Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Recueil des arrêts de la Cour fédérale
Elders Grain Co. c. Ralph Misener (Le) (C.A.F.) [2005] 3 C.F. 367

Date : 20050415

Dossier : A-436-03

Référence : 2005 CAF 139

CORAM :       LE JUGE EN CHEF RICHARD

LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

ENTRE :

                                           ELDERS GRAIN COMPANY LIMITED

                                                                             et

LES BRASSERIES CARLING O'KEEFE DU CANADA LIMITÉE

                                                                                                                                          appelantes

                                                                             et

LE NAVIRE M/V « RALPH MISENER » ET LES PROPRIÉTAIRES

ET TOUTES LES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT

SUR LE NAVIRE M/V « RALPH MISENER »

et

MISENER HOLDINGS LIMITED

et

MISENER SHIPPING

                                                                                                                                                intimés

                                    Audience tenue à Montréal (Québec), le 17 février 2005

                                       Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 15 avril 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                               LE JUGE EN CHEF RICHARD

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                            LE JUGE DÉCARY

                                                                                                                   LE JUGE LÉTOURNEAU


Date : 20050415

Dossier : A-436-03

Référence : 2005 CAF 139

CORAM :       LE JUGE EN CHEF RICHARD

LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

ENTRE :

                                           ELDERS GRAIN COMPANY LIMITED

                                                                             et

LES BRASSERIES CARLING O'KEEFE DU CANADA LIMITÉE

                                                                                                                                          appelantes

                                                                             et

LE NAVIRE M/V « RALPH MISENER » ET LES PROPRIÉTAIRES

ET TOUTES LES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT

SUR LE NAVIRE M/V « RALPH MISENER »

et

MISENER HOLDINGS LIMITED

et

MISENER SHIPPING

                                                                                                                                                intimés

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE EN CHEF RICHARD


[1]                Il s'agit de l'appel d'un jugement rendu en date du 7 juillet 2003 (2003 CF 837) par lequel le juge Nadon, siégeant alors comme juge de la Cour fédérale, a rejeté la poursuite en dommages-intérêts intentée par les appelantes à la suite de la perte de leur cargaison et a accueilli la demande reconventionnelle des intimés.

[2]                Le 31 mai 1989, la cargaison de granulés de luzerne des appelantes a été débarquée du navire des intimés, le M/V « Ralph Misener » , à Québec. Pendant le déchargement, on a découvert que la cargaison était en feu. Les pompiers ont réussi à éteindre l'incendie avec de l'eau et des produits chimiques.

[3]                Les appelantes réclament des dommages-intérêts pour la perte de leur cargaison et font valoir que la délivrance d'un connaissement net par le capitaine du navire prouve que la cargaison était en bon état lorsqu'elle a été chargée à bord du navire à Thunder Bay.

[4]                Les appelantes soutiennent que le juge de première instance a commis une erreur lorsqu'il a conclu que les intimés ont réussi à réfuter la présomption prima facie de bon état de la cargaison établie par le connaissement net. Elles soutiennent également que les conclusions du juge de première instance concernant la cause de l'incendie et la nature dangereuse des marchandises sont erronées. Elles font valoir en outre que le fait que leur expert n'a pas été autorisé à témoigner en réplique leur a causé un préjudice.


[5]                Dans leur demande reconventionnelle, les intimés réclament des dommages-intérêts pour les pertes qu'ils ont subies et soutiennent que les granulés de luzernes sont des [traduction] « marchandises dangereuses » qui peuvent s'enflammer spontanément pendant leur déchargement. Ils prétendent que les appelantes avaient l'obligation stricte de les avertir de la nature dangereuse de la cargaison. Comme elles ne les ont pas avertis, les appelantes doivent les indemniser pour les dommages causés à leur navire.

Norme de contrôle

[6]                Il est bien établi en droit qu'un appel n'est pas un procès de novo. Le rôle des cours d'appel n'est pas de rédiger de meilleurs jugements que le juge de première instance, mais de contrôler les motifs à la lumière des arguments des parties et de la preuve pertinente. En conséquence, je dois me demander quelle norme de contrôle s'applique aux différentes questions soulevées par l'appel : Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235.

[7]                Dans l'arrêt Housen, la Cour suprême a établi les normes de contrôle qui doivent être utilisées par les cours d'appel à l'égard de chacune des catégories de questions suivantes : (1) les questions de droit; (2) les questions de fait; (3) les inférences de fait; (4) les questions mixtes de fait et de droit.

[8]                La norme de contrôle applicable aux pures questions de droit est celle de la décision correcte et les cours d'appel ont ainsi toute latitude pour substituer leur opinion à celle des juges de première instance.


[9]                Pour ce qui est de la norme de contrôle applicable aux conclusions de fait, ces conclusions ne peuvent être infirmées que s'il est établi que le juge de première instance a commis une « erreur manifeste et dominante » .

