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Date : 20030702

Dossier : A-559-02

Référence : 2003 CAF 294

CORAM    :      LE JUGE LINDEN

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

ENTRE :

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                       appelante

                                                                                   et

                                                   ANCHOR POINTE ENERGY LTD.

                                                                                                                                                           intimée

                          Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 4 juin 2003.

                                     Jugement prononcé à Ottawa (Ontario), le 2 juillet 2003.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                  LE JUGE ROTHSTEIN

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                                    LE JUGE LINDEN

                                                                                                                                       LE JUGE SEXTON


Date : 20030702

Dossier : A-559-02

Référence : 2003 CAF 294

CORAM    :      LE JUGE LINDEN

LE JUGE ROTHSTEIN

LE JUGE SEXTON

ENTRE :

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                                       appelante

                                                                                   et

                                                   ANCHOR POINTE ENERGY LTD.

                                                                                                                                                           intimée

                                                           MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE ROTHSTEIN

[1]                 Les questions en litige dans les présents appel et appel incident, interjetés à l'encontre d'une décision interlocutoire du juge Rip de la Cour canadienne de l'impôt, 2002 D.T.C. 2071, concernent deux aspects des actes de procédure, en appel en matière d'impôt, de la Couronne.


[2]                 La question soulevée par l'appel de la Couronne est celle de savoir si les actes de procédure de celle-ci devant la Cour de l'impôt peuvent inclure des hypothèses tirées par le ministre du Revenu national lorsqu'il a ratifié une nouvelle cotisation en vertu du paragraphe 163(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.). Les faits en cause dans un appel en matière fiscale, le contribuable en a une connaissance particulière. La Couronne a pour pratique de divulguer dans ses actes de procédure les hypothèses de fait sur lesquelles le ministre s'est fondé pour établir le montant de la dette fiscale. Lorsque les hypothèses sont plaidées, le fardeau de preuve est renversé et il incombe alors au contribuable de les réfuter (se reporter à Pollock c. La Reine (1993), 94 D.T.C. 6050, à la page 6053 des motifs du juge Hugessen (tel était alors son titre)). Il importe, par conséquent, d'établir si l'on peut ou non inclure dans les actes de procédure de la Couronne les hypothèses tirées lorsque le ministre a ratifié une nouvelle cotisation.

[3]                 La question soulevée dans l'appel incident d'Anchor Pointe Energy Ltd. (Anchor Pointe) est celle de savoir si les actes de procédure de la Couronne peuvent ou non comporter un fondement ou un argument nouveau, ayant sa source après la période normale de nouvelle cotisation, à l'appui de la ratification d'une nouvelle cotisation. En l'espèce, le ministre a ratifié sa nouvelle cotisation initiale en se fondant sur une décision de notre Cour, rendue quelque cinq années après l'expiration de la période normale de la nouvelle cotisation. Il s'agissait d'un fondement ou argument additionnel, s'ajoutant au fondement invoqué par le ministre lorsqu'il a initialement établi la nouvelle cotisation de l'appelant. La question en litige est celle de savoir si, après la période normale de nouvelle cotisation, le ministre pouvait s'appuyer sur un fondement ou argument nouveau, qu'il n'avait pas invoqué lorsqu'il a initialement établi la nouvelle cotisation du contribuable, pour ratifier la nouvelle cotisation.


LES FAITS

La nouvelle cotisation

[4]                 Le 28 octobre 1991, cinq sociétés remplacées par Anchor Pointe ont acquis des données sismiques; chacune a déduit des frais d'exploration au Canada (FEC) pour son année d'imposition 1991. Le 4 décembre 1991, ces cinq sociétés ont fusionné pour créer Anchor Pointe. Le 17 février 1994 à l'égard d'une société remplacée et le 4 mars 1994 à l'égard des autres sociétés remplacées, pendant la période normale de nouvelle cotisation aux termes du paragraphe 152(3.1) de la Loi, le ministre a établi une nouvelle cotisation pour les cinq sociétés remplacées. Le ministre a réduit leurs déductions de FEC, étant d'avis que la juste valeur marchande des données sismiques était inférieure à celle en fonction de laquelle les déductions avaient été demandées.

