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     Date: 19980120

     No du greffe: A-712-96

CORAM :      LE JUGE EN CHEF
             LE JUGE LINDEN
             LE JUGE McDONALD

ENTRE

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     appelant

     (intimé),

     et

     TIMOTHY JAMES HERBERT,

     intimé

     (requérant),

     et

     LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE,

     intimée

     (intimée).

Audience tenue à Toronto (Ontario), le lundi 19 janvier 1998.

Jugement rendu à l'audience à Toronto (Ontario), le mardi 20 janvier 1998.

MOTIFS DU JUGEMENT :      LE JUGE LINDEN

Y A SOUSCRIT :      LE JUGE McDONALD

MOTIFS DISSIDENTS PRONONCÉS

LE 23 JANVIER 1998 :      LE JUGE EN CHEF

     Date: 19980120

     No du greffe: A-712-96

CORAM :      LE JUGE EN CHEF
             LE JUGE LINDEN
             LE JUGE McDONALD

ENTRE

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     appelant

     (intimé),

     et

     TIMOTHY JAMES HERBERT,

     intimé

     (requérant),

     et

     LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE,

     intimée

     (intimée).

     MOTIFS DU JUGEMENT

     (Rendus à l'audience à Toronto (Ontario),

     le mardi 20 janvier 1998.)

LE JUGE LINDEN :

[1]      Il s'agit d'un appel de la décision par laquelle la Section de première instance, dans le cadre d'un contrôle judiciaire, a ordonné qu'une décision du 10 décembre 1993 de la Commission canadienne des droits de la personne, rejetant la plainte qui avait été présentée, soit renvoyée à la Commission pour nouvelle décision. Je souscris à cette décision, mais je ne souscris pas aux motifs que la Commission a énoncés à l'appui.

[2]      J'estime, et tous les avocats étaient d'accord avec moi, que la Commission n'a aucune obligation générale d'informer le plaignant d'une façon expresse qu'elle est légalement autorisée à rejeter une plainte conformément au sous-alinéa 44(3)b)(i) de la Loi. (Voir Slattery c. CCDP, A-116-94, 26 mars 1996, juge Hugessen).

[3]      Le principe selon lequel la Commission n'est pas tenue de suivre la recommandation de l'enquêteur, soit de désigner un conciliateur conformément au paragraphe 47(1) de la Loi, n'est pas non plus remis en question. Il est également clair qu'il n'est pas normalement nécessaire d'énoncer des motifs lorsque ce pouvoir discrétionnaire reconnu par la loi est exercé. (Voir Mercier c. Canada [1994] 3 C.F. 3, à la page 15, juge Décary).

[4]      À mon avis, la principale question qui est ici en litige est de savoir si, compte tenu de ces faits particuliers, la Commission a commis un déni d'équité procédurale.

[5]      En résumé, les faits sont que M. Herbert, qui portait un stimulateur cardiaque, s'est sommairement vu refuser la possibilité de présenter une demande auprès de la GRC à cause des opinions désuètes que cette dernière avait au sujet des connaissances médicales existantes. M. Herbert s'est plaint à la CCDP, qui a entrepris une enquête, à la suite de laquelle la GRC, en analysant la nouvelle preuve médicale, a finalement reconnu s'être trompée. Des discussions ont eu lieu au cours desquelles la GRC a fait une offre de transaction, en mars 1993, sans admettre sa responsabilité, permettant à M. Herbert de poser sa candidature de la façon ordinaire et offrant en outre de verser à celui-ci la somme de 2 000 $ à titre de dommages-intérêts. Cela ne satisfaisait pas complètement M. Herbert, qui estimait qu'on l'avait empêché pendant cinq ans de réaliser son rêve de se joindre à la GRC et que la somme offerte n'était pas proportionnée au préjudice qu'il avait subi. Un rapport d'enquête dans lequel on proposait qu'un conciliateur soit désigné en vue de tenter de régler l'affaire a été soumis le 25 mars 1993. La Commission a invité M. Herbert à présenter ses observations au sujet du rapport, ce qu'il a fait le 14 avril 1993, en exprimant les préoccupations qu'il avait au sujet de la discrimination future possible et d'autres questions. Le 27 octobre 1993, la Commission a invité M. Herbert à présenter également des observations au sujet de l'offre de transaction qui avait été faite, ce qu'il a fait par une lettre datée du 10 novembre 1993 dans laquelle il disait que le montant offert était insuffisant et qu'il était trop tard pour poser encore une fois sa candidature étant donné qu'il s'était lancé dans une nouvelle carrière. Dans sa lettre, M. Herbert demandait à comparaître personnellement devant la Commission. Au cours des procédures devant la Commission, M. Herbert n'a jamais été représenté par un avocat.