[10]            Le juge Bastarache a défini l'erreur manifeste et dominante, au paragraphe 15 de l'arrêt Van de Perre c. Edwards, [2001] 2 R.C.S. 1014, comme une erreur qui « donne lieu à la conviction rationnelle que le juge de première instance doit avoir oublié, négligé d'examiner ou mal interprété la preuve de telle manière que sa conclusion en a été affectée » . En résumé, une erreur manifeste et dominante est un défaut évident dans les conclusions de fait du juge de première instance qui a une incidence sur l'issue du procès.

[11]            Par conséquent, la Cour doit contrôler la décision du juge de première instance en appliquant la norme de la décision correcte aux pures questions de droit. En ce qui concerne les conclusions de fait et les inférences de fait, la Cour doit faire preuve de la plus grande retenue et ne modifier la décision du juge de première instance que si elle y décèle une erreur manifeste et dominante.


[12]            Une décision impliquant l'application d'un critère juridique à un ensemble de faits constitue une question mixte de fait et de droit. Elle est assujettie à la norme de l'erreur manifeste et dominante, à moins que le juge de première instance n'ait clairement commis une erreur de principe isolable en déterminant la norme applicable ou en appliquant cette norme, auquel cas l'erreur peut constituer une erreur de droit : Housen, précité, au paragraphe 37; R. c. Buhay, [2003] 1 R.C.S. 631, au paragraphe 45.

[13]            La décision du juge de première instance concernant la procédure à suivre au procès en était une de nature discrétionnaire. Une cour d'appel n'a pas la liberté de simplement substituer l'exercice de son propre pouvoir discrétionnaire à celui déjà exercé par le juge de première instance. Toutefois, si la décision était fondée sur une erreur de droit ou si la cour d'appel conclut que le pouvoir discrétionnaire a été exercé de façon erronée, parce qu'on n'a pas accordé suffisamment d'importance, ou qu'on en n'a pas accordé du tout, à des considérations pertinentes ou que le juge de première instance a pris en compte des facteurs non pertinents ou qu'il a omis de prendre en compte des facteurs pertinents, la cour d'appel peut alors exercer son propre pouvoir discrétionnaire : R. c. Carosella, [1997] 1 R.C.S. 80, au paragraphe 49. Voir également les arrêts Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui, [1995] 1 R.C.S. 3, au paragraphe 39; Reza c. Canada, [1994] 2 R.C.S. 394, aux pages 404 et 405; Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3, aux pages 76 et 77.


[14]            Les appelantes prétendent que le juge de première instance a tiré des conclusions erronées relativement : (1) à la question de savoir si les intimés ont réussi à réfuter la présomption prima facie de bon état de la cargaison établi par le connaissement net, (2) à la cause de la perte, (3) à la nature dangereuse des marchandises et (4) à l'ordre de présentation de la preuve au procès.

[15]            La cause de l'incendie ne peut être déterminée que par l'appréciation de la preuve. Il s'agit donc d'une question de fait et la décision ne peut être modifiée que si une erreur manifeste et dominante est décelée.

[16]            Pour déterminer si la cargaison contenait des marchandises dangereuses, il faut appliquer le droit pertinent aux faits. Il s'agit donc d'une question mixte de fait et de droit. Il en est de même de la question concernant la réfutation de la présomption prima facie de bon état de la cargaison. Les questions de droit pouvant être séparées des faits, la Cour doit les examiner en fonction de la norme de la décision correcte, tout en examinant les conclusions de fait du juge de première instance afin de découvrir si une erreur manifeste et dominante a été commise.

[17]            L'ordre de présentation de la preuve au procès est énoncé dans les Règles et il est assujetti au pouvoir discrétionnaire judiciaire. Par conséquent, on ne devrait intervenir dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire judiciaire du juge de première instance que s'il a omis d'accorder suffisamment d'importance à toutes les considérations pertinentes.


Dispositions législatives pertinentes

Règles de La Haye (incorporées au droit canadien dans une annexe de la Loi sur le transport des marchandises par eau, L.R.C. 1985, ch. C-27 (maintenant les Règles de La Haye-Visby incorporées à l'annexe 3 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime, L.C. 2001, ch. 6))

Règle 3 de l'article III

3. Après avoir reçu et pris en charge les marchandises, le transporteur ou le capitaine ou agent du transporteur devra, sur demande du chargeur, délivrer au chargeur un connaissement portant, entre autres choses :

3. After receiving the goods into his charge, the carrier, or the master or agent of the carrier, shall, on demand of the shipper, issue to the shipper a bill of lading showing among other things

a) les marques principales nécessaires à l'identification des marchandises telles qu'elles sont fournies par écrit par le chargeur avant que le chargement de ces marchandises ne commence, pourvu que ces marques soient imprimées ou apposées clairement de toute autre façon sur les marchandises non emballées ou sur les caisses ou emballages dans lesquels les marchandises sont contenues, de telle sorte qu'elles devraient normalement rester visibles jusqu la fin du voyage;

(a) the leading marks necessary for identification of the goods as the same are furnished in writing by the shipper before the loading of such goods starts, provided such marks are stamped or otherwise shown clearly upon the goods if uncovered, or on the cases or coverings in which such goods are contained, in such a manner as should ordinarily remain legible until the end of the voyage;

b) ou le nombre de colis, ou de pièces, ou la quantité ou le poids, suivant les cas, tels qu'ils sont fournis par écrit par le chargeur;

(b) either the number of packages or pieces, or the quantity, or weight, as the case may be, as furnished in writing by the shipper;

c) ltat et le conditionnement apparents des marchandises. Cependant, aucun transporteur, capitaine ou agent du transporteur ne sera tenu de déclarer ou de mentionner, dans le connaissement, des marques, un nombre, une quantité ou un poids dont il a une raison sérieuse de soupçonner qu'ils ne représentent pas exactement les marchandises actuellement reçues par lui, ou qu'il n'a pas eu des moyens raisonnables de vérifier.

