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Date : 20001005

Dossier : A-693-99

Ottawa (Ontario), le jeudi 5 octobre 2000

CORAM :         LE JUGE DÉCARY, J.C.A.

LE JUGE SHARLOW, J.C.A.

LE JUGE MALONE, J.C.A.

ENTRE :

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                          - et -

                                                              ROBERT PLASSE

                                                                                                                                             défendeur

                                                                   JUGEMENT

La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision du juge-arbitre est annulée et l'affaire est renvoyée devant le juge-arbitre en chef ou la personne qu'il désignera pour que la décision du conseil arbitral soit annulée et que l'affaire soit renvoyée devant le conseil pour une nouvelle audition et décision en conformité avec les présents motifs. Il n'y a pas d'ordonnance en ce qui concerne les dépens.

                                                                                                                                « Robert Décary »                 

                                                                                                                                                  J.C.A.

Traduction certifiée conforme

Martine Brunet, LL.B.


Date : 20001005

Dossier : A-693-99

CORAM :         LE JUGE DÉCARY, J.C.A.

LE JUGE SHARLOW, J.C.A.

LE JUGE MALONE, J.C.A.

ENTRE :

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                          - et -

                                                              ROBERT PLASSE

                                                                                                                                             défendeur

                 Audience ayant eu lieu à Halifax (Nouvelle-Écosse), le mardi 26 septembre 2000

                                 Jugement rendu à Ottawa (Ontario) le jeudi 5 octobre 2000

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :                                                      LE JUGE DÉCARY, J.C.A.

Y ONT SOUSCRIT :                                                                        LE JUGE SHARLOW, J.C.A.

                                                                                                             LE JUGE MALONE, J.C.A.


Date : 20001005

Dossier : A-693-99

CORAM :         LE JUGE DÉCARY, J.C.A.

LE JUGE SHARLOW, J.C.A.

LE JUGE MALONE, J.C.A.

ENTRE :

                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                          - et -

                                                              ROBERT PLASSE

                                                                                                                                             défendeur

                                                       MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DÉCARY

[1]         La question en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire est de savoir si le juge-arbitre a commis une erreur de droit ou de fait en concluant que les sommes versées au prestataire en règlement après son congédiement injustifié n'étaient pas une « rémunération » au sens où l'entend l'article 57 du Règlement sur l'assurance-chômage (le Règlement).


[2]         Les faits ne sont pas contestés. Le prestataire a été congédié au mois de novembre 1994. Il a demandé des prestations d'assurance-chômage parce qu'il avait été congédié. Il a alors déposé une plainte pour congédiement injustifié auprès du ministère du travail de la Nouvelle-Écosse, conformément au paragraphe 71(2) du code portant sur les normes du travail de la Nouvelle-Écosse le Labour Standards Code (R.S.N.S. 1989, ch. 246, et ses modifications) (le Code).

[3]         En octobre 1995, le directeur des normes du travail (le directeur), conformément au pouvoir que lui attribue l'article 21 du Code, a rendu une décision comportant deux ordonnances. La première ordonnance portait sur le versement de 28 470,09 $ devant être fait au tribunal des normes du travail pour le salaire perdu par le prestataire jusqu'au 27 octobre 1995. La deuxième ordonnance portait sur la réintégration [TRADUCTION] « par la suite » du prestataire [TRADUCTION] « avec son salaire hebdomadaire régulier et les autres avantages qui s'y rapportent » .

[4]         L'employeur a interjeté appel de la décision du directeur devant le tribunal des normes du travail de la Nouvelle-Écosse. Le 15 avril 1996, le jour précédant l'audience, le prestataire et l'employeur ont négocié un règlement d'un montant de 35 000 $.


[5]         En mai 1998, l'avocate du prestataire a avisé la Commission de l'assurance-emploi du Canada (la Commission) du règlement [TRADUCTION] « par lequel M. Plasse a renoncé à son droit d'être réintégré moyennant un versement forfaitaire de 35 000 $ » . L'avocate a également fait part de frais juridiques s'élevant à 10 826 $. Dans une lettre datée du 9 juin 1998, la Commission a avisé le prestataire que la somme de 35 000 $ (moins les frais juridiques de 10 826 $) constituait une rémunération et serait déduite de ses prestations. Le prestataire s'est par la suite fait demander de rembourser la somme de 7 970 $.

[6]         Le prestataire a interjeté appel devant le conseil arbitral (le conseil). Le conseil a accueilli l'appel, essentiellement sur la base de la déclaration écrite par l'avocate du prestataire selon laquelle les sommes reçues étaient fondées sur la renonciation par le prestataire de son droit d'être réintégré, et n'étaient donc pas une rémunération en vertu du Règlement. La Commission a interjeté appel de la décision du conseil devant un juge-arbitre.

