertinente. L'avocat de l'intimé n'a pu fournir de renseignements différents. Bien que cela semble inhabituel, c'est le fondement sur lequel je m'appuie. Comme il n'y avait rien de prescrit relativement aux demandes de remboursement, le ministre semble avoir accepté des demandes de remboursement de façon quelque peu informelle. Le caractère informel des modalités de demande de remboursement confère-t-il au ministre un pouvoir discrétionnaire de refuser une demande de remboursement si celle-ci est présentée par le cessionnaire du pouvoir de remise ? À mon avis, il n'en est rien.

[16]      L'article 77 est une disposition obligatoire. Le fait qu'aucune formule de demande ni qu'aucun renseignement n'ait été prescrit n'en fait pas une disposition accordant un pouvoir discrétionnaire et ne peut conférer de nouveau au ministre la discrétion qu'il avait mais qu'il n'a pas exercé en vertu de l'article 76. Il était loisible au ministre de restreindre le pouvoir de remise en vertu des paragraphes 76(1) et (2) en stipulant que celui-ci n'était cessible ni en totalité ni en partie. Il ne l'a pas fait. Il lui était également loisible de révoquer le pouvoir conformément au paragraphe 76(3). Il ne l'a pas fait non plus.

[17]      En droit, le cessionnaire prend la place de la personne à qui le pouvoir de remise a été octroyé et a droit au remboursement auquel le premier demandeur aurait eu droit. En fait, les remboursements aux cessionnaires sont reconnus dans la note de service D8-5-1 qui énonce la procédure et les renseignements nécessaires pour convaincre le ministre de la validité de la cession. Il semble que cette procédure ait été suivie et les renseignements fournis en l'espèce.

[18]      Je suis d'avis d'accueillir l'appel avec dépens et de renvoyer l'affaire au ministre au motif que le remboursement réclamé par l'appelante devrait lui être accordé.

                     " Marshall Rothstein "

     Juge




Traduction certifiée conforme


Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR D'APPEL

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :                          A-397-97


INTITULÉ DE LA CAUSE :              SMC Pneumatics (Canada) Ltd. c. Le sous-ministre du Revenu national, Douanes et Accise

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Ottawa (Ontario)


DATE DE L'AUDIENCE :              le 21 octobre 1999


MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS

À L'AUDIENCE PAR :                  le juge Isaac


SOUSCRIT À CE JUGEMENT :              le juge Linden


MOTIFS DISSIDENTS PRONONCÉS

À L'AUDIENCE PAR :                  le juge Rothstein


ONT COMPARU :

Brian J. Barr                          pour l'appelante

John S. Tyhurst                      pour l'intimé


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Maclaren Corlett                      pour l'appelante

Ottawa (Ontario)

Morris Rosenberg                      pour l'intimé

Sous-procureur général du Canada

__________________

     1      L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

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