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Date : 20040123

Dossier : A-387-02

Référence : 2004 CAF 29

CORAM :       LA JUGE DESJARDINS

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE EVANS

ENTRE :

                                                          DAVID M. SHERMAN

                                                                                                                                              appelant

                                                                             et

                                          LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                                                  intimé

                                    Requête traitée par écrit sans la comparution des parties.

                              Ordonnance prononcée à Ottawa (Ontario), le 23 janvier 2004.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                                                             LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                    LA JUGE DESJARDINS

                                                                                                                               LE JUGE EVANS


Date : 20040123

Dossier : A-387-02

Référence : 2004 CAF 29

CORAM :       LE JUGE DESJARDINS

LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE EVANS

ENTRE :

                                                          DAVID M. SHERMAN

                                                                                                                                              appelant

                                                                             et

                                          LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                                                  intimé

                           MOTIFS DE L'ORDONNANCE RELATIVE AUX DÉPENS

LE JUGE LÉTOURNEAU

[1]                Dans un jugement daté du 6 mai 2003, la présente Cour a conclu en partie ce qui suit :

L'appelant a droit aux débours et à un montant raisonnable pour le temps et les efforts qu'il a consacrés à la préparation et à la présentation de la cause en première instance et en appel devant cette Cour sur preuve que, ce faisant, il a engagé un coût d'opportunité en renonçant à une activité rémunératrice.


[2]                Au moyen d'une requête fondée sur la Règle 369, l'appelant demande que la Cour fixe les dépens à 30 528 $ pour le temps qu'il a consacré à la préparation de sa cause et les débours à 684,18 $, plus les frais de sa requête au montant de 5 760 $, majorés des débours, pour les douze heures qu'il a consacrées à préparer et à déposer sa requête pour l'obtention des dépens. L'appelant a déposé un affidavit joint à sa requête dans lequel ses frais sont ventilés. Il soutient qu'il a travaillé 66,1 heures pour la préparation du procès et de l'appel. Il a calculé la moitié du coût d'opportunité de son temps au taux de 550 $ l'heure, et l'autre moitié à 600 $ l'heure. Il a réduit le chiffre total de 20 % afin de respecter la condition selon laquelle le montant accordé doit être raisonnable.

[3]                L'intimé ne conteste pas la demande de l'appelant portant sur le montant des débours fixés à 684,08 $, mais par ailleurs il s'oppose à ses deux autres demandes. Je devrais ajouter que l'appelant a conservé un compte rendu détaillé du temps et des efforts qu'il a consacrés à la préparation et à la défense de sa cause. Je ne pense pas que le nombre d'heures soit déraisonnable ou qu'il puisse être contesté.

[4]                L'objection se fonde sur deux motifs. Tout d'abord, l'intimé prétend que l'appelant n'a pas indiqué les dispositions sur lesquelles se fonde la requête, à l'exception de la Règle 369, qui est de nature procédurale. Les délais pour présenter cette requête en vertu de la Règle 397 ou de la Règle 403 sont expirés depuis longtemps et l'appelant n'a pas demandé de prorogation.


[5]                Deuxièmement, l'intimé soutient qu'il ressort implicitement du jugement de la Cour et des motifs à l'appui de celui-ci que l'appelant a obtenu les frais partie-partie devant être calculés selon le tarif B, qui est le tarif applicable aux termes des Règles.

[6]                La décision de la présente Cour, qui a été prononcée le 6 mai 2003, se fondait sur la jurisprudence sur laquelle la Cour s'est appuyée pour accorder à l'appelant « un montant raisonnable pour le temps et les efforts qu'il a consacrés à la préparation et à la présentation de la cause » . La Règle 397 ne s'applique pas étant donné qu'il n'y a pas de motif de réexamen.