[7]         Le juge-arbitre a confirmé la décision du conseil (CUB 46132, 10 septembre 1999, le juge Forget). Il a statué que [TRADUCTION] « les sommes versées en règlement dans la présente affaire ne sont pas une contrepartie pour un travail présent ou passé, mais elles portent plutôt sur un droit futur de réintégration » . Il a conclu en disant ce qui suit :

[TRADUCTION] [...] Les sommes versées n'étaient pas payables en raison d'un licenciement ou d'une cessation d'emploi, mais plutôt relativement à une ordonnance de réintégration rendue par le directeur des normes du travail de la province de la Nouvelle-Écosse.

[8]         Le juge-arbitre était d'avis que la décision de la Cour dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Vernon (1995), 189 N.R. 308 (C.A.F.) avait défini le terme « rémunération » comme une contrepartie du travail présent ou passé et que la Cour, dans l'arrêt antérieur Canada (Procureur général) c. Harnett (1992), 140 N.R. 308 (C.A.F.), n'avait pas expressément décidé qu'une indemnité versée pour renoncer à une demande ou à un droit de réintégration constitue une « rémunération » .


[9]         Je crois, avec égards, qu'il y a une faille évidente dans la décision du conseil qui aurait dû être signalée par le juge-arbitre comme il en ressort à la lecture du dossier.

[10]       La décision du directeur des normes du travail ne portait pas seulement sur la réintégration du prestataire. Elle ordonnait également à l'employeur de verser au prestataire la somme de 28 470,09 $ pour la perte de salaire. Le conseil a eu tort de se fonder uniquement sur l'affirmation intéressée de l'avocate pour conclure que le règlement (qui n'a pas été déposé au dossier) ne portait en aucun cas sur la perte de salaire. Le prestataire n'a pas pu s'acquitter de son fardeau d'appelant devant le conseil simplement du fait que son avocate a demandé au conseil de ne pas tenir compte de la première partie de la décision du directeur. Il n'existe tout simplement pas de preuve au dossier permettant de convaincre le conseil et, par la suite, le juge-arbitre que les sommes versées en règlement portaient seulement sur un droit futur de réintégration.

[11]       Le défaut de préciser quelle partie du règlement portait sur le salaire perdu (qui est sans conteste une « rémunération » aux fins de l'article 57 du Règlement) et quelle partie portait sur la renonciation au droit de réintégration du prestataire, est toutefois une erreur qui justifie un renvoi pour une nouvelle décision seulement si la décision de la Cour dans Harnett peut être écartée. Il serait peu logique de permettre à la présente affaire d'être réexaminée si Harnett était quoi qu'il en soit un obstacle insurmontable au succès de l'appel du prestataire devant le juge-arbitre.


[12]       L'arrêt Harnett peut, à mon avis, être écarté. Il portait sur le règlement d'une action pour congédiement injustifié intentée devant les tribunaux de la Nouvelle-Écosse. L'action a par la suite été modifiée pour y inclure une demande de réintégration en vertu du Labour Standards Code de la Nouvelle-Écosse. (L'avocate du prestataire a suggéré à l'audience que la modification effectuée dans Harnett n'était pas admissible, parce que seul le directeur des normes du travail peut accorder une demande de réintégration. Cette suggestion paraît être bien fondée, mais je préfère fonder mon analyse sur d'autres motifs.)

[13]       L'action de M. Harnett a été réglée avant l'audition de l'affaire. M. Harnett avait à maintes reprises offert de séparer la demande de réintégration du reste des revendications. L'employeur avait refusé. Par conséquent, à la fin, la demande de réintégration a disparu avec les autres revendications. Il n'a jamais été décidé si la demande de réintégration était bien fondée.

[14]       Il est bien établi qu'il n'existe pas de droit de réintégration en common law. Comme l'a indiqué le juge Marceau, J.C.A., dans l'arrêt Énergie atomique du Canada Ltée c. Sheikholeslami, [1998] 3 C.F. 349, à la page 357 (C.A.), les dispositions relatives au congédiement injustifié figurant dans différentes lois en matière de droit du travail par lesquelles des juges-arbitres ou d'autres autorités en droit du travail reçoivent le pouvoir d'ordonner la réintégration d'un employé « ont sans doute pour effet de modifier la règle traditionnelle selon laquelle l'exécution intégrale d'un contrat d'emploi ne peut en aucun cas être exigée » . J'estime qu'en conséquence le droit statutaire d'être réintégré est indépendant du droit d'être indemnisé pour congédiement injustifié.


[15]       En l'espèce, le règlement ne porte pas sur des revendications spéculatives dans une poursuite, mais sur des ordonnances réelles rendues par une autorité compétente après l'audition des revendications. Le prestataire avait un droit distinct et négociable d'être réintégré et l'employeur n'avait d'autre choix que de donner une valeur monétaire à ce droit. Nous ne traitons pas ici du même type de règlement que dans l'arrêt Harnett.

