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Date : 20040629

Dossier : A-206-03

Référence : 2004 CAF 249

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU

LA JUGE SHARLOW

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                                    JOHN LOO

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                        défenderesse

                          Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 22 juin 2004

                                       Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 29 juin 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                              LA JUGE SHARLOW

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                  LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                                                            LE JUGE MALONE


Date : 20040629

Dossier : A-206-03

Référence : 2004 CAF 249

CORAM :       LE JUGE LÉTOURNEAU

LA JUGE SHARLOW

LE JUGE MALONE

ENTRE :

                                                                    JOHN LOO

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                        défenderesse

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE SHARLOW

[1]                Le demandeur John Loo interjette un appel d'un jugement par lequel la Cour canadienne de l'impôt a rejeté l'appel qu'il avait présenté à l'égard de nouvelles cotisations émises suivant la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1, (5e suppl.), pour les années 1999 et 2000; voir la décision Loo c. Canada, [2003] 3 C.T.C. 2376, 2003 D.T.C. 585 (C.C.I.). Les nouvelles cotisations refusaient la déduction de certains frais judiciaires payés par M. Loo au cours de ces années.


[2]                M. Loo prétend avoir le droit de déduire des frais judiciaires suivant l'alinéa 8(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu qui est rédigé comme suit :

8. (1) Sont déductibles dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu'il est raisonnable de considérer comme s'y rapportant : [...]

8. (1) In computing a taxpayer's income for a taxation year from an office or employment, there may be deducted such of the following amounts as are wholly applicable to that source or such part of the following amounts as may reasonably be regarded as applicable thereto:...

b) les sommes payées par le contribuable au cours de l'année au titre des frais judiciaires ou extrajudiciaires qu'il a engagés pour recouvrer le traitement ou salaire qui lui est dû par son employeur ou ancien employeur ou pour établir un droit à ceux-ci [...].

(b) amounts paid by the taxpayer in the year as or on account of legal expenses incurred by the taxpayer to collect or establish a right to salary or wages owed to the taxpayer by the employer or former employer of the taxpayer. ...

[3]                M. Loo est l'un des cinquante-cinq avocats travaillant en Colombie-Britannique pour le ministère de la Justice fédéral qui poursuivent leur employeur à la Cour suprême de Colombie-Britannique. L'allégation factuelle qui sous-tend leur demande est qu'ils sont payés un salaire moindre que d'autres avocats occupant des postes de même niveau au sein du ministère de la Justice fédéral à Toronto. Ils prétendent, en se fondant sur de nombreux arguments juridiques, que les conditions de leur emploi leur donnent le droit d'être payés le même salaire que les avocats de Toronto.


[4]                En rejetant l'appel en matière d'impôt sur le revenu déposé par M. Loo, le juge a déclaré que l'alinéa 8(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu ne s'applique pas parce que M. Loo a reçu le salaire prévu par son propre contrat d'emploi. Respectueusement, je ne suis pas d'accord avec le juge quant à cette conclusion parce que, à mon avis, elle est fondée sur une interprétation erronée de l'alinéa 8(1)b).

[5]                L'alinéa 8(1)b) exige que les fins pour lesquelles des frais judiciaires ont été engagés soient établies. Si les frais judiciaires ont été engagés dans le cadre d'une poursuite à l'égard d'une demande visée par les mots de l'alinéa 8(1)b), les frais sont déductibles. Il n'est pas nécessaire ou pertinent de déterminer si la demande est bien fondée en droit ou si elle sera probablement accueillie.

[6]                La notion de traitement ou salaire « dû » est primordiale dans l'alinéa 8(1)b). Le New Oxford Dictionary of English (1998, Clarendon Press, Oxford) définit le mot « devoir » comme suit :

[TRADUCTION]

[...] a une obligation de payer ou de rembourser (quelque chose, en particulier de l'argent) en échange de quelque chose reçu

De façon générale, une obligation de payer un traitement ou un salaire est établie par les conditions d'un contrat de travail. Le contrat prévoira les services devant être fournis et le montant du traitement ou du salaire payable pour ces services. Le traitement ou salaire est « dû » à l'employé lorsque les services ont été fournis.


