Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20041207

Dossier : A-43-04

Référence : 2004 CAF 417

CORAM :       LE JUGE LINDEN

LA JUGE SHARLOW

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                             CARL S. GANNON

                                                                                                                                              appelant

                                                                             et

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

CONSEIL DU TRÉSOR

(MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE)

                                                                                                                                                intimés

                            Audience tenue à Halifax (Nouvelle-Écosse) le 10 novembre 2004

                                    Jugement rendu à Ottawa (Ontario) le 7 décembre 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                 LE JUGE MALONE

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                             LE JUGE LINDEN

                                                                                                                         LA JUGE SHARLOW


Date : 20041207

Dossier : A-43-04

Référence : 2004 CAF 417

CORAM :       LE JUGE LINDEN

LA JUGE SHARLOW

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                                             

CARL S. GANNON

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

CONSEIL DU TRÉSOR

(MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE)

                                                                                                                                                intimés

                                                                             

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE MALONE

I. Introduction


[1]                Carl S. Gannon interjette appel de l'ordonnance par laquelle un juge de la Cour fédérale (le juge de première instance) a rejeté sa demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 20 mars 2002 par l'arbitre de griefs Anne E. Bertrand (l'arbitre). (L'ordonnance et les motifs de l'ordonnance du juge de première instance, qui ont été rendus le 31 décembre 2003, sont publiés à (2003), 244 F.T.R. 124; 2003 CF 1532.)

[2]                M. Gannon a travaillé au sein de la fonction publique du Canada pendant 22 ans. Ses conditions d'emploi étaient définies par la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. 1985, ch. F-11 (la LGFP) et par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-35 (la LRTFP).

[3]                Le poste le plus récent qu'a occupé M. Gannon au sein de la fonction publique était celui de conseiller en ressources humaines au ministère de la Défense nationale (MDN). Le 14 juillet 2000, il a été suspendu sans rémunération en attendant les résultats d'une enquête menée au sujet d'abus de pouvoir qu'on lui reprochait. Il a été congédié le 26 octobre 2000 avec effet rétroactif au 14 juillet 2000. L'alinéa 11(2)f) de la LGFP a été invoqué pour justifier son congédiement. En voici le texte :

(2) Sous réserve des seules dispositions de tout texte législatif concernant les pouvoirs et fonctions d'un employeur distinct, le Conseil du Trésor peut, dans l'exercice de ses attributions en matière de gestion du personnel, notamment de relations entre employeur et employés dans la fonction publique : ...

(2) Subject to the provisions of any enactment respecting the powers and functions of a separate employer but notwithstanding any other provision contained in any enactment, the Treasury Board may, in the exercise of its responsibilities in relation to personnel management including its responsibilities in relation to employer and employee relations in the public service, ...



f) établir des normes de discipline dans la fonction publique et prescrire les sanctions pécuniaires et autres y compris le licenciement et la suspension, susceptibles d'etre appliquées pour manquement à la discipline ou pour inconduite et indiquer dans quelles circonstances, de quelle manière, par qui et en vertu de quels pouvoirs ces sanctions peuvent être appliquées, modifiées ou annulées, en tout ou en partie;

(f) establish standards of discipline in the public service and prescribe the financial and other penalties, including congédiement of employment and suspension, that may be applied for breaches of discipline or misconduct, and the circumstances and manner in which and the authority by which or whom those penalties may be applied or may be varied or rescinded in whole or in part;

[4]                M. Gannon a déposé un grief au sujet de son congédiement. Son grief a été renvoyé à l'arbitrage conformément au sous-alinéa 92(1)b)(ii) de la LRTFP, qui dispose :

92. (1) Après l'avoir porté jusqu'au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à l'arbitrage tout grief portant sur_ : ...

92. (1) Where an employee has presented a grievance, up to and including the final level in the grievance process, with respect to ...

b) dans le cas d'un fonctionnaire d'un ministère ou secteur de l'administration publique fédérale spécifié à la partie I de l'annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4), soit une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques;

(b) in the case of an employee in a department or other portion of the public service of Canada specified in Part I of Schedule I or designated pursuant to paragraphe (4),

(i) disciplinary action resulting in suspension or a financial penalty,             or

(ii) termination of employment or demotion pursuant to paragraph 11(2)(f) or (g) of the Financial Administration Act, ...

and the grievance has not been dealt with to the satisfaction of the employee, the employee may, subject to subsection (2), refer the grievance to adjudication.