(c) the apparent order and condition of the goods:

Provided that no carrier, master or agent of the carrier shall be bound to state or show in the bill of lading any marks, number, quantity, or weight which he has reasonable ground for suspecting not accurately to represent the goods actually received or which he has had no reasonable means of checking.


Règle 4 de l'article III

4. Un tel connaissement vaudra présomption, sauf preuve contraire, de la réception par le transporteur des marchandises telles qu'elles y sont décrites, conformément aux alinéas 3a), b) et c).

4. Such a bill of lading shall be prima facie evidence of the receipt by the carrier of the goods as therein described in accordance with paragraphs 3(a), (b) and (c).

Règle 2 de l'article IV

2. Ni le transporteur ni le navire ne seront responsables pour perte ou dommage résultant ou provenant :

2. Neither the carrier nor the ship shall be responsible for loss or damage arising or resulting from

b) d'un incendie, à moins qu'il ne soit causé par le fait ou la faute du transporteur;

(b) fire, unless caused by the actual fault or privity of the carrier;

q) de toute autre cause ne provenant pas du fait ou de la faute du transporteur ou du fait ou de la faute des agents ou préposés du transporteur, mais le fardeau de la preuve incombera à la personne réclamant le bénéfice de cette exception et il lui appartiendra de montrer que ni la faute personnelle ni le fait du transporteur n'ont contribué à la perte ou au dommage.

(q) any other cause arising without the actual fault and privity of the carrier, or without the fault or neglect of the agents or servants of the carrier, but the burden of proof shall be on the person claiming the benefit of this exception to show that neither the actual fault or privity of the carrier nor the fault or neglect of the agents or servants of the carrier contributed to the loss or damage.

Règle 3 de l'article IV

3. Le chargeur ne sera pas responsable des pertes ou dommages subis par le transporteur ou le navire et qui proviendraient ou résulteraient de toute cause quelconque sans qu'il y ait acte, faute ou négligence du chargeur, de ses agents ou préposés.

3. The shipper shall not be responsible for loss or damage sustained by the carrier or the ship arising or resulting from any cause without the act, fault or neglect of the shipper, his agents or his servants.


Règle 6 de l'article IV

6. Les marchandises de nature inflammable, explosive ou dangereuse, à l'embarquement desquelles le transporteur, le capitaine ou l'agent du transporteur n'auraient pas consenti, en connaissant la nature ou leur caractère, pourront à tout moment, avant déchargement, être débarquées à tout endroit ou détruites ou rendues inoffensives par le transporteur, sans indemnité, et le chargeur de ces marchandises sera responsable de tout dommage et dépenses provenant ou résultant directement ou indirectement de leur embarquement.

6. Goods of an inflammable, explosive or dangerous nature to the shipment whereof the carrier, master or agent of the carrier has not consented, with knowledge of their nature and character, may at any time before discharge be landed at any place or destroyed or rendered innocuous by the carrier without compensation, and the shipper of such goods shall be liable for all damages and expenses directly or indirectly arising out of or resulting from such shipment.

Si quelqu'une de ces marchandises embarquées à la connaissance et avec le consentement du transporteur devenait un danger pour le navire ou la cargaison, elle pourrait de même façon être débarquée ou détruite ou rendue inoffensive par le transporteur, sans responsabilité de la part du transporteur, si ce n'est du chef d'avaries communes, s'il y a lieu.

If any such goods shipped with such knowledge and consent shall become a danger to the ship or cargo, they may in like manner be landed at any place or destroyed or rendered innocuous by the carrier without liability on the part of the carrier except to general average, if any.

Règlement sur les matériaux dangereux en vrac, DORS/87-24



10. (1) Le capitaine, le propriétaire ou la personne responsable du navire doit conserver à bord du navire :

a) un exemplaire de l'un des codes suivants :

(i) le Code OMI,

(ii) le Code des règles pratiques pour la sécurité du transport des cargaisons solides en vrac, TP 5761, publié par le ministère des Transports, édition 1984;

b) à un endroit facilement accessible et à la portée de tous les intéressés, les données nécessaires au transport en toute sécurité des matériaux dangereux à bord, y compris :

(i) un plan d'arrimage qui indique l'emplacement de la cargaison complète,

(ii) pour chacun des matériaux dangereux transportés :

(A) l'appellation technique du matériau et la classification qui lui a été attribuée par rapport au risque qu'elle représente, selon l'annexe I,

(B) les mesures à prendre ainsi que l'équipement se trouvant à bord et devant être utilisé si le matériau dangereux prend feu ou est menacé directement par un incendie,

(C) les précautions à prendre pour que personne ne soit blessé accidentellement.