[7]                L'appelant aurait pu demander une prorogation de délai et présenter une requête fondée sur la Règle 403 afin d'obtenir les directives de l'officier taxateur. Dans la partie de son ordonnance traitant des dépens, la Cour avait l'intention de ne pas fixer le montant réel des frais adjugés, mais de laisser à un officier taxateur le soin de déterminer ce montant selon les paramètres des motifs sur lesquels l'ordonnance relative aux dépens est fondée. Toutefois, étant donné que la Cour est maintenant saisie de la question, qui est nouvelle, et au vu de l'écart considérable qui sépare les parties concernant la signification de l'expression « montant raisonnable » , il serait préférable que la Cour se prononce sur cette question plutôt que d'émettre simplement des directives. Par conséquent, le mémoire de frais de l'appelant a été à bon droit déposé en vertu de la Règle 369.


[8]                L'objet des règles relatives aux dépens n'est pas de rembourser toutes les dépenses et débours engagés par une partie dans la poursuite d'un litige, mais bien d'assurer une compensation partielle. Les dépens adjugés sont, en principe, les dépens partie-partie. À moins que la Cour n'en ordonne autrement, la Règle 407 exige qu'ils soient évalués selon la colonne III du tableau du tarif B. Comme la Cour fédérale l'a dit de façon fort à propos dans Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd. (1998), 159 F.T.R. 233, le tarif B représente un compromis entre l'indemnisation de la partie qui a obtenu gain de cause et l'imposition d'une charge excessive à la partie déboutée.

[9]                La colonne III du tableau du tarif B vise les cas de complexité moyenne : Apotex Inc. c. Syntex Pharmaceuticals International Ltd., 2001 CAF 137. Le tarif inclut les honoraires d'avocat dans les frais judiciaires. Puisqu'il s'applique uniformément dans tout le Canada, il ne représente manifestement pas les honoraires réels des avocats puisque les taux horaires de ces professionnels varient considérablement d'une province à l'autre, d'une ville à l'autre et même entre les régions urbaines et rurales.


[10]            Il ne fait aucun doute que l'appelant, qui n'était pas représenté, a consacré du temps et des efforts pour faire valoir ses prétentions. Toutefois, comme la Cour d'appel de l'Alberta le signale dans l'arrêt Dechant c. Law Society of Alberta, 2001 ABCA 81, [TRADUCTION] « les parties à un litige qui sont représentées consacrent également une partie importante de leur temps et de leurs efforts sans pour autant en être dédommagés » . Qui plus est, les honoraires de leurs avocats ne leur sont pas totalement remboursés. Je conviens que [TRADUCTION] « l'application d'un barème de coûts identique aux parties représentées et non représentées entraînera une injustice pour la partie représentée qui, même si les dépens lui sont adjugés, devra assumer certains frais judiciaires et n'obtiendra aucune compensation pour le temps consacré à la défense de la cause » : ibid., paragraphe 16. Cela pourrait également encourager les parties à se défendre elles-mêmes : ibid., paragraphe 17; voir également Lee c. Anderson Resources Ltd., 2002 ABQB 536, (2002) 307 A.R. 303 (Cour d'appel de l'Alberta).

[11]            En l'espèce, si l'appelant avait été représenté, il aurait obtenu les dépens partie-partie selon la colonne III du tableau du tarif B. Je crois que l'adjudication des dépens en sa faveur, en tant que partie non représentée, peut, au mieux, équivaloir à ce qui lui aurait autrement été versé s'il avait été représenté par un avocat, mais non pas dépasser ce montant. J'ajouterai que la partie non représentée ne jouit d'aucun droit lui permettant d'obtenir automatiquement le plein montant prévu par le tarif. Le montant de l'adjudication est du ressort discrétionnaire de la Cour. Le concept du « montant raisonnable » est une indication d'une indemnité partielle bien que, comme je l'ai déjà mentionné, je convienne que, dans des cas appropriés mais rares, le montant de cette indemnité puisse être égal à ce que le tarif prévoit d'accorder à une partie représentée.

