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Date : 20000721

Dossier : A-717-98

CORAM :       LE JUGE STRAYER

LE JUGE ISAAC

LE JUGE SEXTON

ENTRE :                                                        

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                          demandeur

                                                                          - et -

ADRIANA HABERMAN

                                                                                                                                      défenderesse

Audition tenue à Toronto (Ontario), le mardi 8 mai 2000

JUGEMENT prononcé à Ottawa (Ontario), le vendredi 21 juillet 2000

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR :                                         LE JUGE SEXTON

MOTIFS CONCORDANTS PRONONCÉS PAR :                                     LE JUGE STRAYER

MOTIFS DISSIDENTS PRONONCÉS PAR :                                                   LE JUGE ISAAC


Date : 20000721

Dossier : A-717-98

CORAM :       LE JUGE STRAYER

LE JUGE ISAAC

LE JUGE SEXTON

ENTRE :

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

- et -

ADRIANA HABERMAN

défenderesse

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE SEXTON

INTRODUCTION

[1]         Le procureur général du Canada soulève deux questions dans sa demande de contrôle judiciaire :


           (1)        Un conseil arbitral ou un juge-arbitre ont-ils compétence pour déterminer le nombre d'heures d'emploi assurable qu'un prestataire de l'assurance-emploi a accumulées ou pareille compétence relève-t-elle exclusivement du ministère du Revenu national par application de l'alinéa 90(1)d) et de l'article 122 de la Loi sur l'assurance-emploi[1]?

           (2)        Quelle interprétation doit être attribuée à l'article 94.1 du Règlement sur l'assurance-emploi[2], qui régit la transition entre l'ancienne Loi sur l'assurance-chômage[3] et l'actuelle Loi sur l'assurance-emploi?

LE CONTEXTE LÉGISLATIF

[2]         Sous le régime de la Loi sur l'assurance-chômage, l'admissibilité aux prestations de l'assurance-chômage était déterminée en fonction du nombre de semaines de travail du prestataire au cours de sa période de référence. Normalement, la période de référence d'un prestataire correspondait aux 52 semaines précédant sa demande de prestations[4]. Le régime fondé sur un nombre de semaines est demeuré en vigueur jusqu'au 4 janvier 1997[5]. Depuis cette date, l'admissibilité d'un travailleur est établie sous le régime de la Loi sur l'assurance-emploi en fonction du nombre d'heures de travail du prestataire pendant sa période de référence[6].


[3]         L'article 94.1 du Règlement sur l'assurance-emploi, reproduit ci-dessous, a été édicté pour assurer la transition entre le régime fondé sur le nombre de semaines et celui fondé sur le nombre d'heures :

94.1         Where, for the purposes of the Act and in respect of a benefit period established on or after January 5, 1997, a claimant presents evidence of a week of insurable employment that occurred before January 1, 1997, that week of insurable employment shall be considered to represent 35 hours of insurable employment.

94.1         Lorsque, pour l'application de la Loi, le prestataire présente, à l'égard d'une période de prestations établie le 5 janvier 1997 ou après cette date, la preuve d'une semaine d'emploi assurable antérieure au 1er janvier 1997, cette semaine d'emploi assurable est considérée comme ayant 35 heures d'emploi assurable.

[4]         L'article 94.1 convertit les semaines d'emploi assurable accumulées avant le 1er janvier 1997 en heures. Une semaine d'emploi assurable correspond à 35 heures d'emploi assurable. De cette façon, les semaines accumulées sous le régime de la Loi sur l'assurance-chômage sont traitées comme des heures sous le régime de la Loi sur l'assurance-emploi pour déterminer si une personne a accumulé le nombre d'heures requis pour obtenir des prestations d'assurance-emploi.

LE CONTEXTE FACTUEL


[5]         Mme Haberman a demandé des prestations d'assurance-emploi en mars 1997. Comme elle appartenait à la catégorie des personnes qui deviennent ou redeviennent membres de la population active, elle devait avoir accumulé au moins 910 heures d'emploi assurable pour avoir droit aux prestations d'assurance-emploi[7]. La Commission de l'assurance-emploi du Canada (la Commission) a conclu que Mme Haberman n'avait pas droit à des prestations d'assurance-emploi parce qu'elle n'avait accumulé que 904 heures d'emploi assurable, soit six heures de moins que le minimum requis.

[6]         Les heures d'emploi assurable accumulées par Mme Haberman en 1996 étaient régies par l'article 94.1 du Règlement sur l'assurance-emploi. La Commission a calculé les heures d'emploi assurable de Mme Haberman en appliquant l'article 94.1 du Règlement pour convertir les 18 semaines pendant lesquelles elle avait travaillé avant le 1er janvier 1997. Elle a calculé que Mme Haberman avait accumulé 630 heures d'emploi assurable au total en 1996[8], les a additionnées aux 274 heures qu'elle avait accumulées en 1997, pour arriver à un total de 904 heures d'emploi assurable.


[7]         Mme Haberman a reproché à la Commission d'avoir mal calculé ses heures d'emploi assurable. Elle soutenait avoir travaillé plus de 35 heures par semaine pendant ses 18 semaines d'emploi en 1996. Elle a fait valoir que son employeur lui versait une rémunération pour 38 heures par semaine en 1996, ce qui fait 684 heures en tout pour 1996; si l'on y ajoute les 274 heures qu'elle a accumulées en 1997, on obtient un total bien supérieur aux 910 heures qu'elle devait accumuler pour être admissible aux prestations d'assurance-emploi. De plus, bien que son employeur ait confirmé que Mme Haberman travaillait 38 heures par semaine, elle a affirmé qu'elle travaillait en fait 39 heures par semaine. Elle a expliqué que son employeur avait déduit deux heures par semaine de son chèque de paye parce qu'elle avait rendez-vous chez son médecin, alors qu'elle ne s'absentait qu'une heure par semaine à cette fin. Par conséquent, Mme Haberman prétendait que les 39 heures par semaine pour lesquelles elle aurait dû être payée donnent un total de 976 heures.

[8]         La Commission a rejeté les prétentions de Mme Haberman. Elle a conclu que, par application de l'article 94.1 du Règlement, chaque semaine d'emploi assurable antérieure au 1er janvier 1997 devait impérativement être convertie en 35 heures, sans égard au nombre d'heures pendant lesquelles une personne avait effectivement travaillé pendant la semaine.

[9]         Mme Haberman a interjeté appel au conseil arbitral, qui a accueilli son appel. Voici ce que le conseil a statué :

[Traduction] Le cas de la prestataire peut être comparé à celui de quelqu'un qui travaille 40, 50 ou 60 heures par semaine. La loi ne lui permet de faire valoir que 35 heures de travail par semaine. Selon le gros bon sens, cela devrait valoir en sens inverse. Une personne qui est embauchée pour travailler 8½ heures par jour, comme en l'espèce, mais qui doit se rendre chez le médecin une heure une fois par semaine pour des raisons de santé et qui n'est pas rémunérée pour l'heure pendant laquelle elle s'est absentée ne devrait pas être pénalisée doublement.

Selon la Commission, la prestataire a accumulé 6 heures de moins que le minimum requis, mais, si l'on applique la justice naturelle, la prestataire a accumulé plus d'heures que le minimum requis.

[10]       Après le prononcé de la décision du conseil arbitral, la Commission a demandé à un fonctionnaire du ministère du Revenu national de déterminer le nombre d'heures d'emploi assurable que Mme Haberman avait accumulées en 1997. Elle n'a pas demandé à ce fonctionnaire de déterminer le nombre d'heures qu'elle avait accumulées en 1996.

LA DÉCISION DONT APPEL


[11]       La Commission a porté la décision du conseil en appel devant un juge-arbitre, qui a rejeté l'appel. Le juge-arbitre a statué que l'article 94.1 n'obligeait pas la Commission à convertir une semaine d'emploi assurable survenue en 1996 en 35 heures lorsqu'un prestataire fournissait la preuve qu'il avait travaillé plus de 35 heures par semaine. Le juge-arbitre a conclu que Mme Haberman, qui avait travaillé plus de 35 heures pendant les 18 semaines qu'elle voulait porter à son crédit, avait bel et bien fourni une preuve contraire et qu'elle avait donc accumulé un nombre d'heures suffisant pour avoir droit à des prestations d'assurance-emploi.

[12]       La Commission demande à la Cour de contrôler la décision du juge-arbitre.

ANALYSE

Le conseil arbitral et, corrélativement, un juge-arbitre avaient-ils compétence pour déterminer le nombre d'heures d'emploi assurable que Mme Haberman avait accumulées?

[13]       Comme je l'ai déjà mentionné, le procureur général soulève une question préliminaire quant à l'interprétation à attribuer à l'article 94.1 du Règlement : c'est-à-dire qu'il prétend que le conseil arbitral et un juge-arbitre n'ont même pas compétence pour appliquer l'article 94.1 du Règlement, étant donné que le ministère du Revenu national a compétence exclusive (sous réserve d'un appel) pour déterminer le nombre d'heures d'emploi assurable d'un assuré.

[14]       Le procureur général fonde ses prétentions sur l'alinéa 90(1)d) et l'article 122 de la Loi sur l'assurance-emploi, que voici :


90(1)       An employer, an employee, a person claiming to be an employer or an employee or the Commission may request an officer of the Department of National Revenue authorized by the Minister to make a ruling on any of the following questions [...]

(d) how many hours an insured person has had in insurable employment;

90 (1)      La Commission, de même que tout employé, employeur ou personne prétendant être l'un ou l'autre, peut demander à un fonctionnaire du ministère du Revenu national autorisé par le ministre de rendre une décision sur les questions suivantes_: [...]

d) la détermination du nombre d'heures exercées dans le cadre d'un emploi assurable;

122          If a question specified in section 90 arises in the consideration of a claim for benefits, it shall be determined by an authorized officer of the Department of National Revenue, as provided by that section.

122          Si, au cours de l'examen d'une demande de prestations, une question prévue à l'article 90 se pose, cette question est décidée par le fonctionnaire autorisé du ministère du Revenu national comme le prévoit cet article.

[15]       La Loi sur l'assurance-chômage contenait les dispositions très semblables qui suivent :

61(3)       Where there arises in relation to a claim for benefit under this Act any question concerning [...]

(c)           the length of a person's insurable employment, or [...]

               an application to the Minister for determination of the question may be made by the Commission at any time and by that person or the employer or purported employer of that person within ninety days after being notified of the decision of the Commission.

61(3)       Dans le cas d'une demande de prestations faite en vertu de la présente loi, la Commission peut demander au ministre de déterminer les points suivants : [...]

c) la durée d'un emploi assurable; [...]

L'employé en cause, ou l'employeur – effectif ou présenté comme tel – de celui-ci, peut aussi, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date où la décision de la Commission lui a été notifiée, présenter les mêmes demandes au ministre.

89            If in the consideration of any claim for benefit any question specified in section 61 arises, that question shall be determined by the Minister of Revenue as provided in Part III.

89            Si, lors de l'examen d'une demande de prestations, une question spécifiée à l'article 61 se pose, cette question est réglée par le ministre du Revenu national comme le prévoit la partie III.