(2) Le capitaine, le propriétaire ou la personne responsable du navire doit refuser de transporter des matériaux dangereux s'il ne dispose pas des données nécessaires pour assurer leur transport en toute sécurité ou ne peut obtenir la déclaration d'expédition de matériaux dangereux.

10. (1) Every master, owner or person in charge of a ship shall keep on board

(a) a copy of

(i) the IMO Code, or

(ii) the 1984 edition of the Code of Safe Practice for Solid Bulk Cargoes, TP 5761, published by the Department of Transport; and

(b) in an accessible place and available to all concerned, information giving the necessary data for the safe carriage of the dangerous materials being carried, which data shall include

(i) a cargo stowage plan indicating the location of all cargo on board, and

(ii) for every dangerous material carried,

(A) the technical name and hazard class of the material as set out in Schedule I,

(B) an outline of the action to be taken should the dangerous materials catch fire or become involved in a fire, including a list of the equipment carried on board the ship to be used by the people fighting the fire, and

(C) a list of the precautions to be taken to avoid accidental personal injury.

(2) Where the information necessary for the safe transportation of the dangerous materials is not available or where the Dangerous Materials Shipping Statement is not available, the master or owner of the ship or person in charge shall refuse to transport the dangerous materials.

Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7.

Article 4

4. La section de la Cour fédérale du Canada, appelée la Section de première instance de la Cour fédérale, est maintenue et dénommée « Cour fédérale » en français et « Federal Court » en anglais. Elle est maintenue à titre de tribunal additionnel de droit, d'equity et d'amirauté du Canada, propre à améliorer l'application du droit canadien, et continue d'être une cour supérieure d'archives ayant compétence en matière civile et pénale.

4. The division of the Federal Court of Canada called the Federal Court -- Trial Division is continued under the name "Federal Court" in English and "Cour fédérale" in French. It is continued as an additional court of law, equity and admiralty in and for Canada, for the better administration of the laws of Canada and as a superior court of record having civil and criminal jurisdiction.


Paragraphe 22(1)

22. (1) La Cour fédérale a compétence concurrente, en première instance, dans les cas -- opposant notamment des administrés -- où une demande de réparation ou un recours est présenté en vertu du droit maritime canadien ou d'une loi fédérale concernant la navigation ou la marine marchande, sauf attribution expresse contraire de cette compétence.

22. (1) The Federal Court has concurrent original jurisdiction, between subject and subject as well as otherwise, in all cases in which a claim for relief is made or a remedy is sought under or by virtue of Canadian maritime law or any other law of Canada relating to any matter coming within the class of subject of navigation and shipping, except to the extent that jurisdiction has been otherwise specially assigned.

Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106 (maintenant Règles des Cours fédérales, DORS/2004-283)

Règle 274

Ordre de présentation

274. (1) Sous réserve du paragraphe (2), à l'instruction d'une action, sauf directives contraires de la Cour :

Order of presentation

274. (1) Subject to subsection (2), at the trial of an action, unless the Court directs otherwise,

a) le demandeur fait un bref exposé préliminaire, puis présente sa preuve;

(a) the plaintiff shall make an opening address and then adduce evidence;

b) une fois que le demandeur a présenté sa preuve, le défendeur fait un bref exposé préliminaire, puis présente sa preuve;

(b) when the plaintiff's evidence is concluded, the defendant shall make an opening address and then adduce evidence; and

c) après que le défendeur a présenté sa preuve, le demandeur peut présenter une contre-preuve.

(c) when the defendant's evidence is concluded, the plaintiff may adduce reply evidence.

Règle 275

Preuve des faits

275. La Cour peut donner à l'instruction des directives sur la façon de prouver un fait ou de présenter un élément de preuve.

Directions re proof or evidence

275. The Court may give directions at trial concerning the method of proving a fact or of adducing evidence.


Règle 279

279. Sauf ordonnance contraire de la Cour, le témoignage d'un témoin expert recueilli à l'interrogatoire principal n'est admissible en preuve, à l'instruction d'une action, à l'égard d'une question en litige que si les conditions suivantes sont réunies :

[...]

279. Unless the Court orders otherwise, no evidence in chief of an expert witness is admissible at the trial of an action in respect of any issue unless

...

b) un affidavit ou une déclaration signée par le témoin expert et certifiée par un avocat, qui reproduit entièrement le témoignage, a été signifié aux autres parties au moins 60 jours avant le début de l'instruction;

(b) an affidavit, or a statement in writing signed by the expert witness and accompanied by a solicitor's certificate, that sets out in full the proposed evidence, has been served on all other parties at least 60 days before the commencement of the trial; and

c) le témoin expert est disponible à l'instruction pour être contre-interrogé.

(c) the expert witness is available at the trial for cross-examination.

Règle 281

281. Sauf avec l'autorisation de la Cour, une contre-preuve visant à réfuter la preuve contenue dans l'affidavit ou la déclaration visé à l'alinéa 279b) n'est admissible que si un affidavit ou une déclaration signée par le témoin expert et certifiée par un avocat énonçant la contre-preuve a été signifié aux autres parties au moins 30 jours avant le début de l'instruction.