II. Décision de l'arbitre

[5]                C'est au MDN qu'il incombait d'établir, par preuve prépondérante, que M. Gannon avait commis les infractions qu'on lui reprochait dans la lettre de congédiement du 26 octobre 2000 et que son congédiement était justifié.

[6]                Après une longue audience, l'arbitre a estimé que l'employeur était justifié de prendre des mesures disciplinaires contre l'appelant dans trois cas précis : rédaction d'un curriculum vitae mensonger pour s'assurer un meilleur emploi dans d'autres ministères gouvernementaux, recommander l'embauche d'une certaine personne en violation de la politique d'embauche d'employés occasionnels, et utilisation inacceptable des ordinateurs et du service de courrier électronique du ministère (paragraphes 120, 131 et 134 de sa décision). L'arbitre a toutefois conclu que le congédiement était injustifié. Elle a rejeté le grief en ce qui concerne la suspension, mais elle a fait droit au grief pour ce qui était du congédiement (paragraphe 149).


[7]                Invoquant la théorie des mesures disciplinaires progressives, l'arbitre a conclu que M. Gannon avait, par sa propre inconduite, rompu la relation d'emploi, de sorte qu'il était hors de question de le réintégrer dans son poste. Elle a toutefois relevé certaines circonstances atténuantes importantes, notamment les longs états de service de M. Gannon au sein du MDN, son bon dossier d'emploi et les difficultés qu'il risquait de rencontrer à réintégrer le marché du travail. Elle a jugé bon de lui accorder six mois de rémunération au lieu d'une réintégration. Elle n'a pas motivé sa décision d'accorder une indemnité de six mois de salaire.                       

III. Décision du juge de première instance

[8]                Le juge de première instance a estimé que les conclusions de l'arbitre reposaient sur la preuve et qu'elles n'étaient pas manifestement déraisonnables. Ne constatant aucune erreur justifiant son intervention dans la décision de l'arbitre, le juge de première instance a rejeté la demande de contrôle judiciaire de M. Gannon.

IV. Norme de contrôle

[9]                S'appuyant sur un arrêt de notre Cour (Green c. Canada (Conseil du Trésor) (2000), 254 N.R. 48, aux paragraphes 7 et 8 (C.A.F.)) et sur un arrêt de la Cour suprême du Canada (Canada (Procureur général) c. Alliance de la fonction publique du Canada, [1993] 1 R.C.S. 941, aux pages 963 et 964), le juge de première instance a appliqué la norme de contrôle de la décision manifestement déraisonnable. Suivant cette norme, la décision d'un arbitre de griefs ne peut être annulée que si elle est clairement irrationnelle, c'est-à-dire de toute évidence non conforme à la raison.


[10]            Depuis le prononcé de ces décisions, la Cour suprême du Canada a rendu l'arrêt Alberta Union of Provincial Employees c. Lethbridge Community College, [2004] 1 R.C.S. 727. Ce pourvoi concernait les pouvoirs de réparation que l'Alberta Labour Relations Code, R.S.A. 2000, ch. L-1 (le Code de l'Alberta) conférait à un conseil d'arbitrage. La question en litige dans l'affaire Lethbridge Community College concernait l'exercice par le conseil d'arbitrage des pouvoirs que lui conférait le Code de l'Alberta dans des cas où les actes reprochés avaient été jugés non blâmables et où des dommages-intérêts avaient été accordés parce que la réintégration ne constituait pas une mesure appropriée. La Cour a conclu à l'unanimité qu'une telle décision devait être examinée en fonction de la norme de la décision raisonnable simpliciter.

[11]            On pourrait soutenir que notre Cour devrait retenir la norme établie dans l'arrêt Lethbridge Community College, s'écartant ainsi de la jurisprudence dans laquelle notre Cour a appliqué la norme de la décision manifestement déraisonnable aux décisions prises sous le régime de la LRTFP. Il n'est cependant pas nécessaire de résoudre cette question dans le présent appel parce que, suivant mon analyse, il suffit d'affirmer que, même si j'applique la norme plus exigeante de la décision déraisonnable, il me faut conclure que la décision de l'arbitre sur la question de la réparation est clairement irrationnelle et qu'elle ne peut être confirmée.

