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     Date : 19980325

     Dossier : A-8-96

CORAM :      Le juge STRAYER

         Le juge DESJARDINS

         Le juge ROBERTSON

Entre :

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     appelante,

     - et -

     NEVILLE ROBINSON,

     intimé.

     JUGEMENT

     L'appel est accueilli, avec allocation à l'appelante des frais et dépens devant la Cour comme devant la Cour canadienne de l'impôt. Le jugement en date du 5 décembre 1995 de cette dernière est annulé, et la cotisation établie par le ministre du Revenu national, confirmée.

     Signé : B.L. Strayer

     ________________________________

     J.C.A.

Traduction certifiée conforme,

Laurier Parenteau, LL. L.

     Date : 19980325

     Dossier : A-8-96

CORAM :      Le juge STRAYER

         Le juge DESJARDINS

         Le juge ROBERTSON

Entre :

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     appelante,

     - et -

     NEVILLE ROBINSON,

     intimé.

Audience tenue à Halifax le jeudi 12 février 1998

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le mercredi 25 mars 1998

MOTIFS DU JUGEMENT

PRONONCÉS PAR :      Le juge ROBERTSON

Y ONT SOUSCRIT :      Le juge STRAYER

     Le juge DESJARDINS

     Date : 19980325

     Dossier : A-8-96

CORAM :      Le juge STRAYER

         Le juge DESJARDINS

         Le juge ROBERTSON

Entre :

     SA MAJESTÉ LA REINE,

     appelante,

     - et -

     NEVILLE ROBINSON,

     intimé.

     JUGEMENT

Le juge ROBERTSON

[1]      Il s'agit en l'espèce de l'un des neuf appels formés contre la décision de la Cour canadienne de l'impôt, qui a jugé que les contribuables intéressés peuvent déduire de leur revenu leur part proportionnelle d'un paiement incitatif à la location de 1 200 000 $. Le ministre du Revenu national conteste cette décision par plusieurs motifs. Son principal argument est que le paiement en question a été fait par ces contribuables à eux-mêmes, et qu'un paiement à soi-même ne produit aucun effet sur le plan fiscal. Comme nous le verrons, cet argument juridique découle de la règle de common law qui ne reconnaît pas le contrat avec soi-même.

[2]      Par les motifs ci-après, je conclus que la caractérisation par le ministre de ce qui s'est passé est fondée. J'accepte également l'exposé innovateur du droit fiscal qu'il propose. Comme la décision de l'instance inférieure est maintenant rapporté dans le recueil 96 D.T.C. 1145 (C.C.I.), il suffit de rappeler les faits essentiels.

[3]      Le Dartmouth Medical Centre regroupait 18 médecins exerçant au sein d'une société (la société). Au début des années 1980, la société a songé à acquérir de nouveaux locaux pour servir de cabinets de consultation. En 1984, tous les 18 ont signé ce qu'ils appellent un accord de " cotenance " dans l'intention d'aménager un bâtiment à usage de bureaux, dans lequel la société prendrait des bureaux à bail. Le reste du bâtiment serait donné à bail. En fait, le soi-disant accord de cotenance était un accord sur la copropriété du fonds de terre à acquérir en fiducie par une compagnie à constituer à cette fin, laquelle ferait fonction de " mandataire ou simple fiduciaire " de la cotenance. C'est ainsi que le fonds de terre a été acquis par 1577349 Holdings Limited (le simple fiduciaire) en fiducie pour les 18 copropriétaires. Chaque copropriétaire détenait la même part dans la compagnie simple fiduciaire, qui devait construire et exploiter le nouveau bâtiment pour le compte de la cotenance.

[4]      L'accord de cotenance prévoyait que le titre de propriété du fonds de terre et " toutes recettes et pertes du fait de la propriété " devaient être détenus et reçus par les cotenanciers (ou plus exactement les copropriétaires) à titre de propriétaires en main commune. Par cet agencement de l'opération, chacun des 18 médecins revendiquerait par exemple sa part proportionnelle de la déduction pour amortissement. Dans le même temps, chacun d'eux détenait un droit indivis sur le fonds de terre avec les autres médecins, préservant ainsi son droit de transférer sa part dans ce fonds de terre à un tiers, conformément aux stipulations de l'accord de cotenance.