[16]       Dans l'arrêt Canada (P.G.) c. Vautour[9], la Cour a statué que le paragraphe 61(3) de la Loi sur l'assurance-chômage servait à empêcher un conseil arbitral ou un juge-arbitre de déterminer la durée de l'emploi assurable d'un prestataire. Elle a dit :

Nous ajouterions que, de toute façon, ni le conseil arbitral ni le juge-arbitre n'a le pouvoir de trancher la question de savoir si le prestataire occupait un emploi assurable et, dans l'affirmative, de déterminer la durée de cet emploi (voir le paragraphe 61(3) de la Loi).

[17]       La Cour a tiré la même conclusion dans l'affaire Canada (P.G.) c. Kaur[10].

[18]       La Cour (le juge Létourneau) a confirmé récemment les arrêts Vautour et Kaur dans l'affaire Valentine c. Canada (P.G.)[11].


[19]       Je suis d'avis que l'alinéa 90(1)d) et l'article 122 de la Loi sur l'assurance-emploi sont libellés encore plus clairement que le par. 61(3) et l'article 89 de la Loi sur l'assurance-chômage. L'alinéa 90(1)d) précise expressément qu'un fonctionnaire du ministère du Revenu national est autorisé à rendre une décision sur « la détermination du nombre d'heures exercées dans le cadre d'un emploi assurable » . Compte tenu de la jurisprudence mentionnée dans les affaires Valentine, Vautour, Kaur, et de l'article 122 de la Loi sur l'assurance-emploi, selon lequel « [s]i, au cours de l'examen d'une demande de prestations, une question prévue à l'article 90 se pose, cette question est décidée par le fonctionnaire autorisé du ministère du Revenu national comme le prévoit cet article » (non souligné dans l'original), je ne crois pas que le conseil arbitral et, corrélativement, un juge-arbitre avaient compétence pour déterminer si Mme Haberman avait accumulé un nombre suffisant d'heures d'emploi assurable pour être admissible aux prestations d'assurance-emploi.

[20]       J'ai eu l'avantage de lire l'ébauche des motifs de mon collègue, mais je ne saurais malheureusement souscrire à sa conclusion que le conseil arbitral et, corrélativement, le juge-arbitre, avaient cette compétence. Le fait que le ministre ait seulement demandé à un fonctionnaire du ministère du Revenu national de déterminer le nombre d'heures d'emploi assurable de Mme Haberman pour 1997 après le prononcé de la décision du conseil arbitral, sans lui demander de déterminer le nombre de ses heures d'emploi assurable pour 1996, ne confère pas compétence au conseil arbitral, ni au juge-arbitre, pour se prononcer sur le nombre d'heures d'emploi assurable exercées par Mme Haberman. De même, le fait que le ministre ne semble pas avoir fait valoir devant le juge-arbitre que celui-ci n'avait pas compétence pour se prononcer sur le nombre d'heures d'emploi assurable que Mme Haberman avait exercées ne confère pas cette compétence au juge-arbitre, si la loi ne la lui confère pas. Les parties à l'instance ne peuvent créer, par leur consentement, une compétence qui n'existe pas[12].


[21]       Si Mme Haberman était en désaccord avec la Commission quant à son évaluation du nombre d'heures pendant lesquelles elle avait travaillé, elle pouvait présenter elle-même une demande en vertu de l'alinéa 90(1)d), car cet alinéa permet expressément non seulement à la Commission, mais aussi à un employé de demander à un fonctionnaire du ministère du Revenu national autorisé par le ministre de rendre une décision sur le nombre d'heures qu'un assuré a exercées dans le cadre d'un emploi assurable. Tout comme le juge Létourneau de la Cour d'appel dans l'arrêt Valentine, je suis sensible aux difficultés que la double voie d'appel pose aux plaideurs qui agissent pour leur propre compte. Je suis néanmoins lié par la loi.

[22]       Enfin, je ne suis pas d'accord avec Mme Haberman lorsqu'elle tente d'établir une distinction entre le présent appel et le paragraphe 61(3) et l'article 89 de la Loi sur l'assurance-emploi, en soutenant que le conseil arbitral et le juge-arbitre ont simplement entrepris un exercice d'interprétation législative de l'article 94.1 du Règlement plutôt que de déterminer concrètement le nombre d'heures qu'une personne assurée a exercées dans le cadre d'un emploi assurable, détermination qui, selon Mme Haberman, constitue la seule question visée par l'alinéa 90(1)d) de la Loi sur l'assurance-emploi. J'estime que cette distinction ne change rien : le caractère de la question demeure le même, peu importe la façon dont est déterminé le nombre d'heures d'emploi assurable de Mme Haberman.

[23]       Compte tenu de mon analyse de cette question, je ne suis pas tenu de trancher la question de l'interprétation correcte de l'article 94.1 du Règlement. Certes, je reconnais que la Cour, dans l'affaire Canada (P.G.) c. Hoek[13] a tenu pour acquis que le juge-arbitre avait compétence pour se prononcer sur le nombre d'heures qu'une personne a exercées dans le cadre d'un emploi assurable, mais il ne semble pas que la Cour ait été saisie de la question de la compétence du juge-arbitre.


[24]       Le paragraphe 90(2) de la Loi sur l'assurance-emploi, reproduit ci-dessous, empêche Mme Haberman de demander une décision concernant ses heures d'emploi assurable en 1996 :

90            (2) The Commission may request a ruling at any time, but a request by any other person must be made before the June 30 following the year to which the question relates.

90 (2) La Commission peut faire la demande de décision à tout moment, et toute autre personne, avant le 30 juin suivant l'année à laquelle la question est liée.

[25]       L'article 94 de la Loi démontre que le ministre du Revenu national n'est pas assujetti à pareil délai de prescription :

94. Nothing in sections 90 to 93 restricts the authority of the Minister to make a decision under this Part or Part VII on the Minister's own initiative or to make an assessment after the date mentioned in subsection 90(2).

94. Les articles 90 à 93 n'ont pas pour effet de restreindre le pouvoir qu'a le ministre de rendre une décision de sa propre initiative en application de la présente partie ou de la partie VII ou d'établir une évaluation ultérieurement à la date prévue au paragraphe 90(2).

[260      Comme la Commission est en grande partie responsable du choix erroné de la voie d'appel, Mme Haberman ne devrait pas être pénalisée par l'écoulement du temps. Je suis d'avis d'ordonner à un juge-arbitre[14] de « rendre la décision que le conseil arbitral aurait dû rendre » conformément à l'article 117 de la Loi sur l'assurance-emploi.


[270      La demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision du juge-arbitre sera annulée et l'affaire sera renvoyée à un juge-arbitre qui ordonnera à la Commission de demander au ministre du Revenu national de déterminer le nombre d'heures d'emploi assurable accumulées par Mme Haberman en 1996.

                           « J. Edgar Sexton J.C.A. »                                           

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L. , Trad. a.


                                                                                                                                 Date : 20000721

                                                                                                                             Dossier : A-717-98

C O R A M : LE JUGE STRAYER

LE JUGE ISAAC

LE JUGE SEXTON

E N T R E :

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                              appelant

                                                                        -- et --

                                                        ADRIANA HABERMAN

                                                                                                                                                intimée

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE STRAYER

[10        J'ai lu l'ébauche des motifs de mes collègues les juges Isaac et Sexton et j'ai conclu que je dois souscrire à l'opinion du juge Sexton quant à l'issue de la demande de contrôle judiciaire.


[20        Je suis d'accord avec le juge Isaac pour dire que la Commission avait à l'origine le pouvoir de déterminer combien d'heures d'emploi assurable un prestataire compte dans sa période de référence si la question n'est pas contestée. Le plus souvent les heures (autrefois les semaines) d'emploi sont facilement déterminées à partir du relevé d'emploi ou, au besoin, à partir des livres de paye de l'employeur. Toutefois, il me semble clair que l'alinéa 90(1)d) de la Loi sur l'assurance-emploi prévoit que la question de la « détermination du nombre d'heures exercées dans le cadre d'un emploi assurable » peut être renvoyée au ministère du Revenu national. Si le législateur n'avait pas l'intention de décrire en ces termes la question qui est précisément en cause en l'espèce, je ne peux comprendre pourquoi il a utilisé ce libellé. De plus, l'article 122 de la Loi édicte clairement que si, « au cours de l'examen d'une demande de prestations » (manifestement l'examen effectué par la Commission qui tranche normalement les demandes de prestations), une question prévue à l'article 90 se pose, cette question « est décidée » par le ministère du Revenu national, ce qui signifie selon moi que la Commission doit demander au ministère de rendre une décision comme le prévoit le paragraphe 90(1).

[30        En l'espèce, une question s'est posée concernant les heures que la prestataire avait exercées dans le cadre d'un emploi assurable dès que la Commission a calculé qu'elle avait accumulé 630 heures en 1996. Elle a contesté ce calcul et, à ce moment, la question aurait dû être soumise au ministère pour que celui-ci rende une décision comme l'exige l'article 122. Compte tenu de l'article 122, ni le conseil arbitral ni le juge-arbitre n'avaient le pouvoir de trancher cette question.


[40        La Cour n'a donc pas le pouvoir de déterminer, dans le cadre de la présente procédure de contrôle judiciaire de la décision du juge-arbitre, le nombre d'heures d'emploi assurable accumulées par la prestataire. Toutefois, si je faisais erreur sur ce point, je serais d'accord avec le juge Isaac pour dire qu'une interprétation correcte de l'article 94.1 du Règlement sur l'assurance-chômage autoriserait la Commission, le conseil arbitral et le juge-arbitre à calculer le nombre d'heures pendant lesquelles la prestataire a effectivement travaillé lorsqu'une preuve le leur permet : c'est-à-dire que, pour les motifs énoncés par le juge Isaac, les mots « est considérée » doivent être interprétés comme ayant un effet directif, compte tenu de l'objet et du but de la Loi sur l'assurance-emploi.

[50        Toutefois, étant donné mon opinion sur la question de compétence, je souscris à l'opinion du juge Sexton quant à l'issue de la demande de contrôle judiciaire.

                                                                                                                         (signé) « B.L. Strayer »         

J.C.A.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


Date : 20000721

Dossier : A-717-98

CORAM :       LE JUGE STRAYER

LE JUGE ISAAC

LE JUGE SEXTON

ENTRE :

                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                          demandeur

                                                                          - et -

                                                        ADRIANA HABERMAN

                                                                                                                                      défenderesse

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE ISAAC

INTRODUCTION


[10        Dans sa demande présentée en vertu de l'article 28, le procureur général du Canada (le demandeur) nous demande de contrôler et d'annuler la décision par laquelle un juge-arbitre nommé sous le régime de la Loi sur l'assurance-emploi[15] (la Loi) a rejeté, en date du 22 août 1998 (CUB42615), un appel interjeté par la Commission de l'assurance-emploi (la Commission) à l'encontre d'une décision prononcée par un conseil arbitral (le conseil) nommé sous le régime de la Loi sur l'assurance-emploi, en date du 3 juillet 1997.