[6]      À la suite de ces communications, la Commission a décidé, le 10 décembre 1993, que [TRADUCTION] "compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l'examen de la plainte n'[était] pas justifié". Dans sa décision, la Commission ne mentionnait que les observations présentées par M. Herbert le 14 avril 1993, mais les avocats ont convenu que la Commission avait également à sa disposition la lettre de M. Herbert du 10 novembre 1993.

[7]      Devant nous, l'avocat de la GRC a fait savoir que, malgré le rejet de la plainte, l'offre de transaction était encore valable, mais l'avocat de M. Herbert s'est montré surpris, croyant apparemment que l'offre avait cessé de s'appliquer au moment du rejet de la plainte.

[8]      À notre avis, compte tenu des faits uniques en leur genre de l'espèce et de la confusion apparante qui existait, les mesures prises par la Commission ont peut-être bien amené M. Herbert à croire que la décision du 10 décembre 1993 portait sur la question de savoir si la transaction que la GRC avait proposée était adéquate ou, subsidiairement, sur la question de savoir si l'affaire devait être renvoyée à un conciliateur, comme l'enquêteur l'avait recommandé. Il n'avait jamais semblé à l'intimé, qui n'était pas représenté par un avocat, compte tenu du déroulement de l'instance, que la Commission envisageait le rejet de sa demande en entier à ce stade, étant donné en particulier qu'il avait demandé à comparaître personnellement devant celle-ci.

[9]      À mon avis, compte tenu des circonstances précises de cette affaire complexe et confuse, l'équité exigeait que la situation véritable soit expliquée à M. Herbert et qu'une possibilité de présenter des observations lui soit ensuite donnée. Par conséquent, la norme d'équité n'a pas été respectée.

[10]      Les présents motifs ne visent pas du tout à influer sur la décision que la Section de première instance a rendue dans l'affaire Fortin c. Canadien Pacifique Limitée, [1996] A.C.F. no 947, dont les faits sont considérablement différents de ceux de la présente espèce, et qui fait l'objet d'un appel devant cette cour.

[11]      Je me vois contraint de dire qu'il serait malheureux, dix ans après la présentation de la demande initiale et après cinq années de litige, d'avoir à recommencer tout le processus. La GRC semble maintenant avoir reconnu d'une façon responsable l'injustice de la position qu'elle avait prise à l'égard des stimulateurs cardiaques et elle a effectué des changements. Elle a offert ce qu'elle estimait être à l'époque une offre pécuniaire raisonnable. Le plaignant, qui avait initialement été traité d'une façon inéquitable, s'est vaillamment battu pour remédier à l'injustice, mais il ne s'est jamais joint à la GRC, ce qui lui a causé un grave préjudice. La Commission a toujours été de bonne foi, et ce, même si j'ai conclu que sa procédure laissait à désirer. J'espère que les parties, qui semblent toutes honnêtement avoir voulu régler l'affaire d'une façon équitable, pourront rapidement en arriver à une entente satisfaisante. Si elles ne réussissent pas à le faire, la Commission acceptera sans doute, en examinant de nouveau l'affaire à la lumière de ces motifs, la recommandation figurant dans le rapport et désignera un conciliateur, qui aidera alors les parties à en arriver à un compromis raisonnable.

[12]      L'appel devrait être rejeté, seuls les dépens de l'appel étant adjugés.

                         "A.M. Linden"
                                 J.A.

Toronto (Ontario),

le 20 janvier 1998.

Traduction certifiée conforme

François Blais, LL.L.

     Date: 19980123

     No du greffe: A-712-96

CORAM :      LE JUGE EN CHEF
             LE JUGE LINDEN
             LE JUGE McDONALD

ENTRE

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     appelant,

     (intimé),

     et

     TIMOTHY JAMES HERBERT,

     intimé,

     (requérant),

     et

     LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE,

     intimée,

     (intimée).