[5]      Le 21 mai 1985, la société et le simple fiduciaire ont signé un bail par lequel la première s'engageait à prendre à bail les cinq étages supérieurs de l'immeuble et une partie du sous-sol. Ce bail prévoyait aussi un paiement incitatif à la location de 1 200 000 $. L'argent a été recueilli au moyen d'un emprunt contracté par le simple fiduciaire en qualité de propriétaire en titre du fonds de terre, et garanti par chaque membre de la société. Aux termes du bail, la société paierait le loyer entre les mains du simple fiduciaire. La société, donc les associés individuels, voyaient dans ce paiement une dépense professionnelle. Les cotenanciers y voyaient un revenu du point de vue comptable et fiscal. Ni les recettes provenant du loyer ni les dépenses y relatives n'étaient incluses dans le calcul du revenu imposable du simple fiduciaire. En bref, toutes les recettes réalisées et dépenses engagées par celui-ci au titre du bâtiment sont passées aux cotenanciers.

[6]      Le paiement incitatif à la location de 1 200 000 $ n'était pas inclus dans le revenu des contribuables en l'espèce à titre de revenu de la société, que ce soit aux fins comptables ou fiscales. Il est manifeste qu'ils y voyaient un avantage non imposable au titre du capital. Par suite, aucun d'eux n'a inclus dans son revenu déclaré les 66 666 $ reçus. Il s'agissait là d'une présomption commune avant l'adoption de l'alinéa 12(1)x) de la Loi de l'impôt sur le revenu (voir Ikea c. La Reine, [1998] S.C.J. No. 15). Par contre, en calculant le revenu tiré de l'immeuble pour les années d'imposition 1985 à 1988, chacun des médecins a déduit sa part respective du paiement incitatif versé par le simple fiduciaire à la société, à titre de dépense locative différée, amortie sur dix ans. En somme, chacun de ces contribuables revendiquait une déduction au titre du paiement incitatif à la location, mais aucun d'eux n'incluait dans son revenu le montant reçu à l'égard de l'une quelconque des années d'imposition en question.

[7]      Le ministre a procédé au redressement de la dette fiscale de chaque médecin en refusant la déduction de sa part proportionnelle du paiement incitatif fait par le simple fiduciaire à la société et du surcroît d'hypothèque contracté pour financer ce paiement de 1 200 000 $. Douze des 18 médecins ont interjeté appel devant la Cour de l'impôt. [Trois des appels formés par le ministre devant notre Cour ont été accueillis par consentement de part et d'autre, ce qui laisse neuf appels à entendre.]

[8]      Devant la Cour de l'impôt, le ministre soutenait : (1) que le paiement incitatif à la location n'était pas une dépense engagée en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien au sens de l'alinéa 18(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu; (2) que la déduction en réduirait abusivement ou artificiellement le revenu de ces contribuables au sens de l'article 245; et (3) que ce paiement n'était pas " raisonnable " au sens de l'article 67. En bref, l'avocat représentant le ministre soutenait qu'il " est artificiel et abusif de la part du bailleur de se verser à lui-même un paiement incitatif à la location " (Motifs de la décision, p. 1150). Le juge de la Cour de l'impôt, écartant cet argument, a conclu que le vrai problème tenait au défaut de la part du ministre d'établir une nouvelle cotisation contre ces contribuables par ce motif que le paiement incitatif à la location aurait dû être inclus dans le revenu, auquel cas l'opération tout entière aurait été pour rien du point de vue des avantages fiscaux. En d'autres termes, le ministre s'était trompé sur l'élément qu'il fallait cotiser dans l'opération. Quant à l'argument proposé par le ministre que les contribuables contractaient avec eux-mêmes, le juge de la Cour de l'impôt s'est prononcé en ces termes, page 1150 :

     [TRADUCTION]

     Il est parfaitement manifeste dans ces appels que le bailleur et le locataire ne sont pas des entités distinctes sans lien de dépendance. Les 18 docteurs qui étaient les bailleurs en leur qualité de cotenants étaient les mêmes docteurs/associés qui étaient locataires de la société DMC. La transaction entre deux entités liées pourrait compromettre le caractère raisonnable du paiement incitatif à la location, mais elle n'affecte pas le principe consistant en la question de savoir si le bailleur peut faire et déduire pareil paiement.         