[20        La demande est fondée sur les moyens suivants : le juge-arbitre a commis une erreur de droit dans son interprétation de l'article 94.1 du Règlement sur l'assurance-emploi (le Règlement); il a outrepassé sa compétence; il a commis une erreur en ne tenant pas compte d'éléments de preuve pertinents et en fondant sa décision sur une conclusion de fait erronée sans tenir compte des éléments dont il disposait.

                                                                             

LES FAITS

[30        Le 12 mars 1997, la défenderesse a présenté une demande de prestations d'assurance-emploi. Dans sa demande, elle affirmait avoir travaillé habituellement 42,5 heures par semaine. La Commission a refusé sa demande de prestations au motif qu'elle n'avait pas travaillé assez longtemps pour être admissible aux prestations d'assurance-emploi. La Commission a décidé que la défenderesse avait travaillé 309 heures dans le cadre d'un emploi assurable pendant la période en cause et qu'elle devait avoir travaillé 910 heures pour être admissible.


[40        La défenderesse a porté la décision de la Commission en appel devant le conseil en faisant valoir qu'elle avait en fait travaillé plus de 910 heures et que son employeur mentirait s'il affirmait le contraire. Cette prétention a incité la Commission à communiquer avec l'employeur. Celui-ci a informé la Commission que la défenderesse avait en fait travaillé 38 heures par semaine pendant 18 semaines en 1996 et 274 heures en 1997 - ce qui donne un total de 958 heures pour cette période.

[50        La Commission n'a pas agi en tenant compte de cette information et accordé des prestations à la défenderesse, ni demandé l'opinion du ministre du Revenu national (le ministre) en vertu de l'alinéa 90(1)d) de la Loi. Elle a plutôt appliqué la formule de conversion prévue à l'article 94.1 du Règlement et déterminé que la défenderesse avait accumulé 630 heures d'emploi assurable en 1996 (35 heures par semaine pendant 18 semaines) et 274 heures d'emploi assurable en 1997 - pour un total de 904 heures d'emploi assurable au cours de la période en cause. La Commission a ensuite téléphoné à la défenderesse pour l'informer du total corrigé, mais lui a expliqué qu'il lui manquait encore six heures pour atteindre les 910 heures d'emploi assurable exigées pour recevoir des prestations en vertu de la Loi.

[60        La défenderesse a comparu et témoigné devant le conseil. Son témoignage a été enregistré. Elle a plaidé devant le conseil qu'elle avait travaillé 8,5 heures par jour pendant la période en cause et qu'elle avait donc droit à des prestations[16].


[70        Dans ses observations au conseil, la Commission a énoncé la question en litige et résumé sa position dans les termes suivants :

[Traduction] La question soulevée par l'appel est celle de savoir si la prestataire a accumulé un nombre suffisant d'heures d'emploi assurable pour établir le bien-fondé d'une demande en vertu des articles 7 et 8 de la Loi sur l'assurance-emploi. Les dispositions pertinentes de la Loi sur l'assurance-emploi et du Règlement sont jointes aux présentes.[17]

La Commission soutient que la prestataire a accumulé 904 heures d'emploi assurable, alors qu'elle doit en accumuler 910. Malheureusement, bien que la prestataire puisse avoir travaillé et puisse fournir la preuve qu'elle a travaillé plus de 35 heures par semaine en 1996, l'article 94.1 du Règlement permet seulement de convertir ces semaines en heures à raison de 35 heures par semaine.[18]

                                                                                                  [non souligné dans l'original]

[80        Le 3 juillet 1997, le conseil a accueilli l'appel de la défenderesse pour les motifs suivants :

[Traduction]

DÉCISION

Le conseil décide que la prestataire a accumulé suffisamment de semaines d'emploi assurable pour établir le bien-fondé de sa demande en vertu des articles 7 et 8 de la Loi sur l'assurance-emploi.      [non souligné dans l'original]

Le cas de la prestataire peut être comparé à celui de quelqu'un qui travaille 40, 50 ou 60 heures par semaine. La loi ne lui permet de faire valoir que 35 heures de travail par semaine. Selon le gros bon sens, cela devrait valoir en sens inverse. Une personne qui est embauchée pour travailler 8½ heures par jour, comme en l'espèce, mais qui doit se rendre chez le médecin une heure une fois par semaine pour des raisons de santé et qui n'est pas rémunérée pour l'heure pendant laquelle elle s'est absentée ne doit pas être pénalisée doublement.


Selon la Commission, la prestataire a accumulé 6 heures de moins que le minimum requis, mais, si l'on applique la justice naturelle, la prestataire a accumulé plus d'heures que le minimum requis. Le conseil constate que l'employé et l'employeur versent tous les deux des primes fondées sur le nombre total d'heures de travail, alors que seulement 35 heures par semaine peuvent être créditées.[19]

                                                                                                  [non souligné dans l'original]

[90        Le demandeur a interjeté appel de cette décision devant un juge-arbitre, en alléguant des erreurs visées aux alinéas (2)b) et c) de l'article 115 de la Loi.

[100      Le 2 septembre 1997, après le prononcé de la décision du conseil, un employé de la Commission, prétendant agir en vertu du paragraphe 90(1) de la Loi, a demandé au ministre, dans les termes suivants, de rendre une décision :

[Traduction]

-La prestataire conteste le calcul des heures d'emploi assurable

-Le conseil arbitral a outrepassé sa compétence en allouant plus d'heures que celles calculées

-Veuillez exprimer vos commentaires sur le nombre d'heures assurables (1997)

[110      Le ministre a répondu le 15 octobre 1997 dans les termes suivants :

[Traduction]

La travailleuse a été embauchée aux termes d'un contrat de louage de services comme l'exige l'alinéa 5(1)a) de la Loi. Par conséquent, la période s'échelonnant entre le 1er janvier 1997 et le 19 février 1997 est assurable. Cette période comprend 274 heures assurables.[20]


[120      Le juge-arbitre a rejeté l'appel du demandeur pour deux motifs. Premièrement, il a statué sur les faits que l'employeur avait compté trop de temps pour les visites de la défenderesse chez le médecin et, si on se reporte aux calculs de la défenderesse, qu'elle avait accumulé suffisamment d'heures pour être admissible aux prestations. Deuxièmement, il a affirmé que la Loi utilisait le terme « présumé » pour décrire l'effet du paragraphe 94.1 - une semaine est présumée compter 35 heures. Toutefois, en l'espèce, l'employeur de la défenderesse a précisé un nombre d'heures qui, au total, excède le nombre fixé par la loi. Il n'est donc pas nécessaire d'avoir recours à l'article 94.1 de la Loi. Habituellement, une disposition qui crée une présomption est utilisée pour inférer un fait; mais, dans le cas où, comme en l'espèce, les faits sont établis avec certitude, la présomption n'est pas pertinente. Par conséquent, la Commission aurait dû compter la totalité des 684 heures pendant lesquelles la défenderesse aurait travaillé au cours des 18 semaines de 1996, aux dires de son employeur. Le juge-arbitre a expliqué ce deuxième motif de rejet de l'appel dans les termes suivants :

J'éprouve un peu de difficulté avec la formulation de la Loi, plus particulièrement le mot « présumé » , ce mot n'étant pas défini dans la législation. Il est utilisé fréquemment pour préciser une situation boueuse dans laquelle il est difficile de déterminer un fait, et la législation permet de donner un sens insinué ou une conclusion prima facie lorsqu'il est présumé qu'un événement a eu lieu. Étant donné que le nombre d'heures a été établi de façon définitive, mon interprétation est donc que ces heures ne devraient pas être présumées, car elles sont précises. En ce qui a trait au fait que la législation agisse de manière rétroactive, il me semble que ça frôle la perversité, surtout dans le cas d'une législation sociale par laquelle un citoyen contribue à la survie de la Commission et que cette dernière lui retire ses droits, l'empêchant de recevoir, en l'absence de cette disposition, des prestations légales.[21]                                    [non-souligné dans l'original]

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

Loi sur l'assurance-chômage :



6.(1) Unemployment insurance benefits are payable as provided in this Part to an insured person who qualifies to receive those benefits.

6.(1) Les prestations d'assurance-chômage sont payables, ainsi que le prévoit la présente partie, à un assuré qui remplit les conditions requises pour recevoir ces prestations.(2) An insured person, other than a new entrant or re-entrant to the labour force, qualifies to receive benefit under this Act if the person

(a) has, during the person's qualifying period, had at least the number of weeks of insurable employment set out in Table 1 of the schedule in relation to the regional rate of unemployment that applies to the person; and

(b) has had an interruption of earnings from employment.

(2) L'assuré autre qu'une personne qui devient ou redevient membre de la population active remplit les conditions requises pour recevoir des prestations en vertu de la présente loi si :

a) d'une part, il a, au cours de sa période de référence, exercé un emploi assurable pendant au moins le nombre de semaines indiqué au tableau 1 de l'annexe en fonction du taux régional de chômage qui lui est applicable;

b) d'autre part, il y a eu arrêt de la rémunération provenant de son emploi.


Loi sur l'assurance-emploi :


"insurable earnings" means the total amount of the earnings, as determined in accordance with Part IV, that an insured person has from insurable employment;

« rémunération assurable » Le total de la rémunération d'un assuré, déterminé conformément à la partie IV, provenant de tout emploi assurable.

7. (1) Unemployment benefits are payable as provided in this Part to an insured person who qualifies to receive them.

7. (1) Les prestations de chômage sont payables, ainsi que le prévoit la présente partie, à un assuré qui remplit les conditions requises pour les recevoir.

(2) An insured person, other than a new entrant or a re-entrant to the labour force, qualifies if the person

(a) has had an interruption of earnings from employment; and

(b) has had during their qualifying period at least the number of hours of insurable employment set out in the following table in relation to the regional rate of unemployment that applies to the person.

(2) L'assuré autre qu'une personne qui devient ou redevient membre de la population active remplit les conditions requises si, à la fois_:

a) il y a eu arrêt de la rémunération provenant de son emploi;

b) il a, au cours de sa période de référence, exercé un emploi assurable pendant au moins le nombre d'heures indiqué au tableau qui suit en fonction du taux régional de chômage qui lui est applicable.

(3) An insured person who is a new entrant or a re-entrant to the labour force qualifies if the person

(a) has had an interruption of earnings from employment; and

(b) has had 910 or more hours of insurable employment in their qualifying period.

(3) L'assuré qui est une personne qui devient ou redevient membre de la population active remplit les conditions requises si, à la fois_:

a) il y a eu arrêt de la rémunération provenant de son emploi;

b) il a, au cours de sa période de référence, exercé un emploi assurable pendant au moins neuf cent dix heures.


(4) An insured person is a new entrant or a re-entrant to the labour force if, in the last 52 weeks before their qualifying period, the person has had fewer than 490

(a) hours of insurable employment;

(b) hours for which benefits have been paid or were payable to the person, calculated on the basis of 35 hours for each week of benefits;

(c) prescribed hours that relate to employment in the labour force; or

(d) hours comprised of any combination of those hours.