Les avis de ratification

[5]                 Anchor Pointe a déposé des avis d'opposition les 10 et 14 mars 1994 à l'égard des nouvelles cotisations des sociétés remplacées. Les oppositions sont demeurées en suspens en attendant la décision de notre Cour dans l'affaire Global Communications Limited c. La Reine, 99 D.T.C. 5377 (C.A.F.) (Global). La décision en cause a été rendue le 18 juin 1999. Elle ne traitait pas de la question de la juste valeur marchande, soit le fondement de la nouvelle cotisation initiale du ministre. On a plutôt statué que les frais relatifs à des données sismiques achetées pour fins de revente ou d'octroi de permis ne sont pas admissibles comme FEC au sens de l'alinéa 66.1(6)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu.


[6]                 Au moyen d'avis de ratification datés du 28 mars 2000, le ministre a ratifié ses nouvelles cotisations antérieures, pour les motifs suivants :

[traduction]

Des données sismiques achetées pour fins de revente ou d'octroi de permis ne sont pas admissibles au titre de frais d'exploration au Canada ( « FEC » ) au sens de l'alinéa 66.1(6)a) de la Loi.

De plus, même si les activités répondaient au critère de l'objet qui est énoncé à l'alinéa 66.1(6)a) de la Loi, vous n'avez pas établi que les données sismiques en cause avaient la juste valeur marchande de [le montant réclamé par chaque société remplacée par Anchor Pointe] que vous aviez indiquée.

[7]                 Anchor Pointe a interjeté appel devant la Cour de l'impôt.

La réponse à l'avis d'appel

[8]                 Dans la réponse à l'avis d'appel figurent les hypothèses sur lesquelles le ministre s'est fondé, y compris les hypothèses découlant de la décision Global. La réponse prévoit plus particulièrement ce qui suit, au paragraphe 10 :

[traduction]

En établissant de nouvelles cotisations, le ministre s'est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

[...]

q)            API, APII, APIII, APIV et APV n'ont pas acheté les données sismiques en vue de déterminer l'existence, la localisation, l'étendue ou la qualité d'un gisement de pétrole ou de gaz;

r)            Les données sismiques n'ont pas été utilisées pour fins d'exploration;

[...]


z)            Les données sismiques achetées par API, APII, APIII, APIV et APV ne sont pas admissibles au titre des frais d'exploration au Canada ( « FEC » ) au sens de l'alinéa 66.1(6)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ).

[9]                 Il est énoncé spécifiquement au paragraphe 11 de la réponse que le ministre - en admettant une déduction au titre des FEC - s'est trompé dans les nouvelles cotisations établies pour les sociétés remplacées. Voici ce paragraphe 11 :

[traduction]

11.      En réponse à l'avis d'appel dans son ensemble, il [le procureur général du Canada] dit que le ministre - en admettant une déduction au titre des FEC - s'est trompé dans les nouvelles cotisations établies pour les années d'imposition 1991 d'API, APII, APIII, APIV et APV. Voici ce qu'il considère maintenant :

a)            les sommes engagées relativement à l'achat des données sismiques ont été engagées par API, APII, APIII, APIV et APV non pas en vue de déterminer l'existence, la localisation, l'étendue ou la qualité d'un gisement de pétrole ou de gaz, mais en vue d'obtenir une déduction d'impôt;

b)            en permettant la déduction de sommes équivalant à la juste valeur marchande des données sismiques achetées par API, APII, APIII, APIV et APV, le ministre a sous-évalué le revenu d'API, APII, APIII, APIV et APV.

[10]            Le paragraphe 12 énumère les questions en litige dans le cadre de l'appel. L'alinéa 12b) prévoit ce qui suit :

[traduction]

12.      Dans cet appel, les questions sont de savoir :

                                                                 [...]

b)            si les « corporations » remplacées par l'appelante ont droit à des déductions de FEC et, dans l'affirmative, quel devrait en être le montant.