[7]                L'alinéa 8(1)b) comporte deux volets. Le premier volet permet de déduire des frais judiciaires engagés dans une action intentée afin de recouvrer le traitement ou le salaire dû. Il vise un litige résultant de l'omission d'un employeur de payer le traitement ou le salaire dû à un employé. Dans un tel cas, il est possible qu'il n'y ait pas de litige quant au montant du traitement ou du salaire que l'employé a le droit de recevoir pour les services qu'il a fournis, mais il peut y avoir un litige factuel quant au montant du traitement ou du salaire demeurant impayé.

[8]                Le deuxième volet de l'alinéa 8(1)b) vise une situation dans laquelle la question en litige est celle du droit au salaire réclamé. Le deuxième volet s'applique si, par exemple, un individu engage des frais judiciaires pour porter devant les tribunaux un litige factuel à l'égard de la question de savoir s'il a effectivement fourni les services prévus par le contrat de travail ou un litige quant au taux de salaire payable pour les services fournis. Cela inclurait, par exemple, un litige à l'égard des conditions d'emploi.


[9]                Il n'est pas contesté que dans la présente affaire M. Loo a fourni des services à son employeur et qu'il a reçu un certain salaire pour ces services. Toutefois, il a été payé au taux que son employeur prétend être payable, non au taux que M. Loo prétend être payable. Le coeur de la cause est le litige entre M. Loo et son employeur quant à ses conditions d'emploi à l'égard du salaire applicable. La demande de M. Loo peut ou non être bien fondée en droit et elle peut ou non être accueillie. Mais sa demande, indépendamment de son bien-fondé, est nettement visée par les mots de l'alinéa 8(1)b) parce que M. Loo tente d'établir dans une cause portée devant les tribunaux que, pour les services qu'il a fournis à son employeur, la loi exige qu'il soit payé plus que ce qu'il a été payé. Il s'ensuit que M. Loo a le droit de déduire les frais judiciaires pour lesquels il demandait une déduction.

[10]            Les faits dans la présente affaire sont différents des faits de l'arrêt Jazairi c. Canada, [2001] 2 C.T.C. 28, 2001 D.T.C. 5163 (C.A.F.). Dans cet arrêt, il a été statué que les frais judiciaires n'étaient pas déductibles s'ils étaient engagés dans le but d'établir un droit à une promotion à un poste comportant un salaire plus élevé. L'essence de la demande du demandeur dans cet arrêt était qu'il aurait dû être promu à un niveau plus élevé dans sa hiérarchie professionnelle. D'autres affaires dans lesquelles la demande était en fait une demande visant à obtenir une promotion ont entraîné le refus des demandes suivant l'alinéa 8(1)b); voir, par exemple, l'arrêt Turner-Lienaux c. Canada, [1997] 2 C.T.C. 344, 97 D.T.C. 5294 (C.A.F.). M. Loo ne prétend pas qu'il avait le droit d'obtenir une promotion à Toronto afin qu'il puisse toucher un salaire plus élevé.


[11]            Une déduction en vertu de l'alinéa 8(1)b) a également été refusée dans un cas où les frais judiciaires ont été engagés pour contester ou faire renverser une décision judiciaire ou réglementaire qui touche défavorablement l'emploi du demandeur ou son statut professionnel (arrêt Blagdon c. Procureur général du Canada, [2003] 4 C.T.C. 107, 2003 D.T.C. 5491 (C.A.F.)), ou dans un cas où le demandeur tente d'obtenir une compensation financière reliée à des allégations d'actes illégaux ou fautifs par un employeur (décision Guenette c. Canada, 2004 D.T.C. 2276, et décision Fortin c. Canada, [2002] 4 C.T.C. 2245). Dans aucun de ces cas, on ne peut dire que le demandeur prétendait, comme en l'espèce, qu'il avait été sous-payé pour le travail effectué.

[12]            J'accueillerais le présent appel avec dépens.

« K. Sharlow »

Juge

« Je souscris aux présents motifs

     Gilles Létourneau, juge »

« Je souscris aux présents motifs

     B. Malone, juge »

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


                                                     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         A-206-03

INTITULÉ :                                        JOHN LOO

c.

SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                  VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 22 JUIN 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :             LA JUGE SHARLOW

Y ONT SOUSCRIT :              LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE MALONE

DATE DES MOTIFS :                       LE 29 JUIN 2004

COMPARUTIONS :

Max Weder                                                       POUR LE DEMANDEUR

R. Scott McDougall                                           POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Borden Ladner Gervais LLP                              POUR LE DEMANDEUR

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

Ministère de la Justice du Canada                      POUR LA DÉFENDERESSE

Edmonton (Alberta)


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