(4) La personne qui devient ou redevient membre de la population active est celle qui, au cours de la période de cinquante-deux semaines qui précède le début de sa période de référence, a cumulé, selon le cas_:

a) moins de quatre cent quatre-vingt-dix heures d'emploi assurable;

b) moins de quatre cent quatre-vingt-dix heures au cours desquelles des prestations lui ont été payées ou lui étaient payables, chaque semaine de prestations se composant de trente-cinq heures;c) moins de quatre cent quatre-vingt-dix heures reliées à un emploi sur le marché du travail, tel qu'il est prévu par règlement;

d) moins de quatre cent quatre-vingt-dix de l'une ou l'autre de ces heures.

(5) For the purposes of subsection (4), an hour that is taken into account under any of paragraphs (4)(a), (b) or (c) may not be taken into account under the other.

(5) Pour l'application du paragraphe (4), une heure comptée au titre de l'un des alinéas (4)a) à c) ne peut l'être à nouveau au titre de l'un ou l'autre de ces alinéas.

(6) An insured person is not qualified to receive benefits if it is jointly determined that the insured person must first exhaust or end benefit rights under the laws of another jurisdiction, as provided by Article VI of the Agreement Between Canada and the United States Respecting Unemployment Insurance, signed on March 6 and 12, 1942.

(6) L'assuré ne remplit pas les conditions requises s'il est convenu, au titre de l'Article VI de l'Accord entre le Canada et les États-Unis d'Amérique concernant l'assurance-chômage signé les 6 et 12 mars 1942, qu'il doit d'abord épuiser ses droits de recevoir des prestations, ou y mettre fin, aux termes des lois de l'autre juridiction.

55. (1) The Commission may, with the approval of the Governor in Council, make regulations for establishing how many hours of insurable employment a person has, including regulations providing that persons whose earnings are not paid on an hourly basis are deemed to have hours of insurable employment as established in accordance with the regulations.

55. (1) La Commission peut, avec l'agrément du gouverneur en conseil, prendre des règlements concernant l'établissement du nombre d'heures d'emploi assurable d'une personne et, notamment, prévoyant que les personnes dont la rémunération est versée sur une base autre que l'heure sont réputées avoir le nombre d'heures d'emploi assurable établi conformément aux règlements.

56. The purpose of this Part is to help maintain a sustainable employment insurance system through the establishment of employment benefits for insured participants and the maintenance of a national employment service.

56. La présente partie a pour objet d'aider à maintenir un régime d'assurance-emploi durable par la mise sur pied de prestations d'emploi pour les participants et par le maintien d'un service national de placement.

60. (1) The Commission shall maintain a national employment service to provide information on employment opportunities across Canada to help workers find suitable employment and help employers find suitable workers.

60. (1) La Commission maintient un service national de placement fournissant de l'information sur les possibilités d'emploi au Canada en vue d'aider les travailleurs à trouver un emploi convenable et les employeurs à trouver des travailleurs répondant à leurs besoins.

67. Subject to section 70, a person employed in insurable employment shall pay, by deduction as provided in subsection 82(1), a premium equal to their insurable earnings multiplied by the premium rate set by the Commission.

67. Sous réserve de l'article 70, toute personne exerçant un emploi assurable verse, par voie de retenue effectuée au titre du paragraphe 82(1), une cotisation correspondant au produit obtenu par multiplication de sa rémunération assurable par le taux fixé par la Commission.


82. (1) Every employer paying remuneration to a person they employ in insurable employment shall

(a) deduct the prescribed amount from the remuneration as or on account of the employee's premium payable by that insured person under section 67 for any period for which the remuneration is paid; and

(b) remit the amount, together with the employer's premium payable by the employer under section 68 for that period, to the Receiver General at the prescribed time and in the prescribed manner.

82. (1) L'employeur qui paie une rétribution à une personne exerçant à son service un emploi assurable est tenu de retenir sur cette rétribution, au titre de la cotisation ouvrière payable par cet assuré en vertu de l'article 67 pour toute période à l'égard de laquelle cette rétribution est payée, un montant déterminé conformément à une mesure d'ordre réglementaire et de le verser au receveur général avec la cotisation patronale correspondante payable en vertu de l'article 68, au moment et de la manière prévus par règlement.

90. (1) An employer, an employee, a person claiming to be an employer or an employee or the Commission may request an officer of the Department of National Revenue authorized by the Minister to make a ruling on any of the following questions:

(a) whether an employment is insurable;

(b) how long an insurable employment lasts, including the dates on which it begins and ends;

(c) what is the amount of any insurable earnings;

(d) how many hours an insured person has had in insurable employment;

(e) whether a premium is payable;

(f) what is the amount of a premium payable;

(g) who is the employer of an insured person;

(h) whether employers are associated employers; and

(i) what amount shall be refunded under subsections 96(4) to (10).

90. (1) La Commission, de même que tout employé, employeur ou personne prétendant être l'un ou l'autre, peut demander à un fonctionnaire du ministère du Revenu national autorisé par le ministre de rendre une décision sur les questions suivantes_:

a) le fait qu'un emploi est assurable;

b) la détermination de la durée d'un emploi assurable, y compris ses dates de début et de fin;

c) la détermination de la rémunération assurable;

d) la détermination du nombre d'heures exercées dans le cadre d'un emploi assurable;

e) l'existence de l'obligation de verser une cotisation;

f) la détermination du montant des cotisations à verser;

g) l'identité de l'employeur d'un assuré;

h) le fait qu'un employeur est un employeur associé;

i) le montant du remboursement prévu à l'un ou l'autre des paragraphes 96(4) à (10).

(2) The Commission may request a ruling at any time, but a request by any other person must be made before the June 30 following the year to which the question relates.

(2) La Commission peut faire la demande de décision à tout moment, et toute autre personne, avant le 30 juin suivant l'année à laquelle la question est liée.

(3) The authorized officer shall make the ruling within a reasonable time after receiving the request.

(3) Le fonctionnaire autorisé rend sa décision dans les meilleurs délais suivant la demande.

114. (1) A claimant or other person who is the subject of a decision of the Commission, or the employer of the claimant, may appeal to the board of referees in the prescribed manner at any time within

(a) 30 days after the day on which a decision is communicated to them; or

(b) such further time as the Commission may in any particular case for special reasons allow.

114. (1) Quiconque fait l'objet d'une décision de la Commission, de même que tout employeur d'un prestataire faisant l'objet d'une telle décision, peut, dans les trente jours suivant la date où il en reçoit communication, ou dans le délai supplémentaire que la Commission peut accorder pour des raisons spéciales dans un cas particulier, interjeter appel de la manière prévue par règlement devant le conseil arbitral.

115. (1) An appeal as of right to an umpire from a decision of a board of referees may be brought by

(a) the Commission;

115. (1) Toute décision d'un conseil arbitral peut, de plein droit, être portée en appel devant un juge-arbitre par la Commission,


(2) The only grounds of appeal are that

(a) the board of referees failed to observe a principle of natural justice or otherwise acted beyond or refused to exercise its jurisdiction;(b) the board of referees erred in law in making its decision or order, whether or not the error appears on the face of the record; or

(c) the board of referees based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it.

(2) Les seuls moyens d'appel sont les suivants_:

a) le conseil arbitral n'a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d'exercer sa compétence;

b) le conseil arbitral a rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que l'erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;

c) le conseil arbitral a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

117. An umpire may decide any question of law or fact that is necessary for the disposition of an appeal and may

(a) dismiss the appeal;

(b) give the decision that the board of referees should have given;

(c) refer the matter back to the board of referees for re-hearing or re-determination in accordance with such directions as the umpire considers appropriate; or

(d) confirm, rescind or vary the decision of the board of referees in whole or in part.

                                                         [Emphasis added.]

117. Le juge-arbitre peut trancher toute question de droit ou de fait pour statuer sur un appel; il peut rejeter l'appel, rendre la décision que le conseil arbitral aurait dû rendre, renvoyer l'affaire au conseil arbitral pour nouvelle audition et nouvelle décision conformément aux directives qu'il juge indiquées, confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision du conseil arbitral.

                            [non souligné dans l'original]

118. The decision of the umpire on an appeal is final and, except for judicial review under the Federal Court Act, is not subject to appeal to or review by any court.

118. La décision du juge-arbitre sur un appel est définitive et sans appel; elle peut cependant faire l'objet d'une demande de contrôle judiciaire aux termes de la Loi sur la Cour fédérale.

122. If a question specified in section 90 arises in the consideration of a claim for benefits, it shall be determined by an authorized officer of the Department of National Revenue, as provided by that section.

122. Si, au cours de l'examen d'une demande de prestations, une question prévue à l'article 90 se pose, cette question est décidée par le fonctionnaire autorisé du ministère du Revenu national comme le prévoit cet article.

160. For the purpose of calculating after 1996 how many hours of insurable employment and the amount of insurable earnings a claimant has under this Act, other than Part VIII, insurable employment and insurable earnings occurring

(a) before June 30, 1996 shall be determined in accordance with the former Act; and

(b) on or after June 30, 1996 but before January 5, 1997 shall be determined in accordance with this Act, as it applies on June 30, 1996.

160. Aux fins du calcul, après 1996, de la rémunération assurable et du nombre d'heures d'emploi assurable du prestataire, sauf en application de la partie VIII, la rémunération assurable et l'emploi assurable sont tenus en compte conformément_:

a) à l'ancienne loi, s'ils sont antérieurs au 30 juin 1996;

b) à la présente loi, dans sa version du 30 juin 1996, s'ils ont trait à la période allant du 30 juin 1996 au 4 janvier 1997.


167. The Commission may, with the approval of the Governor in Council, make regulations providing for any other transitional matters, including regulations

(a) providing for the transition from weeks of insurable employment to hours of insurable employment, or from any other basis to another under Part VIII; and

(b) for establishing requirements to qualify to receive benefits, the duration of entitlement to benefits, benefit rates and disentitlement or disqualification from receiving benefits.

167. La Commission peut, avec l'agrément du gouverneur en conseil, prendre des règlements prévoyant toute autre mesure transitoire, notamment_:

a) la transition de l'utilisation des semaines d'emploi assurable à celle des heures d'emploi assurable ou, pour l'application de la partie VIII, l'utilisation de toute autre mesure;          

b) l'établissement_:

(i) des conditions requises pour recevoir des prestations et des règles d'admissibilité et d'exclusion,

(ii) de la durée de l'admissibilité au bénéfice des prestations,

(iii) du taux des prestations.


Règlement sur l'assurance-emploi :


9.1 Where a person's earnings are paid on an hourly basis, the person is considered to have worked in insurable employment for the number of hours that the person actually worked and for which the person was remunerated.

9.1 Lorsque la rémunération d'une personne est versée sur une base horaire, la personne est considérée comme ayant exercé un emploi assurable pendant le nombre d'heures qu'elle a effectivement travaillées et pour lesquelles elle a été rétribuée.

10.(1) Where a person's earnings are not paid on an hourly basis but the employer provides evidence of the number of hours that the person actually worked in the period of employment and for which the person was remunerated, the person is deemed to have worked that number of hours in insurable employment.