[11]            Selon le paragraphe 15, les dépenses engagées par les sociétés remplacées par Anchor Pointe n'étaient pas des FEC :

[traduction]

15.      [Le procureur général] soutient que les dépenses engagées relativement à l'achat des données sismiques ne l'ont pas été par API, APII, APIII, APIV et APV en vue de déterminer l'existence, la localisation, l'étendue ou la qualité d'un gisement de pétrole ou de gaz naturel et elles n'étaient pas des FEC au sens du paragraphe 66.1(6) de la Loi.

[12]            Selon le paragraphe 16, Anchor Pointe n'aurait dû obtenir aucune déduction de FEC :

[traduction]

16.     En outre, [le procureur général] soutient que les dépenses engagées relativement à l'achat des données sismiques l'ont été pour permettre à API, APII, APIII, APIV et APV d'obtenir une déduction d'impôt, et que le ministre s'est trompé en permettant une déduction de FEC en raison de l'achat des données sismiques.

[13]            On demande uniquement dans la réponse que l'appel interjeté par Anchor Pointe soit rejeté. En d'autres termes, si Anchor Pointe n'a pas gain de cause dans son appel devant la Cour de l'impôt, il n'en résultera que la réduction des déductions de FEC pour tenir compte de la nouvelle cotisation du ministre fondée sur la juste valeur marchande. La Couronne déclare qu'il en est ainsi parce que le ministre est d'avis qu'on ne peut établir une nouvelle cotisation pour augmenter l'impôt payable par un contribuable après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation.


La requête d'Anchor Pointe devant le juge Rip

[14]            Anchor Pointe a demandé au juge Rip que soient supprimés de la réponse les hypothèses et les faits apparaissant pour la première fois une fois que la nouvelle cotisation avait été confirmée, soit les hypothèses et faits découlant de l'application de la décision Global.

[15]            Le juge Rip a conclu que la Couronne n'a pas allégué correctement les hypothèses qui ont été énoncées en premier lieu dans les avis de ratification du ministre et que, par conséquent, elle ne pouvait les inclure dans la réponse. Toutefois, l'énoncé des allégations de fait découlant de l'application de la décision Global pouvait demeurer dans la réponse.

L'appel et l'appel incident devant notre Cour

[16]            La Couronne en appelle de la suppression des alinéas 10q), r) et z) - les hypothèses découlant de l'application de la décision Global.

[17]            Anchor Pointe interjette un appel incident à l'encontre du refus du juge Rip de supprimer le reste de la réponse où sont énoncées les allégations de fait concernant le critère prévu dans Global relativement aux déductions de FEC.

[18]            Je suis convaincu que l'appel et l'appel incident devraient être rejetés.


L'APPEL

[19]            Voici les premiers mots du paragraphe 10, relatif aux hypothèses, de la réponse : « [traduction] En établissant de nouvelles cotisations, le ministre s'est fondé sur les hypothèses de fait suivantes [...] » . Le juge Rip a supprimé les alinéas 10q), r) et z) parce que les hypothèses énoncées ne découlaient pas des nouvelles cotisations du ministre. Elles étaient plutôt postérieures au dépôt par Anchor Pointe d'avis d'opposition et à la ratification par le ministre des nouvelles cotisations. Le juge Rip explique la distinction à établir entre une cotisation (qui comprend une nouvelle cotisation, en vertu du paragraphe 248(1)) et une ratification, au paragraphe 27 de ses motifs :

Les alinéas 10q), r) et z) de la réponse devraient être supprimés. Contrairement à ce qu'affirme le procureur général, il n'est pas vrai que, en établissant la cotisation, le ministre s'est fondé sur les hypothèses de fait formulées dans ces alinéas. Cela représente à mon avis un recours abusif à la Cour. Le processus de cotisation peut inclure à la fois l'établissement de la cotisation et le réexamen de celle-ci pouvant conduire à une ratification de cotisation, mais la mention d'une cotisation proprement dite est la mention d'une mesure administrative distincte d'une ratification.