[9]      Il appert que le juge de la Cour de l'impôt a envisagé la question sous l'angle de l'opération avec lien de dépendance entre deux entités juridiques séparées ou distinctes. Le ministre soutient maintenant que ce juge a commis une erreur faute d'avoir pris acte que, juridiquement parlant, les 18 docteurs payaient 1 200 000 $ à eux-mêmes. Il rejette en outre la conclusion qu'il s'était trompé sur l'élément à cotiser dans l'opération. Je partage ces deux arguments.

[10]      Le succès de cet appel dépend de la question de savoir si, sur le plan juridique et fiscal, le bail donnant lieu au paiement incitatif à la location a été conclu par deux entités juridiques distinctes. C'est ce que présumait le juge de la Cour de l'impôt et, sur appel, l'avocat représentant les contribuables soutient que la société et la cotenance sont des entités juridiques distinctes [Mémoire des intimés, paragraphe 13]. Je ne peux accepter cette caractérisation de la société et de la cotenance. Les motifs ci-après portent sur deux questions : qui était le bailleur et qui était le locataire? J'examinerai en premier lieu la prétention que la société était la locataire. Il y a lieu de noter en passant que ni l'une ni l'autre partie ne mentionnait la loi dite Partnership Act de la Nouvelle-Écosse, R.S.N.S. 1989, c. 334; je présume donc que ce texte de loi ne modifie pas les principes de common law en la matière.

[11]      Il est de droit en common law qu'une société n'est pas une personne juridique, distincte des associés. En effet, ce sont le défaut de personnalité juridique distincte et la responsabilité limitée qui distinguent la société de la personne morale. À cet égard, la Loi de l'impôt sur le revenu reconnaît le défaut de personnalité juridique de la société, qu'elle n'assimile pas à un contribuable. Il est vrai qu'une société doit faire une déclaration annuelle de son revenu, mais ce sont les associés qui doivent payer l'impôt sur ce revenu. Au point de vue fiscal, une société n'est considérée comme " une personne distincte résidant au Canada " qu'aux fins du calcul du revenu au niveau de la société. De cette façon, la part de chaque associé dans le revenu peut être déterminée en conséquence; v. l'alinéa 96(1)a).

[12]      Puisque la société n'est pas une entité juridique distincte, ni en common law ni du point de vue fiscal, il est de droit strict que les véritables locataires en vertu d'un bail signé par la société sont les associés pris individuellement à la date du bail. Le droit sur le fonds de terre, qu'il s'agisse de tenure franche ou de tenure à bail, ne peut appartenir à une non-entité qu'est la société; v. A.B. Oosterhoff, W.B. Rayner, Anger and Honsberger Law of Real Property, vol. 2 (Toronto : Canada Law Book, 1985), page 1256. En l'espèce, chacun des 18 médecins associés doit être réputé avoir été un locataire en vertu du bail du 21 mai 1985. Il reste à examiner si les 18 mêmes médecins étaient aussi les bailleurs. Avant de passer à cette question, il faut se rappeler que les principes juridiques évoqués supra ne sont pas affectés par le fait que dans certains ressorts, il est possible d'intenter, en application des règles de procédure civile, une action pour ou contre les associés au nom de la société. Pareilles règles de procédure n'affectent cependant pas la responsabilité personnelle des associés mais visent à surmonter les obstacles de procédure imposés par la common law; v. Re Thorne and New Brunswick Workmen's Compensation Board (1962), 33 D.L.R. (2d) 167 (C.S.N.-B., D.A.). J'en viens maintenant à la question de savoir qui était le bailleur en l'espèce.

[13]      À la lumière des principes de droit en matière de mandat, il est évident que le simple fiduciaire ne peut être réputé être le bailleur. En premier lieu, il faut se rappeler que le simple fiduciaire détient en fiducie la propriété à la disposition absolue et au bénéfice absolu des bénéficiaires, en l'occurrence les 18 copropriétaires. Selon la " déclaration de fiducie ", le simple fiduciaire n'était que leur mandataire. Il est axiomatique que si le mandataire conclut un contrat avec un tiers pour le compte et avec l'autorisation d'un mandant connu, celui-ci peut poursuivre le tiers et être poursuivi par lui au sujet de ce contrat. Autrement dit, un lien contractuel direct est créé entre le mandant et le tiers par les actes du mandataire, lequel n'en devient pas une partie à ce lien. Tels sont l'objet et le sens mêmes des règles de droit régissant le mandat; v. G.H.L. Fridman, Law of Agency , 7d, 1996, page 216.

