Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 19971211

 

Dossier : A‑362‑97

 

 

OTTAWA, LE JEUDI 11 DÉCEMBRE 1997.

 

 

CORAM :   LE JUGE STONE

          LE JUGE LINDEN

          LE JUGE SUPPLÉANT GRAY

 

 

ENTRE :

 

 

CESAR REANO, JOSE SANCHEZ, LUIS ARCE VELA, HELMANN PALMA, DAVID LOAYZA, PABLO MEZA AGUILAR et BENITO HUANGAL,

 

                                                      intimés,

 

 

                               ET

 

 

LES PROPRIÉTAIRES ET TOUTES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE «JENNIE W»,

 

                                                    appelants.

 

 

 

                               JUGEMENT

 

 

 

[1]  L'appel est accueilli sans frais, l'ordonnance de la Section de première instance en date du 6 mai 1997 est annulée, et le jugement par défaut du 26 novembre 1996 est modifié par la suppression du premier paragraphe et son remplacement par le texte suivant :


 

Jugement est rendu contre le défendeur et en faveur de chacun des demandeurs, pour les salaires, autres prestations d'emploi et frais, y compris les frais de rapatriement réclamés, dont les montants seront évalués sans délai par renvoi, conformément aux règles 433(2) et 500.

 

 

 

 

L'ordonnance de jugement par défaut est maintenue à tous autres égards.

 

            «A.J. STONE»     

J.C.A.

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

 

François Blais, LL.L.


 

 

 

Date : 19971211

 

 Dossier : A‑362‑97

 

CORAM:    LE JUGE STONE

LE JUGE LINDEN

          LE JUGE SUPPLÉANT GRAY

 

ENTRE :

 

 

CESAR REANO, JOSE SANCHEZ, LUIS ARCE VELA, HELMANN PALMA, DAVID LOAYZA, PABLO MEZA AGUILAR et BENITO HUANGAL,

 

                                                      intimés,

 

                               ET

 

LES PROPRIÉTAIRES ET TOUTES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE «JENNIE W»,

 

                                                    appelants.

 

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le jeudi 6 novembre 1997.

 

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le jeudi 11 décembre 1997.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                    LE JUGE STONE

 

Y ONT SOUSCRIT :                                       LE JUGE LINDEN

                                               LE JUGE SUPPLÉANT GRAY


 

 

Date : 19971211

 Dossier : A‑362‑97

 

CORAM :LE JUGE STONE

LE JUGE LINDEN

LE JUGE SUPPLÉANT GRAY

 

ENTRE :

 

CESAR REANO, JOSE SANCHEZ, LUIS ARCE VELA, HELMANN PALMA, DAVID LOAYZA, PABLO MEZA AGUILAR et BENITO HUANGAL,

 

                                                      intimés,

 

                               ET

 

LES PROPRIÉTAIRES ET TOUTES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE «JENNIE W»,

 

                                                    appelants.

 


 

 

                      MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

LE JUGE STONE

 

[1]  Dans une action in rem en droit maritime, la Cour est saisie d'un appel d'une ordonnance rendue par la Section de première instance, le 6 mai 1997.  Cette ordonnance rejetait la requête en annulation déposée par l'appelant en vertu de la règle 439 (3) à l'encontre d'un jugement par défaut rendu dans une ordonnance du 26 novembre 1996 en faveur des intimés.  Le jugement accordait un


montant total de  192 882,72 $ à titre de «salaires et frais», de «salaires, frais et frais de rapatriement» et de «cautionnement et autres frais».  Les intimés s'étaient vu reconnaître un privilège maritime, et la vente du navire avait été ordonnée pour exécuter le jugement.

 

[2]  Voici le dispositif du jugement :

           [TRADUCTION]

Jugement est rendu à l'encontre du défendeur et en faveur de Cesar Reno (sic) pour 65 950,04 $, de Jose Sanchez pour 24 453,14 $, de Luis Arce Vela pour 23 104,60 $, de Helmann Palma pour 27 959,27 $, de David Loayza pour 22 442,20 $, de Pablo Meza Aguilar pour 10 809,44 $, de Benito Huangal pour 10 809,44 $, ainsi que pour un cautionnement et d'autres frais de 7 354,59 $;

 

Les demandeurs peuvent se prévaloir d’un privilège maritime pour les salaires, les avantages, le rapatriement et les frais;

 

À défaut de paiement des montants susmentionnés, la Cour ordonne la vente du navire défendeur «Jennie W».

 

Historique

 

[3]  En décembre 1995, les intimés sont arrivés à St. John's (Terre-Neuve) afin d'y prendre, respectivement, les postes de capitaine et de membres de l’équipage du «JENNIE W», qui était alors amarré dans le port. Des intérêts péruviens étaient sur le point d’acquérir le navire et de transférer son enregistrement de la Grande-Bretagne au Pérou.

 

[4]  Avant de se rendre à St. John's, chacun des cinq derniers intimés avait conclu un contrat de travail à Lima, au Pérou, le 10 décembre 1995.  Le texte original de ces contrats en espagnol a été déposé, avec une traduction, à l’appui de la requête de l'appelant en vue de l'annulation du jugement par défaut, en avril 1997.  Chaque contrat était d'une durée de deux mois à compter de la date de signature, l’employeur se réservant le droit de prolonger ou de raccourcir d’un mois cette période.  Les membres d'équipage qui souhaitaient rester à bord devaient signer un nouveau contrat de services avec le capitaine.  La journée de travail devait être de quarante heures par semaine, huit heures par jour, du lundi au vendredi.  La rémunération pour les «heures supplémentaires» et les «congés payés», à des taux convenus, devait s’ajouter au salaire de base.