[20]            La question qui se soulève en est simplement une d'exactitude des actes de procédure. Le juge Rip a déclaré qu'en ce qui concerne les actes de procédure, les alinéas 10 q), r) et z) étaient inexacts lorsqu'on y déclarait : « En établissant de nouvelles cotisations, le ministre s'est fondé sur les hypothèses de fait suivantes [...] » . L'avocate de la Couronne reconnaît que les hypothèses formulées aux alinéas 10q), r) et z) sont apparues pour la première fois lors de la ratification par le ministre des nouvelles cotisations. Elle ne dit pas que les hypothèses sont apparues à l'étape de l'établissement des nouvelles cotisations. Il s'ensuit donc, comme le juge Rip l'a conclu, qu'il est inexact, en regard des alinéas 10q), r) et z), d'alléguer qu' « [e]n établissant de nouvelles cotisations, le ministre s'est fondé sur les hypothèses de fait suivantes [...] » .

[21]            La Couronne soutient que les mots « [traduction] En établissant de nouvelles cotisations » au paragraphe 10 s'entendent du « [traduction] processus d'établissement de l'impôt à payer » . Le ministre peut considérer que le processus dans son ensemble, à compter de sa première action après le dépôt d'une déclaration jusqu'à sa dernière - en l'occurrence la ratification d'une nouvelle cotisation -, constitue le processus d'établissement de l'impôt à payer. La Loi de l'impôt sur le revenu, toutefois, prévoit des actions spécifiques que le ministre peut prendre, soit l'établissement d'une cotisation, l'établissement d'une nouvelle cotisation et la ratification. La Loi ne recourt pas à l'expression « processus d'établissement de l'impôt à payer » .

[22]            L'établissement d'une nouvelle cotisation et la ratification sont des actions distinctes que le ministre exerce. Il découle d'une nouvelle cotisation la modification d'une cotisation ou d'une nouvelle cotisation antérieure. Il découle d'une ratification que la cotisation ou la nouvelle cotisation antérieure demeure inchangée. La Couronne induit en erreur en affirmant que le ministre s'est fondé sur certaines hypothèses en établissant une nouvelle cotisation, alors qu'il l'a plutôt fait en ratifiant une nouvelle cotisation.


[23]            Alléguer l'existence d'hypothèses confère comme avantage important à la Couronne de renverser le fardeau de preuve, de sorte que le contribuable doive réfuter les hypothèses du ministre. Les faits allégués comme hypothèses doivent être précis et exacts afin que le contribuable sache bien clairement ce qu'il lui faudra prouver. Il n'y a aucune raison pour que l'exigence de précision et d'exactitude ne s'applique pas à l'énoncé exact par la Couronne des circonstances ayant donné lieu aux hypothèses, soit l'établissement d'une cotisation, l'établissement d'une nouvelle cotisation ou la ratification d'une cotisation. Pour ces motifs, c'est à juste titre que le juge Rip a conclu que les alinéas 10q), r) et z) étaient inexacts et qu'il fallait les supprimer de la réponse.

[24]            Le juge Rip a supprimé l'alinéa 10z) pour un motif additionnel. Il estimait que cet alinéa représentait « une de ces conclusions de droit qui n'ont pas leur place parmi les hypothèses de fait du ministre » .

[25]            J'estime également que les déclarations ou conclusions juridiques n'ont pas leur place dans l'énoncé des hypothèses de fait du ministre. Il en découlerait pour le contribuable le fardeau de réfuter une déclaration ou conclusion juridique et, bien sûr, cela ne doit pas être. Le critère juridique à appliquer n'a pas à être prouvé par les parties comme s'il s'agissait d'un fait. Les parties doivent présenter leurs arguments relativement au critère juridique, mais c'est à la Cour qu'il incombe en bout de ligne de trancher les questions de droit.