10.(1) Lorsque la rémunération d'une personne est versée sur une base autre que l'heure et que l'employeur fournit la preuve du nombre d'heures effectivement travaillées par elle au cours de la période d'emploi et pour lesquelles elle a été rétribuée, celle-ci est réputée avoir travaillé ce nombre d'heures d'emploi assurable.

94.1 Where, for the purposes of the Act and in respect of a benefit period established on or after January 5, 1997, a claimant presents evidence of a week of insurable employment that occurred before January 1, 1997, that week of insurable employment shall be considered to represent 35 hours of insurable employment.

                                                          [Emphasis added.]

94.1 Lorsque, pour l'application de la Loi, le prestataire présente, à l'égard d'une période de prestations établie le 5 janvier 1997 ou après cette date, la preuve d'une semaine d'emploi assurable antérieure au 1er janvier 1997, cette semaine d'emploi assurable est considérée comme ayant 35 heures d'emploi assurable.

                             [non souligné dans l'original]


LES QUESTIONS EN LITIGE

[130      Comme je l'ai déjà mentionné, le demandeur fonde sa demande sur trois moyens. Ceux-ci sont énoncés aux paragraphes 22 à 24 du mémoire des faits et du droit du demandeur, sous forme de questions :

[Traduction]

1. Le juge-arbitre a-t-il agi sans compétence, outrepassé sa compétence ou refusé de l'exercer en rejetant l'appel de la Commission?

2. Le juge-arbitre a-t-il rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier, en rejetant l'appel de la Commission?


3. Le juge-arbitre a-t-il rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il disposait en rejetant l'appel de la Commission?

ANALYSE

[140      J'examinerai chacune de ces questions. Toutefois, avant d'entamer cet examen, je tiens à formuler certaines observations sur la prétention de l'avocat, énoncée au paragraphe 25 du mémoire des faits et de droit du demandeur, selon laquelle le critère qu'un juge-arbitre doit appliquer pour décider s'il doit intervenir relativement à la décision d'un conseil arbitral est le critère suivant, établi par la Cour dans l'affaire Procureur général du Canada c. McCarthy :

Dans Roberts et al v. Canada Employment and Immigration Commission et al. (1985), 60 N.R. 349 (C.A.F.) et Taylor v. Minister of Employment and Immigration (1991), 126 N.R. 345 (C.A.F.), notre Cour a jugé qu'un appel porté devant un juge-arbitre ne constitue pas un appel au sens usuel du terme ou un procès de novo, mais une instance de la nature du contrôle judiciaire. Dans l'arrêt Roberts, notre Cour a également jugé que, lorsqu'une décision d'un conseil arbitral est contestée parce qu'elle était fondée sur des conclusions de fait erronées, le pouvoir de contrôle du juge-arbitre se limite à décider si l'appréciation des faits par le conseil arbitral était raisonnablement compatible avec les éléments portés au dossier. Autrement dit, le critère consiste à savoir si le dossier contenait des éléments de preuve sur lesquels le conseil arbitral aurait pu fonder sa conclusion comme il l'a fait sans erreur de principe.[22]

[150      Je retiens ce critère, qui n'empêche toutefois pas le juge-arbitre de trancher toute question de fait pour statuer sur un appel, comme l'y autorise clairement la disposition introductive de l'article 117 de la Loi.

LA NORME DE CONTRÔLE


[160      Comme il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, il est utile d'énoncer la norme de contrôle que nous devons appliquer à la décision du juge-arbitre.

[170      Depuis le prononcé de l'arrêt Pushpanathan c. Canada par la Cour suprême du Canada, il semble que les tribunaux d'instance inférieure doivent, dans le cadre d'une procédure de contrôle judiciaire, énoncer « la norme de contrôle applicable au jugement du tribunal administratif qui fait l'objet du contrôle » [23]. Les avocats des parties n'ont porté à notre attention, ni dans leur mémoire ni dans leur plaidoirie orale, aucune décision de la Cour sur la norme de contrôle applicable aux décisions des juges-arbitres et j'ai eu beau en chercher une, je n'en ai trouvé aucune.

[180      L'avocat de la défenderesse mentionne l'article 118 de la Loi selon lequel la décision d'un juge-arbitre sur un appel est définitive et sans appel, mais peut faire l'objet d'une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale, et fait valoir que la norme applicable est celle décrite dans l'arrêt Pasiechnyk c. Saskatchewan (Workers' Compensation Board), à la page 904 :

1. Si la question de droit en cause relève de la compétence du tribunal, le tribunal n'excède sa compétence que s'il erre d'une façon manifestement déraisonnable. Le tribunal qui est compétent pour trancher une question peut, ce faisant, commettre des erreurs sans donner ouverture à la révision judiciaire;

2. Si, par contre, la question en cause porte sur une disposition législative qui limite les pouvoirs du tribunal, une simple erreur fait perdre compétence et donne ouverture à la révision judiciaire.[24]

[190      Cet argument s'appuie sur la prémisse voulant que l'article 118 de la Loi constitue une clause privative « intégrale » . Selon moi, cette prémisse est fausse. L'article 118 de la Loi a un effet moindre qu'une clause privative « intégrale » . Dans l'arrêt Dayco (Canada) c. C.A.W., le juge La Forest a statué que les termes d'une clause privative ont une incidence sur la norme de contrôle applicable. Les termes « a force de chose jugée et lie les parties [...] ont un effet privatif limité » [25]. Si une clause utilisant les mots « a force de chose jugée et lie les parties » (final and binding) est faible, une clause privative qui n'utiliserait même pas les mots « et lie les parties » serait encore moins contraignante. Par conséquent, la clause privative édictée dans la Loi indique que la Cour n'est pas tenue de faire preuve, envers la décision du juge-arbitre, de la retenue préconisée par l'avocat. Je suis donc d'avis que la norme établie dans l'arrêt Pasiechnyk ne convient pas en l'espèce.


[200      Sans reprendre la longue analyse effectuée par le juge Bastarache dans l'affaire Pushpanathan, aux paragraphes 23 à 48, je suis d'accord avec lui et avec le juge Cory, dissident, pour dire que la norme de contrôle d'une décision d'un juge-arbitre sur une question de droit ou de compétence est celle de la décision correcte. Je partage l'opinion du juge Cory portant que la Cour doit faire preuve d'une certaine retenue envers les conclusions de fait tirées par un juge-arbitre, comme celles tirées par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié dans l'affaire Pushpanathan[26]. C'est le critère que je me propose d'appliquer en l'espèce.

[210      J'examinerai maintenant les trois moyens invoqués à l'appui de la demande.

Le juge-arbitre a-t-il rendu une décision ou une ordonnance entachée d'une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier, en rejetant l'appel de la Commission?

[220      Le demandeur fait valoir deux prétentions sur cette question. Premièrement, le demandeur affirme que le juge-arbitre a commis une erreur en disant que la loi utilise le mot « présumé » (deem) relativement aux heures d'emploi assurable. La Loi et le Règlement n'utilisent pas le mot « présumé » relativement aux heures d'emploi assurable et le juge-arbitre s'est trompé en disant le contraire. Deuxièmement, il soutient que, même en l'absence d'une erreur commise par le juge-arbitre en citant l'article 94.1 du Règlement, celui-ci a commis une erreur de droit en n'appliquant pas ses dispositions impératives. Cet article prévoit qu'une « semaine d'emploi assurable est considérée comme ayant 35 heures d'emploi assurable » , de là l'argument que le juge-arbitre a commis une erreur en utilisant les heures effectivement travaillées par la défenderesse pour déterminer la durée de son emploi assurable en 1996.


[23]       La défenderesse répond à ces prétentions de deux façons. Premièrement, elle invoque le paragraphe 55(1) de la Loi que voici :


55. (1) The Commission may, with the approval of the Governor in Council, make regulations for establishing how many hours of insurable employment a person has, including regulations providing that persons whose earnings are not paid on an hourly basis are deemed to have hours of insurable employment as established in accordance with the regulations.

                                                          [Emphasis added.]

55. (1) La Commission peut, avec l'agrément du gouverneur en conseil, prendre des règlements concernant l'établissement du nombre d'heures d'emploi assurable d'une personne et, notamment, prévoyant que les personnes dont la rémunération est versée sur une base autre que l'heure sont réputées avoir le nombre d'heures d'emploi assurable établi conformément aux règlements.

                     [non souligné dans l'original]


[24]       Elle affirme que ce paragraphe s'applique à sa situation. Deuxièmement, elle soutient que, selon une interprétation correcte de l'article 94.1 du Règlement, le juge-arbitre a eu raison de rejeter la signification de cet article proposée par la Commission et de tenir compte du nombre d'heures pendant lesquelles elle a effectivement travaillé au cours de la période en cause.

[25]       Compte tenu des positions respectives des parties sur ce point, il faut déterminer quelle est l'interprétation juste de l'article 94.1 du Règlement. Par souci de commodité, je reproduis cet article ci-dessous :



94.1 Where, for the purposes of the Act and in respect of a benefit period established on or after January 5, 1997, a claimant presents evidence of a week of insurable employment that occurred before January 1, 1997, that week of insurable employment shall be considered to represent 35 hours of insurable employment.

                                                            [Emphasis added.]

94.1 Lorsque, pour l'application de la Loi, le prestataire présente, à l'égard d'une période de prestations établie le 5 janvier 1997 ou après cette date, la preuve d'une semaine d'emploi assurable antérieure au 1er janvier 1997, cette semaine d'emploi assurableest considérée comme ayant 35 heures d'emploi assurable.


[26]          Pour apprécier la place qu'occupe cette disposition dans le nouveau régime législatif, il me paraît utile de citer ici un sommaire des modifications apportées en 1996 à la Loi sur l'assurance-chômage, qui a alors changé de titre pour devenir la Loi sur l'assurance-emploi[27] :


                                        Summary

This enactment brings together in a single statute under the name "Employment Insurance" provisions for income support and employment assistance for eligible unemployed persons. Income support is provided in a way that reinforces work. Employment assistance helps maintain a sustainable employment insurance system by helping unemployed persons to be productive participants in the labour force.

                                        Sommaire

Le texte réunit dans une même loi, intitulée Loi sur l'assurance-emploi, les dispositions relatives au soutien du revenu et celles relatives à l'aide à l'emploi offerte de manière à favoriser l'emploi. L'aide à l'emploi contribue à maintenir un régime d'assurance-emploi durable en aidant les sans-emploi à réintégrer le marché du travail.

The changes to the employment insurance system in this enactment constitute a comprehensive modernization of the system. They reform many of the core features of the system, introduce a number of new elements and make a number of technical amendments to improve fairness, administration and compliance. The major changes in over an extended period ending in 2001.

Les divers changements apportés s'inscrivent dans une démarche de modernisation complète du régime. Ils en modifient plusieurs caractéristiques de base, introduisent de nouveaux éléments et apportent un certain nombre de modifications techniques en vue de rendre le régime plus équitable, d'en améliorer l'administration et d'accroître la conformité aux règles établies. Les changements majeurs prendront effet progressivement jusqu'en 2001.