[12]            Comme l'indique le registraire Doolan dans City Club Development (Middlegate) Corp. c. Cutts (1996) 26 B.C.L.R. (3d) 39, la registraire Roland de la Cour suprême du Canada a conclu dans l'arrêt Metzner c. Metzner, [2000] A.C.S.C. no 527, que [TRADUCTION] « la démarche suivie par l'avocat raisonnablement compétent ne peut être utilisée pour évaluer les coûts spéciaux adjugés à un profane » : Bulletin de la C.S.C. 2001, p. 1158. Elle a appuyé la conclusion selon laquelle la seule démarche raisonnable était d'adjuger les dépens sur la base du quantum meruit.


[13]            Dans l'arrêt Clark c. Taylor [2003] N.W.T.J. no 67, le juge Vertes de la Cour suprême des Territoires-du-Nord-Ouest devait évaluer les dépens pour une femme qui se représentait elle-même. Au paragraphe 12 de la décision, il écrit ce qui suit :

[TRADUCTION]

En examinant ce qui serait un montant « raisonnable » pour le temps que la demanderesse a consacré à la préparation et à la présentation de sa cause, je ne suis pas convaincu qu'il soit approprié d'utiliser simplement le taux horaire qu'elle aurait elle-même demandé à un client. La réalité est la suivante : tout litige exige du temps et des dépenses que l'on soit ou non représenté par avocat.

[14]            Il ajoute que le tarif peut fournir des repères utiles, même si les dépens ne sont pas calculés sur la base du tarif. Je partage ce point de vue. Le taux horaire réclamé par l'appelant en l'espèce n'est pas le repère à utiliser pour déterminer le quantum du montant raisonnable. Cela dépasse de beaucoup le taux visé par le tarif.

[15]            En l'espèce, la Cour était d'avis que l'appelant, qui est un fiscaliste renommé, a soulevé de nouvelles questions d'intérêt public portant sur l'interprétation d'une convention fiscale internationale et le droit d'accès aux renseignements obtenus et partagés aux termes de cette convention : voir le paragraphe 44 de la décision. Le travail fourni par l'appelant était de bonne qualité. Les observations formulées à la Cour étaient bien documentées et lui ont été utiles. Il ne fait aucun doute que sa participation à l'audition devant la Cour fédérale et devant notre Cour était nécessaire et l'a empêché de travailler. En outre, l'appelant a eu un comportement tout à fait approprié pendant tout le déroulement du litige.


[16]            Si l'on tient compte de tous ces facteurs, y compris du but légitime poursuivi par l'appelant et du fait que les dépens adjugés en vertu du tarif B se seraient élevés à environ 7 200 $, je fixerais le montant raisonnable à 6 000 $, majoré des débours au montant non contesté de 684,08 $. Pour ce qui est des dépens et des débours liés à la présentation de cette requête, je suis d'avis d'accorder la somme de 350 $.

[17]            Il aurait été utile que les parties, ou à tout le moins l'intimé qui s'opposait au mémoire de frais, attirent notre attention sur quelques-uns des précédents jurisprudentiels se rapportant à l'interprétation et à l'application de la notion de « montant raisonnable » .

                                                                                                                             « Gilles Létourneau »                  

Juge

« Je souscris aux présents motifs

Alice Desjardins, juge »

« Je souscris aux présents motifs

John M. Evans, juge »

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        A-387-02

INTITULÉ :                                       DAVID M. SHERMAN c. LE MINISTRE DU

REVENU NATIONAL

                                                                             

REQUÊTE TRAITÉE PAR ÉCRIT SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS

DE L'ORDONNANCE :                  LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT :                        LA JUGE DESJARDINS

LE JUGE EVANS

DATE :                                               le 23 janvier 2004

OBSERVATIONS ÉCRITES :

David M. Sherman

EN SON PROPRE NOM

Sointula Kirkpatrick

Louis L'Heureux

POUR L'INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris A. Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

   POUR L'INTIMÉ


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