[14]      Il résulte de ce qui précède que lorsque le simple fiduciaire signa le bail avec la société le 21 mai 1985, il l'a fait en tant que mandataire des 18 copropriétaires. Il n'était pas une partie à ce contrat. En leur qualité de mandants, les 18 copropriétaires doivent être réputés être les bailleurs, à moins que la cotenance ne soit considérée comme une entité juridique, séparée et distincte des 18 médecins qui étaient aussi les locataires en vertu de ce bail. Je conviens avec le ministre que la cotenance n'est pas en droit une entité juridique distincte, ni d'ailleurs une entité imposable. Elle ne sert qu'à faire foi du lien contractuel entre 18 personnes qui partagent les recettes et dépenses d'une entreprise locative. Au mieux, on pourrait dire qu'elle s'apparente à un contrat de société, ce qui ne serait d'ailleurs d'aucun secours pour ces contribuables. Ayant décidé d'organiser leur entreprise selon la formule du simple fiduciaire, ils ne peuvent maintenant se soustraire aux conséquences juridiques qui en découlent. Les 18 médecins associés et cotenants étaient à la fois locataires et bailleurs en vertu du bail.

[15]      La seule question qu'il reste à résoudre se rapporte aux conséquences fiscales du fait que ces contribuables se sont versé à eux-mêmes un paiement incitatif à la location. Il suffit, à ce propos, de se référer à l'alinéa 18(1)a) de la Loi, qui interdit de déduire un débours ou dépense sauf s'il a été " fait ou engagé par le contribuable en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien ". Dans Royal Trust Co. v. M.N.R. , [1957] C.T.C. 32 (C.É.), cette disposition a été expliquée comme suit (page 42) :

     [TRADUCTION]

     Ainsi donc, on peut poser catégoriquement que dans une affaire touchant la Loi de l'impôt sur le revenu, la première question à examiner pour juger si un débours ou dépense échappe à l'interdiction [de l'alinéa 18(1)a)] est de savoir s'il a été fait ou engagé par le contribuable conformément aux principes ordinaires d'échanges commerciaux ou aux usages commerciaux reconnus. Si la réponse est négative, l'affaire est réglée. Dans le cas contraire, la déduction est légitime à moins que le débours ou dépense n'échappe à l'exception expressément prévue [à l'alinéa 18(1)a)] et ne tombe ainsi sous le coup de son interdiction"         

[16]      Une fois adoptée l'analyse ci-dessus, il faut se demander si un paiement qu'on fait à soi-même est conforme aux principes ordinaires d'échanges commerciaux ou aux usages commerciaux reconnus. Les contribuables n'ont produit aucune preuve ou témoignage à ce sujet, et cela se comprend. À la lumière des faits de la cause, l'élément manquant est " le marché " qui est le propre de tout contrat commercial.

[17]      Abstraction faite des subtilités juridiques en jeu, il ne faut pas oublier que ce que ces contribuables ont fait en l'espèce n'est pas du tout différent du cas de figure suivant. Deux médecins exerçant sous forme de société à Dartmouth décident de déménager leur cabinet de consultation à Halifax. Ils y trouvent un immeuble qui convient à leurs besoins. Ayant à décider s'il fallait acquérir le terrain et l'immeuble par un holding ou en leur capacité personnelle, ils ont choisi d'acquérir le terrain à titre de propriétaires en main commune. Ils savent aussi que s'ils prenaient à bail des bureaux à Halifax d'un tiers, ils auraient eu droit à un paiement incitatif à la location. En conséquence, ils conviennent de se payer à eux-mêmes la somme qu'ils auraient reçue s'ils avaient pris à bail les locaux d'un tiers. Bien que le paiement incitatif à la location eût pu être considéré comme raisonnable au sens de l'article 67 de la Loi, la réalité est que tout ce que ces deux associés ont fait, c'était de faire passer l'argent d'une poche à une autre dans l'espoir d'y gagner certains avantages fiscaux. Bien qu'ils puissent probablement revendiquer leur part proportionnelle de la déduction pour amortissement, ils ne peuvent prétendre être à la fois bailleurs et locataires. À supposer qu'ils le fassent, la doctrine de la confusion entrerait en jeu, mais cette question n'a aucun rapport avec l'affaire en instance.