V. Moyens d'appel


[12]            M. Gannon s'est représenté lui-même devant notre Cour. Il reproche plusieurs erreurs au juge de première instance. La plupart de ses moyens d'appel sont mal fondés. En particulier, je suis incapable de déceler une erreur qui justifierait notre intervention dans la conclusion de l'arbitre suivant laquelle la suspension de M. Gannon était justifiée.

[13]            Je n'en arrive cependant pas à la même conclusion en ce qui a trait au congédiement. À cet égard, il ne faut tenir compte que de l'argument que l'appelant tire du paragraphe 11(4) de la LGFP, dont voici le libellé :

(4) Les mesures disciplinaires, le licenciement ou la rétrogradation effectués en application des alinéas (2)f) ou g) doivent être motivés.

(4) Disciplinary action against, and congédiement of employment or demotion of, any person pursuant to alinéa (2)(f) or (g) shall be for cause.

[14]            M. Gannon fait valoir que, comme l'arbitre a estimé que son congédiement n'était pas motivé, il ne pouvait avoir été légalement congédié. Il ajoute que l'arbitre a commis une erreur en n'ordonnant pas qu'il soit réintégré dans ses fonctions rétroactivement à la date de son congédiement, avec tous les avantages auquel il avait droit. Sa Majesté affirme pour sa part que l'arbitre agissait dans les limites de sa compétence en accordant une indemnité pécuniaire à la place de la réintégration. Elle ajoute que c'est à bon droit que le juge de première instance a refusé d'intervenir.

VI. Analyse

(i) Partie III du Code canadien du travail


[15]            Un des arrêts de principe sur le droit d'un employé illicitement congédié d'être réintégré dans ses fonctions est l'arrêt que notre Cour a rendu dans l'affaire Énergie atomique du Canada Ltée c. Sheikholeslami, [1998] 3 C.F. 349 (C.A.). Cette affaire portait sur un arbitrage dont la tenue avait été ordonnée sous le régime de la partie III du Code du travail du Canada, L.R.C. 1985, ch. L-2 (le CCT). Dans cette affaire, une employée qui avait été jugée apte à retourner au travail après s'être blessée avait été congédiée parce qu'elle ne s'était pas présentée au travail. La plainte pour congédiement injuste qu'elle avait déposée en vertu du paragraphe 240(1) du CCT avait été renvoyée à l'arbitrage. À l'audience, il a été établi que l'employée avait travaillé ailleurs durant la période au cours de laquelle elle avait déclaré ne pas être apte au travail. L'arbitre a accueilli sa plainte mais a refusé d'ordonner sa réintégration. Il a plutôt condamné l'employeur à lui verser une somme forfaitaire.

[16]            Ce faisant, l'arbitre agissant en vertu du paragraphe 242(4) du CCT, qui est ainsi libellé :

(4) S'il décide que le congédiement était injuste, l'arbitre peut, par ordonnance, enjoindre à l'employeur_ :

(4) Where an adjudicator decides pursuant to paragraphe (3) that a person has been unjustly dismissed, the adjudicator may, by order, require the employer who dismissed the person to

a) de payer au plaignant une indemnité équivalant, au maximum, au salaire qu'il aurait normalement gagné s'il n'avait pas été congédié;

(a) pay the person compensation not exceeding the amount of money that is equivalent to the remuneration that would, but for the dismissal, have been paid by the employer to the person;

b) de réintégrer le plaignant dans son emploi;

(b) reinstate the person in his employ; and

c) de prendre toute autre mesure qu'il juge équitable de lui imposer et de nature à contrebalancer les effets du congédiement ou à y remédier.                      

(c) do any other like thing that it is equitable to require the employer to do in order to remedy or counteract any consequence of the dismissal.


Le juge de première instance a annulé la décision de l'arbitre de réintégrer la plaignante dans ses fonctions au motif que l'arbitre avait eu tort de fonder sa décision exclusivement sur son observation de la plaignante à l'audience.

[17]            Pour accueillir l'appel, le juge Marceau, qui écrivait au nom de la majorité de la Cour, a déclaré aux alinéas 11 et 12 :

[...] À mon sens, la réintégration n'est pas un droit qu'un employé congédié injustement possède au même titre qu'un droit de la personne. Selon un principe bien établi en common law et en droit civil, les tribunaux n'exigeront pas l'exécution intégrale d'un contrat de louage de services lorsque cette exécution est fondée à tout instant sur une bonne dose de dévouement et de bonne volonté de la part de l'une des parties ou des deux [...]