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE EN CHEF :

[1]      J'ai lu les motifs que mon collègue, le juge Linden, a préparés. Malheureusement, je ne puis souscrire à la décision proposée. J'énoncerai donc brièvement mes motifs. Le paragraphe essentiel de l'ordonnance du juge des requêtes se lit comme suit :

         IL EST ORDONNÉ aux présentes que cette affaire soit renvoyée à la Commission pour réexamen conformément au droit applicable et à ces motifs. Plus particulièrement, le requérant doit avoir la possibilité de faire des observations sur la régularité du rejet de sa plainte par la Commission sans motifs en dépit de la recommandation de l'enquêteur visant la nomination d'un conciliateur.                 

Les motifs de la décision sont brefs et je les reproduirai au complet :

         La Commission a rendu sa décision conformément au sous-alinéa 44(3)b)(i) de la Loi. J'ai exprimé des réserves à l'égard du recours de la Commission à cette disposition dans un autre arrêt, Louis Fortin c. Canadien Pacifique Limitée ("CP Rail") (le 10 juillet 1996), T-2989-94, dans lequel j'ai écrit que :                 
             . . . même les décisions dans les domaines les plus fondamentaux de l'administration doivent respecter l'équité. Le requérant doit avoir la possibilité de savoir ce qu'il doit établir et de réfuter la preuve ou les allégations et notamment, de mettre en doute la pertinence de rejeter sans motifs une plainte sur le fondement du sous-alinéa 44(3)b)(i). En l'espèce, toutefois, à la suite de la recommandation de l'enquêteur voulant qu'un conciliateur soit nommé et sans donner une telle possibilité au requérant, la Commission a rendu sa décision en s'appuyant sur cette disposition législative.                         
         La Commission a agi de façon identique dans la présente affaire et je dois la rejeter pour les mêmes motifs.                 

[2]      Je retiens les faits tels qu'ils ont été énoncés par mon collègue, mais j'ajouterais les remarques suivantes :

     a.      le rapport de l'enquêteur contient entre autres les remarques suivantes :

         [TRADUCTION]                 
         19.      Par une lettre datée du 17 février 1993, l'intimée a informé l'enquêteur de ce qui suit :                 
                 Le directeur des services de santé nous a informés que l'état de santé de M. Herbert ne l'empêche plus de présenter une demande d'emploi auprès de la GRC. J'ai joint, pour votre gouverne, une lettre dans laquelle le docteur Trottier énonce notre point de vue sur le plan médical. Vous remarquerez que cet avis a été exprimé à l'égard du particulier ici en cause et qu'il ne s'agit pas d'une acceptation générale s'appliquant à toutes les personnes qui portent un stimulateur cardiaque.                                 
                 Vous pouvez maintenant informer M. Herbert que nous sommes prêts à accepter sa candidature au sein de la GRC. Bien sûr, il sera assujetti aux critères qui s'appliquent normalement à la sélection des recrues. Le commandant de la division "O" a été informé de cette décision.                                 
         20.      Le 18 février 1993, l'enquêteur a informé le plaignant de la position de l'intimée telle qu'elle est énoncée dans la lettre du 17 février 1993, en vue de tenter de régler la plainte dans le contexte de la procédure de règlement rapide de la Commission.                 
         21.      Par une lettre datée du 17 mars 1993, le plaignant a informé l'enquêteur que certains aspects de la position de l'intimée lui posaient des problèmes. Il signale que la déclaration selon laquelle "cet avis est exprimé uniquement à l'égard du stimulateur cardiaque et ne s'applique pas automatiquement aux autres aspects de l'état de santé du plaignant ou à l'égard des autres médicaments pris par celui-ci", le préoccupe d'une façon toute particulière.                 
         22.      Selon la plainte, la preuve médicale empirique qui a été recueillie montre que le stimulateur cardiaque remédie au problème de santé du plaignant. Le plaignant signale qu'il ne prend pas de médicaments pour ce problème ou pour quelque autre trouble de santé. Il soutient que la position prise par l'intimée peut bien donner à cette dernière la latitude voulue pour le rendre inadmissible à cause de son état de santé.                 
     L'enquêteur a tiré les conclusions suivantes :
         23.      La preuve montre que le fait que le plaignant ait besoin d'un stimulateur cardiaque pour régulariser son rythme cardiaque ne l'empêchera pas d'assumer toutes les fonctions d'un gendarme, services généraux.                 
         24.      La preuve médicale laisse entendre que le stimulateur cardiaque est fiable à près de 100 p. 100. De plus, le dispositif exige un entretien minimal.                 
         26.      La preuve montre également que l'intimée a adopté une politique ou une pratique qui a pour effet de priver les personnes qui portent un stimulateur cardiaque de possibilités d'emploi à titre de gendarmes, services généraux.                 