281. Except with leave of the Court, no expert evidence to rebut evidence in an affidavit or statement served under paragraph 279(b) is admissible unless an affidavit, or a statement in writing signed by the expert witness and accompanied by a solicitor's certificate, setting out the rebuttal evidence has been served on all other parties at least 30 days before the commencement of the trial.

Fardeau de la preuve concernant l'état de la cargaison au moment du chargement

[18]            Les appelantes ont fait valoir que, comme le capitaine du navire a délivré un connaissement net, les granulés de luzerne sont présumés avoir été reçus en bon état et, en conséquence, il revient aux intimés d'expliquer la perte.


[19]            Le juge de première instance a rejeté cette prétention. Se fondant sur la preuve, il a considéré que « [b]ien que le connaissement soit net, il est clair qu'il était extrêmement difficile, sinon impossible, pour les personnes à bord du navire d'observer convenablement la condition des granulés de luzerne pendant leur chargement à bord du navire à Thunder Bay » .

[20]            Pour tirer cette conclusion, le juge de première instance devait examiner une question de droit, à savoir la présomption de bon état de la cargaison établie par la délivrance d'un connaissement net, et appliquer ensuite le droit aux faits de l'affaire.

[21]            Le droit relatif aux connaissements constituant une preuve prima facie de l'état apparent de la cargaison est prévu à la règle 4 de l'article III des Règles de La Haye. Selon cette disposition, un connaissement délivré conformément à la règle 3 de l'article III constitue une preuve prima facie de la réception par le transporteur des marchandises telles qu'elles y sont décrites.

[22]            Ainsi, en matière maritime, le demandeur doit d'abord démontrer que les marchandises ont été remises au transporteur en bon état apparent afin d'être livrées en produisant un connaissement net : Francosteel Corp. c. Fednav Ltd. (1990), 37 F.T.R. 184, [1990] A.C.F. no 810 (C.F. 1re inst.) (QL).


[23]            Un connaissement net constitue généralement une preuve prima facie du bon état apparent de la cargaison, mais il s'agit d'une présomption réfutable : Wirth Ltd. et al c. Belcan N.V. et al. (1996), 112 F.T.R. 81 (C.F. 1re inst.), [1996] A.C.F. no 603 (QL), au paragraphe 65.

[24]            L'alinéa 3c) de l'article III exige que le transporteur délivre un connaissement qui atteste seulement le bon état apparent des marchandises. En d'autres termes, le transporteur atteste qu'aucun dommage n'était visible après un examen raisonnable et pratique de la cargaison : Wirth Ltd., précité.

[25]            Ainsi, un connaissement net sert tout simplement de preuve réfutable de la présence ou de l'absence de dommages visibles au moment du chargement : American Risk Management Inc. c. APL Co. Pte. Ltd., 2002 CFPI 1023, au paragraphe 17.

[26]            Pour déterminer l'état apparent de la cargaison, le transporteur doit effectuer seulement un examen raisonnable et pratique dans les circonstances. Par conséquent, lorsque l'état apparent des marchandises ne peut être vérifié, par exemple parce que l'emballage empêche toute observation à cet égard avant l'expédition, un connaissement net ne sera pas une preuve prima facie suffisante : Francosteel Corp, précitée.


[27]            En outre, lorsque l'état apparent de la cargaison ne peut être discerné parce que le dommage est causé par une source non apparente, l'humidité par exemple, un connaissement net ne sera pas suffisant pour étayer la prétention du chargeur selon laquelle la cargaison était en bon état : Produits Alimentaires Grandma Ltée c. Zim Israel Navigation Co. (1988), 86 NR 39, [1988] A.C.F. no 24 (C.A.) (QL), au paragraphe 3.

[28]            En l'espèce, le capitaine et le premier lieutenant du navire ont tous deux indiqué dans leur témoignage que la cargaison a laissé échapper un épais nuage de poussière au moment de son chargement dans la cale no 4 du navire et que, même s'ils pouvaient voir les granulés de luzerne entrer dans la cale, un épais nuage de poussière nuisait à leur vision.

[29]            Le juge de première instance a reconnu qu'un connaissement net crée une présomption réfutable que le transporteur a reçu la cargaison en bon état. Il a cependant statué, après avoir considéré toute la preuve, notamment le rythme rapide de chargement de la cargaison, que, dans les circonstances, le connaissement net ne constituait pas une preuve prima facie que la cargaison était en bon état lors de son chargement.

[30]            Je ne peux déceler aucune erreur de principe dans la façon dont le juge de première instance a interprété et appliqué le droit. Je ne peux non plus trouver aucune erreur manifeste et dominante dans ses conclusions de fait relatives à cette question. Par conséquent, je ne modifierai pas sa décision sur ce point.


Cause de la perte

[31]            Le juge de première instance s'est ensuite penché sur la cause de la perte, indiquant qu'à son avis « la preuve nous amène à une seule conclusion : la combustion spontanée de la cargaison de luzerne est la véritable cause de la perte » .