The insurance system is changed from one based on weeks of work, with a weekly minimum and maximum on insurance coverage, to a system based on total earnings and total hours worked, starting from the first dollar and first hour. The minimum requirement to qualify for benefits is expressed in hours based on the national average work week of 35 hours. This creates a system that better accommodates the variety of work arrangements in today's labour market. It also permits simplification of the reporting requirements for employers and of premium collection, which is from the first dollar earned up to an annual maximum....

                                                          [Emphasis added.]

D'un régime d'assurance fondé sur le nombre de semaines de travail avec un minimum et un maximum hebdomadaires pour l'assujettissement, on passe à un régime fondé sur la rémunération totale et le nombre total d'heures de travail comptabilisés à partir du premier dollar et de la première heure. La norme minimale d'admissibilité au bénéfice des prestations est exprimée en heures en fonction de la semaine de travail moyenne qui est de trente-cinq heures à l'échelle nationale. On obtient ainsi un régime qui tient davantage compte des diverses formules de travail que l'on trouve sur le marché du travail actuel. Cela permet de simplifier les rapports à remplir par les employeurs et la perception des cotisations, qui s'effectue à partir du premier dollar gagné jusqu'à concurrence d'un maximum annuel....

                             [non souligné dans l'original]


....

....                             The maximum length of a claim for benefits is reduced to 45 weeks and a new entrant or a re-entrant to the labour market is required to work 910 hours in order to be eligible for benefits....

Le nombre maximal de semaines au cours desquelles des prestations peuvent être versées est réduit à quarante-cinq, et les personnes qui deviennent ou redeviennent membres de la population active doivent travailler au moins neuf cent dix heures pour avoir droit à des prestations....

Premium revenues fund the employment benefits described above for unemployed persons who are receiving or, within the past three years, have been in receipt of income support under the insurance provisions as well as persons who have received maternity or parental benefits within the past five years.

                                                          [Emphasis added.]

Les cotisations servent à financer les prestations d'emploi offertes aux personnes qui reçoivent ou qui, au cours des trois dernières années, ont reçu un soutien du revenu dans le cadre du régime d'assurance, de même qu'aux personnes ayant reçu des prestations parentales ou de maternité au cours des cinq dernières années.

                             [non souligné dans l'original]

In light of the many significant changes contained in this enactment, there is also a provision for monitoring and assessing how individuals, communities and the economy are adjusting to the changes, including the effectiveness of the employment benefits. An annual report on this assessment is to be made to the Minister before December 31 in each year from 1997 to 2001.

Compte tenu du grand nombre de changements, une disposition prévoit l'observation et l'évaluation de leurs effets sur les personnes, les collectivités et l'économie, de même que de l'efficacité des nouvelles prestations d'emploi. De 1997 à 2001, un rapport annuel de cette évaluation doit être fait au ministre avant le 31 décembre.


[27]       La partie II de la Loi, qui comprend les articles 56 à 65.2, est intitulée « Prestations d'emploi et service national de placement » . Voici quel en est l'objet, décrit à l'article 56 :


56. The purpose of this Part is to help maintain a sustainable employment insurance system through the establishment of employment benefits for insured participants and the maintenance of a national employment service.

56. La présente partie a pour objet d'aider à maintenir un régime d'assurance-emploi durable par la mise sur pied de prestations d'emploi pour les participants et par le maintien d'un service national de placement.

                                               


[28]       L'article 58 de la Loi définit le terme « participant » , l'article 59 traite des types de prestations que la Commission peut mettre sur pied en vue d'aider les participants à obtenir un emploi et le paragraphe 60(1) impose à la Commission l'obligation de maintenir un service national de placement.                                                         


[29]       Après avoir étudié ces dispositions et d'autres articles de la Loi et du Règlement, j'ai conclu que leur objectif consiste à aider les personnes qui, comme la défenderesse, se retrouvent sans emploi et qui pourraient être admissibles à des prestations.

[30]       Ce type de dispositions législatives commande une attitude particulière quant à leur interprétation. Driedger suggère l'attitude suivante :

[Traduction] Les lois d'assistance sociale doivent recevoir une interprétation libérale qui favorise la réalisation du but bienveillant de la loi. Lorsque des doutes ou des ambiguïtés surgissent, il faut les résoudre en faveur du prestataire. Le principal souci du tribunal est de veiller à ce que les personnes visées par les avantages prévus par la loi en bénéficient.[28]

                                                                                                  [non souligné dans l'original]

[31]       Cette attitude est compatible avec celle décrite par la Cour suprême du Canada dans les affaires Abrahams c. Procureur général du Canada[29], Hills c. Canada (Procureur général)[30], et Re Rizzo & Rizzo Shoes Ltd.[31], où le juge Iacobucci a précisé, au nom de la Cour à l'unanimité, au paragraphe 36 :


Enfin, en ce qui concerne l'économie de la loi, puisque la LNE constitue un mécanisme prévoyant des normes et des avantages minimaux pour protéger les intérêts des employés, on peut la qualifier de loi conférant des avantages. À ce titre, conformément à plusieurs arrêts de notre Cour, elle doit être interprétée de façon libérale et généreuse. Tout doute découlant de l'ambiguïté des textes doit se résoudre en faveur du demandeur (voir, par ex., Abrahams c. Procureur général du Canada, [1983] 1 R.C.S. 2, à la p. 10; Hills c. Canada (Procureur général), [1988] 1 R.C.S. 513, à la p. 537). Il me semble que, en limitant cette analyse au sens ordinaire des art. 40 et 40a de la LNE, la Cour d'appel a adopté une méthode trop restrictive qui n'est pas compatible avec l'économie de la Loi.

                                                                                                  [non souligné dans l'original]

[32]       L'arrêt Hills, précité, visait une décision de la présente Cour. Dans cette affaire, un employé avait versé des cotisations à son syndicat local par voie de retenue sur son salaire. Le syndicat avait remis une partie des cotisations de tous les membres au syndicat international auquel il était affilié. Le syndicat international, à son tour, avait versé une partie de ces cotisations dans un fonds de grève destiné à un autre syndicat affilié dont les membres étaient en grève. La question en litige devant la Cour était celle de savoir si monsieur Hills et ses collègues « finançaient » , dans les circonstances, le conflit de travail à l'origine de l'arrêt de travail au sens de l'alinéa 44(2)a) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage. La Cour a répondu par l'affirmative.

[33]       Les membres de la Cour suprême ont rendu une décision partagée à 4 contre 3. C'est le juge L'Heureux-Dubé qui a rédigé l'opinion de la majorité. À la page 537, après avoir cité en les approuvant les motifs exprimés par le juge Wilson dans l'affaire Abrahams, précitée, elle a décrit la méthode d'interprétation qui doit guider le tribunal dans son examen des problèmes rattachés à ce type de loi. Voici ce qu'elle a écrit :

Comme la Loi vise à assurer des prestations aux personnes sans travail,il est justifié de donner une interprétation libérale aux dispositions relatives à la réadmissibilité aux prestations, étant donné que la Loi n'est pas conçue pour priver des avantages qu'elle confère les victimes innocentes d'un conflit de travail et compte tenu également du fait que les employés cotisent à la caisse d'assurance-chômage.

                                                                                                  [non souligné dans l'original]


[34]       Elle a infirmé le jugement de la présente Cour en concluant, aux pages 559 et 560 :

En l'espèce, indépendamment du sens courant des mots utilisés, l'accent est mis sur le prestataire individuel et le sens du mot « finance » découle du contexte dont l'objet de la Loi fait partie intégrante. Quoique le mot « finance » figurant à l'art. 44 puisse recevoir une interprétation large, j'estime que l'objet de l'article (c'est-à-dire rendre les grévistes inadmissibles aux prestations) ainsi que l'objet de la Loi dans son ensemble (c'est-à-dire fournir des prestations aux personnes qui se trouvent involontairement sans emploi) commandent une interprétation restrictive des dispositions de l'article qui prévoient l'inadmissibilité aux prestations. Comme l'a souligné le juge Wilson dans l'arrêt Abrahams, précité, tout doute doit bénéficier au prestataire surtout dans le contexte qui vient d'être décrit.

                                                                                                  [non souligné dans l'original]

[35]       Le fait que l'article 94.1 ait été promulgué en vertu de l'article 55 ou des articles 166 ou 167 de la Loi n'est pas particulièrement pertinent à notre analyse. Ce qui importe, c'est qu'il est autorisé par la Loi. La question de sa validité n'a pas été soulevée en l'espèce. La question cruciale est donc celle de savoir si l'indicatif présent « est » utilisé dans cet article doit être interprété comme exprimant une obligation ou autrement. Au cours de la plaidoirie, on nous a dit que plusieurs juges-arbitres s'étaient rendus aux arguments de la Commission et avaient interprété cette disposition comme impérative. Quelques-uns, comme celui dont la décision est contestée en l'espèce, ont adopté un point de vue différent parce que cette disposition fait partie d'un régime qui confère des avantages et qu'elle doit de ce fait être interprétée de façon libérale et généreuse conformément à l'arrêt Hills, précité. Voir par exemple la décision rendue par W.J. Grant c.r., juge-arbitre, dans l'affaire re George Vanderberg, CUB43267.


[36]       J'ai lu la plupart de ces décisions; il me semble toutefois qu'elle ne reconnaissent pas que l'indicatif présent, dans une disposition législative, ne doit pas toujours être interprété comme exprimant une obligation. Malgré l'article 11 de la Loi d'interprétation[32], il existe des sources établissant que l'indicatif présent peut être interprétée comme ayant un effet directif, lorsque le contexte l'exige[33]. Dans la jurisprudence anglo-canadienne, l'arrêt de principe est le jugement rendu par la Comité judiciaire du Conseil privé dans l'affaire Montreal Street Railway Co. v. Normandin[34]. Au Canada, la Cour suprême du Canada a appliqué l'arrêt Normandin dans le Renvoi : Droits linguistiques au Manitoba [35] et dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Colombie-Britannique (Procureur général)[36]. La Cour (les juges Marceau, Urie et Maloney) a adopté une approche semblable dans La Reine c. Bruce Harbour en interprétant l'alinéa 55(1)(4) de la Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, devenu depuis le paragraphe 50(4) de la Loi :

(4) Toute demande de prestations pour une semaine de chômage comprise dans une période de prestations est présentée dans le délai prévu par règlement.

                                                                                                  [non souligné dans l'original]

Dans cette affaire, la Cour a autorisé une demande tardive, déposée après le délai prescrit.


[37]       Dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Colombie-britannique (Procureur général), précité, le juge Iacobucci, au nom de la majorité, a formulé les remarques suivantes sur ce qu'il a décrit comme le fondement doctrinal de la distinction établie dans l'arrêt Normandin, aux pages 122 à 133 :

L'usage de l'indicatif présent au par. 268(2) a-t-il un effet « impératif » ou « directif » ? Le juge McLachlin entreprend de répondre à cette question en citant tout d'abord un extrait de l'arrêt Montreal Street Railway Co. c. Normandin, [1917] A.C. 170 (C.P.), et je n'ai rien à dire contre cette citation classique. Toutefois, je préfère mettre davantage l'accent sur ce qui est advenu de l'arrêt Normandin dans la jurisprudence canadienne.