     b.      L'enquêteur a recommandé, compte tenu de ses constatations, qu'un conciliateur soit désigné en vue de tenter d'en arriver au règlement de la plainte.

     c.      Il semblerait qu'avant de soumettre son rapport, l'enquêteur ait tenté de régler la plainte, étant donné que le dossier renferme deux documents (dossier d'appel, pages 23-25) montrant qu'il avait envoyé un projet de transaction à l'intimée par la poste, au début du mois de mars 1993. Les paragraphes 1 et 2 de ce dernier document sont ainsi libellés :

         [TRADUCTION]                 
         1.      Dans les soixante (60) jours de la date à laquelle la Commission canadienne des droits de la personne aura informé les parties qu'elle a approuvé cette transaction, l'intimée traitera la demande d'emploi que le plaignant a présentée en vue de travailler comme gendarme, services généraux, auprès de la GRC. Le plaignant sera assujetti aux procédures qui s'appliquent normalement en matière de recrutement et de sélection.                 
         2.      Dans les soixante (60) jours de la date à laquelle la Commission canadienne des droits de la personne aura informé les parties qu'elle a approuvé la transaction, l'intimée versera au plaignant la somme de deux mille dollars (2 000 $) pour le préjudice subi sur le plan des sentiments et de l'estime personnelle.                 

     d.      Une copie du rapport de l'enquêteur a été envoyée à l'intimé. Le 14 avril 1993, l'intimé a envoyé à la Commission une lettre disant notamment ceci (dossier d'appel, page 87) :

         [TRADUCTION]                 
         J'aimerais remercier la Commission canadienne des droits de la personne d'avoir enquêté à fond sur ma plainte. La durée de la procédure d'enquête me rend quelque peu perplexe, mais je crois bien qu'on en arrivera à un règlement mutuellement acceptable.                 

     e.      Dans cette lettre, l'intimé n'a pas fait d'observations au sujet de l'offre de transaction, de sorte que la Commission a demandé à l'enquêteur d'aller le voir et de s'assurer de sa position à cet égard. Dans sa réponse, l'intimé a énoncé en partie ses objections comme suit :

         [TRADUCTION]                 
         Après avoir poursuivi ma plainte pendant quatre ans, j'ai reçu une offre de transaction le 10 mars 1993. Comme il en a déjà été fait mention dans ma lettre du 17 mars 1993, je ne puis accepter l'offre de transaction à certains égards, notamment :                 
         1)      "Attendu que cet avis est exprimé uniquement à l'égard du stimulateur cardiaque et ne s'applique pas automatiquement aux autres aspects de l'état de santé du plaignant ou à l'égard des autres médicaments pris par celui-ci [...]"                 
         Compte tenu de l'examen subséquent que mes médecins ont fait et de l'interprétation qu'ils ont donnée, nous croyons que cette remarque est délibérément vague. La preuve médicale empirique qui a été recueillie montre que le stimulateur cardiaque règle mon problème de santé. Pourquoi l'offre de transaction ne le dit-elle pas? Pourquoi parle-t-on de médicaments? Je ne prends aucun médicament pour quelque raison que ce soit.                 
         Je crois que cette remarque donne à l'intimée la latitude nécessaire pour rejeter ma demande en se fondant sur mon état de santé, plutôt que sur le stimulateur cardiaque qui constituait le fondement de cette plainte.                 
         2)      J'estime également que la somme de 2 000 $ prévue par la transaction n'est pas adéquate et que cela est insultant (Voir l'annexe 3). Tout élément pécuniaire de la transaction doit comprendre un dédommagement pour :                 
         a)      LE PRÉJUDICE CAUSÉ À L'ESTIME PERSONNELLE ET AUX SENTIMENTS                 
         b)      LES DOMMAGES PUNITIFS                 
         c)      LE RETARD À TRAITER LA PLAINTE ET                 
         d)      LA PERTE DE SALAIRE POSSIBLE                 

     f.      Le plaignant a conclu sa réponse comme suit :