Les dispositions du Code canadien du travail qui concernent le congédiement injuste des employés non syndiqués ont sans doute pour effet de modifier la règle traditionnelle selon laquelle l'exécution intégrale d'un contrat d'emploi ne peut en aucun cas être exigée. Cependant, elles ne créent certainement pas un droit en faveur de l'employé injustement congédié et ne pourraient d'ailleurs aller aussi loin [...] Les dispositions en question énoncent simplement que la réintégration est une réparation pouvant être accordée dans les cas opportuns [...] Cependant, une simple lecture du paragraphe 242(4) du Code indique sans conteste que l'arbitre est pleinement autorisé à ordonner le paiement d'une indemnité en remplacement de la réintégration s'il estime que le lien de confiance qui existait entre les parties ne peut être rétabli.

[18]            L'affaire Chalifoux c. Première nation de Driftpile et al., (2002), 299 N.R. 259 (C.A.F.) portait aussi sur un arbitrage régi par la partie III du CCT. Dans cette affaire, une autre formation collégiale de notre Cour a adopté l'analyse savante proposée par le juge Marceau et a fait remarquer que le rôle de notre Cour en pareil cas est limité, ainsi que la juge Desjardins l'explique, au paragraphe 5 :


    En ce qui concerne l'examen de pouvoirs discrétionnaires tels que celui qui est ici en cause, la pondération des facteurs pertinents militant pour et des facteurs pertinents militant contre la réintégration ne ressortit pas au tribunal (voir Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CSC 1, au paragraphe 34). Par conséquent, lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision (voir Maple Lodge Farms Ltd. c. Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, à la page 7).

(ii) Décisions de congédiement fondées sur la LGFP

[19]            La thèse de Sa Majesté suivant laquelle la sentence arbitrale est bien fondée en droit repose sur la prémisse que la compétence dont jouit l'arbitre désigné en vertu de la LRTFP pour connaître d'un grief de congédiement est essentiellement la même que celle qui est conférée à l'arbitre désigné en vertu de la partie III du CCT.

[20]            Une des difficultés que soulève cette thèse est le fait qu'elle semble méconnaître l'alinéa 167(1)d) du CCT, qui dispose :

167. (1) La présente partie s'applique_ : ...

167. (1) This Part applies ...

d) aux personnes morales constituées en vue de l'exercice de certaines attributions pour le compte de l'État canadien, à l'exception d'un ministère au sens de la Loi sur la gestion des finances publiques; [Je souligne.]                      

d) to and in respect of any corporation established to perform any function or duty on behalf of the Government of Canada other than a department as defined in the Financial Administration Act; [Emphasis added.]


La LGFP assimile à un « ministère » tous les ministères énumérés à l'annexe I, dont le MDN. L'emploi que M. Gannon exerçait au MDN n'entrait donc pas dans le champ d'application de la partie III du CCT.

[21]            Sa Majesté n'a cité à la Cour aucune disposition de la LGFP ou de la LRTFP qui soit analogue au paragraphe 242(4) du CCT, ni de règle de droit ou de principe juridique qui permettrait de penser que l'arbitre désigné sous le régime de la LRTFP pour statuer sur un grief portant sur un congédiement possède des pouvoirs de réparation semblables à ceux que l'on trouve au paragraphe 242(4) du CCT.

[22]            Les alinéas 100(3)c) et d) de la LRTFP confèrent à la Commission des relations de travail dans la fonction publique le pouvoir de prendre des règlements en ce qui concerne, respectivement, « la procédure à suivre par les arbitres » et « la forme des décisions rendues par les arbitres » . La partie VIII du Règlement et règles de procédure de la C.R.T.P.F. (1993), DORS/93-348, définit la procédure applicable aux griefs et la procédure d'arbitrage des griefs. Ce règlement ne contient cependant aucune disposition précisant les pouvoirs et les réparations dont dispose l'arbitre saisi d'une affaire de congédiement injuste et il ne renferme certainement aucune disposition qui soit analogue au paragraphe 242(4) du CCT.


[23]            Aux termes de l'alinéa 7(1)e) de la LGFP, la gestion du personnel de la fonction publique relève au premier chef du Conseil du Trésor, qui est également habilité, en vertu de l'alinéa 11(2)f), à établir des normes et des directives. Sa Majesté ne prétend pas que le Conseil du Trésor a établi, en vertu de l'alinéa 11(2)f), des normes ou des directives qui justifieraient la réparation conçue par l'arbitre dans le cas qui nous occupe.