En particulier, je crois qu'il est pertinent de souligner que, dans le Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba, [...], notre Cour a fait des commentaires sur le fondement doctrinal de la distinction établie dans l'arrêt Normandin. La Cour affirme, à la p. 741:

Il est difficile de vérifier le fondement doctrinal de la distinction entre ce qui est impératif et ce qui est directif. L' « injustice ou [les] inconvénients généraux graves » dont parle sir Arthur Channell dans l'arrêt Montreal Street Railway Co. c. Normandin, précité, semblent servir de fondement à la distinction appliquée par les tribunaux.

En d'autres termes, les tribunaux ont tendance à se poser la question suivante: y aurait-il des inconvénients graves à considérer comme impérative l'exécution d'une certaine fonction prévue par la loi?

                                                                                                                    [citations omises]


[38]       Le conseil et le juge-arbitre ont tous les deux constaté qu'il serait injuste de retenir la prétention de la Commission et d'attribuer un effet impératif à l'article 94.1 du Règlement alors qu'une preuve incontestée établit que la défenderesse a travaillé plus de 910 heures au cours de la période en cause. La conclusion du conseil était motivée par [Traduction] « le gros bon sens et la justice naturelle » ; et celle du juge-arbitre par le fait qu'il était appelé à interpréter une loi sociale. Bien que les motifs du conseil et du juge-arbitre ne soient pas des modèles de cohérence, je suis d'avis qu'ils avaient tous les deux raison de décider que la défenderesse avait satisfait aux conditions d'admissibilité aux prestations fixées dans le paragraphe 7(3) de la Loi. En conséquence, le juge-arbitre n'a pas commis d'erreur de droit en concluant que l'article 94.1 ne s'appliquait pas.

[39]       La défenderesse a informé la Commission qu'elle avait travaillé 38 heures par semaine pendant 18 semaines en 1996 (684 heures) et 274 heures en 1997, et qu'elle avait été payée pour toutes ces heures. Selon cette preuve, il est évident que la défenderesse a travaillé pendant plus que les 910 heures exigées comme condition d'admissibilité aux prestations par l'alinéa 7(2)b) de la Loi. L'employeur a fait état de la durée de son travail en 1996 et 1997 en heures et en semaines. Une interprétation généreuse de l'article 94.1 du Règlement, compatible avec les enseignements de Hills, précité, aurait mené à une interprétation favorable à la défenderesse. Cette conclusion est renforcée par la reconnaissance du fait que l'indicatif présent utilisé dans l'article 94.1 a un effet directif seulement et visait à aider la Commission à s'acquitter de ses fonctions dans les cas où l'employeur ne fait état que de semaines de travail.

[40]       Je suis conforté dans ma conclusion par l'article 9.1 et le paragraphe 10(1) du Règlement que je répète ici pour les mettre en relief :



9.1 Where a person's earnings are paid on an hourly basis, the person is considered to have worked in insurable employment for the number of hours that the person actually worked and for which the person was remunerated.

9.1 Lorsque la rémunération d'une personne est versée sur une base horaire, la personne est considérée comme ayant exercé un emploi assurable pendant le nombre d'heures qu'elle a effectivement travaillées et pour lesquelles elle a été rétribuée.


10.(1) Where a person's earnings are not paid on an hourly basis but the employer provides evidence of the number of hours that the person actually worked in the period of employment and for which the person was remunerated, the person is deemed to have worked that number of hours in insurable employment.

                                                    [Emphasis added.]

10.(1) Lorsque la rémunération d'une personne est versée sur une base autre que l'heure et quel'employeur fournit la preuve du nombre d'heures effectivement travaillées par elle au cours de la période d'emploi et pour lesquelles elle a été rétribuée, celle-ci est réputée avoir travaillé ce nombre d'heures d'emploi assurable.

         [non souligné dans l'original]


[41]       Pour tous ces motifs, je suis d'avis que le juge-arbitre n'a pas commis d'erreur de droit et que ce moyen d'appel doit être rejeté.

[42]       J'estime utile d'examiner ensemble les deux questions irrésolues, parce qu'elles ont un fondement factuel commun.

Le juge-arbitre a-t-il outrepassé sa compétence ou refusé de l'exercer en rejetant l'appel de la Commission à l'encontre de la décision du conseil arbitral? Le juge-arbitre a-t-il rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il disposait en rejetant l'appel de la Commission?


[43]       Relativement à la première question, le demandeur soutient que le juge-arbitre a outrepassé sa compétence en concluant que la défenderesse avait accumulé suffisamment d'heures d'emploi assurable en 1996 et 1997. À l'appui de cette prétention, il a fait valoir que le juge-arbitre n'avait pas le pouvoir de trancher la question du nombre d'heures d'emploi assurable pendant lesquelles la défenderesse avait travaillé, car le ministre avait rendu une décision sur cette question, en vertu du paragraphe 90(1) de la Loi, avant la formation de l'appel devant le juge-arbitre. Il a invoqué deux décisions de la présente Cour, Procureur général du Canada c. Vautour[37] et Canada (P.G.) c. Kaur[38], pour avancer que l'opinion du ministre avait retiré au juge-arbitre le pouvoir de trancher cette question. En vertu de l'article 103 de la Loi, il plaidait donc que tout appel de la décision du ministre devait être interjeté devant la Cour canadienne de l'impôt. En l'espèce, le demandeur affirme que la défenderesse avait la possibilité de porter la décision de la Commission en appel devant le ministre, puis devant la Cour canadienne de l'impôt, mais qu'elle ne l'a pas fait.

[44]       J'ai eu l'avantage de lire l'ébauche des motifs de jugement de monsieur le juge Sexton relativement à la présente demande. Je ne puis malheureusement pas souscrire à ses motifs, ni à sa décision de rejeter la demande et ce, pour les motifs que j'exposerai maintenant.

[45]       Monsieur le juge Sexton a statué que ni le juge-arbitre, ni le conseil n'avaient compétence pour décider si la défenderesse avait ou non accumulé le nombre d'heures d'emploi assurable exigé pour être admissible aux prestations. L'alinéa 90(1)d) de la Loi englobe, selon lui, toutes les questions relatives au nombre d'heures d'emploi assurable que Mme Haberman a accumulées. L'article 122 de la Loi signifie, pour sa part, que c'est le ministère du Revenu national, et non le conseil arbitral ou le juge-arbitre, qui doit statuer sur tout appel à l'encontre de la décision de la Commission sur le nombre d'heures que Mme Haberman a exercées dans le cadre d'un emploi assurable.


[46]       Je ne suis malheureusement pas d'accord, parce que cette conclusion confond les questions d'assurabilité et de droit aux prestations.

[47]       Je crois que l'interprétation que le juge Sexton attribue au paragraphe 90(1) ne tient pas. S'il avait raison d'affirmer que l'article 122 de la Loi englobe toutes les questions concernant les heures assurables, la Commission elle-même n'aurait aucune compétence pour trancher la question préliminaire de savoir si un prestataire remplit les conditions fixées par l'article 7 de la Loi. Par souci de commodité, je reproduis ici les dispositions pertinentes de cet article :

7.(1) Unemployment benefits are payable as provided in this Part to an insured person who qualifies to receive them.

7.(1) Les prestations de chômage sont payables, ainsi que le prévoit la présente partie, à un assuré qui emplit les conditions requises pour les recevoir.

(3) An insured person who is a new entrant or a re-entrant to the labour force qualifies if the person

(a) has had an interruption of earnings from employment; and

(b) has had 910 or more hours of insurable employment in their qualifying period.

(3) L'assuré qui est une personne qui devient ou redevient membre de la population active remplit les conditions requises si, à la fois:

a) il y a eu arrêt de la rémunération provenant de son emploi;

b) il a, au cours de sa période de référence, exercé un emploi assurable pendant au moins le nombre d'heures indiqué au tableau qui suit en fonction du taux régional de chômage qui lui est applicable.


En d'autres termes, si l'on adoptait l'interprétation qu'il propose, la Commission ne pourrait rendre aucune décision concernant les heures assurables et, partant, ne pourrait pas décider si un prestataire a droit à des prestations en vertu de la Loi. L'article 122 ne mentionne expressément ni le conseil, ni le juge-arbitre; par conséquent, il exclut la compétence de quiconque, hormis le ministère du Revenu National. Cette interprétation exclut notamment la compétence de la Commission.

[48]       J'estime que les « questions » énumérées dans l'article 90 doivent être interprétées de façon à laisser place à l'exercice par la Commission, le conseil arbitral et le juge-arbitre de la compétence que le législateur a voulu leur conférer relativement aux prestations. Cela n'est possible que si les questions concernant l'assurabilité de l'emploi, y compris la durée de l'emploi, relèvent du ministère du Revenu national et si celles concernant le droit aux prestations relèvent de la Commission, du conseil et du juge-arbitre.

[49]       Il faut souligner que l'article 90 se trouve dans la partie IV de la Loi, intitulée « Rémunération assurable et perception des cotisations » . L'article 122 se trouve dans la partie VI, « Dispositions administratives » . L'article 7, pour sa part, se trouve dans la partie I, « Prestations de chômage » . Cette répartition indique[39] que les questions énumérées à l'article 90 doivent être interprétées comme n'englobant que les questions touchant l'assurabilité et non celle touchant le droit aux prestations.


[50]       La Cour a déjà tiré la même conclusion, sous le régime des dispositions maintenant remplacées par les articles 90 et 122, dans des affaires antérieures sur lesquelles s'appuie le juge Sexton. Ces trois décisions portaient sur des questions d'assurabilité, qui relevaient de la compétence exclusive du ministre; toutefois, elles indiquent aussi que les questions touchant le droit aux prestations relèvent de la compétence de la Commission, du conseil arbitral et du juge-arbitre.

[51]       La première de ces décisions est l'arrêt Canada(Procureur général) c. Kaur.[40] Cette affaire portait sur la décision du ministre selon laquelle l'employeur nommé n'avait pas vraiment versé de salaire à la prestataire, ce qui faisait qu'elle n'occupait pas d'emploi assurable pendant cette période d'emploi. La prestataire a interjeté appel de cette décision devant le conseil arbitral et le juge-arbitre. La Cour, saisie d'une demande de contrôle judiciaire, a statué que le conseil arbitral et le juge-arbitre n'avaient pas compétence parce que le prononcé d'une décision sur l'assurabilité du revenu relevait de la compétence exclusive du ministre.

[52]       La deuxième est l'arrêt Canada (Procureur général) c. Vautour. Dans cette affaire, le juge Hugessen a dit, au nom de la Cour d'appel :

Nous ajouterions que, de toute façon, ni le conseil arbitral ni le juge-arbitre n'a le pouvoir de trancher la question de savoir si le prestataire occupait un emploi assurable et, dans l'affirmative, de déterminer la durée de cet emploi (voir le paragraphe 61(3) de la Loi).[41]

Une fois encore, la question en litige touchait l'assurabilité, et non le droit aux prestations.