[32]            Dans son examen des faits entourant l'origine de l'incendie, le juge de première instance a considéré la thèse des appelantes selon laquelle une cigarette avait pu causer la perte. Il a cependant écarté cette thèse après avoir pris connaissance de la preuve d'expert des intimés qui a conclu, sur la foi d'expériences faites en laboratoire, qu'il était très peu probable qu'une cigarette jetée ait pu être à l'origine de l'incendie.

[33]            Le juge de première instance a préféré la preuve d'expert des intimés, qui indiquait que la combustion spontanée était la cause probable de l'incendie, à celle des appelantes, qui a rejeté cette possibilité.

[34]            Après avoir examiné avec soin la preuve d'expert des deux parties, le juge de première instance a conclu qu' « il existe une preuve écrasante au soutien de l'opinion selon laquelle la cause probable de l'incendie est la combustion spontanée des granulés de luzerne » .


[35]            Je ne peux déceler aucune erreur manifeste et dominante dans la conclusion de fait du juge de première instance selon laquelle la perte a été causée par la combustion spontanée des granulés de luzerne.

Nature dangereuse des marchandises

[36]            Le juge de première instance a ensuite examiné la question de savoir si la cargaison de granulés de luzerne était dangereuse. Il est arrivé à la conclusion qu' « [i]l s'agissait en effet d'une cargaison dangereuse. Mal entreposée, elle pouvait s'enflammer et ainsi causer la perte du navire et d'autres cargaisons. »

[37]            Il faut, pour déterminer si une cargaison est dangereuse, trouver la définition juridique de l'adjectif « dangereuse » et l'appliquer ensuite aux faits car il s'agit d'une question mixte de droit et de fait.

[38]            Le juge de première instance a utilisé la définition de « dangereuse » établie dans Effort Shipping Co. c. Linden Management S.A. (The Giannis NK), [1998] A.C. 605 (C.L.), [1998] 1 Lloyd's Rep. 337, où la Chambre des lords a statué que l'on devait donner au mot « dangereuse » employé à la règle 6 de l'article IV des Règles de La Haye un sens large et non limité à des marchandises de nature inflammable ou explosive ou à des marchandises semblables.


[39]            En appliquant cette définition à la cargaison des appelantes, le juge de première instance a décidé que les granulés de luzerne constituaient une cargaison dangereuse. En se fondant sur cette constatation, il a conclu que les appelantes étaient responsables de la perte qu'elles avaient subie par suite de l'incendie parce qu'elles avaient expédié des marchandises dangereuses sans informer le transporteur de leur nature ou de leur caractère, contrairement à la règle 6 de l'article IV des Règles de La Haye.

[40]            Le juge de première instance a conclu que la preuve démontrait clairement que « les demanderesses n'ont pas donné de directives ni de renseignements aux défendeurs en ce qui concerne leur cargaison et, en particulier, n'ont pas informé les défendeurs de la nature inflammable des granulés de luzerne. Dans les circonstances, je ne peux que conclure à la responsabilité des demanderesses en vertu de la règle 6 de l'article IV » .

[41]            Pour ce qui est de la possibilité que la responsabilité imputée au propriétaire d'une cargaison par la règle 6 de l'article IV soit diminuée par les dispositions de la règle 3 de l'article IV, le juge de première instance s'est de nouveau référé à l'arrêt The Giannis NK de la Chambre des lords.


[42]            Dans The Giannis NK, la Chambre des lords a statué que la règle 6 de l'article IV impose au propriétaire d'une cargaison une responsabilité stricte. Le propriétaire d'une cargaison qui expédie une cargaison dangereuse sans avertir le transporteur sera tenu responsable de tout dommage causé à ce dernier ou à ses biens, que le propriétaire de la cargaison soit fautif ou non. La Chambre des lords a statué que la règle 6 de l'article IV est une disposition autonome qui vise spécifiquement les marchandises dangereuses et qui n'est assujettie à aucune autre règle.

[43]            Cette opinion concernant la règle 6 de l'article IV a aussi été adoptée par la Cour d'appel des États-Unis pour le deuxième circuit dans Senator Linie GMBH & Co. KG c. Sunway Ligne, Inc., et al., 2002 AMC 1217 (2nd Cir. 2002).

[44]            Le juge de première instance a statué que les appelantes « ont contrevenu à la règle 6 de l'article IV des Règles de La Haye pour avoir expédié une cargaison dangereuse dont la nature et le caractère étaient inconnus des défendeurs. En conséquence, les demanderesses sont responsables de tous dommages et de toutes dépenses occasionnés au navire et à ses propriétaires. »

[45]            Les appelantes prétendent que les intimés auraient consenti au transport de la cargaison même s'ils avaient été au courant de la véritable nature des marchandises parce que, même après avoir appris que les granulés de luzerne présentaient un danger, c'est-à-dire après l'incendie, ils ont accepté de transporter la cargaison à Prescott, où elle allait être débarquée du navire.


[46]            Cette prétention ne tient cependant pas compte du fait qu'après avoir été informés de la nature dangereuse de la cargaison, les intimés ont pris les précautions nécessaires pour éviter un autre incendie. Ce fait prouve non pas que les intimés auraient accepté la cargaison même s'ils avaient su qu'elle était dangereuse, mais plutôt que le transporteur aurait pris les précautions appropriées si seulement les appelantes les avaient informés de la nature dangereuse de la cargaison au moment du chargement.