[24]            Je prends acte du principe de common law, que le juge Marceau a rappelé dans l'arrêt Énergie atomique, précité, que l'exécution intégrale d'un contrat d'emploi ne peut en aucun cas être exigée. Ce principe de common law doit toutefois céder le pas devant tout texte de loi qui affirme le contraire. M. Gannon soutient en fait que le paragraphe 11(4) de la LGFP a pour effet d'abroger le principe de common law dans la mesure où il prive son ex-employeur du pouvoir légitime de mettre fin à son emploi à moins d'avoir une bonne raison de le faire. Exprimée plus simplement, sa thèse est que les principes des mesures disciplinaires progressives ne sauraient avoir préséance sur le paragraphe 11(4) de la LGFP. Je ne vois rien dans les moyens de droit invoqués par Sa Majesté qui réponde efficacement à l'argument de M. Gannon.

[25]            On a cité l'arrêt Deigan c. Canada (Industrie Canada) [2002] A.C.F. no 63 (QL), 2002 CAF 273, dans lequel notre Cour a jugé qu'il n'y avait aucune raison de modifier la décision d'un arbitre désigné en vertu de la LRTFP qui avait accordé une indemnité plutôt qu'une réintégration à un employé de la fonction publique congédié. Il ressort toutefois d'un examen attentif du dossier de cette affaire qu'aucun argument n'a jamais été invoqué en vertu du paragraphe 11(4) de la LGFP.


[26]            En l'espèce, l'arbitre a tout simplement ignoré le paragraphe 11(4) de la LGFP. Par ailleurs, Sa Majesté n'a cité à la Cour aucune loi qui donnerait à un arbitre le droit de condamner l'employeur à une indemnité plutôt que de l'obliger à réintégrer l'employé lésé. Force m'est donc de conclure que la décision de l'arbitre sur la réparation qui a été accordée est irrationnelle et ne peut être confirmée.

VII. Dispositif

[27]            En résumé, je ne décèle aucune raison qui justifierait de modifier la décision de l'arbitre suivant laquelle le MDN avait des raisons de suspendre M. Gannon de son emploi et de lui infliger des sanctions pour son inconduite. J'estime toutefois que les actes répréhensibles reprochés à l'appelant ne justifiaient pas le MDN de mettre fin à son emploi. La sanction qui a été infligée était à mon avis incompatible avec les conclusions de l'arbitre et ntait pas autorisée par les dispositions législatives applicables. Compte tenu de la preuve présentée, les conclusions de l'arbitre auraient dû se solder par la réintégration de M. Gannon dans ses fonctions et, à la discrétion de l'arbitre, par l'imposition d'autres peines que le congédiement de l'appelant pour ses actes répréhensibles.


[28]            J'accueillerais le présent appel et j'annulerais la décision du juge de première instance. Rendant la décision que le juge de première instance aurait dû rendre, j'accueillerais la demande de contrôle judiciaire et j'annulerais la partie de la décision de l'arbitre relative au congédiement non motivé de M. Gannon. Je renverrais le grief de congédiement de M. Gannon devant un nouvel arbitre à qui il serait donné pour instruction d'ordonner l'annulation du congédiement et d'examiner quelle peine plus légère devraient commander les actes qui, selon l'arbitre, justifiaient des mesures disciplinaires. Cet arbitrage devrait commencer dans les 120 jours suivant la date du jugement rendu dans le présent appel.

[29]            M. Gannon a droit à ses dépens tant devant notre Cour que devant la Cour fédérale.

                                                                                       « B. Malone »              

       Juge

« Je souscris à ces motifs

A.M. Linden, juge »

« Je souscris à ces motifs

K. Sharlow, juge »

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                             COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         A-43-04

INTITULÉ :                                        CARL S. GANNON c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET AUTRE

                                                     

PLACE DE L'AUDIENCE :             HALIFAX (NOUVELLE-ÉCOSSE)

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 10 NOVEMBRE 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :             LE JUGE MALONE

Y ONT SOUSCRIT :              LE JUGE LINDEN

LE JUGE SHARLOW

DATE DES MOTIFS :                       LE 7 DÉCEMBRE 2005

COMPARUTIONS :

Carl S. Gannon

L'APPELANT POUR SON PROPRE COMPTE

Richard E. Fader

POUR LES INTIMÉS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

POUR LES INTIMÉS


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