[53]       Enfin, dans Valentine c. Canada (Procureur général)[42], la Commission a demandé au ministre du Revenu national de rendre une décision concernant l'assurabilité du revenu du prestataire. Le ministre a décidé que l'emploi du prestataire n'était pas assurable, car il ne fournissait pas ses services en vertu d'un contrat de louage de services. La Commission a donc réexaminé la demande de prestations du prestataire et exigé le remboursement de certaines prestations qui lui avaient déjà été versées. Le prestataire a interjeté appel de cette décision devant le conseil arbitral et le juge-arbitre. Monsieur le juge Létourneau a statué, au nom de la Cour, que le juge-arbitre n'avait pas compétence pour annuler une décision du ministre :

Je me rends bien compte des problèmes que le texte de la Loi pose à un plaideur qui agit pour son propre compte : il existe une voie de recours pour les questions d'assurabilité, c'est-à-dire Revenu Canada et la Cour canadienne de l'impôt et une autre pour la question du droit aux prestations, qui relève de la Commission, du conseil arbitral et du juge-arbitre [...] Le pouvoir que possède la Commission de solliciter une décision sur l'assurabilité et la décision sur l'assurabilité elle-même sont des questions qui auraient dû être portées en appel devant la Cour de l'impôt, mais qui ne l'ont pas été.[43]

[54]       En l'espèce, la question de la durée de l'emploi en 1996 n'est pas en cause : la défenderesse compte 18 semaines d'emploi, à raison de 38 heures par semaine. La question en litige n'est pas celle de savoir si la prestataire a occupé un emploi assurable et pendant combien de temps, mais de savoir si 18 semaines à 38 heures par semaine en 1996, plus 274 heures en 1997 suffisent pour lui donner droit à des prestations. Selon la jurisprudence de la Cour, cette question relève de la Commission, du conseil arbitral et du juge-arbitre.


[55]       Je suis d'avis que le juge-arbitre n'avait pas compétence pour tirer sa première conclusion, portant que l'employeur avait déduit trop de temps pour les visites de la défenderesse chez son médecin et que, si l'on s'en remettait aux calculs de la défenderesse, elle avait accumulé suffisamment d'heures pour être admissible aux prestations. Le juge-arbitre a conclu que l'employeur avait déduit deux heures par semaine pour les rendez-vous de la défenderesse chez le médecin, alors qu'elle ne s'était absentée qu'une heure chaque vendredi pour s'y rendre. Comme la défenderesse a travaillé jusqu'au 19 février 1997, elle a occupé un emploi pendant plus de six semaines en 1997. Si l'on ajoute une heure supplémentaire chaque vendredi pendant six semaines, les heures de travail de la défenderesse pour l'année 1997 passent de 274 à 280. Cela signifie qu'elle avait accumulé 910 heures d'emploi assurable, même en utilisant la formule de conversion prévue par l'article 94.1 prônée par le demandeur. Cette question touche donc le nombre réel d'heures assurables travaillées par la défenderesse et est clairement visée par l'alinéa 90(1)d) de la Loi. Le juge-arbitre n'avait pas compétence pour rendre une décision portant que la défenderesse avait travaillé 280 heures en 1997, plutôt que 274 heures comme le ministre l'avait décidé. Cette conclusion n'est pas fatale pour ce qui est de la décision définitive du juge-arbitre, car elle n'était pas absolument nécessaire pour arriver au résultat final.


[56]       Toutefois, sa conclusion que la Commission doit compter la totalité des 684 heures assurables en 1996, plutôt que d'appliquer l'article 94.1 du Règlement, relevait de sa compétence. La question à trancher est celle de savoir si les 18 semaines ou 684 heures d'emploi de la défenderesse en 1996, ajoutées à ses 274 heures en 1997 suffisent pour lui donner droit à des prestations d'assurance-emploi. Comme cette question touche le droit aux prestations, elle relève nettement de la compétence de la Commission, du conseil arbitral et du juge-arbitre.

[57]       Bien que cela ne soit pas nécessaire, j'aimerais formuler des remarques sur un autre aspect des prétentions du demandeur. Après que le conseil arbitral a rendu sa décision, un fonctionnaire de la Commission a demandé l'opinion du ministre sur le nombre d'heures pendant lesquelles la défenderesse avait travaillé en 1997. Rappelons les motifs invoqués pour cette demande :

[Traduction]

-La prestataire conteste le calcul des heures d'emploi assurable

-Le conseil arbitral a outrepassé sa compétence en allouant plus d'heures que celles calculées

-Veuillez exprimer vos commentaires sur le nombre d'heures assurables (1997)

Rien dans la décision du conseil n'indique selon moi qu'il ait mis l'accent sur 1997, à l'exclusion de 1996. La preuve qui m'a été présentée touchait les années 1996 et 1997. Dans les circonstances, je comprends difficilement pourquoi on aurait demandé l'opinion du ministre uniquement pour 1997.


[58]       De plus, on a demandé l'opinion du ministre après que le conseil a rendu sa décision. Le demandeur a alors produit l'opinion du ministre comme nouvelle preuve à l'appui de ses prétentions[44]. La défenderesse a témoigné devant le juge-arbitre sans que le demandeur soulève une objection et le juge-arbitre a cru son témoignage. C'est une énigme pour moi que le demandeur, après avoir produit l'opinion du ministre comme nouvelle preuve en appel, puisse maintenant alléguer que le juge-arbitre a outrepassé sa compétence en en tenant compte comme il le jugeait opportun.

Procureur général du Canada c. Hoek

[59]       Au cours de la plaidoirie, l'avocat du demandeur nous a informés qu'une question semblable avait été plaidée devant la Cour, différemment constituée, à Calgary (Alberta) dans l'affaire Procureur général du Canada c. Hoek[45], et que l'affaire avait été mise en délibéré. Nous avons donc réservé notre décision en l'espèce. Par la suite, le juge présidant la formation de la Cour en l'espèce m'a remis une copie des motifs prononcés dans l'affaire Hoek. Je les ai lus et j'ai constaté que, dans cette affaire, la Cour a tiré une conclusion différente.


[60]       Plus particulièrement, au paragraphe 6 de ces motifs, la Cour a appliqué la règle du sens clair et conclu que l'article 94.1 du Règlement était « manifestement impératif » . Les motifs n'indiquent pas clairement, dans leur ensemble, quels arguments ont été plaidés par les avocats à l'appui de leurs prétentions devant cette formation de la cour, ni quelles sources ils ont citées pour aider la Cour à rendre jugement. Il est toutefois clair que ces motifs ne mentionnent pas les méthodes d'interprétation décrites dans les arrêts Abrahams et Hills, ou Normandin, précités. Pour ces motifs, je ne crois pas que la courtoisie judiciaire m'oblige à suivre cette décision; voir Janssen Pharmaceutica Inc. c. Apotex Inc.[46]

CONCLUSION

[61]       Pour tous ces motifs, je suis d'avis de rejeter la demande présentée en vertu de l'article 28 avec dépens, de confirmer la décision du juge-arbitre et d'ordonner que l'affaire soit renvoyée à la Commission pour qu'elle tranche correctement la demande de prestations de la défenderesse en tenant compte de son droit à des prestations d'assurance-emploi conformément aux présents motifs.

                                                                                 « Julius A. Isaac »                     

                                                                                                  J.C.A.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         A-717-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :             Procureur général du Canada et Adriana Haberman

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                le 8 mai 2000

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR LE JUGE SEXTON

MOTIFS CONCORDANTS PRONONCÉS PAR LE JUGE STRAYER

MOTIFS DISSIDENTS PRONONCÉS PAR LE JUGE ISAAC

EN DATE DU :                                   21 juillet 2000

ONT COMPARU :

Me Gina Scarcella                               POUR LE DEMANDEUR

Me Janice Rodgers

Me Kenneth Krupat                            POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                              POUR LE DEMANDEUR

Sous-procureur général du Canada

Lang Michener                                   POUR LA DÉFENDERESSE

Avocats

Agents de brevets et marques

de commerce



     [1] L.C. 1996, ch. 23.

     [2] DORS/96-332, mod. par DORS/97-31, art. 24.

     [3] L.R.C. (1985), ch. U-1.

     [4] Id., par. 5(1) et art. 7.

     [5] Règlement sur l'assurance-emploi, précité, art. 94.

     [6] Loi sur l'assurance-emploi, précité, art. 8.

     [7] Loi sur l'assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23, par. 7(3).

     [8] Soit 18 semaines x 35 heures par semaine.

     [9] [1996]_A.C.F. no 1717 (C.A.).

     [10] (1994), 167 N.R. 98 (C.A.F.).

     [11] [2000] A.C.F. no 619 (C.A.).

     [12] Voir R. c. Phillips, [1983]_2 R.C.S. 161, à la p. 164 ( « La compétence ne peut s'acquérir par consentement. » ).

     [13] [2000] A.C.F. no 622 (C.A.).

     [14] L'alinéa 18.1(3)a) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, permet à la Cour d' « ordonner à l'office fédéral en cause d'accomplir tout acte qu'il a illégalement omis ou refusé d'accomplir [...]. »

     [15]       L.C. 1996, ch. 23.

     [16]       Dossier de demande du demandeur, p. 54.

     [17]       Dossier de demande du demandeur, p. 43.

     [18]       Id.,, p. 44.

     [19]       Id., p. 55.

    [20]       Id., p. 64.

     [21]       Id., p. 68.

     [22]       (1994) 174 N.R. 28 aux p. 31 et 32.

     [23]       [1998] 1 R.C.S. 982 à la p. 1004.

     [24]       [1997] 2 R.C.S. 890.

     [25]       [1993] 2 R.C.S. 230, à la p. 263.

     [26]       Ibid., par. 82.

     [27]       Codification administrative de 1996 de la Loi sur l'assurance-emploi et de dispositions législatives connexes, aux p. 1a et 2a.

     [28]       R. Sullivan, Driedger on the Interpretation of Statutes, 3rd ed., (Toronto, Butterworths, 1994) à la p. 376.

     [29]       [1983] 1 R.C.S. 2.

     [30]       [1988] 1 R.C.S. 513.

     [31]       [1998] 1 R.C.S. 27.

     [32]       Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21.

     [33]       Driedger, op. cit. p. 86 à 88.

     [34]       [1917] 33 D.L.R. 195 (C.P.).

     [35]       [1985] 1 R.C.S. 721.

     [36]       [1994] 2 R.C.S. 41.

     [37]       (9 décembre 1996), non publiée, A-733-95, [1996] A.C.F. (C.A.F.).

     [38]       (1994), 167 N.R. 98 (C.A.F.).

     [39]      Voir R. Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes, 3rd ed. (Toronto: Butterworths, 1994).

     [40]      [1994] A.C.F. No 228 (C.A.), en ligne : QL (ACF).

     [41]      [1996] A.C.F. no 1717 (C.A.), en ligne: QL (ACF).

     [42]      [2000] A.C.F. no 619 (C.A.), en ligne: QL (ACF).

     [43]      Ibid. at para. 4.

     [44]       Affidavit d'Ellen Vance, Dossier de demande du demandeur, p. 15.

     [45]       Arrêt non publié (10 mai 2000), A-89-99 (C.A.F.).

     [46]       [1997] A.C.F. no 169.

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