[26]            Toutefois, il serait plus exact de qualifier l'hypothèse formulée à l'alinéa 10z) de conclusion mixte de fait et de droit. La conclusion selon laquelle des données sismiques achetées ne sont pas admissibles au titre de FEC au sens de l'alinéa 66.1(6)a) requiert d'appliquer le droit aux faits. L'alinéa 66.1(6)a) énonce le critère à respecter pour qu'une déduction au titre de FEC soit admissible. Pour décider si l'achat de données sismiques en l'espèce satisfait à ce critère, il faut établir si les faits y satisfont ou non. Le ministre peut présumer les éléments de fait d'une conclusion mixte de fait et de droit. S'il souhaite le faire, toutefois, il devra extraire les éléments de fait présumés, de façon à ce que le contribuable sache exactement quelles hypothèses de fait il doit réfuter pour avoir gain de cause. Il ne convient pas que les faits présumés soient enfouis dans une conclusion mixte de fait et de droit.

[27]            En l'espèce, il semble que les hypothèses que renferment les alinéas 10q) et r) constituent les éléments de fait de la conclusion mixte de droit et de fait de l'alinéa 10z). Si la conclusion de l'alinéa 10z) comporte d'autres éléments de fait, le ministre aurait dû les extraire et les énoncer explicitement.

[28]            Si les alinéas 10q) et r) avaient été allégués correctement, on ne pourrait s'y objecter. Toutefois, les alinéas 10q), r) et z) n'ont pas été allégués de manière exacte. Le juge Rip les a supprimés à juste titre. Comme le révèle la lecture de ses motifs, les seules raisons pour lesquelles le juge Rip a supprimé les alinéas 10q), r) et z) étaient l'inexactitude et l'allégation de conclusions de droit. Selon moi, il n'a pas dit qu'on ne pouvait alléguer les hypothèses de fait formulées en ratifiant une nouvelle cotisation. Le ministre peut tirer des hypothèses de fait, après avoir lu l'avis d'opposition déposé par un contribuable ou une affaire tranchée subséquemment, comme Global. Il n'y a aucun motif, selon moi, pour qu'on ne puisse inclure de telles hypothèses dans la réponse de la Couronne. Il faut toutefois alléguer ces hypothèses de manière exacte.


L'APPEL INCIDENT

La suppression d'éléments des actes de procédure

[29]            Dans son appel incident, Anchor Pointe affirme que le juge Rip aurait dû supprimer tous les renvois, dans la réponse, à des questions survenues après ses avis d'opposition et figurant pour la première fois dans les avis de ratification du ministre. L'argument soulevé, c'est que l'exigence découlant de la décision Global, selon laquelle les données sismiques doivent être utilisées à des fins d'exploration et non de revente ou d'octroi de permis pour être admissibles au titre de FEC, constitue un nouveau fondement pour l'établissement d'une cotisation pour Anchor Pointe. La Couronne ne pourrait faire valoir ce nouveau fondement parce que les avis de ratification en l'espèce ont été délivrés en 2000, soit bien après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation prévue au paragraphe 152(3.1).

[30]            Le paragraphe 152(9) prévoit ce qui suit :

(9) Le ministre peut avancer un nouvel argument à l'appui d'une cotisation après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation, sauf si, sur appel interjeté en vertu de la présente loi :

a) d'une part, il existe des éléments de preuve que le contribuable n'est plus en mesure de produire sans l'autorisation du tribunal;

b) d'autre part, il ne convient pas que le tribunal ordonne la production des éléments de preuve dans les circonstances. [Je souligne]

(9) The Minister may advance an alternative argument in support of an assessment at any time after the normal reassessment period unless, on an appeal under this Act

(a) there is relevant evidence that the taxpayer is no longer able to adduce without the leave of the court; and

(b) it is not appropriate in the circumstances for the court to order that the evidence be adduced. [Emphasis added]


Anchor Pointe affirme que le paragraphe 152(9) n'est pas applicable parce qu'il vise un nouvel argument et non un nouveau fondement pour une cotisation.

[31]            Le juge Rip a conclu qu'une fois un avis d'opposition déposé auprès du ministre, la période normale de nouvelle cotisation se poursuit jusqu'à ce que le ministre pose l'une des quatre actions décrites au paragraphe 165(3) - annuler, ratifier ou modifier la cotisation ou établir une nouvelle cotisation. Il a conclu que, par suite, le nouveau fondement invoqué par le ministre à l'appui de sa nouvelle cotisation avait été établi et divulgué dans les avis de confirmation pendant la période normale de nouvelle cotisation.