         [TRADUCTION]                 
         Au cours des cinq dernières années, j'ai terminé mes études universitaires, je me suis marié et je me suis lancé dans une carrière satisfaisante. L'intimée s'attend à ce que je sacrifie ma carrière actuelle pour avoir des chances minimes de devenir un gendarme, services généraux. Est-ce là une chose financièrement raisonnable? Je ne saurais abandonner ma carrière actuelle pour une possibilité d'emploi qui aurait dû m'être donnée il y a cinq ans. Je ne crois pas que l'offre de transaction règle adéquatement cette situation ou constitue un dédommagement adéquat.                 
         En conclusion, je crois que les renseignements que j'ai fournis expriment d'une façon adéquate mes préoccupations au sujet de cette offre de transaction. À mon avis, l'offre n'est pas raisonnable sur le plan financier ou moral. Je demande le privilège de présenter personnellement mon cas à la Commission à la prochaine séance. J'espère qu'il sera possible de faire droit à cette demande raisonnable. Si je puis vous être utile, n'hésitez pas à communiquer immédiatement avec moi.                 

[3]      L'enquêteur avait également envoyé une copie du rapport qui a été présenté à la GRC pour commentaires. La réponse, datée du 5 mai 1993, se lisait en partie comme suit :

         [TRADUCTION]                 
         J'ai examiné le rapport de l'enquêteur ainsi que la lettre que vous avez envoyée et j'ai des doutes sérieux au sujet de deux des conclusions de l'enquêteur. J'aimerais ci-dessous parler de ces observations et donner des explications additionnelles au sujet de notre position, à savoir que nous n'avons pas agi d'une façon discriminatoire à l'endroit de M. HERBERT.                 
         Étant donné que la demande a initialement été rejetée pour des raisons de santé, le rapport d'enquête a été soumis au directeur des services de santé pour examen. J'ai joint une lettre indiquant les préoccupations exprimées par celui-ci pour que vous puissiez les examiner; vous remarquerez qu'à son avis, la Gendarmerie royale du Canada a adopté une attitude responsable à l'égard de la question du traitement des demandes présentées par des candidats portant un stimulateur cardiaque.                 
         Il m'est fort difficile d'accepter la recommandation qui figure au paragraphe vingt-cinq (25) du rapport de l'enquêteur, où il est déclaré ceci : "La preuve montre également que l'intimée a adopté une politique ou une pratique qui a pour effet de priver les personnes qui portent un stimulateur cardiaque de possibilités d'emploi à titre de gendarmes, services généraux." Cette conclusion est inexacte. La GRC a le mandat de fournir des services de police partout au Canada et, compte tenu de cette responsabilité, elle veille à ce que ses agents soient physiquement capables d'assumer ces tâches de façon à ce qu'ils ne soient pas en danger et qu'ils ne présentent pas de danger pour leurs collègues ou le public.                 
         Ce n'est qu'après que le directeur des services de santé nous eut assuré que l'état particulier de M. HERBERT ne présentait pas de risques que nous avons informé l'enquêteur de la CCDP que le port du stimulateur cardiaque n'empêchait pas le plaignant de se porter candidat à un emploi au sein de la GRC. Pour des raisons médicales et pour des raisons de sécurité évidentes, nous ne pouvons faire une déclaration générale au sujet de l'admission des candidats qui portent un stimulateur cardiaque. Comme il en a été fait mention, nous devons examiner chaque cas en nous fondant sur les circonstances qui lui sont propres. Nous avions des préoccupations bien documentées à l'égard de l'admission des personnes portant un stimulateur cardiaque au sein de la GRC, mais cette directive a maintenant été révisée et chaque cas sera examiné au point de vue médical.                 
         Je remarque également les préoccupations que M. HERBERT a exprimées au paragraphe vingt-deux (22) au sujet de la position de la GRC, à savoir que la Gendarmerie est maintenant prête à accepter sa candidature, mais qu'il sera assujetti aux critères qui s'appliquent normalement à la sélection des recrues. Il faut se rappeler que cette demande n'a pas été traitée une fois qu'on a constaté que le candidat portait un stimulateur cardiaque. La Gendarmerie n'est absolument pas au courant des autres questions médicales et des autres questions d'aptitude et de sécurité qui pourraient se poser et il serait irresponsable de ne pas effectuer un examen complet de toutes ces questions connexes.                 
         Enfin, je ne vois pas la nécessité de désigner un conciliateur étant donné que la GRC a examiné les questions qui ont donné lieu à la plainte de M. HERBERT et qu'elle est maintenant tout à fait prête à accepter sa demande d'emploi.                 
         Nous croyons avoir réglé la situation d'une façon satisfaisante en modifiant la procédure de présentation des demandes pour tenir compte des progrès accomplis dans le domaine de la science médicale. Je crois que la proposition de règlement rapide préparée par l'enquêteur et apparemment rejetée par M. HERBERT constituait une transaction juste et équitable.                 