[47]            Les appelantes prétendent également que les intimés auraient dû savoir que la cargaison était dangereuse. Ils font valoir que les intimés auraient appris que les granulés de luzerne étaient considérés comme des marchandises dangereuses s'ils avaient consulté le Code des règles pratiques pour la sécurité du transport des cargaisons solides en vrac de l'Organisation maritime internationale (Code OMI) pour l'année 1987.

[48]            Les intimés soutiennent de leur côté qu'à l'époque du transport de la cargaison, le paragraphe 10(1) du Règlement sur les matériaux dangereux en vrac, DORS/87-24, exigeait des capitaines qu'ils aient à bord de leur navire soit le Code OMI soit l'édition de 1984 du Code des règles pratiques pour la sécurité du transport des cargaisons solides en vrac, TP 5761, publié par le ministère des Transports. C'est ce dernier document qui se trouvait à bord du navire des intimés lorsque les granulés de luzerne y ont été chargés en 1989.


[49]            Contrairement au Code OMI, l'édition de 1984 du Code des règles pratiques pour la sécurité du transport des cargaisons solides en vrac ne plaçait pas les granulés de luzerne dans la catégorie des marchandises dangereuses. Le capitaine du navire n'était pas tenu d'avoir à bord à la fois un exemplaire du Code OMI et un exemplaire du Code des règles pratiques pour la sécurité du transport des cargaisons solides en vrac. En conséquence, comme s'il s'est fondé uniquement sur ce dernier code, le capitaine du navire n'avait aucun moyen de savoir que les granulés de luzerne étaient des marchandises dangereuses.

[50]            Par conséquent, la prétention des appelantes selon laquelle elles n'avaient pas l'obligation d'avertir les intimés parce que ceux-ci auraient dû connaître le caractère dangereux des granulés de luzerne est sans fondement.

[51]            Je ne peux déceler aucune erreur de principe dans la façon dont le juge de première instance a interprété et appliqué le droit ni d'erreur manifeste et dominante dans ses conclusions de fait. Par conséquent, je ne modifierai pas sa décision sur cette question. En outre, en conformant son interprétation de la règle 6 de l'article IV à celles de la Cour d'appel des États-Unis et de la Chambre des lords, la Cour assure la promotion de l'important objectif que constitue l'application uniforme du droit maritime partout dans le monde.

Ordre de présentation de la preuve au procès


[52]            Les demandes en matière maritime relèvent de la compétence de la Cour fédérale en vertu de l'article 4 et du paragraphe 22(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7. Comme toutes les procédures devant la Cour fédérale, ces demandes sont assujetties aux règles de procédure prévues par les Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106 (maintenant les Règles des Cours fédérales, DORS/2004-283).

[53]            Le paragraphe 274(1) des Règles décrit l'ordre de présentation de la preuve des parties. Le demandeur expose d'abord l'ensemble de sa thèse, suivi du défendeur. Lorsque ce dernier a présenté sa preuve, le demandeur peut, dans les circonstances appropriées, présenter une contre-preuve.

[54]            La règle 275 prévoit que la Cour peut donner à l'instruction des directives sur la façon de prouver un fait ou de présenter un élément de preuve.

[55]            Si une partie entend appeler un expert à témoigner, la règle 279 exige que la preuve de l'expert soit exposée dans une déclaration écrite et signifiée à toutes les autres parties au moins 60 jours avant le début de l'instruction.

[56]            La règle 281 exige que la contre-preuve d'un expert soit aussi exposée dans une déclaration écrite et signifiée à toutes les parties au moins 30 jours avant le début de l'instruction.

[57]            Ainsi, le témoignage d'un expert - preuve ou contre-preuve - n'est admissible que s'il a été consigné par écrit et signifié à toutes les parties en conformité avec la règle 279 ou 281, sauf avec l'autorisation de la Cour.


[58]            Au procès, lorsque l'avocat des appelantes lui a dit qu'il avait l'intention de terminer sa démonstration sans faire témoigner son expert, le juge de première instance a indiqué qu'il était d'avis que l'avocat devait exposer sa thèse en entier, ce qui incluait faire témoigner son expert. Il a ajouté que l'avocat des intimés formulerait probablement une objection si l'avocat des appelantes essayait de faire témoigner son expert en réplique. L'avocat des intimés a indiqué qu'il élèverait certainement une objection, étant donné en particulier que l'avocat des appelantes n'avait pas déposé un rapport en contre-preuve, comme l'exigeaient les Règles de la Cour fédérale (1998).

[59]            L'avocat des appelantes a accepté de faire témoigner son expert à l'interrogatoire principal, tout en indiquant qu'il se réservait le droit de le rappeler en réplique.

[60]            Par la suite, l'avocat des appelantes a bien tenté de faire témoigner son expert en réplique aux experts des intimés, ce à quoi ces derniers se sont opposés au motif que, suivant la règle 281 des Règles de la Cour fédérale (1998), les appelantes n'avaient pas le droit d'appeler leur expert en réplique parce qu'elles n'avaient pas signifié un « rapport en contre-preuve » au moins 30 jours avant le début de l'instruction comme elles étaient tenues de le faire.