 

[5]  Il semble que les acquéreurs du «JENNIE W» (les «propriétaires») avaient prévu de conclure l'achat du navire, et de transférer son immatriculation dans le registre péruvien et aussi de le ramener au Pérou avant que ces contrats de travail ne se terminent.  Ils s'étaient montrés trop optimistes, car ils ont vite rencontré des difficultés qui les ont obligés à immatriculer leur navire à Panama.  Le dossier comporte un permis panaméen de navigation provisoire et un permis radio, datés du 25 janvier 1996.  D'autres retards ont été occasionnés quand ils ont cherché à obtenir les divers certificats qu'il leur fallait des autorités panaméennes pour poursuivre le voyage de retour vers le Pérou.

 

[6]  Au printemps 1996, le «JENNIE W» se trouvait toujours dans le port de St. John's.  Les salaires et avantages dus en vertu des contrats de travail susmentionnés, contrats qui avaient pris fin le 8 mars 1996, étaient impayés.  Cependant, les sommes dues aux termes des contrats ont été versées en avril 1996, ainsi que les gratifications convenues par la suite, pour les périodes d'emploi antérieures au 8 mars 1996.

 

[7]  À la demande du capitaine, les intimés sont restés à bord du navire après le 8 mars 1996, bien que les contrats écrits aient cessé d'avoir effet. Il ressort du dossier que les propriétaires et les intimés se sont livrés à des négociations sur la rémunération à verser à chacun de ces derniers après le 8 mars 1996, et que les intimés voulaient être payés aux taux internationaux établis par la Fédération internationale des ouvriers du transport, aussi connus sous le nom de "taux de l'ITF".

 

[8]  À la fin du mois de mai 1996, les intimés n'avaient reçu aucune rémunération pour la période commençant le 8 mars 1996.  Toutefois, le 28 mai 1996, les propriétaires ont fait une offre de paie aux conditions suivantes :

[TRADUCTION]

      En ce qui concerne la communication de John R. Sinnott sur la saisie du navire en raison de créances salariales et du rapatriement de l'équipage, nous vous demandons d'intervenir pour en arriver à une entente et résoudre ce problème.  Nous sommes conscients de la situation mais pensons que les montants réclamés ne sont pas équitables.

      Nous souhaitons payer les trois mois dus, plus deux salaires de compensation, en tenant compte du salaire de base figurant dans le document, ainsi que du coût du voyage de retour à Lima, à condition que la demande soit annulée.

      De la même façon, nous voudrions vous informer que nous avons demandé, aujourd'hui, de rencontrer les dirigeants de la Banco Latino qui ont offert leur aide pour satisfaire aux exigences que vous énoncez dans votre télécopie du 14 mai, et permettre au navire de prendre la mer. Ils nous apporteront leur aide sous peu, et nous pensons donc qu'ils seront en mesure de prendre la mer  dès que le prochain paiement arrive à échéance (le 8 juin).

      Offre de paie :

      Jose Sanchez      (2 621 $ x 5)13 105 $US

      Luis Arce Vela    (1 491 $ x 5)     7 455

      Helmann Palma     (1 862 $ x 5)     9 310

      David Loayza      (1 491 $ x 5) 7 455

      Pablo Meza Aguilar(  956 $ x 5) 4 780

      Benito Huangal    (  956 $ x 5) 4 780

                                    46 885

 

[9]  L'action in rem a été intentée à St. John's, et la déclaration déposée le 28 mai 1996.  Ce jour-là, la déclaration et un mandat de saisie du navire ont été signifiés conformément aux Règles de la Cour fédérale.  Les montants réclamés dans l'action dépassaient de beaucoup l'offre de paie.  La déclaration elle-même n'était pas complète en ce qu'elle ne portait pas, au moment de sa signification, la mention libellée selon la Formule 4 exigée par la règle 304[1].

 

[10] Les intimés sont rentrés dans leur pays d'origine au cours des mois de juin, juillet et août 1996.

 

[11] Le 13 août 1996, les intimés ont déposé une déclaration modifiée et l'ont fait signifier au navire le 15 août 1996, de la façon exigée par la règle 1002(5)a)[2].  Cette déclaration modifiée comportait en annexe un «avis aux propriétaires et à toutes les autres personnes ayant un droit» sur le navire, comme l'exige la règle 1002(4) dans une action in rem, en ce qui concerne le dépôt d'une défense et l'obtention d'un jugement, à défaut de faire le dépôt dans le délai imparti par les règles de la Cour.

 

[12] Le 23 octobre 1996, leurs adversaires n'ayant pas déposé de défense, les intimés ont fait une demande ex parte de jugement par défaut, conformément aux règles 432 et 437, et ont demandé au tribunal de traiter la requête selon la règle 324, c'est-à-dire sans qu'il leur soit nécessaire de comparaître en personne.  Dans une lettre d'accompagnement adressée à la Cour à St. John's, l'avocat des intimés a déclaré :

           [TRADUCTION]

La déclaration modifiée a été signifiée le 15 août, comme il appert de l'affidavit de signification joint aux présentes aux fins de dépôt. Le montant total réclamé dans la déclaration modifiée est de 196 841,75 $, ce qui représente un montant liquidé.  La requête vise à obtenir un jugement pour un montant total de 192 482,72 $.  La différence représente le cautionnement et les autres frais, car, alors que la déclaration modifiée demande 11 313,62 $ pour le cautionnement et les autres frais, le montant réellement dépensé est de 7 354,59 $ [3].  [Non souligné dans l'original]

 

[13] Un jugement par défaut a été rendu le 26 novembre 1996, sur le fondement de la déclaration modifiée et des arguments écrits des avocats, pour le montant rajusté et l'autre redressement susmentionné.