[16]       La décision de la Cour dans Canada (Procureur général) c. Tetreault et Joyal (1986), 69 N.R. 231, peut également être écartée en raison du fait qu'il n'y avait pas de droit de réintégration en litige.

[17]       En outre, il me semble que Harnett ait été éclipsé par Vernon à cause de la définition étroite donnée au mot « rémunération » dans Vernon. Il est impossible de dire maintenant qu'une somme versée à un employé pour qu'il renonce à son droit de reprendre son ancien poste a été « gagn[ée] grâce à son travail » ou a été « payée en considération du travail accompli » , pour utiliser les termes du juge Linden, J.C.A., au paragraphe 10 de ses motifs dans l'arrêt Vernon.


[18]       Si un règlement comporte à la fois une acceptation de la perte de salaire et une renonciation à un droit de réintégration accordé par l'autorité compétente, seul le premier constitue une « rémunération » et uniquement la valeur attribuable au premier est allouée aux termes de l'article 57 du Règlement. Il serait évidemment loisible à la Commission dans un cas précis de s'assurer qu'un prétendu règlement n'est pas un simple leurre pour contourner le régime de l'assurance-emploi en camouflant une indemnité pour perte de salaire en autre chose. De telles questions de fait peuvent être soulevées pour donner un effet approprié à la loi, dont l'objet a été décrit de la façon suivante par le juge Pratte, J.C.A., dans l'arrêt Procureur général du Canada c. Walford, [1979] 1 C.F. 768, à la page 772 (C.A.) :

La Loi de 1971 sur l'assurance-chômage établit un régime d'assurance en vertu duquel on accorde une protection aux prestataires contre la perte de revenu par suite du chômage. Ce régime a évidemment pour objet d'indemniser les chômeurs d'une perte; il n'a pas pour objet de verser des prestations à ceux qui n'ont subi aucune perte. Or, à mon avis, on ne peut pas dire que le chômeur que son ancien employeur a indemnisé de la perte de son salaire, a subi une perte. Une perte dont on a été indemnisé n'existe plus. La Loi et les Règlements doivent donc être interprétés, dans la mesure du possible, de manière à empêcher ceux qui n'ont subi aucune perte de revenu de réclamer des prestations en vertu de la Loi.

[19]       En fin de compte, il se peut que, dans la majorité des cas, le montant du versement excédentaire qu'un prestataire doit à la Commission sera tel qu'il sera couvert par cette partie d'un règlement qui entrerait dans la « rémunération » .

[20]       Le prestataire, dans la présente affaire, a été désinvolte en présentant si peu de preuve relativement au statut légal du versement de règlement. Il avait le fardeau de démontrer que le versement qu'il a reçu n'était pas une rémunération (voir Mayor c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1989), 97 N.R. 353 (C.A.F.)). Cependant, dans les circonstances, le prestataire a réussi à écarter l'arrêt Harnett et l'intérêt de la justice serait mieux servi s'il avait la possibilité de recommencer.


[21]       Par conséquent, même si j'accueille la demande de contrôle judiciaire déposée par Sa Majesté la Reine et que j'annule la décision du juge-arbitre, je renvoie l'affaire devant le juge-arbitre en chef, ou la personne qu'il désignera, en lui ordonnant d'annuler la décision du conseil arbitral et de renvoyer l'affaire devant le conseil pour nouvelle audition et décision en conformité avec les présents motifs. Je ne rends pas d'ordonnance en ce qui concerne les dépens.

                                                                                                                                « Robert Décary »                 

                                                                                                                                                  J.C.A.

« Je souscris à ces motifs

Karen R. Sharlow, J.C.A. »

« Je souscris à ces motifs

Brian Malone, J.C.A. »

Traduction certifiée conforme

Martine Brunet, LL.B.


                                                COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                             AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :                 A-693-99

INTITULÉDE LA CAUSE :            Sa Majesté la Reine c. Robert Plasse

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Halifax (Nouvelle-Écosse)

DATE DE L'AUDIENCE :             le 26 septembre 2000

MOTIFS DU JUGEMENT :             le juge Décary, J.C.A

Y ONT SOUSCRIT :                         le juge Sharlow, J.C.A.

le juge Malone, J.C.A.

EN DATE DU :                                  5 octobre 2000

ONT COMPARU :                                       

Mme Kathleen McManus                                              POUR LA DEMANDERESSE

Mme Karin A. McCaskill                                              POUR LE DEMANDEUR

Mme Lisa Gallivan

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                                                          POUR LA DEMANDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Stewart McKelvey Stirling Scales                                  POUR LE DÉFENDEUR

Halifax (Nouvelle-Écosse)


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