[61]            Le juge de première instance a maintenu l'objection des intimés, indiquant que la règle 281 prévoyait clairement qu'une contre-preuve d'expert n'était admissible que si un affidavit ou une déclaration écrite énonçant cette contre-preuve avait été signifié à l'autre partie au moins 30 jours avant le début de l'instruction ou avec l'autorisation de la Cour. Comme les appelantes n'avaient pas signifié une telle déclaration, le juge de première instance a conclu que le témoignage d'expert était inadmissible à cette étape de l'instance.

[62]            Le juge de première instance a souligné que l'expert des appelantes avait bénéficié de plus de trois mois pour lire les rapports des experts des intimés et qu'il avait eu largement le temps de préparer et de déposer un rapport en contre-preuve pour répondre à l'un ou l'autre des points soulevés par les experts des intimés.

[63]            Dans un article intitulé « The Burden and Order of Proof in Marine Cargo Claims » (disponible en ligne à l'adresse suivante : http://upload.mcgill.ca/maritimelaw/burden.pdf), le professeur William Tetley a écrit, à la page 42, qu'aucune partie ne peut retarder la présentation d'éléments de preuve parce qu'ils n'ont besoin d'être prouvés que plus tard au cours de l'instance :

[traduction] Lorsqu'ils présentent leur preuve devant une cour de common law, cependant, le demandeur et le défendeur doivent se conformer aux règles de procédure qui s'appliquent à la cour concernée. Ces règles fixent l'ordre de présentation de la preuve (c'est-à -dire l'ordre dans lequel chaque partie à une poursuite doit présenter sa preuve et la manière dont elle doit le faire). Les règles des cours de common law exigent habituellement que chaque partie à une poursuite expose l'ensemble de sa thèse en une seule fois. En premier lieu, le demandeur présente toute sa preuve au soutien de sa demande, après quoi le défendeur présente toute sa preuve au soutien de sa défense. Le demandeur peut ensuite produire une contre-preuve qui contredit la défense du transporteur. Aucune partie ne peut ainsi valablement retarder la présentation de certains éléments de preuve au procès parce que, selon l'ordre de présentation de la preuve prévu par les Règles de La Haye ou les Règles de La Haye-Visby, tel fait ou telle allégation doit être prouvé par l'autre partie ou n'a besoin dtre prouvé que plus tard au cours de l'instance.


[64]            Le juge de première instance a examiné et rejeté les arguments des avocats des appelantes selon lesquels leur demande et la demande reconventionnelle des intimés devraient être traitées comme deux instances distinctes dans le cadre de la même audience. Après avoir soupesé les observations des deux parties, il a également décidé de ne pas accorder aux appelantes l'autorisation de présenter le rapport de leur expert en contre-preuve.

[65]            Le juge de première instance avait le pouvoir discrétionnaire de décider de l'ordre de présentation de la preuve et de refuser d'accorder l'autorisation de présenter la contre-preuve d'un expert au procès. En outre, c'est pour des raisons d'économie judiciaire que la demande et la demande reconventionnelle ont été entendues ensemble, la preuve étant commune aux deux. Il était toujours loisible aux appelantes de demander que les deux demandes soient entendues séparément si elles le jugeaient nécessaire.

[66]            Selon le dossier, le juge de première instance a exercé judiciairement son pouvoir discrétionnaire. Par conséquent, rien ne justifie une modification de sa décision.


Conclusion

[67]            Les appelantes n'ont pas réussi à démontrer des motifs permettant d'infirmer le jugement du juge de première instance. Je rejetterais donc l'appel avec dépens.

                 « J. Richard »                 

Juge en chef                  

« Je suis d'accord.

Robert Décary, j.c.a. »

« Je suis d'accord.

Gilles Létourneau, j.c.a. »

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                    A-436-03

(APPEL D'UN JUGEMENT DU JUGE NADON, ALORS JUGE DE LA COUR FÉDÉRALE, DATÉ DU 7 JUILLET 2003 (2003 CF 837))

INTITULÉ :                                                    ELDERS GRAIN COMPANY LIMITED et al.

c. LE NAVIRE M/V « RALPH MISENER » et al.

LIEU DE L'AUDIENCE :                             MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 17 FÉVRIER 2005

MOTIFS DU JUGEMENT :                         LE JUGE EN CHEF RICHARD

Y ONT SOUSCRIT :                          LE JUGE DÉCARY

LE JUGE LÉTOURNEAU

DATE DES MOTIFS :                                   LE 15 AVRIL 2005

COMPARUTIONS :

Normand Laurendeau et D. Andrew Penhale

POUR LES APPELANTES

John G. O'Connor et Jean Grégoire

POUR LES INTIMÉS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

ROBINSON SHEPPARD SHAPIRO

Montréal (Québec)

POUR LES APPELANTES

LANGLOIS GAUDREAU O'CONNOR

Québec (Québec)

POUR LES INTIMÉS


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