 

[14] Le 16 décembre 1996, après avoir été informé par l'avocat des intimés que celui-ci avait adressé une requête à la Cour pour la vente du navire, les propriétaires ont retenu les services d'avocats à St. John's.  Un échange de correspondance a alors eu lieu entre les avocats des propriétaires et ceux des intimés.  Le 20 décembre 1996, ces derniers ont confirmé que [TRADUCTION] «nous attendons pour déposer notre requête pour la vente du navire», et que [TRADUCTION] «j'ai besoin d'une garantie que le navire est assuré», sans quoi [TRADUCTION] «je devrai agir au plus vite»[4].  Le 17 janvier 1997, les avocats des propriétaires ont déclaré que [TRADUCTION] «cette affaire devrait pouvoir se régler, sans qu'il soit nécessaire de recourir à une procédure interminable et coûteuse»[5] et, les 29 janvier et 6 février 1997, ils ont proposé que l'appelant dépose un cautionnement pour les créances en souffrance.  Les avocats des intimés ont rejeté cette suggestion par lettre en date du 18 février 1997, dans laquelle ils demandaient que [TRADUCTION] «le paiement soit fait dans les plus brefs délais»[6].  En dépit de cette indication, les avocats des propriétaires ont écrit une autre lettre le 19 mars 1997, dans laquelle ils déclaraient que le paiement du jugement à un montant réduit était [TRADUCTION] «tout à fait inacceptable», et qu'ils étaient prêts à recommander la fixation d'un cautionnement maximal de [TRADUCTION] «95 124,95 $, et que le jugement par défaut soit annulé sur consentement»[7].  Les intimés ont rejeté cette offre le 21 mars 1997 et, le 25 mars 1997, ont déclaré à nouveau qu'ils déposeraient une requête pour la vente du navire si le paiement intégral du jugement n'était pas fait [TRADUCTION] «dans les plus brefs délais»[8].

 

[15] La requête de l'appelant en annulation du jugement par défaut, conformément à la règle 439(3), a été déposée le 27 mars 1997.  Il y était allégué que

 

a)Des raisons valides et impérieuses expliquent le retard du défendeur à déposer une défense, notamment la signification d'une déclaration fautive ne contenant pas les mentions requises, l’incapacité du défendeur de comprendre l’importance et l’effet des procédures judiciaires intentées contre lui dans un pays étranger, davantage intensifiée par le fait que la langue parlée et écrite du défendeur est l'espagnol alors que les procédures et les communications dans la présente affaire ont été faites en anglais.

 

b)Il y a des moyens de défense sérieux et substantiels dans la présente affaire.  Les demandeurs Cesar Reano et Jose Sanchez ont réglé leur réclamation contre le défendeur et ont consenti à la présente requête.  En outre, les salaires et avantages sociaux réclamés par les autres demandeurs dépassent de beaucoup les salaires et avantages sociaux auxquels ils ont convenu dans leurs contrats de travail avec le défendeur, ils sont déraisonnables et ne peuvent être étayés ou appuyés en droit.

 

L'instance inférieure

 

[16] Le savant juge des requêtes a rejeté la requête de l'appelant et a déclaré ce qui suit, aux pages 2 et 3 de ses motifs, relativement à l'excuse avancée pour le retard à déposer une défense et à l'argument selon lequel l'appelant éprouvait des difficultés liées à la langue utilisée :

 

      En ce qui concerne le premier motif, je suis d'avis que les raisons données pour expliquer le retard mis à déposer une défense et à déposer la présente requête ne sont pas satisfaisantes.

      Je ne suis pas disposé à souscrire à l'argument de l'avocate selon lequel son client n'a pas retenu les services d'un avocat canadien ni déposé de défense à l'action avant le 26 novembre 1996 parce qu'il ne saisissait pas la nature des procédures et ne pouvait pas parler l'anglais ni l’écrire, ainsi qu’il a été allégué à l’alinéa a) reproduit précédemment.

      L'avocat des demandeurs a agi avec l’équité la plus entière en informant le défendeur en tout temps de l’état des procédures.  À maintes occasions, l’avocat des demandeurs a avisé le défendeur de retenir les services d’un avocat canadien pour déposer une défense et ainsi prévenir un jugement par défaut. Le défendeur n’a semblé se préoccuper des procédures au Canada que lorsqu’il a été informé que son navire risquait d’être vendu pour exécuter le jugement par défaut.

      À mon avis, la preuve n'appuie pas l'argument du défendeur suivant lequel les difficultés de langue l'ont empêché de comprendre le processus judiciaire canadien.  J'ai examiné la preuve soigneusement et je n'y vois rien qui explique raisonnablement le défaut du défendeur d'agir avant le 26 novembre 1996.

 

 

 

[17] Quant au deuxième motif allégué, le juge des requêtes a déclaré, à la page 4 de ses motifs, que  «le défendeur [...] paraît avoir une défense sérieuse concernant les montants qu’il doit aux demandeurs».  Plus loin, à la page 5, il a souligné que son refus d'annuler le jugement n'était de toute évidence pas dénué d'une certaine répugnance, étant donné que l'appelant semblait avoir une  «défense sérieuse».

 

Saisie du navire

 

[18] Je traiterai tout d'abord de l'allégation de l'appelant selon laquelle la déclaration déposée et signifiée, le 28 mai 1996, était fautive parce qu'elle ne portait pas la mention selon la Formule 4 et la saisie du navire n'était donc pas valable.  Comme il a été dit au paragraphe 23 de la plaidoirie écrite :

 

           [TRADUCTION]

En outre, la soi-disant signification ultérieure, par les intimés, de la déclaration modifiée était elle aussi fautive, puisque le mandat n'y était pas joint. L'appelant déclare par conséquent que la signification de la déclaration était irrégulière, qu'elle l'est demeurée et que la saisie du navire n'était pas valable.

 

[19] La formule en cause, autorisée par la règle 304 et adressée «aux propriétaires et à toutes les autres personnes ayant un droit sur le navire...», comme l’exige la règle 1002(4), commence en ces termes :

Vous êtes tenu de déposer votre défense à la présente déclaration au greffe de la Cour fédérale du Canada, en la ville d’Ottawa ou dans un bureau local de la Cour, dans les 30 jours suivant la signification de la présente déclaration, en conformité avec les Règles de la Cour fédérale, si la signification est effectuée au Canada.

 

 

Fait tout aussi important, elle se termine comme suit :

 

 

Si vous ne présentez pas de défense dans l’instance, il pourra être rendu contre vous le jugement que la Cour estimera juste en se fondant sur ce qu’exposera le demandeur.