[32]            Le paragraphe 165(3) prévoit ce qui suit :

(3) Sur réception de l'avis d'opposition, le ministre, avec diligence, examine de nouveau la cotisation et l'annule, la ratifie ou la modifie ou établit une nouvelle cotisation. Dès lors, il avise le contribuable de sa décision par écrit.

(3) On receipt of a notice of objection under this section, the Minister shall, with all due dispatch, reconsider the assessment and vacate, confirm or vary the assessment or reassess, and shall thereupon notify the taxpayer in writing of the Minister's action.

Le paragraphe 165(5) prévoit pour sa part ce qui suit :

(5) Les restrictions prévues aux paragraphes 152(4) et (4.01) ne s'appliquent pas aux nouvelles cotisations établies en vertu du paragraphe (3).

(5) The limitations imposed under subsections 152(4) and 152(4.01) do not apply to a reassessment made under subsection 165(3).


[33]            Je ne puis partager l'avis du juge Rip selon lequel la période normale de nouvelle cotisation reste en suspens ou est prolongée jusqu'à ce que le ministre pose une action en vertu du paragraphe 165(5). Il découlerait d'une telle interprétation que, parce qu'un contribuable dépose un avis d'opposition, le ministre dispose d'un délai illimité pour établir une nouvelle cotisation à son endroit et augmenter le montant d'impôt qu'il doit payer, après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation.

[34]            L'avocate de la Couronne concède que le ministre ne peut augmenter l'impôt à payer une fois expirée la période normale de nouvelle cotisation. Je partage l'avis de l'avocate. Comme elle le souligne, le paragraphe 152(5) prévoit en effet ce qui suit :

5) N'est pas à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition en vue de l'établissement, après la période normale de nouvelle cotisation qui lui est applicable pour l'année, d'une cotisation, d'une nouvelle cotisation ou d'une cotisation supplémentaire en vertu de la présente partie le montant qui n'a pas été inclus dans le calcul de son revenu en vue de l'établissement, avant la fin de cette période, d'une cotisation, d'une nouvelle cotisation ou d'une cotisation supplémentaire en vertu de cette partie.

(5) There shall not be included in computing the income of a taxpayer for a taxation year, for the purpose of an assessment, reassessment or additional assessment made under this Part after the taxpayer's normal reassessment period in respect of the year, any amount that was not included in computing the taxpayer's income for the purpose of an assessment, reassessment or additional assessment made under this Part before the end of the period.

[35]            À mon avis, le paragraphe 165(5) autorise le ministre à établir une nouvelle cotisation après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation lorsqu'un avis d'opposition a été déposé, mais pas de manière à inclure dans le revenu du contribuable des sommes qui n'étaient pas incluses dans une cotisation ou une nouvelle cotisation établie pendant la période normale de la nouvelle cotisation.


[36]            En l'espèce, le ministre a ratifié la nouvelle cotisation d'Anchor Pointe après la période normale de la nouvelle cotisation. La question à trancher est donc celle de savoir s'il pouvait s'appuyer sur la décision Global comme fondement ou argument nouveau pour l'établissement d'une nouvelle cotisation.

[37]            Le paragraphe 152(9) autorise le ministre à faire valoir un nouvel argument à l'appui d'une cotisation après l'expiration de la période normale de la nouvelle cotisation. On ne laisse pas entendre en l'espèce qu'Anchor Pointe n'est plus en mesure de produire des éléments de preuve pertinents relativement au fondement ou à l'argument nouveau du ministre. Par conséquent, si la décision Global constitue un fondement ou un argument nouveau à l'appui de la nouvelle cotisation, le ministre peut la faire valoir même si cela n'a pas été fait avant l'expiration de la période normale de la nouvelle cotisation.

[38]            Anchor Pointe tente d'établir une distinction entre un nouveau fondement pour une cotisation et un nouvel argument à l'appui d'une cotisation. Je ne trouve pas utile cette argumentation sémantique. La question qui se pose est celle de savoir si le ministre vise, en s'appuyant sur la décision Global, à faire croître le montant du revenu d'Anchor Pointe qui n'était pas inclus dans une cotisation ou une nouvelle cotisation établie pendant la période normale de nouvelle cotisation.