[18]      À l'appui de son argument qu'un paiement à soi-même ne saurait donner lieu à une déduction fiscale, le ministre aurait pu aussi invoquer la règle de common law qui interdit le contrat avec soi-même. Pareil principe général est bien logique, tout comme le principe qui interdit d'agir en justice contre soi-même; v. Simpson v. Thompson (1877), 3 App. Cas. 279 (H.L.). Mais comme pour tous les principes, il y a des exceptions. Il est certainement possible qu'un associé d'une société puisse donner à bail un immeuble à cette dernière, sans pour autant contrevenir au principe qui interdit le contrat avec soi-même; v. Brenner v. Rose, [1973] 1 W.L.R. 443. Les individus peuvent assumer plus d'une personnalité juridique et, de ce fait, peuvent contracter avec eux-mêmes en différentes qualités. Par exemple, en ma qualité d'exécuteur testamentaire, je pourrais contracter une obligation à titre de légataire dans le cadre du même testament. Pareil contrat pourrait produire des effets juridiques bien qu'au point de vue formel, il puisse sembler que je contracte avec moi-même; v. J.M. Perillo, Corbin on Contracts, vol. 1 (St. Paul : West Publishing, 1993), page 311.

[19]      Je ne vois rien qui permette de conclure que les 18 copropriétaires assumaient une autre qualité lorsqu'ils convenaient, par leur mandataire, de se verser à eux-mêmes un paiement incitatif à la location. La cotenance eût-elle été formée de 18 personnes dont cinq seulement étaient membres de la société, on pourrait soutenir que l'effet juridique aurait été différent parce que l'élément " marché " serait présent. Mais en l'espèce, le fait est que les 18 personnes qui formaient la société étaient celles-là mêmes qui formaient la cotenance. J'en conclus que l'accord portant versement du paiement incitatif à la location de 1 200 000 $ n'avait aucun effet juridique, et qu'il ne saurait être considéré comme un débours ou dépense fait ou engagé dans le but de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien, au sens de l'alinéa 18(1)a) de la Loi.

[20]      Avec du recul, on peut voir que la stratégie fiscale poursuivie par ces contribuables était vouée à l'échec, une fois qu'ils ont décidé d'acquérir et de mettre en valeur le fonds de terre en se servant d'un mandataire et simple fiduciaire, au lieu du " holding " conventionnel. La croyance que chacun d'entre eux pourrait revendiquer sa part proportionnelle de la déduction pour amortissement et l'espoir de revendiquer une déduction relative au paiement incitatif à la location sans inclure un montant correspondant dans le revenu, ont dû être irrésistibles. Malheureusement pour eux, toute stratégie fiscale a des limites reconnues. En l'espèce, ces limites sont imposées par les principes de droit régissant les personnes morales.

[21]      Par ces motifs, l'appel est accueilli, avec allocation à l'appelante des frais et dépens devant la Cour comme devant la Cour canadienne de l'impôt. Le jugement en date du 5 décembre 1995 de cette dernière est annulé, et la cotisation établie par le ministre du Revenu national, confirmée. Les présents motifs constitueront les motifs de jugement dans les appels connexes suivants : A-10-96, A-11-96, A-12-96, A-13-96, A-15-96, A-16-96, A-17-96.

     Signé : J.T. Robertson

     ________________________________

     J.C.A.

" Je souscris aux motifs ci-dessus.

     Signé : B.L. Strayer, J.C.A. "

" Je souscris aux motifs ci-dessus.

     Signé : Alice Desjardins, J.C.A. "

Traduction certifiée conforme,

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR D'APPEL FÉDÉRALE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :          A-8-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Sa Majesté la Reine c. Neville Robinson

LIEU DE L'AUDIENCE :          Halifax (Nouvelle-Écosse)

DATE DE L'AUDIENCE :      12 février 1998

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR LE JUGE ROBERTSON

Y ONT SOUSCRIT :          Les juges Strayer et Desjardins

LE :                      25 mars 1998

ONT COMPARU :

M. Roger Leclaire                  pour l'appelante

M. William Ryan                  pour l'intimé

M. James Cruickshank

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Le sous-procureur général du Canada      pour l'appelante

Stewart McKelvey Stirling Scales          pour l'intimé

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