 

 

Cette formule joue des rôles importants dans une action in rem, car elle informe le défendeur qu'il doit déposer une défense dans le délai imparti et qu'il peut demander la permission de déposer un acte de comparution conditionnelle.  Il est tout aussi important que, dans une action de ce type, l'avis figurant dans la mention soit également adressé «à toutes les autres personnes ayant un droit sur le navire».  Sa signification à un navire avec la déclaration donne avis à tous les intéressés qu'une procédure a été engagée contre le navire et qu'ils devraient agir en conséquence.

 

[20] Il ne fait aucun doute que la déclaration présentait de graves lacunes en raison de l'omission de la mention selon la Formule 4 lors de sa signification. Il s'agit de l'acte introductif d'instance selon la pratique actuelle de la Cour fédérale du Canada.  Selon cette pratique, comme le révèle la règle 1003(1), un mandat de saisie de biens dans une action in rem «peut être décerné à tout moment après le dépôt du statement of claim ou déclaration».  Si l'action est contre un navire, la déclaration et le mandat doivent être signifiés conformément à la règle 1002(5)a), «par fixation d'une copie certifiée [...] au grand mât, ou en quelque autre endroit bien en vue du navire, et en l'y laissant fixée».  Lorsque les deux documents sont signifiés en même temps, le défendeur et les autres personnes ayant un droit sur les biens saisis reçoivent des renseignements d'une importance capitale quant à la nature et au détail de la réclamation et du recours, ce qui permet au défendeur de déterminer s'il faut opposer une défense à l'action, et aux personnes ayant un droit, de décider si elles doivent intervenir pour protéger leurs droits[9].

 

[21] La pratique, en Angleterre, est d'intenter une action in rem en délivrant un bref d'assignation plutôt qu'en déposant une déclaration.  Dans l'arrêt The Prins Bernhard, [1964] P. 117 (P.D.), un bref de signification a été annulé au motif qu'il avait simplement été montré au capitaine et qu'une copie lui en avait été remise, au lieu que l'original ait été cloué ou fixé à l'un des mâts du navire et qu'une copie conforme ait été clouée ou fixée à sa place, comme l'exigeait l'ordonnance 9, règle 12 des règles de pratique anglaises : le bref n'avait donc pas été signifié correctement.  La décision est intéressante pour ce qu'elle énonce à propos de ce que l'on cherche à réaliser en exigeant que le document introductif d'instance soit signifié en conformité avec les règles de pratique. Aux pages 131 et 132, le juge Hewson déclare :

          [TRADUCTION]

      La méthode de signification prescrite par R.S.C., Ord. 9, r. 12, pour donner avis à toutes les parties intéressées est une règle de procédure que de nombreuses années d'usage ont fermement établie.  Ce n'est peut-être pas une façon parfaite d'informer toutes les parties en cause qu'une action in rem a été intentée contre le navire; mais on n'a pas, à ce jour, suggéré ni inventé d'autre méthode.  Il s'agit d'une méthode bien connue dans tous les pays maritimes.  Elle est fondée sur l'expérience, pour la protection de toutes les parties en cause.

...

      J'éprouve beaucoup de sympathie pour l'huissier, mais les tribunaux doivent se montrer vigilants envers les droits des tiers qui pourraient être lésés par le bref ou les conséquences de sa signification.  Il m'incombe de faire mon possible pour protéger les droits des personnes qui n'ont pas été convenablement avisées de l'existence de ce bref, et, après avoir sérieusement réfléchi au profond et persuasif argument de M. Willmer, je ne suis pas disposé à épargner la signification de ce bref.

 

[22] Le juge Hewson appuyait, en partie, ses conclusions sur l'extrait suivant, tiré de la décision de sir Robert Phillimore dans l'arrêt The Marie Constance (1877), 3 Asp. M.L.C. 505 (Div. Adm.), à la p. 506 :

          [TRADUCTION]

Il est nécessaire d'obéir strictement aux règles, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce. Aux termes de l'ancienne pratique de cette cour, le mandat de saisie était, de par sa forme, une citation à comparaître et, par conséquent, le fait de le clouer au mât constituait un avis suffisant à toutes les personnes visées par la poursuite.  De nos jours, cela a changé; le mandat de saisie ne contient aucune citation, ce rôle étant rempli par le bref d'assignation, qui doit donc être cloué au mât en plus du mandat de saisie.  La signification au capitaine, même à bord du navire, n'est pas autorisée par les règles de pratique, et ne constitue pas une signification suffisante à toutes les parties qui peuvent avoir un droit sur le navire;  c'est le cas, par exemple, des débiteurs hypothécaires ou d'autres personnes, qui n'ont aucun lien de droit, réel ou tacite, avec le capitaine.  Je ne permettrai pas qu'un jugement soit inscrit tant que je ne serai pas convaincu que le bref d'assignation a été signifié de façon adéquate et que les justes délais se sont écoulés pour la comparution et toute autre procédure ultérieure à la signification, mais je rendrai l'ordonnance comme on me l'a demandé, sous réserve d'une signification en bonne et due forme du bref.

 

[23] Le mandat décerné par la Cour fédérale du Canada en vertu des règles de pratique en vigueur n'est pas, «de par sa forme, une citation à comparaître». [ Il n'ordonne rien au défendeur, que ce soit de comparaître ou de faire quoi que se soit d'autre.]  Il s'adresse «au prévôt [...] ou [...] au shérif», à qui il est ordonné «de saisir le navire [...] et de le garder sous saisie jusqu'à nouvel ordre».  Comme nous l'avons vu, c'est la mention de la Formule 4 qui constitue une «citation à comparaître» au sens où sir Robert Phillimore l'entend.[10]  L'obligation de délivrer et de signifier une citation dans une action in rem est une pratique ancienne en droit maritime au Canada. Elle a débuté dans les cours de vice-amirauté[11] et a été maintenue avec la formule de bref d'assignation utilisée par la Cour de l'Échiquier du Canada jusqu'en 1971, et avec la Formule 4 de la pratique actuelle.