[4]      Après avoir examiné les documents susmentionnés et les autres documents qui ont été versés au dossier, la Commission a rejeté la plainte conformément au sous-alinéa 44(3)b)(i) de la Loi et a informé l'intimé de ce fait par une lettre datée du 10 décembre 1993 (dossier d'appel, p. 33). La lettre est en partie ainsi libellée :

         [TRADUCTION]                 
         La Commission canadienne des droits de la personne a examiné la plainte (T41271) que vous avez déposée contre la Gendarmerie royale du Canada le 6 juin 1989, et dans laquelle vous alléguez qu'il y a eu discrimination en matière d'emploi en raison de votre déficience. La Commission a également examiné les observations que vous avez présentées le 14 avril 1993.                 
         La Commission a décidé que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, aucun autre examen n'est justifié.                 
         Le dossier est donc clos.                 

[5]      J'ai ajouté les faits additionnels pour mettre l'accent sur le fait que, lorsqu'elle a rendu sa décision le 10 décembre 1993, la Commission disposait d'un dossier complet, notamment d'une indication des "parties" au sujet de l'attitude qu'elles avaient adoptée à l'égard de la transaction. Par conséquent, je ne suis pas surpris que la Commission ait décidé qu'il serait futile de retenir la recommandation de l'enquêteur voulant qu'un conciliateur soit désigné pour régler l'affaire. Pourquoi la Commission devrait-elle désigner un conciliateur conformément au paragraphe 47(1) de la Loi afin de tenter de régler la plainte lorsque la cause a été éliminée et qu'il reste uniquement à régler la question de l'indemnité pécuniaire? En outre, il était évident que ni l'une ni l'autre des "parties" n'était prête à céder sur la question du dédommagement.

[6]      À mon avis, la décision que la Commission a rendue était l'unique décision rationnelle qu'il lui était loisible de rendre dans les circonstances, étant donné que la GRC avait éliminé la cause de la plainte initiale de l'intimé et qu'il semblait peu probable qu'on en arrive à une transaction qui convienne à l'intimé sur le plan pécuniaire. À mon avis, la décision que la Commission a rendue relevait bien de son champ de connaissances. Elle n'était ni déraisonnable ni inéquitable sur le plan de la procédure ou au fond. Le juge des requêtes aurait dû la respecter. Il ne l'a pas fait. Par conséquent, j'accueillerais l'appel avec dépens, j'infirmerais la décision du juge des requêtes et je rejetterais la demande de contrôle judiciaire.

                                 "Julius A. Isaac"

                                

                                         Juge en chef

Toronto (Ontario),

le 23 janvier 1998.

Traduction certifiée conforme

François Blais, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Avocats et procureurs inscrits au dossier

NO DU GREFFE :      A-712-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :      LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     et

     TIMOTHY JAMES HERBERT

     et

     LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

DATE DE L'AUDIENCE :      LE 19 JANVIER 1998

LIEU DE L'AUDIENCE :      TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DISSIDENTS DU JUGE EN CHEF

ONT COMPARU :      Ian McCowan

    

         pour le procureur général du Canada,
         appelant (intimé)

     Patrick Clement

     Charles Roach

         pour Timothy James Herbert,

         intimé (requérant)

     Eddie Taylor

         pour la Commission canadienne des droits de la personne, intimée (intimée)

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

     George Thomson
     Sous-procureur général du Canada
         pour l'appelant (intimé)

     Charles Roach

     ROACH, SCHWARTZ ET ASSOCIÉS

     Avocats

     688, avenue St. Clair ouest

     Toronto (Ontario)

     M6C 1B1

         pour Timothy James Herbert,

         intimé (requérant)

     Eddie Taylor

     Commission canadienne des droits de la personne

     Place de ville, tour "A"

     320, rue Queen

     Ottawa (Ontario)

     K1A 1E1

         pour la Commission canadienne des droits de la personne, intimée (intimée)

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Date: 19980120

     No du greffe: A-712-96

ENTRE

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     appelant

     (intimé),

     et

     TIMOTHY JAMES HERBERT,

     intimé

     (requérant),

     et

     LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS

     DE LA PERSONNE,

     intimée

     (intimée).

     MOTIFS DU JUGEMENT

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