[39]            Le ministre ne le visait pas, à mon avis. La présente affaire diffère d'autres, comme Pedwell c. La Reine, 2000 D.T.C. 6050 (C.A.F.), où le ministre avait visé à prendre en compte des transactions différentes de celles ayant servi de fondement aux nouvelles cotisations établies pendant la période de la nouvelle cotisation. Je ne dis pas que la seule chose que le ministre ne peut faire après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation c'est prendre en compte d'autres transactions. Tout ce qui ferait augmenter l'impôt à payer par rapport à ce qui devrait l'être à la fin de la période de nouvelle cotisation serait répréhensible.

[40]            En l'espèce, le ministre ne cherche pas à s'appuyer sur Global pour faire croître les impôts à payer par Anchor Pointe au-delà de ce qui était inclus dans la nouvelle cotisation du ministre avant l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation. La nouvelle cotisation faisait croître l'impôt payable en réduisant les déductions de FEC d'un montant correspondant à la différence entre le montant demandé et le montant établi en fonction de l'estimation par le ministre de la juste valeur marchande des données sismiques. En ratifiant la nouvelle cotisation, le ministre ne vise pas à augmenter l'impôt à payer. Il ne fait pas entrer en jeu une nouvelle transaction. Il ne fait qu'avancer un argument additionnel, soit que les données sismiques achetées pour fins de revente ou d'octroi de permis ne sont pas admissibles comme déductions au titre de FEC.

[41]            Dans ces circonstances, je suis d'accord avec la conclusion du juge Rip selon laquelle il n'y a rien de répréhensible à ce que la réponse de la Couronne renferme un argument additionnel fondé sur la décision Global.


Ordonnance d'instructions

[42]            Anchor Pointe demande, en vertu de l'article 108 des Règles de la Cour de l'impôt (procédure générale) (DORS/90-688a), des directives relativement à l'interrogatoire préalable. Il semble que la Couronne a posé de nombreuses questions lors de l'interrogatoire, ce qui a nécessité des engagements à fournir des réponses. Anchor Pointe déclare que le ministre aurait dû trouver les réponses par lui-même en procédant à un examen ou une vérification des documents fournis par Anchor Pointe.

[43]            La question de savoir si les données sismiques ont été ou non achetées pour fins de revente ou d'octroi de permis découle de la décision dans l'affaire Global. Cela est par conséquent pertinent, et l'interrogatoire préalable peut porter sur les faits et documents se rapportant à cette question. Aucun motif n'appelle l'intervention de la Cour dans le processus normal de l'interrogatoire préalable.


CONCLUSION

[44]            Pour ces motifs, l'appel et l'appel incident devraient être rejetés.

[45]            Chacune des parties ayant partiellement gain de cause, aucuns dépens ne devraient être adjugés à l'égard de l'appel ou de l'appel incident.

                                                                                « Marshall Rothstein »            

                                                                                                             Juge                          

_ Je souscris aux présents motifs.

A.M. Linden, juge »

_ Je souscris aux présents motifs.

J. Edgar Sexton, juge »

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                       SECTION D'APPEL

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                 A-559-02

INTITULÉ :              Sa Majesté La Reine c. Anchor Pointe Energy Ltd.

                                                         

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                              Le 4 juin 2003

MOTIFS DU JUGEMENT :                          LE JUGE ROTHSTEIN

Y ONT SOUSCRIT :                                        LE JUGE LINDEN

LE JUGE SEXTON

DATE DU JUGEMENT :                                Le 2 juillet 2003

COMPARUTIONS :

Mme Wendy Burnham                                          

Mme Deborah Horowitz                                                    POUR L'APPELANTE

M. Craig Sturrock                                                POUR L'INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Morris Rosenberg                

Sous-procureur général du Canada                                               POUR L'APPELANTE

Thorsteinssons             

Vancouver (Colombie-Britannique)                                               POUR L'INTIMÉE


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