 

[24] La déclaration comportait des lacunes quand elle a été signifiée au navire, car elle ne portait pas la mention selon la Formule 4 exigée par les Règles de la Cour fédérale.  De ce fait, elle ne donnait à l'appelant aucun avis concernant les conséquences du défaut de dépôt d'une défense dans le délai imparti par les règles.  Elle ne donnait pas non plus l'avis exigé par la règle 1002(4) «à toutes les autres personnes ayant un droit sur le navire».  À toutes fins utiles donc, le seul document complet signifié au navire le 28 mai 1996 était le mandat de saisie.  À mon avis, cependant, l'absence de la mention de la Formule 4 n'a pas eu pour effet de rendre l'action nulle, et encore moins d'invalider la saisie.  La règle 304, comme nous l'avons vu, n'impose pas que la mention apparaisse dans la déclaration au moment de son dépôt, mais seulement qu'elle figure dans le document «lorsqu'il est signifié».  Il était possible de corriger ce défaut en déposant et en signifiant une déclaration modifiée conformément aux règles, ce qui a été fait en août 1996.  Les propriétaires et toutes les autres personnes ayant un droit sur le navire ont, de cette façon, reçu l'avis auquel elles avait droit d'après les règles de la Cour.

 

Pouvoir discrétionnaire du juge des requêtes

 

[25] L'ordonnance contestée avait, bien entendu, été rendue dans l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire.  De façon générale, la Cour n'est pas habilitée à modifier une telle ordonnance en l'absence d'une erreur de droit : Canderel Ltd c. Canada, [1994] 1 C.F. 3 (C.A.), aux pages 9 et 10, et les affaires citées.  Par conséquent, pour que l'appelant ait gain de cause, la Cour doit être convaincue que le juge des requêtes a commis une erreur de ce genre.

 

[26] L'appelant a réitéré devant la Cour un argument qu'il avait soutenu devant le juge des requêtes, à savoir, que le fait qu'il n'avait pas déposé de défense découlait de son incapacité de comprendre la nature des procédures, ce qui était aggravé par des difficultés de langue.  J'ai soigneusement examiné le dossier.  Il contient des copies de messages des avocats des intimés envoyés par télécopieur aux propriétaires, au Pérou, qui informaient ces derniers de l'action entreprise le 28 mai 1996, ainsi que du dépôt et de la signification de la déclaration modifiée en août 1996.  Le dossier comprend également des copies des réponses envoyées par les intimés à certaines occasions.  De plus, depuis au moins le 29 mai 1996, jusqu'à ce qu'ils retiennent les services d'avocats le 16 décembre 1996, les propriétaires ont, dans une certaine mesure, communiqué avec les intimés par l'entremise d'un mandataire à St. John's, qui avait reçu de leur représentant péruvien l'autorisation [TRADUCTION] «d'agir en son nom afin d'essayer de trouver une solution au litige»[12].  Je souscris entièrement aux motifs avancés par le juge des requêtes pour rejeter les arguments de l'appelant selon lesquels les propriétaires n'utilisaient pas des moyens dilatoires en tardant à déposer une défense à l'action.  À mon avis, donc, les intimés étaient fondés à demander un jugement par défaut, comme ils l'ont fait, le 23 octobre 1996.

 

[27] Je conviens également avec le juge des requêtes que l'appelant a retardé, de façon déraisonnable, le dépôt de sa requête en annulation du jugement par défaut, le 27 mars 1997.  Il appert clairement du dossier que les intimés étaient prêts à accorder un délai pour la vente du navire après que les propriétaires eurent retenu les services d'avocats à St. John's, mais seulement en ce qui concerne le versement du montant accordé par le jugement.  Il était évident, à ce stade, que les intimés Reano et Sanchez avaient pu «régler» leurs réclamations directement avec les propriétaires, au Pérou.  Toutefois, les avocats de ces intimés étaient dans l'obligation de défendre le jugement gagné en leur nom jusqu'au dépôt d'un élément de preuve à la Cour.  Enfin, il n'y a rien au dossier qui suggère que les intimés n'ont pas droit à un privilège maritime pour les salaires et dépenses non payés et que, par conséquent, le «JENNIE W» ne saurait être vendu par la Cour en exécution du jugement.

 

Classification et preuve des réclamations

 

[28] Malgré ce qui précède, j'ai du mal à saisir l'un des aspects du jugement par défaut, à savoir, que les montants réclamés constituent des «créances liquidées» au sens donné à cette expression par la règle 432.  Cette règle intervient, comme le disent ses premiers mots :

Dans le cas où le demandeur réclame à un défendeur une créance liquidée seulement [...]

 

La règle 432 s'oppose à la règle 433(1), qui commence comme suit :

Dans le cas où le demandeur réclame au défendeur des dommages-intérêts non liquidés seulement [...]

 

[29] La décision de la Court d'appel de la Nouvelle-Écosse dans l'arrêt Pick O'Sea Fisheries Limited v. National Utility (Canada) Ltd. (1995), 130 D.L.R. (4th) 472, contient une discussion utile de la distinction entre une créance «liquidée» et une créance «non liquidée».  Aux pages 480 et 481, le juge Flynn déclare :

          [TRADUCTION]

      La règle anglaise actuelle en ce qui concerne l'inscription de jugement pour défaut de présenter une défense (Ordonnance 19, règle 2), est semblable à la nôtre en ce qu'elle fait référence au cas où le demandeur réclame «une créance liquidée seulement».  Les termes «créance liquidée» comme ils sont employés dans la règle anglaise sont définis, dans Precedents of Pleadings, Bullen & Leake, 12e éd. (1975), à la p. 153, de la façon suivante :                

Une créance liquidée est une dette ou autre montant liquidé. Il doit s'agir d'une somme d'argent spécifique due et exigible, dont le montant a déjà été déterminé ou peut l'être par un simple calcul arithmétique. Sinon, même si elle est précisée, quantifiée ou indiquée par un chiffre précis qui exige une enquête plus approfondie qu'un simple calcul, il ne s'agit pas d'une «créance liquidée» mais de «dommages-intérêts».

      De la même manière, ces termes sont définis comme suit dans The Supreme Court Practice (1988), vol. 1, à la p. 35 :

      Une créance liquidée est de la nature d'une dette, à savoir, une  somme d'argent due et exigible conformément ou en vertu d'un contrat.  Son montant doit, soit être déjà déterminé, soit pouvoir l'être par un simple calcul arithmétique.  Si la détermination de la somme, même si elle est fixée ou indiquée par un chiffre précis, exige un examen plus approfondi qu'un simple calcul, il ne s'agit donc pas d'une «dette ou d'une créance liquidée» mais de «dommages-intérêts».

      Odgers affirme ce qui suit dans son livre Principles of Pleadings and Practice, précité, à la p. 46 :

      Lorsque le montant auquel le demandeur a droit peut être déterminé au moyen de calculs ou fixé grâce à un barême de frais ou autres données vérifiables, on dit qu'il est «liquidé» ou prédéterminé [...]  Mais lorsque le montant à recouvrer dépend des circonstances de l'affaire et est fixé au moyen d'un avis, d'une évaluation ou de ce que l'on peut juger raisonnable,  la créance est généralement non liquidée [...] Mais si la créance constitue de par sa nature une réclamation en dommages-intérêts généraux, on ne la considère pas en droit comme une «créance liquidée», même si le demandeur chiffre les dommages-intérêts qu'il réclame.

 

Voir aussi l'affaire Logistique et Transport Internationaux Ltée c. Amada Lines Ltd., [1991] 50 F.T.R. 21.

 

[30]  L'examen de la déclaration modifiée me convainc qu'aucune des réclamations ne constituait une «créance liquidée» au sens de la common law.  Il est vrai que les réclamations sont formulées au moyen de chiffres précis, mais cela ne saurait en faire des «créances liquidées».  Les réclamations de salaires dépassent de beaucoup l'«offre de paie» faite par les propriétaires, le 28 mai 1996.  Aucune d'entre elles n'a été faite en vertu des contrats écrits qui ont pris fin le 8 mars 1996.

 

[31]  Les réclamations plaidées au nom de l'intimé Vela sont caractéristiques de la façon dont toutes les réclamations l'ont été.  Le paragraphe 16 de la déclaration modifiée énonce ce qui suit :


[TRADUCTION]

Le demandeur, Luis Arce Vela, est l'officier électrotechnicien et a signé un contrat avec le propriétaire pour une période de deux mois, plus un mois à la discrétion du propriétaire, se terminant le 8 mars 1996.  Le propriétaire du navire défendeur est le débiteur du demandeur, Luis Arce Vela, pour les salaires et autres dépenses suivantes, postérieurs au 8 mars :

 

USD          CAD

 

(a)  Salaire de base, congés payés,

heures supplémentaires et frais

de subsistance du 8 mars au 8 avril 19963 670,20 $ 5 064,87 $

 

Salaire de base, congés payés,

heures supplémentaires et frais

de subsistance du 8 avril au 8 mai 1996    3 670,20 $ 5 064,87 $

Du 8 mai au 8 juin 19963 670,20 $  5 064,87 $

Indemnité de départ - deux mois de

salaire de base, à 1 491 $ par mois2 982,00 $ 4 115,16 $

 

(b)  Supplément de salaire de base,

de congés payés, d'heures supplémentaires

et de frais de subsistance

du 8 juin 1996 jusqu'au rapatriement,

le 23 juin 1996, à 3 670,20 $ par mois

comme suit :

Du 8 au 23 juin 1996 (15 jours

@ 122,34 $ par jour)1 835,10 $ 2 532,43 $

 

(c)  Frais de téléphone - 6 mois   600,00 $

 

(d)  Frais médicaux 480,00 $   662,40 $

 

Total - (en dollars canadiens)23 104,60 $

 

[32]  La requête n'apportait aucun élément de preuve à l'appui du jugement par défaut pour les «salaires, frais et frais de rapatriement» qui ont été accordés.  Ces réclamations n'ont pas été faites en vertu du contrat des gens de mer conclu par M. Vela, le 10 décembre 1995.  En fait, comme cet intimé l'a reconnu au paragraphe 7 d'un affidavit déposé en opposition à la requête en annulation du jugement par défaut :

 [TRADUCTION]Il n'y avait aucun contrat en vigueur pour la période s'étendant au-delà du 8 mars 1996, et les propriétaires ont été clairement informés que les salaires établis dans les contrats pour la période suivant la fin des contrats, le 8 mars, ne convenaient pas aux membres d'équipage.  À partir du 8 mars, les membres d'équipage voulaient les taux internationaux établis par la Fédération internationale des ouvriers du transport. Les propriétaires ne souhaitaient pas que nous quittions le navire, mais que nous restions jusqu'à ce que des dispositions aient été prises pour que le navire prenne la mer. Nous avons convenu de rester le temps de permettre aux propriétaires de prendre les dispositions nécessaires pour que le navire puisse prendre la mer, mais notre accord était conditionnel au paiement de salaires de l'ITF, et les propriétaires savaient que nous n'acceptions pas les salaires prévus pour la période contractuelle[13].

 

 

 

Cet intimé a fait référence à l'«offre de paie» des propriétaires du 28 mai 1996 en disant qu'elle avait été faite à partir du [TRADUCTION] «taux de base de l'ITF».  Toutefois, comme, le 8 juin 1996, il n'avait toujours pas été payé, il a continué [TRADUCTION] «à réclamer le montant figurant dans la déclaration».

 

[33]  M. Vela reconnaît, au paragraphe 15 de son affidavit, que les salaires réclamés ne constituaient pas des «créances liquidées» :

 

[TRADUCTION]

Les propriétaires ne peuvent pas opposer de défense à l'action interne.  Ils savaient que nous n'accepterions pas les taux stipulés dans les contrats pour la période suivant la fin du contrat, et que les taux figurant dans la déclaration étaient raisonnables, sachant que les membres d'équipage ont été bloqués au Canada pendant plus de six mois.  Si les propriétaires souhaitaient contester la demande, ils auraient pu le faire[14].

[Non souligné dans l'original]

 

[34]  De la même façon, les réclamations concernant les «congés payés», les «heures supplémentaires», les «frais de subsistance», l'«indemnité de départ» et les «réclamations futures concernant le salaire de base, les congés payés, les heures supplémentaires et les frais de subsistance» ne constituent pas des créances liquidées.  Tout comme les réclamations concernant les salaires, il s'agit, en réalité, de demandes visant des «dommages-intérêts non liquidés».  Il en va de même pour les «frais de téléphone» de 600 $ réclamés par chacun des intimés, à l'exception du capitaine.  Aucun reçu ni aucune autre preuve n'ont été produits à l'appui de ces frais, comme les autres réclamations pour frais qui ont été acceptées.  La demande de «cautionnement et autres frais», accordée au montant de 7 354,59 $, ne figure nulle part comme telle dans la déclaration modifiée.

 

[35]  Les intimés ont naturellement droit à tout ce qui leur est dû au titre des salaires et frais - ni plus, ni moins.  L'appelant est quant à lui obligé de payer tout ce qu'il doit - ni plus, ni moins.  Aucune des parties ne saurait s'enrichir injustement.  Les intimés ne peuvent obtenir les dommages-intérêts qu'ils demandent sans établir la preuve de leurs réclamations respectives.  Il me semble que la seule façon équitable de déterminer les montants réellement exigibles soit de recourir à un renvoi en vertu des règles 433(2)[15] et 500.  La procédure applicable aux termes de ces règles a été décrite avec justesse par le protonotaire adjoint Giles dans Sanden Machine Ltd. c. Companhia de Navegacao Maritima Netumar et al. (1996), 107 F.T.R. 170, à la page 171 :

     

Les avocats devraient comprendre que la disposition des règles de la Cour fédérale applicable au jugement pour défaut de présenter une défense, lorsque le redressement demandé porte sur des dommages-intérêts indéterminés, prévoit une procédure en deux étapes, qui est appliquée depuis plus d'un siècle dans les tribunaux de common law; la première étape a pour objet de décider si le demandeur a droit à des dommages-intérêts et, le cas échéant, le montant en est déterminé au cours de la seconde étape.   

 

La règle applicable devant la présente Cour est la Règle 433(1) qui prévoit que le demandeur peut demander qu'un jugement soit rendu contre le défendeur qui n'a pas déposé de défense pour les dommages-intérêts à évaluer et les dépens. La Règle 433(2) prévoit qu'il est censé y avoir un renvoi dont la tenue est régie par la Règle 500. La procédure relative au renvoi prévu aux Règles 500 et suivantes suppose que le défendeur qui n'a pas déposé de défense est avisé du renvoi après que le date et le lieu en sont fixés.  Le défendeur peut comparaître au renvoi afin de contester le montant des dommages-intérêts, mais il ne peut contester le fait que le jugement a été rendu.  La Règle 433(3) prévoit une procédure accélérée que la Cour peut autoriser quand  elle le juge approprié si le défendeur a été avisé par le demandeur de son intention d'avoir recours à cette procédure accélérée.

 

À mon avis, la règle 437, que les intimés ont aussi invoquée dans leur requête en jugement par défaut, n'est pas pertinente dans les circonstances[16].

 

[36]  Étant donné que ces créances sont exigibles depuis longtemps, il faudrait les évaluer sans délai - à moins, bien sûr, que les parties ne s'entendent sur les montants dus et impayés.  L'arbitre devrait être à même de déterminer dans quelle mesure les intimés Reano et Sanchez ont «réglé» le jugement rendu en leur faveur, grâce à des négociations directes avec les propriétaires.

 

[37]  À mon avis, le juge des requêtes n'a pas commis d'erreur de droit lorsqu'il a décidé de ne pas annuler le jugement par défaut.  Par ailleurs, il a reconnu que le défendeur avait une «défense sérieuse concernant les montants qu'il doit» et qui, comme je l'ai indiqué, sont des réclamations en dommages-intérêts non liquidés.  Il aurait fallu que la Cour intervienne sur ce point.  Avec respect, je suis d'avis que le défaut de ce faire en modifiant le jugement conformément à la règle 439(3)[17] constituait une erreur de droit qui justifie la modification par la Cour du jugement de l'instance inférieure.

 

[38]  Je suis donc d'avis d'accueillir l'appel, d'annuler l'ordonnance du 6 mai 1997 et de modifier l'ordonnance de jugement par défaut du 26 novembre 1996 par la suppression du premier paragraphe et son remplacement par le texte suivant :

 

Jugement est rendu contre le défendeur et en faveur de chacun des demandeurs, pour les salaires, autres prestations d'emploi et frais, y compris les frais de rapatriement réclamés, dont les montants seront évalués sans délai par référence, conformément aux règles 433(2) et 500.

 

L'ordonnance est maintenue à tous autres égards.

 

[39]  Le résultat étant partagé, je n'adjugerai aucuns dépens.

 

                                                          «A.J. STONE»               

                                                                J.C.A.

«Je souscris

  Le juge A.M. Linden »

«Je souscris

  Le juge suppléant W. Gibson Gray »

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

 

François Blais, LL.L.


                        COUR D'APPEL FÉDÉRALE

 

 

 

Date: 19971211


 

A-362-97

 

 

ENTRE :

 

 

CESAR REANO, JOSE SANCHEZ, LUIS ARCE VELA, HELMANN PALMA, DAVID LOAYZA, PABLO MEZA AGUILAR et BENITO HUANGAL

 

 

                     ET

 

 

LES PROPRIÉTAIRES ET TOUTES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE «JENNIE W»

 

 

 

 

 

                                                                

 

 

 

             MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

                                                                


                COUR D'APPEL FÉDÉRALE DU CANADA

                               

           AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

N° DU GREFFE : A-362-97

 

 

APPEL D'UN JUGEMENT DE LA SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE DATÉ DU 2 MAI 1997, NO DU GREFFE T-1259-96

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :Les propriétaires et toutes autres personnes ayant un droit sur le navire «Jennie W» c. Cesar Reano et al.

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :    Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :    le jeudi 6 novembre 1997

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE : M. le juge Stone

 

Y ONT SOUSCRIT :M. le juge Linden

M. le juge suppléant Gray

 

DATE :    le 11 décembre 1997

 

 

 

ONT COMPARU :

 

Me Paul L. Coxworthy      pour les appelants

 

Me Edward J. Shortall           pour les intimés

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Stewart, McKelvey, Stirling, Scales  pour les appelants

St. John's (Terre-Neuve)

 

Lewis, Sinnott, Shortall, Hurley           pour les intimés

St. John's (Terre-Neuve)



     [1]Voici le texte de la règle 304(2) :

        ...

        (2) L'acte introductif d'instance doit, lorsqu'il est signifié, porter une mention libellée selon la Formule 4.

     [2]Voici le texte de la règle 1002(5)a) :

 Dans une action in rem, la déclaration est signifiée

a) à un navire, à la cargaison, au fret ou autres biens, si la cargaison ou les autres biens se trouvent à bord d'un navire, par fixation d'une copie certifiée de la déclaration au mât, ou s'il y a plusieurs mâts, au grand mât, ou en quelque autre endroit bien en vue du navire, et en l'y laissant fixée;

 

     [3]Lettre du 21 octobre 1996 de MM. Lewis et Sinnott à la Cour fédérale du Canada, à St. John's.

     [4]Affidavit de H.G. Reyes, le 11 avril 1997, Dossier d'appel, Vol. 2, p. 370, au paragraphe 7.

     [5]Ibid., p. 371, au paragraphe 16.

     [6]Ibid., p. 373, au paragraphe 22.

     [7]Ibid., p. 373, au paragraphe 26.

     [8]Ibid., p. 374, au paragraphe 29.

     [9]Il est intéressant de noter que la «pratique coutumière moderne» en Angleterre est de signifier simultanément le mandat et le bref d'assignation.  F.W. Wiswall, The Development of Admiralty Jurisdiction and Practice Since 1800 (Cambridge:  University Press, 1970), à la p. 121.

     [10]La pratique à l'ancienne Haute Cour de l'Amirauté d'Angleterre, juste avant son abolition en 1875, ordonnait au prévôt par l'intermédiaire du mandat lui-même,

[TRADUCTION]«[...] de citer toutes les personnes qui ont un droit, ou prétendent en avoir un, sur le [navire], afin qu'elles déposent dans les six jours de sa signification [...] au greffe de la Cour un acte de comparution dans l'affaire», et «de prévenir toutes ces personnes qu'à défaut de déposer un acte de comparution de la façon susmentionnée, un juge de la Cour tranchera la question en litige ou rendra l'ordonnance qui lui semblera juste».

 

Voir H.C. Coote,The New Practice of the High Court of Admiralty of England (London:  Butterworths,  1860), à la p. 194.  Ceci faisait effectivement partie de l'ancienne pratique de la Cour, bien avant l'adoption officielle de règles de pratique.  Voir A. Browne, Compendious View of the Civil Law, and of the Law of the Admiralty, vol. 2 (New York:  Halsted and Voorhies, 1840), aux pp. 397 et 398.  L'ancienne pratique à la Haute Cour de l'Amirauté a, elle-même, été abolie en 1875, lorsque la citation a été retirée [TRADUCTION] «du mandat et intégrée au nouveau bref d'assignation in rem, qui était un acte distinct.»  Wiswall, précité, note 9.  La formule moderne de mandat remonte à la formule anglaise adoptée en 1875, qui faisait partie de la révision de la pratique anglaise en matière de droit maritime.  Voir E.S. Roscoe, A Treaties on the Jurisdiction and Practice of the Admiralty Division of the High Court of Justice (London:  Stevens and Sons, 1878), Annexe, clxxv-clxxvi; T.E. Smith, A Summary of the Law and Practice in Admiralty (London:  Stevens and Haynes, 1885), à la p. 204.

     [11] Voir A.A. Stockton, The Rules and Regulations of the Courts          of Vice-Admiralty in the British Dependencies (St. John: G.W. Day, 1876), aux pp. 5 et 31.

     [12]Lettre du 29 mai 1996 de Michael Shawyer à John Sinnott, Dossier d'appel, vol. 2, à la p. 386.

[13]Affidavit de Luis Arce Vela, avril 1997, Dossier d'appel, vol. 2, p. 378, au paragraphe 7.

[14]ibid., p. 380

     [15]La règle 433(2) est libellée comme suit :

Lorsque, sur demande présentée en vertu de la présente règle, un jugement accordant des dommages-intérêts à être évalués a été rendu, il est censé y avoir un renvoi en vertu de la règle 500 pour déteminer le montant de ces dommages-intérêts; ce renvoi est réputé avoir été adressé à un juge que désignera le juge en chef adjoint, à un protonotaire ou à toute autre personne que la Cour (dans le jugement lui-même ou dans un ordonnance ultérieure) estime qualifiée pour ce faire.

 

     [16]La règle 437 est modelée sur son équivalent anglais, l'ordonnance 13, règle 5, qui concerne les réclamations débordant du cadre des règles 432 à 435.  Voir The Supreme Court Practice, 1997, vol. 1, Partie 1 (London:  Sweet & Maxwell, 1996), aux pp. 124 et suivantes; Halsbury's Laws of England, 4e éd., vol. 37 (London:  Butterworth, 1982), aux pp. 291-195.  De fait, les règles 433 à 437 semblent toutes dériver de la pratique anglaise.

     [17]Voici le texte de la règle 439(3) :

La Cour pourra, aux conditions qui semblent justes, annuler ou modifier un jugement rendu en vertu des règles 432 à 438.

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